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     IMM-3195-96

ENTRE

     GURJEET SINGH SRAN,

     requérant,

     ET

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

         Le requérant, citoyen de l'Inde, demande le contrôle judiciaire de la décision en date du 7 août 1996 dans laquelle la section du statut de réfugié, de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, a conclu qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

         Il y a à déterminer principalement si la Commission a pris sa décision sans tenir compte des documents dont elle disposait, ayant méconnu les persécutions, les tortures passées du requérant, et son témoignage relativement à ses allégations selon lesquelles la police considérait qu'il avait des liens avec les militants. L'autre question se pose de savoir si la conclusion de possibilité de refuge intérieur tirée par la Commission était celle qu'il lui était loisible de formuler.

         La Commission ne s'est pas penchée sur l'allégation du requérant selon laquelle il avait été torturé au cours de trois arrestations et détentions. Le requérant a témoigné dans son Formulaire de renseignements personnels qu'il avait été gravement torturé à plusieurs reprises au cours des trois arrestations et que, à une occasion, il avait été tenu la tête en bas jusqu'à ce qu'il perde conscience. Il a également témoigné qu'il avait été battu et qu'on lui avait donné de la mauvaise nourriture à intervalles espacés. La Commission n'a pas tenu compte de ce témoignage sur les persécutions passées sauf en passant lorsqu'elle a dit à la page 5 de ses motifs :

         [TRADUCTION] Bien que la documentation corrobore généralement le témoignage du revendicateur selon lequel, au cours de l'année 1993, il a fait l'objet d'abus de la part de la police, et la police a tenté de lui extorquer de l'information et de l'argent, rien ne prouve qu'une telle pratique se poursuit compte tenu de la situation actuelle.

         La torture ne peut jamais être justifiée à quelque époque que ce soit, et il ne suffit pas de la qualifier simplement d'abus. La Commission n'a tiré aucune conclusion quant à la crédibilité du requérant. La seule conclusion portant sur la crédibilité du requérant se rapportait à une conclusion d'invraisemblance que j'examinerai plus loin. Il ne suffit pas de dire que le requérant a fait l'objet d'abus. Je conviens que la Commission, lorsqu'elle détermine si une personne satisfait à la définition de réfugié au sens de la Convention, aborde la possibilité de persécutions futures. Toutefois, à mon avis, il devrait y avoir aussi une reconnaissance claire des persécutions passées lorsqu'une victime a été torturée.

         Pour ce qui est du témoignage du requérant selon lequel il a été considéré par la police comme étant un partisan des militants, la Commission s'est exprimée en ces termes à la page 5 :

         [TRADUCTION] Le revendicateur n'a été accusé d'aucune infraction, et il n'est pas recherché comme partisan des militants. Le revendicateur n'était pas politiquement actif et n'était ni partisan ni membre de l'All India Sikh Student Federation, de l'Akali Dal ou d'autres organismes sikh. Malgré les épreuves que le revendicateur a connues en 1993 aux mains de la police, le tribunal conclut qu'il n'existe pas plus qu'une simple possibilité que le revendicateur soit persécuté par la police en tant que partisan présumé du militantisme sikh compte tenu de la situation actuelle.

         Bien que la Commission fasse généralement état des épreuves que le revendicateur a connues avec la police en 1993, il y a des cas particuliers que la Commission aurait dû examiner. Pour ce qui est de la première arrestation, le requérant a témoigné que la police avait pris sa photo et ses empreintes digitales pour le dossier, et l'avait informé qu'il devait lui fournir des renseignements sur toutes les activités militantes dans la région dont il avait connaissance. En second lieu, bien que la police ait libéré le requérant après avoir reçu des pots-de-vin à sa seconde arrestation et détention, la police a dit au conseil du village qu'elle soupçonnait que le requérant participait aux activités des militants, et la police a dit au conseil qu'elle rappellerait le requérant s'il le fallait. En troisième lieu, le requérant a témoigné que la police avait menacé, après la troisième arrestation, de le tuer s'il ne lui donnait pas de l'information sur les militants. Il était loisible à la Commission de rejeter le témoignage du requérant à cet égard; cependant, la Commission n'a pas dit si elle rejetait ou acceptait ce témoignage.

         À mon avis, la Commission a eu tort de ne pas tenir compte du témoignage sur les persécutions passées et du témoignage sur les points de vue de la police selon lesquels le requérant appuyait les militants. En conséquence de l'omission de tenir compte de ce témoignage, je ne peux déterminer si la conclusion de la Commission, relative à la situation actuelle du pays d'origine, serait la même si celle-ci avait analysé le témoignage concernant ces deux aspects. La Commission a conclu à la page

5 :

         [TRADUCTION] Compte tenu de la présence très réduite des militants sikh au Pendjab, le tribunal conclut également qu'il n'existe pas plus qu'une simple possibilité que le revendicateur soit persécuté par les militants dans l'éventualité de son retour au Pendjab.

         De plus, bien qu'il existe la preuve documentaire d'une présence réduite des militants au Pendjab, il n'y a aucune preuve de la réduction des activités policières contre les militants. En fait, la preuve qui indique une présence réduite des militants et la tentative des tribunaux de dédommager les gens qui avaient été battus par la police dit expressément que la défense de la police était que ces actes étaient justifiés, parce que le gouvernement désirait que la police exerce ces activités. La Commission n'a pas examiné la question de savoir si le revendicateur serait persécuté par la police dans l'éventualité de son renvoi au Pendjab, parce qu'elle n'a pas analysé la conséquence de ses persécutions passées ni les allégations, faites par la police, de son engagement avec les militants. En conséquence, l'affaire doit être renvoyée à un tribunal de composition différente pour nouvel examen.

         Pour ce qui est de la vraisemblance, j'estime que la conclusion de la Commission était celle qu'il lui était loisible de tirer. La conclusion de la Commission sur l'existence de la PRI ne saurait être confirmée. Encore une fois, la Commission n'a pas examiné tous les éléments de preuve. La seule preuve dont le tribunal disposait au sujet de la recherche par la police des militants et de leurs partisans indiquait qu'il était pratiquement impossible pour une personne de se cacher quelque part en Inde si la police du Pendjab la recherchait. Bien qu'il n'existe aucune méthode de communication formelle disponible, il semble qu'il y ait beaucoup d'ententes informelles qui permettent à la police du Pendjab de traquer toute personne qu'elle recherche. Comme la Commission n'a pas tenu compte du témoignage du requérant selon lequel la police le recherchait parce qu'il était partisan des militants, je ne suis pas en mesure de savoir ce que la conclusion de la Commission serait au sujet de l'existence d'une PRI. Les conclusions de la Commission sont limitées. La Commission a adopté la conclusion qu'elle a tirée dans une autre affaire. À la page 6, la Commission a

cité :

         [TRADUCTION] ...il existe à l'extérieur du Pendjab des communautés sikh permanentes, stables et qui ont réussi, et qu'il ne serait pas déraisonnable pour le revendicateur de s'intégrer dans l'une de ces communautés...

         Cette conclusion n'aborde pas la question de savoir si une personne qui a été recherchée par la police du Pendjab peut se cacher dans l'une de ces communautés. Le requérant à l'instance a pu quitter le pays en se rasant la barbe, en ayant les cheveux courts et en étant muni d'un faux passeport portant un nom différent. Il est beaucoup plus difficile pour une personne de maintenir un nom d'emprunt pendant un certain temps, à l'intérieur du pays, ci cette personne est réellement recherchée par la police. Ainsi que je l'ai dit ci-dessus, je ne peux tirer une telle conclusion et la question devra être tranchée par un tribunal de composition différente.

         Je ne sais pas s'il existait une preuve relative à la recherche d'un militant par la police, dans le cas cité par la Commission. Cependant, il n'existe en l'espèce aucune preuve documentaire qui contredit la preuve documentaire du requérant qui démontre que quiconque est recherché par la police n'est pas en sécurité dans un autre État. La Commission disposait d'une réponse en date du 22 avril 1994 à une demande de renseignements donnée par la Direction de la documentation, de l'information et des recherches. Le passage suivant figure à la page 12 :

         [TRADUCTION] Au cours d'un entretien téléphonique le 3 février 1994, un représentant d'Asia Watch à Washington, DC a donné les renseignements suivants. Les individus qui sont recherchés par la police dans un État de l'Inde ne peuvent trouver un refuge sûr dans un autre État. Il n'existe aucune possibilité de refuge intérieur pour les individus qui sont connus des autorités indiennes pour leurs activités antigouvernementales.

                 (non souligné dans l'original)

         Compte tenu de l'omission par la Commission de traiter de ce témoignage, la conclusion quant à l'existence d'une PRI ne tient pas. Il n'existe aucune preuve contraire à laquelle l'intimé pourrait me renvoyer pouvant contredire la preuve documentaire qui démontre que les gens recherchés par la police du Pendjab ne sont pas en sécurité dans un autre État.

         La demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l'affaire est renvoyée à la Commission pour qu'un tribunal de composition différente procède à un nouvel examen conforme aux présents motifs.

                                 W.P. McKeown

                                         Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 29 juillet 1997

Traduction certifiée conforme

                         Tan Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-3195-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :              GURJEET SINGH SRAN c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 25 juin 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE MCKEOWN

EN DATE DU                      29 juillet 1997

ONT COMPARU :

Helen Luzius                      pour le requérant

Godwin Friday                      pour l'intimé

                    

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Anne Weir                          pour le requérant

Toronto (Ontario)

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

                             pour l'intimé

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  IMM-3195-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :              GURJEET SINGH SRAN

                             et

                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 25 juin 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le juge McKeown

EN DATE DU                      29 juillet 1997

ONT COMPARU :

Helen Luzius                      pour le requérant

Goodwin Friday                      pour l'intimé

                    

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Helen Luzius                      pour le requérant

Toronto (Ontario)

Goodwin Friday                      pour l'intimé

Min. de la Justice

Toronto (Ontario)

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