Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     IMM-4224-96

Ottawa le 21 octobre 1997

En présence de : Monsieur le juge Wetston

ENTRE

     TUAN NIZAM OSSEN,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                             Howard I. Wetston

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

                         Tan Trinh-viet

     IMM-4224-96

ENTRE

     TUAN NIZAM OSSEN,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE WETSTON

         Le requérant, un citoyen sri-lankais âgé de 36 ans, est un Moor musulman - un des trois principaux groupes ethniques dont la population sri-lankaise est composée. Le requérant est originaire d'un village dans le district de Kurunegala du Sri Lanka central (situé à 93 km de Colombo). Sa famille et lui-même vivent à Colombo et dans les alentours, ainsi qu'à Vavuniya. Le requérant faisait partie de l'équipage d'un cargo lorsqu'il a déserté le navire pour demander le statut de réfugié au Port de Québec.

         La Commission a conclu que le requérant n'avait pas connu de persécutions antérieures au Sri Lanka, compte tenu de la preuve documentaire, du témoignage d'un témoin (Hemantha Jayanetti, qui l'avait engagé pour qu'il travaille à bord du cargo), du rapport d'un enquêteur privé commandé par le témoin, du fait qu'il n'était pas tamoul comme il l'avait prétendu, et de son évaluation du témoignage du requérant. La Commission a conclu que le témoignage du requérant n'était pas digne de foi, et qu'il n'avait pas raison de craindre d'être persécuté au Sri Lanka.

         La Commission a également conclu que certaines parties (pour ne pas dire toutes) du formulaire de renseignements personnels du requérant (FRP) avaient apparemment été divulguées aux enquêteurs privés engagés par son ancien employeur Jayanetti sans qu'il y consente. Toutefois, la Commission a conclu que le requérant n'était pas un réfugié "sur place" par suite de la divulgation. Selon la Commission, puisque la revendication du requérant était fausse, il ne courrait aucun risque de persécution plus grand aux mains des autorités sri-lankaises même si les détails de son FRP étaient divulgués à celles-ci.

         Dans la présente demande de contrôle judiciaire, il se pose trois questions :

         1.      La divulgation, en partie ou en tout, des renseignements figurant dans le FRP du requérant devrait-elle conduire à l'octroi d'une voie de recours extraordinaire?
         2.      Une telle divulgation fait-elle du requérant un réfugié sur place?
         3.      La Commission a-t-elle eu tort de n'avoir pas fait une appréciation raisonnable de tous les éléments de preuve dont elle disposait?

Conséquence de la divulgation des renseignements du FRP

         Le requérant prétend qu'un fonctionnaire du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration était responsable de la divulgation de certains renseignements figurant dans le FRP à

M. Jayanetti, qui a fourni ces renseignements aux enquêteurs privés qu'il a engagés au Sri Lanka.

         Il est clair qu'une partie ou la totalité du FRP a été révélée aux enquêteurs privés. La Commission n'a tiré aucune conclusion sur la façon dont le FRP a été divulgué ni sur la personne qui l'a fait. Il est probable que M. Jayanetti se soit mis en rapport avec les fonctionnaires du Ministère, et que ceux-ci le lui aient divulgué. Toutefois, il n'existe pas de preuve que les renseignements figurant dans le FRP ont été divulgués aux autorités policières sri-lankaises.

         À mon avis, il n'y a pas lieu, en l'espèce, d'appliquer une voie de recours fondée sur la Charte. Il n'a pas été établi que la divulgation de la teneur du FRP avait réellement affecté le droit du requérant à la justice fondamentale prévu à l'article 7 de la Charte.

         J'ai examiné l'argument invoqué par le requérant en vue de l'application de l'article 7 de la Charte. Bien qu'il existe peut-être des cas où la vie, la liberté et la sécurité d'une personne peuvent être touchées par une divulgation peu appropriée et inopportune de renseignements, tel n'est pas le cas de l'espèce. L'avocat du requérant fait valoir qu'il est probable qu'on se soit mis en rapport avec les autorités sri-lankaises et les ait informées des renseignements figurant dans le FRP du requérant. Toutefois, il n'existe aucune preuve pour justifier cet argument.

         De plus, les dispositions invoquées par le requérant ne prévoient pas un droit sans réserve à la confidentialité. L'article 69 de la Loi sur l'immigration établit plutôt une procédure de la tenue, "dans la mesure du possible", à huis clos des audiences de la Commission.

         Même si la divulgation du FRP du requérant constituait effectivement une violation de l'article 69 de la Loi, il ne s'ensuit nécessairement pas que le requérant a droit à une réparation, en soi, de cette violation. La Loi sur l'immigration ne prévoit pas de recours particuliers en conséquence d'une telle violation.

         À l'évidence, il peut y avoir un risque dans la divulgation des renseignements figurant dans le FRP. Il ne convient peut-être pas que le ministre le fasse. J'estime toutefois que, en l'espèce, la divulgation n'a ni entraîné une violation de la Charte ni donné lieu à une audition injuste de la revendication du statut de réfugié présentée par le requérant.

La divulgation fait-elle du requérant un réfugié sur place?

         La conclusion de la Commission selon laquelle le requérant n'était pas un réfugié sur place par suite de la divulgation des renseignements figurant dans le FRP était une conclusion qu'il lui était loisible de tirer. La Commission disposait d'amples éléments de preuve pour tirer une telle conclusion.

         Le requérant soutient que l'affaire G.F.Q. (Re), [1996] CRDD No. 18 (Q.L.) tranchée par la Cour est analogue à l'espèce, et il y a donc lieu d'appliquer cette décision. Je ne souscris pas à cet argument. L'affaire G.F.Q. (Re) se distingue clairement de l'espèce. Dans cette affaire, un fonctionnaire consulaire canadien a pris contact avec la police nigériane concernant le revendicateur, et a révélé que ce dernier avait présenté une revendication du statut de réfugié. Il existait également la preuve que, en conséquence de cette violation de la confidentialité, les autorités nigérianes harcelaient la famille du requérant et lui extorquaient de l'argent.

         La Commission n'a pas eu tort de conclure que la divulgation d'une partie ou de la totalité de la teneur du FRP du requérant n'influait réellement pas sur sa conclusion qu'il n'avait pas raison de craindre d'être persécuté dans l'éventualité de son renvoi au Sri Lanka. Même si un employé du Ministère divulguait effectivement des renseignements à

M. Jayanetti qui, à son tour, les révélait à ses enquêteurs privés, une telle divulgation ne suffisait toujours pas à faire du requérant un réfugié sur place. La preuve produite ne me convainc pas, au cas où les renseignements du FRP du requérant seraient tombés aux mains des autorités sri-lankaises, qu'il y a un sérieux risque de persécution.

La Commission a-t-elle omis de faire une appréciation raisonnable des éléments de preuve dont elle disposait?

         Le requérant soutient que la Commission n'a pas tenu compte de la preuve documentaire concernant les rapports entre la communauté Moor musulman et la communauté tamoule. Il ressort des motifs de décision de la Commission qu'elle a effectivement tenu compte des rapports entre la communauté tamoule et la communauté Moor musulman au Sri Lanka.

         Le reste de l'argument du requérant peut être résumé comme suit : la Commission a irrégulièrement soupesé le témoignage du requérant par rapport au reste des éléments de preuve. En particulier, le requérant fait valoir que la Commission aurait dû attribuer un poids beaucoup moindre (s'il en est) au témoignage rendu par M. Jayanetti.

         Le requérant soutient que la Commission a eu tort de n'avoir pas considéré que le témoignage de M. Jayanetti était clairement motivé par un intérêt personnel. L'entreprise de

M. Jayanetti fait l'objet d'une évaluation des pénalités administratives lorsque ses employés désertent le navire. Les actes de M. Jayanetti, soutient-on, visent à la préservation de la réputation de sa compagnie et à la prévention des cas d'abandon de navire. De même, il est allégué que rien ne permettait à la Commission d'avoir accepté la véracité du rapport de l'enquêteur, fourni à la demande de M. Jayanetti.

         M. Jayanetti peut avoir eu ces motifs de retenir les services des enquêteurs privés, mais aucun des motifs suggérés par le requérant ne permet à la Cour d'annuler la décision de la Commission. Ainsi que la Cour d'appel l'a dit dans l'affaire Brar c. M.E.I. (A-987-84, 29 mai 1996, C.A.F.), les questions de crédibilité et de poids ne permettent pas, sur le plan juridique, à la Cour de toucher à juste titre à la décision de la Commission. Il n'appartient pas à la Cour de remettre en question les conclusions de fait de la Commission.

         De même, il est allégué que les contradictions apparentes dans le témoignage de Jayanetti, savoir par exemple si les résultats des vérifications du casier judiciaire et de la "bonne moralité" des employés éventuels sont fournis à son entreprise oralement ou sur des certificats écrits, sont suffisantes pour que la Cour modifie la décision de la Commission. À cet égard, je ne souscris pas à l'idée qu'elles sont suffisantes. De plus, lorsque le témoignage du requérant contredisait celui de M. Jayanetti, il appartenait à la Commission de déterminer lequel il préférait. La présomption que le témoignage rendu sous serment par un requérant est véridique est réfutable : Adu c. M.E.I. (A-194-92, 24 janvier 1995, C.A.F.).

         Il est également allégué que la Commission a eu tort de s'appuyer sur l'offre de Jayanetti de déposer une somme d'argent auprès du Haut-commissariat du Canada au Sri Lanka, pour le compte du requérant (s'il avait des problèmes avec les autorités), parce que la Commission avait fait savoir, au cours de l'audition, qu'elle attribuerait peu de poids à l'offre ou qu'elle n'en attribuerait pas du tout à celle-ci. Il est toutefois clair que, bien que la Commission ait effectivement noté l'offre de Jayanetti dans ses motifs, elle ne s'y est pas appuyée pour conclure que le requérant n'avait pas raison de craindre d'être persécuté dans l'éventualité de son renvoi au Sri Lanka. La Commission disposait suffisamment d'éléments de preuve sans avoir à s'appuyer sur l'offre de Jayanetti.

         Le requérant soutient également que la Commission a eu tort de préférer les conclusions tirées dans le rapport de l'enquêteur à la preuve documentaire qu'il a produite. Il est néanmoins clair que la Commission a, de façon appropriée, évalué et soupesé la totalité des éléments de preuve dont elle disposait, attribuant le poids qu'elle jugeait indiqué : Hassan c. M.E.I. (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.). Par exemple, la Commission s'est appuyée, en partie, sur le certificat de décès fourni par le requérant pour conclure que ce dernier tentait de l'induire en erreur en prétendant être un musulman tamoul alors que, dans les faits, il était un Moor ceylanais (ou musulman). Cela étant, la Commission a tiré une conclusion défavorable concernant la crédibilité du requérant, comme elle était en droit de le faire : Aguebor c. M.E.I. (1993) 160 N.R. 315 (C.A.F.).

         Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

         Aucune question n'a été proposée aux fins de certification.

                             Howard I. Wetston

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

le 21 octobre 1997

Traduction certifiée conforme

                         Tan Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-4224-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Tuan Nizam Ossen
                                 c.
                             Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 17 septembre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE WETSTON

EN DATE DU                      21 octobre 1997

ONT COMPARU :

Geraldine MacDonald              pour le requérant

Stephen Gold                  pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Geraldine MacDonald              pour le requérant

DEFARIA & DEFARIA

Toronto (Ontario)

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

                             pour l'intimé

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.