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     IMM-2441-96

OTTAWA (ONTARIO), le mercredi 23 juillet 1997

EN PRÉSENCE DE M. le juge Darrel V. Heald, juge suppléant

Entre :

     MICHAEL OLUGBENGA OJO,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     O R D O N N A N C E

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                         Darrel V. Heald

                         Juge suppléant

Traduction certifiée conforme         
                                 François Blais, LL.L.

     IMM-2441-96

Entre :

     MICHAEL OLUGBENGA OJO,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

     Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la section du statut de réfugié au sens de la Convention (la section du statut) en date du 18 juin 1996, dans laquelle celle-ci statuait que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

LES FAITS

     Le requérant est né et a grandi au Nigeria. Son témoignage peut être résumé de la façon suivante : Il a joint les rangs d'un groupe appelé les Professionnels inquiets en avril 1993. Ce groupe de 400 professionnels d'élite était disséminé dans tout le Nigeria. Il s'agissait d'un organisme légal ne se livrant à aucune activité clandestine. Parmi ses objectifs, figuraient notamment la promotion des droits de la personne. Le groupe a organisé un symposium pour discuter de l'impasse politique dans laquelle s'enlisait le pays. Le symposium venait à peine de commencer quand les militaires ont arrêté le requérant et d'autres membres du groupe des professionnels. Le requérant déclare qu'il a été détenu et torturé pendant trois semaines. De la fin juillet 1994, date à laquelle il a été remis en liberté, jusqu'à novembre 1994, des soldats se sont présentés chez lui et à son bureau à plusieurs reprises et l'ont questionné au sujet de ses activités dans le groupe. Ils ont également fouillé son ordinateur dans lequel ils ont trouvé le nom de nombreux Nigérians en vue. Il a ensuite été détenu, questionné de nouveau, et relâché le lendemain. Il a continué de craindre de faire l'objet de nouvelles enquêtes par les militaires. Il a obtenu un passeport nigérian le 3 janvier 1995 et un visa canadien le 24 janvier 1995. Il a quitté le Nigeria le 28 janvier 1995 et est arrivé au Canada le lendemain. À son départ du Nigeria, il dit avoir soudoyé un agent des douanes en lui glissant de l'argent comptant avec son passeport. Il a réclamé le statut de réfugié au sens de la Convention le 21 juin 1995.

LA DÉCISION DE LA SECTION DU STATUT

     La section du statut a conclu que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Sa décision est motivée uniquement sur la crédibilité. La section du statut a conclu que la déposition verbale du requérant et son FRP différaient considérablement de la preuve documentaire dont elle était saisie.

     La formation a constaté les incohérences suivantes dans la déposition du requérant :

     a)      Le requérant n'était pas certain si le symposium du groupe des professionnels d'élite s'était tenu le 30 juin 1994 ou au début de juillet 1994. Il déclare également qu'il a été arrêté, détenu et torturé à la date du symposium. La formation a conclu qu'il n'était pas vraisemblable que le requérant ne puisse se souvenir de la date exacte du symposium étant donné qu'il a été arrêté au même moment. La formation croit que le requérant a fabriqué cette partie de son témoignage et ne lui a accordé aucune crédibilité.
     b)      Le requérant prétend avoir été torturé en détention. Toutefois, la preuve indique qu'il a repris son travail quelques jours plus tard et qu'il n'a pas eu besoin de soins médicaux.
     c)      Le requérant prétend qu'après sa première remise en liberté, les militaires lui ont rendu visite au travail et chez lui. Toutefois, la formation signale qu'il n'a fait aucune tentative pour quitter son travail, sa maison ou la ville de Lagos où il habitait. La formation a conclu que cette façon d'agir n'était pas compatible avec sa crainte alléguée d'être persécuté par l'armée.
     d)      Le requérant n'a pas demandé l'aide du groupe des professionnels d'élite même s'il est demeuré au Nigeria pendant une assez longue période avant de quitter le pays. La formation a jugé cette circonstance incohérente et déraisonnable.
     e)      La formation a également statué qu'un retard de cinq mois à revendiquer le statut de réfugié après son arrivée au Canada était incompatible avec les difficultés que le requérant dit avoir éprouvées au Nigeria.

LES QUESTIONS EN LITIGE

     Le requérant soulève les deux questions suivantes :

     a)      les conclusions défavorables de la formation concernant sa crédibilité ne sont pas appuyées par le dossier de la cause; et
     b)      l'avocat du requérant était incompétent et ne l'a pas représenté de façon adéquate au cours de l'audience devant la section du statut.

ANALYSE

a)      Les conclusions défavorables au niveau de la crédibilité

     Mon examen du dossier me convainc que les conclusions défavorables de la formation au niveau de la crédibilité se fondent à bon droit sur des divergences et des incompatibilités entre la preuve documentaire et la déposition du requérant. La formation a clairement formulé les motifs qui l'ont amenée à rejeter la déposition verbale du requérant et à lui préférer la preuve documentaire. Cette preuve documentaire est de nature objective. La formation a donné au requérant la possibilité d'expliquer les divergences et incompatibilités entre sa déposition verbale et la preuve documentaire. Le requérant n'a pas réussi à les expliquer.

     D'après le dossier, je n'ai aucune difficulté à conclure que les conclusions défavorables de la formation au niveau de la crédibilité du requérant dans sa déposition sont raisonnables.

b)      La justice fondamentale

     Le requérant prétend que, dans les circonstances de l'espèce, les principes de justice fondamentale ont été enfreints et, par conséquent, que l'intervention de la Cour est justifiée.

     Le requérant a été représenté devant la section du statut par un conseiller juridique. Il déclare que son avocat ne s'est entretenu avec lui que pendant environ 45 minutes avant l'audience. Le dossier établit que le requérant a été questionné par son avocat pendant environ deux heures. L'avocat du requérant est intervenu fréquemment au cours de la déposition du requérant afin de protéger ses intérêts. D'après le dossier, je ne suis pas convaincu que le requérant a été mal représenté par son avocat.

CONCLUSION

     Par conséquent, et pour les motifs indiqués ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

CERTIFICATION

     Le requérant a proposé six questions à faire certifier :

     1) L'article 7 de la Charte protège-t-il le droit d'un demandeur du statut de réfugié à une aide professionnelle efficace, si le demandeur souhaite avoir recours à une telle aide?
     2) Si le demandeur du statut de réfugié souhaite avoir l'aide d'un conseiller et retient les services de celui-ci, mais que l'aide qu'il obtient n'est pas efficace, y a-t-il manquement aux droits du requérant garantis par l'article 7?
     3) Dans l'affirmative, quel est le recours à exercer et la Cour fédérale peut-elle donner réparation en vertu de la Loi sur la Cour fédérale?
     4) L'arrêt Gould c. Yukon Order of Pioneers, [1996] 1 R.C.S. 571 a-t-il préséance en totalité ou en partie sur la conclusion concernant la possibilité que des conclusions d'invraisemblance soient révisées comme l'indique l'arrêt Aguebor c. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), ou porte-t-il autrement atteinte à cette conclusion?
     5) Quant au retard du requérant à revendiquer le statut de réfugié, l'explication de celui-ci indiquant qu'il a demandé des conseils juridiques dans un délai raisonnable peut-elle être jugée non satisfaisante comme en a conclu la section du statut de réfugié en l'espèce? [sic]
     6) L'obligation pour la section du statut de réfugié de tenir compte des explications du requérant est-elle une règle de droit? [sic]

Les trois premières questions ne règlent pas définitivement l'espèce, étant donné que les faits n'établissent pas qu'il y a eu un manque d'efficacité au niveau de la représentation juridique. De même, la question 4 ne se pose pas étant donné que cette cause ne concerne pas le degré de retenue judiciaire à exercer relativement aux conclusions d'invraisemblance. J'ai statué que les conclusions de la formation étaient raisonnables au vu des arguments et de la preuve dont elle était saisie. La formation n'a tout simplement pas tiré la conclusion dont fait état la question 5. La question 6 ne soulève aucune question grave de portée générale étant donné qu'il est bien établi que la formation doit examiner l'ensemble de la preuve. Par conséquent, je ne certifierai aucune des questions formulées par l'avocat du requérant.

                         Darrel V. Heald

                         Juge suppléant

Ottawa (Ontario)

le 23 juillet 1997

Traduction certifiée conforme         
                                 François Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :              IMM-2441-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      MICHAEL OLUGBENGA OJO

     C.

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 13 JUIN 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

DATE :                  LE 23 JUILLET 1997

ONT COMPARU :

Michael Crane                          POUR LE REQUÉRANT

Kevin Lunney                          POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Crane                          POUR LE REQUÉRANT

Toronto (Ontario)

George Thomson                          POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

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