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Date : 20240213

Dossier : IMM-1868-24

Référence : 2024 CF 245

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 13 février 2024

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

KURTIS OMERO DOUGLAS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Le demandeur demande à la Cour de surseoir à son renvoi en Jamaïque, prévu pour demain, le 14 février 2024.

[2] Pour les motifs exposés ci-dessous, la requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi sera accueillie.

I. Contexte

[3] Le demandeur et sa mère ont quitté la Jamaïque pour les États-Unis en 1995. Le demandeur a été reconnu coupable d’une série d’infractions aux États-Unis et il a été condamné à l’emprisonnement. Il a été expulsé des États-Unis et renvoyé en Jamaïque en 2012. Deux mois plus tard, il est venu au Canada avec un faux passeport. Il est marié à une Canadienne; il a deux enfants biologiques et une belle-fille. Sa fille et sa belle-fille vivent avec lui et son épouse au Canada, tandis que son fils vit aux États-Unis.

[4] En 2013, le demandeur a été arrêté par l’Agence des services frontaliers du Canada et déclaré interdit de territoire au Canada pour grande criminalité. Il a été détenu pendant plusieurs mois avant d’être libéré sous caution. Depuis, il a obtenu une série de permis de travail. En décembre 2015, il a été accusé d’utilisation et de possession d’une carte de crédit non autorisée et de documents d’identité ainsi que de vol de courrier. Il a été déclaré coupable en janvier 2017 et a reçu une absolution conditionnelle et une probation de 12 mois.

[5] Le 14 décembre 2015, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au Canada au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada (« la demande de parrainage d’un conjoint présentée au Canada ») reposant sur le parrainage de son épouse. Il affirme avoir présenté une demande de résidence permanente à partir du Canada fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (« la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire ») en mars 2017, et son conseil de l’époque a demandé que sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire soit évaluée [traduction] « simultanément avec sa demande de parrainage d’un conjoint présentée au Canada ».

[6] Le demandeur a fait l’objet d’une procédure de renvoi en mars 2017, mais la Cour lui a accordé un sursis le 13 avril 2017. Sa demande de contrôle judiciaire de la décision de renvoi a été accueillie : Douglas c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 1148.

[7] La demande de parrainage d’un conjoint présentée au Canada par le demandeur a été rejetée le 3 août 2018, parce que le demandeur a été déclaré interdit de territoire pour grande criminalité.

[8] Le demandeur a de nouveau fait l’objet d’une procédure de renvoi et, le 23 janvier 2024, il a demandé que son renvoi soit reporté dans l’intérêt supérieur de sa fille (afin qu’elle puisse terminer son année scolaire) jusqu’à ce que la décision concernant sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, qui était en instance, soit rendue. Il a également soutenu qu’il subirait des difficultés s’il était forcé de retourner en Jamaïque.

[9] L’agent a refusé de reporter le renvoi du demandeur. En ce qui concerne l’intérêt supérieur de l’enfant, l’agent a pris note des éléments de preuve concernant le rôle du demandeur dans la vie de ses filles au Canada et le soutien qu’il offre à son épouse en s’occupant d’elles. Il a également reconnu le stress et la difficulté qui découleraient de leur séparation, mais il a conclu que les filles resteraient au Canada avec leur mère et bénéficieraient du soutien de membres de leur famille élargie qui vivent également ici.

[10] En ce qui concerne la demande de report jusqu’à ce que la décision concernant la demande d’asile pour considérations d’ordre humanitaire soit rendue, l’agent a examiné les observations de l’avocat du demandeur à cet égard, mais il a ensuite fait remarquer que la demande de parrainage conjugal présentée au Canada avait été refusée en août 2018 et que le système informatique du défendeur indiquait ce qui suit :

[traduction]

Le demandeur a demandé la prise en compte de [considérations d’ordre humanitaire]. Selon la politique d’intérêt public sur les conjoints, étant donné que le demandeur est interdit de territoire pour criminalité, il n’est pas admissible à une nouvelle évaluation des considérations d’ordre humanitaire dans le cadre de la présente demande. S’il souhaite demander une telle évaluation, il doit déposer une nouvelle trousse et payer les frais applicables à l’examen des considérations d’ordre humanitaire.

[11] L’agent a déclaré que selon une recherche dans les dossiers, aucune autre demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire n’avait été présentée. Par conséquent, il a conclu ce qui suit : [traduction] « Je suis convaincu qu’il n’y a pas de demande de résidence permanente pour des considérations d’ordre humanitaire en cours de traitement et, par conséquent, il n’y aura pas d’autre examen de la demande de report du renvoi [du demandeur] en raison de l’existence d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire en cours de traitement. »

[12] En ce qui concerne les difficultés, l’agent a pris acte des difficultés associées à la séparation de la famille ainsi que des répercussions négatives sur l’épouse et les enfants du demandeur, mais il a conclu qu’il s’agissait d’une conséquence normale du renvoi. Il a résumé les autres éléments de preuve à cet égard et a conclu que le facteur des difficultés ne justifiait pas un report.

[13] Le demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire relativement à la décision défavorable quant au report. Il a également demandé qu’il soit sursis à l’exécution de la mesure de renvoi jusqu’à ce que la décision relative à sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire soit rendue.

II. Question en litige

[14] La seule question en litige est celle de savoir si, compte tenu des circonstances décrites ci-dessus, il faut surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi.

III. Analyse

[15] Afin d’établir s’il y a lieu d’accorder un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi, la Cour applique le même critère que dans le cas des injonctions interlocutoires. La Cour suprême du Canada a énoncé le critère ainsi :

À la première étape, le juge de première instance doit procéder à un examen préliminaire du bien‑fondé de l’affaire pour décider si le demandeur a fait la preuve de l’existence d’une « question sérieuse à juger », c’est‑à‑dire que la demande n’est ni futile ni vexatoire. À la deuxième étape, le demandeur doit convaincre la cour qu’il subira un préjudice irréparable si la demande d’injonction est rejetée. Enfin, à la troisième étape, il faut apprécier la prépondérance des inconvénients, afin d’établir quelle partie subirait le plus grand préjudice en attendant qu’une décision soit rendue sur le fond, selon que la demande d’injonction est accueillie ou rejetée.

[R c Société Radio-Canada, 2018 CSC 5 au para 12, renvois omis.]

[16] Le critère à trois volets décrit ci-dessus est bien connu. Il a été énoncé dans des arrêts antérieurs de la Cour suprême : Manitoba (Procureur général) c Metropolitan Stores Ltd, [1987] 1 RCS 110; RJR – MacDonald Inc. c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 [RJR MacDonald]. Il a également été appliqué dans le contexte de l’immigration dans l’arrêt Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1988] ACF no 587. L’application de ce critère est fortement contextuelle et dépend des faits. Il vaut la peine de répéter que la Cour suprême du Canada a récemment souligné qu’« [e]n définitive, il s’agit de déterminer s’il serait juste et équitable d’accorder l’injonction eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire » (Google Inc. c Equustek Solutions Inc., 2017 CSC 34 au para 1).

A. Question sérieuse

[17] Dans bien des cas, la barre n’est pas très haute lorsqu’il s’agit de déterminer s’il existe une question sérieuse. Toutefois, dans les cas où le sursis est demandé à la suite d’un refus de reporter le renvoi, il a été conclu qu’un seuil plus élevé s’applique et que le demandeur doit démontrer la « vraisemblance que la demande soit accueillie » ou faire valoir des « arguments assez solides » à l’égard de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire sous-jacente (Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 148, [2001] 3 CF 682; Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, [2010] 2 RCF 311 [Baron] au para 67; Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130 au para 43).

[18] Le demandeur soutient qu’il a satisfait à ce seuil élevé. Premièrement, il fait valoir que l’agent n’a pas tenu compte de son observation selon laquelle son épouse et ses filles seraient forcées de retourner avec lui en Jamaïque en raison des difficultés auxquelles elles feraient face si elles restaient au Canada. Il affirme que l’agent a complètement omis de tenir compte de cette observation et que, par conséquent, la décision quant au report est déraisonnable.

[19] Deuxièmement, en ce qui concerne la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire en instance, le demandeur affirme qu’il n’a jamais été informé du fait qu’il devait présenter une nouvelle demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire et que le Bulletin opérationnel 544 – 22 août 2013 d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) prévoit qu’il faut mettre en suspens une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire pendant le traitement d’une demande de parrainage conjugale présentée au Canada. Si la demande de parrainage conjugale présentée au Canada est refusée, la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire doit être traitée. Le demandeur soutient que la déclaration de l’agent est donc erronée en droit et contraire à la pratique d’IRCC.

[20] Selon le demandeur, l’affirmation qui précède est confirmée par l’information qu’il a reçue lorsqu’il a téléphoné à IRCC pour se renseigner sur l’état de sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, ainsi que par le courriel d’IRCC daté du 1er février 2024, en réponse à sa demande de mise à jour de l’état de la demande. Ce courriel indique ce qui suit : [traduction] « Nous avons vérifié les renseignements au dossier et nous sommes heureux de confirmer que le bureau responsable a reçu la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Si vous avez besoin de renseignements supplémentaires pendant le traitement de votre demande, l’agent responsable peut communiquer avec vous. »

[21] Le demandeur soutient que le courriel mentionné ci-dessus et la réponse téléphonique antérieure qu’il a reçue ont créé chez lui une attente légitime que sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire soit traitée. La décision quant au report ne tient pas compte de ce fait et s’appuie plutôt sur une note interne incomplète ou incorrecte.

[22] Le défendeur fait valoir qu’aucune question sérieuse n’a été établie en fonction du seuil plus élevé qui s’applique parce que la décision sous-jacente était un refus de reporter le renvoi.

[23] D’entrée de jeu, je dirai simplement que je ne suis pas convaincu que l’argument du demandeur au sujet de la conclusion de l’agent concernant le statut de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire constitue une question sérieuse. Cet aspect de la question fait l’objet d’une analyse plus approfondie sous la rubrique du préjudice irréparable.

[24] Toutefois, j’estime que le demandeur a établi l’existence d’une question sérieuse dans la mesure où l’agent n’a pas donné suite à son argument selon lequel l’année scolaire de sa fille serait interrompue parce que son épouse et les enfants l’accompagneraient en Jamaïque. Comme le défendeur l’a reconnu, cette observation n’est pas mentionnée dans la décision de l’agent.

[25] Je souligne ici que l’agent avait peut-être de bonnes raisons de rejeter la demande en question, y compris le fait que le témoignage de l’épouse portait sur les défis auxquels la famille ferait face si le demandeur quittait le Canada et non sur les difficultés auxquelles elle ou les enfants feraient face s’ils devaient déménager en Jamaïque. En outre, il n’y avait pas de preuve concrète à l’appui de l’affirmation selon laquelle la famille prévoyait de partir. Aucun billet d’avion ni autre élément de preuve n’a été présenté à l’appui de cet aspect de la demande. Un autre point sur lequel l’agent aurait pu s’appuyer était que l’épouse et les enfants n’avaient aucune obligation légale de quitter le Canada et que leur décision de partir ne pouvait pas servir de fondement au report du renvoi du demandeur.

[26] L’agent aurait pu invoquer tout ce qui précède pour rejeter cet aspect de la demande de report du demandeur. Cependant, il ne pouvait pas ne pas en tenir compte. Une telle conduite va à l’encontre de l’objectif fondamental du cadre d’analyse énoncé dans l’arrêt Vavilov, qui prévoit que les décisions doivent être justifiées adéquatement : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65; Mason c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 21.

[27] Je suis convaincu qu’il s’agit d’une question sérieuse qui satisfait au seuil plus élevé.

B. Préjudice irréparable

[28] Un préjudice irréparable est un préjudice qui ne peut être réparé par un dédommagement pécuniaire; c’est la nature du préjudice subi plutôt que son étendue qu’il faut examiner : RJR-MacDonald, à la p 348. Dans le contexte d’un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi, il est habituellement question du risque que la personne subisse un préjudice par suite de son renvoi du Canada. Il peut également s’agir de préjudices précis qui sont subis par toute personne directement touchée par le renvoi et qui reste au Canada (Tesoro c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 148).

[29] En l’espèce, le demandeur soutient que sa fille et lui subiront un préjudice irréparable si elle est forcée de quitter le Canada avant la fin de son année scolaire, soulignant à cet égard qu’elle est en sixième année, la dernière année de l’école primaire.

[30] Le demandeur reconnaît que, selon la jurisprudence, dans la plupart des cas, l’existence d’une demande de statut au Canada en instance ne constitue pas un motif de sursis. Cependant, dans l’arrêt Baron, il a été reconnu que des « circonstances spéciales » peuvent justifier un report du renvoi lorsqu’une demande de statut n’a pas été tranchée. Le demandeur soutient que le défaut inexpliqué d’IRCC de traiter sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire au cours des sept années qui se sont écoulées depuis qu’elle a été présentée – ou des cinq années et demie qui se sont écoulées depuis que la demande de parrainage conjugal au Canada a été refusée – constitue le type de circonstances spéciales justifiant l’octroi d’un sursis.

[31] Le défendeur soutient que le demandeur n’a pas pris de mesures raisonnables pour vérifier le statut de sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire et qu’il ne peut donc pas maintenant faire valoir qu’un retard dans le traitement de sa demande constitue un préjudice irréparable. De plus, il affirme que le préjudice irréparable doit être causé au demandeur en tant que tel et que le préjudice causé aux membres de sa famille ne peut pas être pris en considération.

[32] À cet égard, le dossier dans la présente affaire est un bourbier inacceptable. D’une part, la décision quant au report indique que la position d’IRCC était que, une fois la demande de parrainage présentée au Canada refusée parce que le demandeur était interdit de territoire, la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire connexe avait été annulée, et le demandeur devait déposer une nouvelle demande s’il voulait emprunter cette voie. Cependant, rien dans le dossier n’indique qu’IRCC a informé le demandeur de ce fait.

[33] De plus, le demandeur jure qu’il a téléphoné à IRCC et qu’il a été informé que sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire était en cours de traitement et il a produit une copie d’un courriel de réponse d’IRCC daté du 1er février 2024 indiquant que sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire avait été reçue et qu’un responsable communiquerait avec lui si d’autres renseignements étaient nécessaires. Ces faits contredisent la déclaration de l’agent concernant l’annulation de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

[34] Le demandeur soutient qu’il ne s’agit pas d’un cas ordinaire et que sa situation est donc visée par l’exception fondée sur des circonstances spéciales énoncée dans l’arrêt Baron.

[35] Je suis d’accord.

[36] Le défaut inexpliqué d’informer le demandeur que sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire avait été rejetée – si c’est effectivement ce qui s’est produit – et le défaut tout aussi inexpliqué de traiter la demande en question dans les cinq années et demie qui se sont écoulées depuis le rejet de la demande de parrainage conjugal présentée au Canada – si la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire est effectivement toujours « en cours de traitement » comme l’indiquent l’appel téléphonique et le courriel –, font en sorte que la présente affaire se distingue des situations habituelles mettant en cause des demandes de statut en instance.

[37] Je suis d’accord avec l’affirmation du défendeur selon laquelle le demandeur n’a pas fait preuve de diligence pour s’informer de l’état de sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, mais il n’en demeure pas moins que, lorsqu’il a posé des questions à ce sujet, IRCC lui a fourni des renseignements selon lesquels le dossier était en cours de traitement. Cela contredit directement la déclaration de l’agent dans la décision quant au report.

[38] Le défaut inexpliqué de traiter une demande pendant plus de cinq ans pourrait bien constituer un motif justifiant un report du renvoi, surtout si aucune partie du retard ne peut être attribuée au demandeur d’asile. C’est le cas en l’espèce, car rien n’indique que le demandeur a omis de répondre aux demandes de renseignements ou qu’il a autrement entravé le traitement de sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. De même, le défaut inexpliqué d’informer le demandeur que sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire a été annulée à la suite de la décision relative à la demande de parrainage conjugal présentée au Canada signifie qu’il s’est vu refuser toute possibilité de tenter de corriger la situation, soit en contestant la décision, soit en déposant une nouvelle demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

[39] Je suis convaincu que, dans les circonstances très inhabituelles de la présente affaire, le demandeur satisfait au critère pour établir l’existence d’un préjudice irréparable. Ma conviction à cet égard est fondée sur la preuve au dossier concernant l’état de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire du demandeur et le défaut inexpliqué de l’aviser de son annulation, ou encore le défaut de la traiter en temps opportun. Il s’agit là de preuves, et non d’hypothèses, et le critère établi dans l’arrêt Singh Atwal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CAF 427, est respecté.

C. Prépondérance des inconvénients

[40] Compte tenu des conclusions ci-dessus, j’estime que la prépondérance des inconvénients joue en faveur du demandeur.

[41] Il ne fait aucun doute que le Canada a intérêt à ce que les personnes dont les demandes d’asile ont été rejetées soient renvoyées rapidement (comme il est indiqué au paragraphe 48(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27), et il ne s’agit pas simplement d’une question de commodité administrative. Il est ici question de l’intérêt public général qui consiste à garantir la confiance à l’égard de l’intégrité du programme d’immigration dans son ensemble : Vieira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2007 CF 626; Selliah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 261 au para 22.

[42] De plus, je remarque qu’il existe une vaste jurisprudence à l’appui de l’argument du défendeur selon lequel, lorsqu’un demandeur a été déclaré coupable d’infractions criminelles, la prépondérance des inconvénients joue souvent en faveur du renvoi.

[43] Toutefois, compte tenu des circonstances inhabituelles de la présente affaire, je suis convaincu que la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur. Il ne devrait pas être renvoyé tant que sa demande de contrôle judiciaire n’est pas tranchée.

[44] Par conséquent, je vais surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi jusqu’à ce que la décision relative à la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire du demandeur soit rendue.


ORDONNANCE dans le dossier IMM-1868-24

LA COUR ORDONNE : la requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi est accueillie jusqu’à ce que la décision relative à la demande de contrôle judiciaire du demandeur soit rendue.

« William F. Pentney »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1868-24

INTITULÉ :

KURTIS OMERO DOUGLAS c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

le 13 FÉVRIER 2024

ORDONNANCE ET MOTIFS :

le juge pENTNEY

DATE DES MOTIFS :

le 13 FÉVRIER 2024

COMPARUTIONS :

D. Clifford Luyt

POUR LE DEMANDEUR

Sarah Merredew

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

D. Clifford Luyt

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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