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                                                                                                                              Date: 19990901

                                                                                                                   Dossier: IMM-6298-98

ENTRE:

                                               CARMEN ADRIANA RUIZ ROJAS

                                                                                                                    Partie demanderesse

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                      Partie défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision de la Section du statut de réfugié rendue le 13 octobre 1998, selon laquelle la demanderesse n'est pas une réfugiée au sens de la Convention.

LES FAITS

[2]         La demanderesse, citoyenne du Pérou, est arrivée au Canada le 25 mai 1998 et a revendiqué le statut de réfugié le même jour. Journaliste "touristique", la demanderesse pratique cette profession depuis janvier 1997.

[3]         Sa mère, reconnue réfugiée, elle-même journaliste traitant de sujets politiques péruviens, quitta le Pérou le 22 juillet 1997. Son domicile abritait les locaux d'une revue qu'elle dirigeait. La demanderesse y habitait également.

[4]         Depuis le mois de février 1992, sa mère a fait l'objet de menaces verbales, attentats, interceptions et menaces téléphoniques. Après le départ du pays de cette dernière au mois de juillet 1997, la demanderesse habite le même domicile et pratique sa profession sans connaître d'ennui. Suite à la cessation des activités de la revue de sa mère, au mois de décembre 1997, les appels téléphoniques de menaces se poursuivent. La demanderesse reste toujours au même endroit et poursuit ses activités professionnelles.


[5]         Le 14 mai 1998, la demanderesse, durant un débat sur les ondes radiophoniques, émet une opinion personnelle sur les abus du gouvernement et de la police contre les médias. Elle mentionne le cas de sa mère et l'incapacité de l'État de protéger ses citoyens.

[6]         Le lendemain, à son domicile, deux policiers l'on battue. Son patron lui suggère de quitter le pays après avoir reçu la visite de policiers qui l'interrogent sur ses activités professionnelles.

[7]         Craignant les autorités de son pays, elle quitte le pays. Munie d'un passeport depuis le mois de mars 1998, elle obtient un visa américain le 17 mai 1998.

ARGUMENTS DE LA DEMANDERESSE

[8]         La demanderesse allègue particulièrement que la Section du statut a erré dans l'évaluation des faits soumis en preuve. La demanderesse a basé sa revendication sur les motifs d'opinions politiques et appartenance à un groupe social en particulier, la famille. Ainsi la demanderesse a émis les mêmes opinions politiques que sa mère, à savoir le refus de la dictature de Fujimori et la censure contre les médias. La demanderesse a souffert de la persécution à cause de ses liens familiaux avec sa mère.

[9]         La demanderesse ajoute que suivant sa déclaration publique à l'effet que sa mère n'avait pu bénéficier du soutien du gouvernement au moment où elle avait été elle-même menacée, la demanderesse a reçu le lendemain la visite de policiers qui l'ont persécutée. Elle a alors décidé de quitter rapidement le pays et revendiqué le statut de réfugié.

ARGUMENTS DU DÉFENDEUR


[10]       Le défendeur soutient particulièrement que la demanderesse n'a pas démontré dans son comportement dans les dix mois précédant son départ qu'elle avait une crainte de persécution. En effet, son métier de journaliste dans le domaine touristique était dans un domaine tout à fait différent que celui exercé par sa mère qui oeuvrait dans le secteur politique et les nombreuses menaces téléphoniques étaient reliées à la revue publiée par sa mère jusqu'en décembre 1997. Lorsque la revue a cessé de paraître, la ligne téléphonique a été abandonnée et les menaces directes ont cessé.

[11]       Un seul événement a été signalé par la demanderesse soit l'émission télévisé du 14 mai 1998, et la Section du statut a conclu à l'invraisemblance des faits allégués quant aux événements du 14 mai 1998.

[12]       En bref, la défenderesse soutient que le tribunal n'a pas cru à la crainte subjective exprimée par la demanderesse et que la demanderesse a même admis lors de son interrogatoire qu'elle n'était pas en danger et qu'elle n'avait pas peur.

ANALYSE

[13]       Il semble que la demanderesse n'a pas subi directement de persécution entre le moment où sa mère a quitté le pays en 1997 et le 14 mai 1998 au moment où la demanderesse a participé à une émission de télévision où elle a selon sa prétention critiqué sévèrement le gouvernement en place.

[14]       Les éléments de preuve au dossier ne permettent pas de conclure que la persécution dont se plaint la demanderesse soit reliée au lien familial et par conséquent, les conclusions de la Commission ne peuvent pas être qualifiées de déraisonnables.

[15]       Il peut sembler particulier que seule la mère de la demanderesse se soit vue reconnaître le statut de réfugiée alors que la revendication de la demanderesse ait été entendue en même temps avec une preuve commune, et qu'elles occupaient toutes les deux le même métier. Par contre, les inférences de la Commission à l'égard du comportement de la demanderesse ne sont pas déraisonnables au point de justifier l'intervention de cette Cour.

[16]       Les conclusions de la Commission sont supportées par les considérations suivantes: la demanderesse pratique le journalisme dans un domaine différent et elle n'a pas été inquiétée par le passé alors que sa mère était la cible de persécution en raison de ses activités professionnelles.


[17]       Les conclusions de la Section du statut quant à l'invraisemblance des incidents rapportés le 14 mai 1998 ne sont pas déraisonnables au point de justifier l'intervention de cette Cour.

[18]       Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[19]       Les procureurs des parties n'ayant soumis aucune question, aucune question ne sera certifiée.

Pierre Blais                                       

Juge

OTTAWA, ONTARIO

1er septembre 1999


COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N ° DE LA COUR:                        IMM-6298-98

INTITULÉ:                                     CARMEN ADRIANA RUIZ ROJAS c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE:             MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 11 AOÛT 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE L'HONORABLE JUGE BLAIS EN DATE DU        1 SEPTEMBRE 1999

COMPARUTIONS

ME ODETTE DESJARDINSPOUR LA PARTIE REQUÉRANTE

ME JOCELYNE MURPHYPOUR LA PARTIE INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

ME ODETTE DESJARDINSPOUR LA PARTIE REQUÉRANTE

ME JOCELYNE MURPHY

M. Morris Rosenberg                                                             POUR LA PARTIE INTIMÉE Sous-procureur général du Canada


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