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     IMM-4540-96

Ottawa, le 20 octobre 1997

En présence de : Monsieur le juge Wetston

ENTRE

     KATHIRGAMALINGAM CHEHAR,

     PRIYANKA CHEHAR,

     ARUNTHATHY CHEHAR,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

         La demande de contrôle judiciaire est en partie accueillie. La décision de la Commission relative au requérant est annulée et renvoyée pour qu'un tribunal de composition différente procède à une nouvelle audition et à un nouvel examen. La demande de la requérante est rejetée.

                             Howard I. Wetston

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

                         Tan Trinh-viet

     IMM-4540-96

ENTRE

     KATHIRGAMALINGAM CHEHAR,

     PRIYANKA CHEHAR,

     ARUNTHATHY CHEHAR,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE WETSTON

         Les requérants sont un Tamoul et une Tamoule âgés respectivement de 33 et de 27 ans, et un mineur de 6 ans. La Commission a conclu qu'ils avaient raison de craindre d'être persécutés dans le Sri Lanka septentrional, mais qu'il existait une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Colombo.

         La Commission a fondé sa décision sur sa conclusion que le témoignage des deux requérants adultes n'était pas digne de foi. La Commission a reconnu que lorsque le requérant était arrivé à Colombo, il avait été détenu pendant deux jours, physiquement malmené, lors d'une vérification d'identité. Toutefois, la Commission n'a pas reconnu qu'il avait été arrêté à son auberge, peu de temps après le bombardement de la Banque centrale sri-lankaise, détenu pendant douze jours et torturé. La principale préoccupation de la Commission quant à cet aspect du récit du requérant portait sur le fait que son oncle, un Tamoul de 52 ans qui vivait dans la même chambre que le requérant, n'avait été interrogé au moment de l'arrestation de son neveu.

         La Commission n'a pas non plus accepté le témoignage du requérant selon lequel il avait téléphoné à son oncle à la même auberge plus d'un mois après, et il avait été informé que la police le recherchait. La Commission n'a pas accepté le témoignage de la requérante selon lequel elle avait été physiquement malmenée par la police de Colombo, parce que cela contredisait le récit qu'elle avait fait dans son formulaire de renseignements personnels. La Commission a également noté que même si elle était victime de l'extorsion de la part d'Ealam Peoples' Democratic Party et de la police de Colombo, une telle conduite ne constituait pas de la persécution.

         Dans le présent contrôle judiciaire, il y a à déterminer si la Commission n'a pas tenu compte du témoignage, ou s'est appuyé sur le témoignage qu'elle a omis d'expliquer impartialement à l'audition, en tirant sa conclusion de crédibilité.

Le requérant

         Le requérant a prétendu, et l'intimé l'a reconnu, que la Commission avait commis des erreurs dans la détermination de certains faits en l'espèce. Par exemple, la Commission a erronément conclu que le requérant pouvait parler anglais, ce qu'il ne pouvait, à l'évidence, faire. Le requérant soutient que cette erreur seule est un motif suffisant pour l'annulation de la décision de la Commission. Bien que je ne sois pas nécessairement d'accord avec le requérant sur ce point, je conviens néanmoins que la Commission a commis suffisamment d'erreurs pour justifier la tenue d'une nouvelle audition, dans le cas du requérant.

         Généralement, la Commission se trouve dans une meilleure position qu'une cour de révision pour apprécier la crédibilité de ceux qui ont témoigné devant elle : Aguebor c. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.). Toutefois, en tirant ses conclusions, la Commission doit prendre soin d'accorder au requérant la possibilité d'aborder les principaux points sur lesquels la Commission entend s'appuyer, et ne doit pas tirer des inférences défavorables à partir des conclusions de fait qui sont manifestement erronées : Gracielome c. M.E.I. (1989), 9 Imm. L.R. (2d) 237 (C.A.F.).

         Dans le cas du requérant, la Commission a fondé certaines de ses conclusions de crédibilité sur des inférences tirées d'une mauvaise interprétation des éléments de preuve, et elle n'a pas interrogé le requérant sur certaines questions cruciales sur lesquelles elle fonderait sa décision.

         Bien qu'elle ait reconnu la première arrestation et la première détention du requérant, la Commission a conclu qu'elle ne croyait pas que le requérant avait été détenu et physiquement malmené à la seconde occasion. Elle a conclu que le requérant ne donnait pas une explication logique de la raison pour laquelle son oncle n'avait pas été interrogé lors de l'arrestation du requérant (à la seconde occasion) sans se pencher sur l'explication du requérant selon laquelle l'oncle était plus âgé, et se rendait régulièrement à Colombo pour affaires. En tirant des conclusions de crédibilité, la Commission doit tenir compte de la totalité des éléments de preuve, et ne saurait méconnaître le témoignage du revendicateur qui expliquerait une inconsistance apparente : Owusu-Ansah c. M.E.I. (1989), 8 Imm. L.R. (2d) 106 (C.A.F.). Toutefois, chose plus importante encore, le témoignage ne révèle pas que le requérant a dit que l'oncle n'avait pas été arrêté - il révèle plutôt que le requérant a seulement dit que, autant qu'il sût, son oncle n'avait pas été arrêté.

         La Commission a également conclu que n'était pas vraisemblable le fait pour le requérant, une fois qu'il s'est trouvé au Canada, d'avoir téléphoné à l'auberge où lui et son oncle étaient demeurés et d'avoir pu joindre son oncle à cette occasion pour être informé que la police le recherchait. La Commission a erronément déduit du témoignage du requérant qu'il avait dit que son oncle avait été à l'auberge pendant plus d'un mois depuis que le requérant s'était enfui du pays, alors que l'oncle y demeurait régulièrement lorsqu'il se trouvait à Colombo. Ce malentendu a été provoqué par le fait que la Commission confondait l'oncle du requérant avec celui de la requérante qui était originaire de Killinochchi -- erreur reconnue par l'intimé. De telles conclusions erronées ne sauraient former le fondement de la conclusion de crédibilité : Frimpong c. M.E.I. (1989), N.R. 164 (C.A.F.).

         De plus, la Commission n'a pas tenu compte de l'explication évidente par le requérant de ce qu'il avait appelé son oncle -- pour s'enquérir du sort de sa femme et de son enfant - choisissant plutôt de conclure que n'était pas digne de foi le fait pour quelqu'un qui n'était que de passage à Colombo -- en route vers un havre sûr d'ailleurs -- d'avoir appelé l'auberge où il était demeuré, afin de satisfaire à sa curiosité concernant la question de savoir si la police le recherchait. De plus, la Commission n'a pas demandé au requérant d'expliquer pourquoi il n'avait simplement pas appelé sa femme à Killinochchi pour se renseigner sur le bien-être de sa famille : Owusu-Ansah, supra.

         La Commission a noté en outre que le requérant n'avait pas reçu de traitement médical pour les blessures qu'il avait subies pendant sa prétendue seconde détention, mais elle ne l'a pas interrogé à l'audition pour savoir s'il avait reçu un tel traitement médical, et s'il n'en avait pas reçu, pourquoi : Gracielome, supra.

         Les conclusions de crédibilité de la Commission ayant été erronément tirées, sa conclusion de fait selon laquelle la seconde épisode d'arrestation, de détention et de torture du requérant n'a pas eu lieu, ne saurait être confirmée. Cela étant, la conclusion de la Commission selon laquelle le requérant n'avait pas une crainte subjective de persécution future, et il n'était pas sérieusement possible qu'il soit persécuté par les autorités sri-lankaises dans l'éventualité de son retour à Colombo, doit être réexaminée.

La requérante

         La Commission a conclu qu'il était totalement déraisonnable que la requérante avait omis de mentionner dans son FRP le fait qu'elle avait été battue par le police de Colombo. À mon avis, négliger de mentionner qu'elle a été battue au cours d'une rencontre avec la police était davantage qu'une simple énumération des détails sur un incident signalé par le requérant dans le FRP; il s'agissait d'une sérieuse omission. Il était raisonnable pour la Commission de tirer une conclusion défavorable sur la crédibilité du témoignage de la requérante en se fondant sur cette omission : Aguebor c. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).

         Cela étant, la Commission était en droit de conclure que la requérante n'avait pas du tout été maltraitée par la police de Colombo, et qu'elle ne risquait pas sérieusement d'être persécutée dans l'éventualité de son renvoi à Colombo : Adjei c. M.E.I. (1989), 57 D.L.R. (4th) 135 (C.A.F.).

         Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie en partie. La décision de la Commission relative au requérant sera annulée et renvoyée à un tribunal de composition différente pour qu'il procède à une nouvelle audition et à un nouvel examen. La demande de la requérante sera rejetée.

         Aucune question n'a été proposée aux fins de certification.

                         Howard I. Wetston

                                 Juge

Ottawa (Ontario)

le 20 octobre 1997

Traduction certifiée conforme

                         Tan Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-4540-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Kathirgamalingam Chehar et autres c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 16 septembre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE WETSTON

EN DATE DU                      20 octobre 1997

ONT COMPARU :

Raoul Boulakia                      pour le requérant

John Loncar                      pour l'intimé

                    

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Raoul Boulakia                      pour le requérant

Toronto (Ontario)

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

                             pour l'intimé

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