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     Date : 19980616

     Dossier : IMM-2413-97

Ottawa (Ontario), le 16 juin 1998

En présence de Monsieur le juge suppléant Heald

Entre :

     JASVIR SINGH CHEEMA,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     La Cour déboute le demandeur de son recours en contrôle judiciaire.

     Signé : Darrel V. Heald

     _______________________________

     Juge suppléant

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau

     Date : 19980616

     Dossier : IMM-2413-97

Entre :

     JASVIR SINGH CHEEMA,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge suppléant HEALD

[1]      Il y a en l'espèce recours en contrôle judiciaire contre la décision en date du 20 mai 1997 par laquelle la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, Section d'appel (la Commission), a débouté le demandeur de son appel contre la décision d'un agent des visas qui, le 27 juillet 1995, avait conclu que Iqbal Singh Sandhu (Iqbal) n'était pas fils adoptif du demandeur et n'était donc pas un parent.

LES FAITS DE LA CAUSE

[2]      Le demandeur et sa femme Jasbinder sont nés en Inde. Le demandeur a immigré au Canada en septembre 1990 grâce au parrainage de sa soeur. Iqbal est né en Inde en avril 1987. Il a grandi dans un ensemble résidentiel familial avec sa famille immédiate et d'autres personnes. Il a une grande soeur et un grand frère. Ses père et mère sont toujours en vie. En décembre 1992, le demandeur et sa femme ont signé une procuration par laquelle ils mandataient Bahadur Singh (un parent de cette dernière) pour expédier leur adoption d'Iqbal en Inde. Avec l'aide de ce mandataire, une cérémonie d'adoption a été célébrée en février 1993, et un acte d'adoption enregistré le même mois.

[3]      En avril 1993, le demandeur a déposé un engagement d'aide pour parrainer l'admission d'Iqbal au Canada comme son fils adoptif. Jasbinder a elle aussi signé les mêmes documents que son mari.

LA DÉCISION DE LA COMMISSION

[4]      La Commission s'est déclarée incompétente pour entendre l'appel sous le régime du paragraphe 77(3) de la Loi sur l'immigration. Ayant jugé que dans les faits, Iqbal n'était pas un enfant " adoptif ", elle a conclu qu'elle n'avait pas compétence et a rejeté l'appel en conséquence, par ce motif que le paragraphe 77(3) ne prévoit que l'appel par le répondant qui a parrainé la demande d'établissement d'un parent et que Iqbal n'était pas un parent.

LES POINTS LITIGIEUX

     1.      La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant au défaut d'intention de faire passer Iqbal d'une famille dans une autre?
     2.      La Commission a-t-elle ignoré des preuves produites en concluant qu'il ne s'était créé aucun lien de filiation authentique?
     3.      Dans ses motifs de décision, la Commission a noté que le demandeur et sa femme " n'exagéraient pas comme on aurait pu s'y attendre ". Cette remarque fait-elle qu'il soit raisonnable de craindre un préjugé de la part de la Commission?

ANALYSE

1.      Défaut d'intention de faire passer l'enfant d'une famille dans une autre

[5]      J'estime que le dossier renferme nombre de preuves pour fonder cette conclusion de la Commission. Iqbal dit toujours père et mère en parlant de ses parents biologiques. Il a déclaré à l'agent des visas lors de son entrevue qu'il n'avait pas d'autres père et mère que ses parents biologiques. Il ne saisissait manifestement pas le sens d'" adoption ". Il a dit à l'agent des visas qu'il ne connaissait pas les noms de ses parents adoptifs. Cette preuve testimoniale justifie clairement la conclusion par la Commission que Iqbal " ne voyait aucun changement réel dans son statut après l'adoption "1.

2.      La Commission aurait ignoré des éléments de preuve

[6]      Après avoir soigneusement examiné les preuves produites, la Commission a conclu que le demandeur et sa femme n'étaient pas " ceux qui servent actuellement de père et mère " pour l'enfant. À mon avis, la Commission était raisonnablement fondée, vu le dossier, à tirer cette conclusion de fait et, à cet égard, elle n'a ignoré aucun élément de preuve produit.

3.      La crainte raisonnable de partialité

[7]      Le demandeur soutient que la remarque faite par le membre de la Commission que lui-même et sa femme " n'exagéraient pas comme on aurait pu s'y attendre " justifie une crainte raisonnable de partialité. Selon le demandeur, cette affirmation gratuite montre que ce membre de la Commission est convaincu soit que tous les demandeurs exagèrent soit que tous les parents adoptifs originaires de l'Inde exagèrent.

[8]      Le critère reconnu de la " crainte raisonnable de partialité " est le critère Crowe2 qui a été formulé en ces termes : " à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? " Appliquant ce critère aux propos du membre de la Commission, pris en contexte, je ne pense pas que sa remarque ait été une affirmation gratuite glissée dans des motifs de décision réfléchis et clairs. J'interprète cette remarque comme signifiant que si le demandeur et sa femme exagéraient dans certaines de leurs déclarations, il n'exagéraient pas dans l'ensemble ou pour de bon dans leur témoignage.

[9]      Après examen attentif du dossier dans son ensemble, je ne suis pas convaincu que le demandeur ait démontré un crainte raisonnable de partialité.

CONCLUSION

[10]      Par ces motifs, la Cour déboute le demandeur de son recours en contrôle judiciaire.

CERTIFICATION

[11]      L'avocat du demandeur a proposé deux questions à certifier en application de l'article 83 de la Loi sur l'immigration. En voici la teneur :

     1.      En examinant s'il y a eu effectivement adoption au sens de l'alinéa 11(vi) de la loi dite Hindu Adoption and Maintenance Act (HAMA), la Commission a-t-elle commis une erreur de droit en voyant dans le fait qu'un enfant âgé de huit ans ne comprenait pas la signification et l'importance de l'adoption lors de l'entrevue qui eut lieu deux ans après cette adoption, un facteur pertinent et important, sinon déterminant, pour conclure à l'absence d'intention d'adoption véritable?
     2.      En examinant si l'adoption a créé un " lien de filiation authentique ", la Commission a-t-elle commis une erreur de droit en considérant comme un facteur pertinent et important (sinon déterminant) le fait qu'un enfant de huit ans comprenait ou ne comprenait pas la signification et l'importance de l'adoption, ainsi que le maintien du lien entre l'enfant et ses parents biologiques, de préférence aux dispositions prises par les parents adoptifs, et qui sont limitées en raison de la distance, pour créer un lien de filiation authentique?

[12]      Je conviens avec l'avocat du défendeur que l'une et l'autre questions sont confinées aux faits de la cause. En conséquence, ni l'une ni l'autre ne sera certifiée3.

     Signé : Darrel V. Heald

     _______________________________

     Juge suppléant

Ottawa (Ontario),

le 16 juin 1998

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-2413-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Jasvir Singh Cheema c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      2 juin 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

LE :                      16 juin 1998

ONT COMPARU :

Mme Barbara Jackman              pour le demandeur

M. Stephen H. Gold                  pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Waldman & Associates          pour le demandeur

Toronto (Ontario)

M. George Thomson                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      Voir le dossier certifié, p. 16.

2      The Committee for Justice and Liberty et al. c. L'Office national de l'énergie et al., [1978] 1 R.C.S. 369, pages 394 et 395, motifs prononcés par le juge de Grandpré. Ce critère a été suivi par la Cour d'appel fédérale dans Arthur c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 1 C.F. 94, page 101, et dans MacBain c. Lederman, [1985] 1 C.F. 856, page 867.

3      Cf. Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1994), 176 N.R. 4, page 5, motifs prononcés par le juge Décary, Cour d'appel.

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