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Date : 20230915


Dossier : IMM-11327-23

Référence : 2023 CF 1244

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 15 septembre 2023

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

AKIN RICHARD OLUWAFEMI

OLUFUNKE OLUWAFEMI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE

LA PROTECTION CIVILE

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs, monsieur Akin Richard Oluwafemi (le « demandeur principal »), et madame Olufunke Oluwafemi (la « demanderesse associée »), présentent une requête en sursis à leur renvoi du Canada, qui est censé avoir lieu le 19 septembre 2023.

[2] Les demandeurs demandent à la Cour de surseoir à leur renvoi au Nigéria jusqu’à ce que soit tranchée une demande sous‑jacente d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’égard du rejet par un agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs (« l’agent ») de l’Agence des services frontaliers du Canada (« l’ASFC ») de leur demande de report du renvoi.

[3] Pour les motifs qui suivent, la présente requête est rejetée. Je conclus que les demandeurs ne répondaient pas au critère à trois volets qui doit être rempli pour qu’il soit sursis à l’exécution de la mesure de renvoi.

II. Faits et décisions sous-jacentes

[4] Les demandeurs sont des citoyens du Nigéria. Le demandeur principal est âgé de 67 ans et son épouse, la demanderesse, de 53 ans. Leurs six enfants résident au Nigéria.

[5] Les demandeurs sont arrivés au Canada le 1er mai 2019. La Section de la protection des réfugiés (la « SPR ») a rejeté les demandes d’asile des demandeurs dans des motifs en date du 24 août 2020. La Section d’appel des réfugiés (la « SAR ») a rejeté l’appel interjeté par les demandeurs à l’encontre de la décision de la SPR le 25 février 2021. La Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par les demandeurs à l’encontre de la décision de la SAR le 18 avril 2023.

[6] Le 20 juillet 2023, l’ASFC a signifié aux demandeurs l’ordre de se présenter pour leur renvoi du Canada, prévu le 19 septembre 2023.

[7] Le 30 août 2023, les demandeurs ont présenté une demande de sursis à leur renvoi à l'ASFC. Le 8 septembre 2023, l’ASFC a rejeté la demande de sursis des demandeurs.

III. Analyse

[8] Le critère à trois volets régissant l’octroi d’un sursis à une mesure de renvoi est bien établi : Toth c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 1988 CanLII 1420 (CAF) (« Toth »); Manitoba (PG) c Metropolitan Stores Ltd, 1987 CanLII 79 (CSC), [1987] 1 RCS 110 (« Metropolitan Stores Ltd »); RJR-MacDonald Inc c Canada (Procureur général), 1994 CanLII 117 (CSC), [1994] 1 RCS 311 (« RJR-MacDonald »); R c Société Radio-Canada, 2018 CSC 5 (CanLII), [2018] 1 RCS 196.

[9] Le critère énoncé dans l’arrêt Toth est conjonctif, en ce sens que, pour qu’un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi lui soit accordé, le demandeur doit établir : i) que la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente soulève une question sérieuse; ii) qu’un préjudice irréparable sera causé s’il est renvoyé; iii) que la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi du sursis.

A. Question sérieuse

[10] Dans l’arrêt RJR‑MacDonald, la Cour suprême du Canada a conclu que, pour établir si le premier volet du critère est respecté, il convient de procéder à « un examen extrêmement restreint du fond de l’affaire » (RJR‑MacDonald, à la p 314). La norme de contrôle applicable à la décision d’un agent d’exécution est celle de la décision raisonnable (Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81 (CanLII), [2010] 2 RCF 311 au para 67) (« Baron »). Selon l’arrêt Baron, le refus de reporter l'exécution d'une mesure de renvoi impose au demandeur une norme plus élevée quant au premier volet du critère défini dans l’arrêt Toth, soit l’existence d’une question sérieuse à trancher.

[11] En ce qui a trait au premier des trois volets du critère applicable, les demandeurs soutiennent que la demande sous‑jacente soulève des questions quant au caractère raisonnable et à l’équité procédurale du refus de l'ASFC de la demande de sursis, particulièrement son refus de fournir les motifs pour lesquels elle a rejeté la demande présentée par les demandeurs et son omission de prendre en compte les documents pertinents présentés à l’appui de la requête.

[12] Le défendeur soutient qu’il n’y a pas de question sérieuse à trancher parce que les demandeurs ont omis de présenter la moindre preuve dans leur demande de sursis.

[13] Après avoir examiné les documents de requête des parties, je conviens qu’il n’y a pas de question sérieuse à trancher, à la lumière de la norme plus élevée quant au premier volet énoncé dans l’arrêt Toth. Je conviens avec le défendeur qu’il était loisible à l’agent de conclure que les demandeurs n’avaient pas suffisamment expliqué les raisons pour lesquelles ils n’avaient pas fait mention à la SPR du mandat d’arrestation et de leur prétendue crainte de la police et qu'ils en avaient fait mention à l’ASFC seulement, peu avant le renvoi, et que les éléments de preuve documentaire étaient génériques et ne suffisaient pas pour démontrer qu’ils étaient exposés à des risques personnalisés au Nigéria.

B. Préjudice irréparable

[14] Pour satisfaire au deuxième volet du critère, les demandeurs doivent démontrer qu’un préjudice irréparable sera causé si le sursis n’est pas accordé. Un préjudice n’est pas qualifié d’irréparable en raison de son ampleur; c’est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou auquel il ne peut être remédié (RJR‑MacDonald, à la p 341). La Cour doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le préjudice n’est pas hypothétique, mais elle n’a pas à être convaincue que le préjudice sera causé (Xu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] ACF no 746, 79 FTR 107 (CFPI); Horii c Canada (CA), [1991] ACF no 984, [1992] 1 CF 142 (CAF)).

[15] Les demandeurs allèguent qu’ils subiront un préjudice irréparable s’ils sont renvoyés au Nigéria. Ils prétendent que leur renvoi les exposerait à un préjudice aux mains d’agents étatiques au Nigéria et qu’il y a des éléments de preuve documentaire crédibles étayant ce fait.

[16] Le défendeur soutient que les demandeurs n’ont pas démontré par une preuve claire et convaincante, non hypothétique, qu'il y aura préjudice irréparable et qu’ils n’ont pas produit de preuves de l'existence d’un [traduction] « nouveau » risque qui écarterait les conclusions tirées par la SPR, la SAR et la Cour fédérale.

[17] L’omission d’établir une question sérieuse à trancher soulevée dans la demande de contrôle judiciaire sous-jacente est déterminante eu égard à la présente requête. Quoi qu’il en soit, l'existence d'un préjudice irréparable n'est pas établie en l’espèce. Je conviens avec le défendeur que les demandeurs n’ont pas présenté suffisamment de preuves pour établir que leur renvoi pourrait entraîner un préjudice aux mains de la police nigériane. Les demandeurs ont fourni des éléments de preuve concernant un mandat actif pour l’arrestation du demandeur principal et des éléments de preuve documentaire selon lesquels les personnes qui sont détenues ou arrêtées sont exposées à des peines cruelles et inusitées. Ils n’ont toutefois pas présenté d’éléments de preuve clairs et convaincants dont il ressort une forte probabilité qu’ils seraient eux-mêmes exposés à un préjudice aux mains de la police nigériane, et leurs observations selon lesquelles ils risquent d’être soumis à la torture et/ou à des peines cruelles et inusitées en cas d’arrestation ou de détention sont hypothétiques : (Glooscap Heritage Society c Canada (Revenu national), 2012 CAF 255 au para 31; Gateway City Church c Canada (Revenu national), 2013 CAF 126, aux para 15‑16). De telles hypothèses ne sauraient écarter les conclusions quant au risque tirées par la SPR et la SAR et la décision de la Cour fédérale.

C. Prépondérance des inconvénients

[18] Le troisième volet du critère suppose l’appréciation de la prépondérance des inconvénients — qui consiste à déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l’on accorde ou refuse une injonction interlocutoire en attendant une décision sur le fond (RJR‑MacDonald, à la p 342; Metropolitan Stores Ltd, à la p 129). Il a parfois été dit que, « [l]orsque la Cour est convaincue que l’existence d’une question sérieuse et d’un préjudice irréparable a été établie, la prépondérance des inconvénients militera en faveur du demandeur » (Mauricette c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2008 CF 420 au para 48). Toutefois, la Cour doit également tenir compte de l’intérêt public pour assurer la bonne administration du système d’immigration.

[19] Les demandeurs soutiennent que la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi d’un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi. Ils affirment que, bien qu’un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi constituerait une atteinte à la capacité de l'ASFC de s'acquitter de son devoir, les risques auxquels ils sont exposés militent en faveur de l’octroi du sursis. De plus, ils précisent que la Cour a la compétence d’accorder des sursis afin de protéger l’intégrité de ses procédures.

[20] Le défendeur prétend que la prépondérance des inconvénients milite en faveur du rejet de la requête en sursis à la mesure de renvoi afin d’assurer la bonne administration du système d’immigration.

[21] L’omission de satisfaire aux deux premiers volets du critère est déterminante eu égard à la présente requête. Néanmoins, la prépondérance des inconvénients favorise le défendeur. Aux termes du paragraphe 48(2) de la Loi sur l’Immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, les mesures de renvoi doivent être exécutées dès que possible. La prépondérance des inconvénients milite en faveur de l’exécution de l’ordonnance de renvoi rapidement par le ministre étant donné que les demandeurs n’ont pas présenté suffisamment d’éléments de preuve qu'ils subiraient un préjudice irréparable.

[22] En définitive, les demandeurs ne satisfont pas au critère à trois volets qui doit être rempli pour que soit accordé un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi. Par conséquent, la requête est rejetée.


ORDONNANCE dans le dossier IMM-11327-23

LA COUR ORDONNE que la requête des demandeurs pour l’obtention d’un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi soit rejetée.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

Line Niquet, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-11327-23

 

INTITULÉ :

AKIN RICHARD OLUWAFEMI ET OLUFUNKE OLUWAFEMI c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 SEPTEMBRE 2023

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

LE 15 SEPTEMBRE 2023

 

COMPARUTIONS :

Adetayo Akinyemi

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Leanne Briscoe

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Adetayo Akinyemi

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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