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Date : 20240212

Dossier : IMM‑2380‑24

Référence : 2024 CF 278

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 février 2024

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

RAHUL KALER

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Rahul Kaler, présente une requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi du Canada prise contre lui qui doit avoir lieu le 13 février 2024.

[2] Le demandeur souhaite que la Cour sursoie à son renvoi du Canada jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire au principal de la décision par laquelle l’agent de l’Agence des services frontaliers du Canada a rejeté sa demande de report.

[3] Pour les motifs qui suivent, la présente requête sera rejetée. J’estime que le demandeur ne satisfait pas au critère à trois volets applicable pour que le sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi soit accordé.

II. Faits et décisions au principal

[4] Le demandeur est un citoyen de l’Inde âgé de 26 ans. Il est marié depuis septembre 2020. Il est arrivé au Canada en 2015 muni d’un permis d’études.

[5] Le 1er février 2020, le demandeur a été accusé d’avoir conduit avec les capacités affaiblies. Il a été déclaré coupable, a été condamné à trois jours de prison ainsi qu’à deux amendes et a été assujetti à une interdiction de conduire.

[6] Le demandeur a eu deux entrevues préalables au renvoi en 2023 et son renvoi a été reporté à deux reprises. Le demandeur a été invité à présenter d’autres documents médicaux concernant l’état de son épouse, mais aucun nouveau document n’avait été reçu en date du 15 décembre 2023. Le demandeur a eu une autre entrevue préalable au renvoi en 2024, et il a été informé que son renvoi aurait lieu le 13 février 2024.

[7] Le demandeur a présenté une autre demande de report, et l’agent a rejeté cette demande dans sa décision du 8 février 2024.

III. Question préliminaire

[8] Le défendeur soutient que le défendeur désigné en l’espèce devrait être le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Je suis d’accord. L’intitulé sera modifié avec effet immédiat, de manière à remplacer le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à titre de défendeur.

IV. Analyse

[9] Le critère à trois volets régissant l’octroi du sursis à l’exécution de la mesure de renvoi est bien établi : Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1988 CanLII 1420 (CAF) (« Toth »); Manitoba (Procureur général) c Metropolitan Stores Ltd., 1987 CanLII 79 (CSC), [1987] 1 RCS 110 (Metropolitan Stores Ltd); RJR‑MacDonald Inc c Canada (Procureur général), 1994 CanLII 117 (CSC), [1994] 1 RCS 311 (RJR‑MacDonald); R c Société Radio‑Canada, 2018 CSC 5, [2018] 1 RCS 196.

[10] Le critère énoncé dans l’arrêt Toth est conjonctif, en ce sens que, pour que le sursis à l’exécution de la mesure de renvoi lui soit accordé, le demandeur doit établir i) que la demande de contrôle judiciaire au principal soulève une question sérieuse à trancher; ii) que le renvoi causerait un préjudice irréparable; et iii) que la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi du sursis.

A. Question sérieuse

[11] Dans l’arrêt RJR‑MacDonald, la Cour suprême du Canada a établi qu’il convient de déterminer s’il est satisfait au premier volet du critère en se fondant sur un « examen extrêmement restreint du fond de l’affaire » (RJR‑MacDonald, à la p 314). La Cour doit également garder à l’esprit que le pouvoir discrétionnaire de reporter le renvoi de la personne visée par une mesure de renvoi exécutoire est limité. La norme de contrôle applicable à la décision de l’agent d’exécution de la loi est celle de la décision raisonnable (Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, [2010] 2 RCF 311 (Baron) au para 67).

[12] Selon l’arrêt Baron, le demandeur qui conteste le refus de reporter l’exécution de la mesure de renvoi doit satisfaire à une norme élevée en ce qui concerne le premier volet du critère de l’arrêt Toth, qui est d’établir l’existence d’une question sérieuse à trancher.

[13] En ce qui concerne le premier volet du critère, le demandeur soutient que sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire au principal soulève des questions qui ne sont ni vexatoires ni frivoles relativement à la décision de l’agent. Je fais remarquer qu’il ne s’agit pas de la norme applicable aux questions sérieuses en lien avec la demande de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi, conformément à ce qui est énoncé dans l’arrêt Baron.

[14] Le défendeur soutient que le demandeur n’a pas soulevé de question sérieuse. Il affirme que le demandeur n’a pas présenté le mémoire des faits et du droit relatif à sa demande d’autorisation pour la présente requête. Le défendeur soutient également que, de toute manière, la décision de l’agent est raisonnable.

[15] Au vu des documents, je suis d’accord avec le défendeur. Le mémoire des faits et du droit sur lequel le demandeur se fonde pour établir l’existence d’une question sérieuse n’a pas été présenté à la Cour en lien avec la présente requête. Par conséquent, le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir l’existence d’une question sérieuse (Atwal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 427 (Atwal) au para 14).

B. Préjudice irréparable

[16] Pour satisfaire au deuxième volet du critère, le demandeur doit démontrer qu’il subira un préjudice irréparable si le sursis n’est pas accordé. Un préjudice n’est pas qualifié d’irréparable en raison de son ampleur; il s’agit plutôt d’un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou auquel il ne peut être remédié (RJR‑MacDonald, à la page 341). La Cour doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le préjudice n’est pas hypothétique, mais elle n’a pas à être convaincue qu’il se produira (Xu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] ACF no 746 (QL); Horii c Canada (CAF), [1991] ACF no 984, [1992] 1 CF 142).

[17] Le demandeur soutient qu’il subira un préjudice irréparable s’il est renvoyé du Canada, invoquant les problèmes de santé de son épouse et l’intérêt supérieur de l’enfant.

[18] Le défendeur soutient que le demandeur n’a pas établi l’existence d’un préjudice irréparable, puisqu’il n’a pas présenté de preuve claire démontrant que l’état de son épouse entraîne un préjudice irréparable et que, selon la preuve, son épouse peut s’occuper d’elle‑même et de leur enfant.

[19] Je suis d’accord avec le défendeur. La preuve produite par le demandeur au sujet de l’état de son épouse n’est pas suffisamment claire, convaincante et non hypothétique pour établir l’existence d’un préjudice irréparable (Atwal, au para 14). Je prends acte du fait que l’agent a été particulièrement attentif à l’état de santé de l’épouse (ayant même demandé d’autres documents au demandeur), et je conviens, pour les besoins de la présente requête, qu’il y a peu d’éléments de preuve, mis à part le court billet du médecin concernant l’état de santé de l’épouse, permettant de démontrer l’existence d’un préjudice irréparable. Je suis d’accord avec l’avocat du défendeur pour dire que la preuve établit que l’épouse du demandeur reçoit actuellement des soins et qu’elle peut continuer d’en recevoir au Canada. En l’espèce, la preuve ne permet pas de satisfaire au seuil nécessaire pour l’établissement d’un préjudice irréparable.

C. Prépondérance des inconvénients

[20] Selon le troisième volet du critère, la Cour doit apprécier la prépondérance des inconvénients, ce qui consiste à déterminer quelle partie subirait le plus grand préjudice selon que l’on accorde ou refuse une injonction interlocutoire en attendant une décision sur le fond (RJR‑MacDonald, à la p 342; Metropolitan Stores Ltd, à la p 129). Il a parfois été dit que, « [l]orsque la Cour est convaincue que l’existence d’une question sérieuse et d’un préjudice irréparable a été établie, la prépondérance des inconvénients militera en faveur du demandeur » (Mauricette c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2008 CF 420 au para 48). Toutefois, la Cour doit également tenir compte de l’intérêt public pour assurer la bonne administration du système d’immigration.

[21] Le demandeur soutient que la prépondérance des inconvénients joue en sa faveur, compte tenu de la preuve produite et du fait qu’il n’y a [traduction] « aucune raison d’intérêt public correspondante justifiant son expulsion ».

[22] Le défendeur soutient que la prépondérance des inconvénients milite en faveur du défendeur, étant donné que le ministre est tenu, au titre du paragraphe 48(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, de renvoyer le demandeur rapidement et que le demandeur fait l’objet d’une déclaration de culpabilité.

[23] Je suis d’accord avec le défendeur. La prépondérance des inconvénients milite en faveur du défendeur. Le ministre a l’obligation de renvoyer rapidement les ressortissants étrangers comme le demandeur. De plus, compte tenu de la déclaration de culpabilité du demandeur, la prépondérance des inconvénients milite [traduction] « fortement » en faveur du défendeur (ES v Canada (Citizenship and Immigration), 2022 CanLII 106384, au para 43, renvoyant à Thanabalasingham c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 486). Même si l’avocat du demandeur minimise la gravité de l’infraction commise par le demandeur, l’avocat du défendeur a souligné à juste titre que le fait que les actes du demandeur n’aient pas causé de préjudice à autrui ni à lui‑même était attribuable à un heureux hasard plutôt qu’à la faible gravité de son crime.

[24] En conclusion, le demandeur n’a pas satisfait au critère à trois volets qui doit être respecté pour qu’un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi soit accordé. La requête sera donc rejetée.


ORDONNANCE dans le dossier IMM‑2380‑24

LA COUR REND L’ORDONNANCE suivante :

  1. La requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi du demandeur est rejetée.

  2. L’intitulé est modifié de manière à remplacer le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à titre de défendeur.

« Shirzad A. »

Juge



COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2380‑24

 

INTITULÉ :

RAHUL KALER c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 FÉVRIER 2024

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

LE 12 FÉVRIER 2024

 

COMPARUTIONS :

T. Soye Brown

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Sydney Ramsay

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

T. Soye Brown

Avocat

Surrey (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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