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Date : 20240207


Dossier : T-1471-21

Référence : 2024 CF 187

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 7 février 2024

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

GE RENEWABLE ENERGY CANADA INC.

demanderesse

et

CANMEC INDUSTRIAL INC.

défenderesse

et

RIO TINTO ALCAN INC.

Tierce partie

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Vue d’ensemble

[1] La demanderesse, GE Renewable Energy Canada Inc [GEREC], souhaite apporter de nouvelles modifications à sa déclaration modifiée dans le cadre de la présente action en violation du droit d’auteur. La défenderesse, Canmec Industrial Inc [Canmec], et la tierce partie, Rio Tinto Alcan Inc [Rio Tinto], consentent à certaines modifications proposées par GEREC, mais s’opposent aux modifications relevant de deux catégories contestées.

[2] Les modifications de la première catégorie concernent la définition donnée à l’expression « GEREC Designs » (ou les « modèles de GEREC »). Dans sa déclaration, GEREC prétend détenir des droits d’auteur pour les modèles de GEREC et allègue que Canmec a porté atteinte à ces droits. Comme cela a été confirmé lors de l’audition de la présente requête, GEREC cherche à élargir la définition de l’expression « modèles de GEREC », qui s’applique actuellement à trente-trois (33) dessins de fabrication (ou [traduction] « au moins » 33 dessins, un adverbe dont il est question ci-dessous), en y ajoutant un libellé qui couvrirait un nombre non précisé de dessins et de plans non répertoriés, ce qui correspondrait, selon les estimations, à environ 2 000 ou 2 400 œuvres.

[3] Les modifications de la deuxième catégorie concernent les activités de Canmec qui sont qualifiées de contrefaçon. GEREC cherche, plus précisément, à modifier sa déclaration pour y inclure une allégation selon laquelle la fabrication par Canmec de pièces d’équipement (certaines « vannes papillon ») constitue une contrefaçon des modèles de GEREC.

[4] Pour les motifs qui suivent, GEREC n’est pas autorisée à effectuer les modifications de la première catégorie. Ces modifications, telles qu’elles sont rédigées, ne sont pas suffisamment détaillées pour satisfaire à l’exigence élémentaire d’un acte de procédure viable. Si GEREC décide de demander à nouveau une autorisation de modifier conformément aux présents motifs, la Cour et les parties défenderesses seront plus à même de se prononcer et de déterminer si de telles modifications sont dans l’intérêt de la justice.

[5] L’autorisation de modifier est accordée pour les modifications de la deuxième catégorie. Ces modifications confèrent à l’acte de procédure un caractère viable, il est dans l’intérêt de la justice de les autoriser et ils ne risquent pas de causer une injustice pour Canmec ou Rio Tinto. L’autorisation est également accordée pour apporter les modifications auxquelles Canmec et Rio Tinto ne s’opposent pas.

[6] La requête est donc accueillie en partie et rejetée en partie, et des dépens de 2 500 $ sont adjugés à chacune des deux défenderesses.

II. Question en litige et principes juridiques

[7] L’unique question qui se pose en l’espèce est celle de savoir si la Cour doit autoriser GEREC à modifier sa déclaration modifiée. Le paragraphe 75(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles], prévoit que la Cour peut autoriser une partie à modifier un document, y compris un acte de procédure, « aux conditions qui permettent de protéger les droits de toutes les parties » :

Modifications avec autorisation

Amendments with leave

75 (1) Sous réserve du paragraphe (2) et de la règle 76, la Cour peut à tout moment, sur requête, autoriser une partie à modifier un document, aux conditions qui permettent de protéger les droits de toutes les parties.

75 (1) Subject to subsection (2) and rule 76, the Court may, on motion, at any time, allow a party to amend a document, on such terms as will protect the rights of all parties.

[8] La règle générale est qu’une modification peut être autorisée à tout stade d’une action dans le but de déterminer les « véritables questions litigieuses entre les parties », pourvu que l’autorisation des modifications (i) ne cause pas d’injustice aux autres parties que des dépens ne pourraient réparer, et (ii) serve les intérêts de la justice : Enercorp Sand Solutions Inc c Specialized Desanders Inc, 2018 CAF 215, au para 19, citant Canderel Ltée c Canada, 1993 CanLII 2990 (CAF), à la p 10; McCain Foods Limited c JR Simplot Company, 2021 CAF 4, au para 20; Janssen Inc c Abbvie Corporation, 2014 CAF 242, au para 9. Il incombe à la partie qui souhaite faire les modifications de démontrer qu’elles devraient être autorisées : Merck & Co, Inc c Apotex Inc, 2003 CAF 488, aux para 29, 35-36.

[9] Pour déterminer si une modification servirait les intérêts de la justice, la Cour peut prendre en considération des facteurs tels que (i) le moment auquel est présentée la requête en modification; (ii) le fait que les modifications proposées retarderaient l’instruction de l’affaire; (iii) la mesure dans laquelle la thèse adoptée à l’origine par une partie a amené une autre partie à suivre dans le litige une ligne de conduite qu’il serait difficile de modifier et (iv) le fait que les modifications demandées faciliteront l’examen par la Cour du véritable fond du différend : Enercorp, aux para 20-21, citant Continental Bank Leasing Corp c La Reine, [1993] ACI no 18; Règles des Cours fédérales, art 3. Ces facteurs sont considérés dans leur ensemble et aucun d’entre eux n’est déterminant.

[10] Une modification doit également conférer à un acte de procédure un caractère viable, et une modification susceptible d’être radiée en vertu de l’article 221 ne devrait pas être autorisée : Enercorp, au para 22; McCain, aux para 20-22; Teva Canada Limitée c Gilead Sciences Inc, 2016 CAF 176, aux para 28-32. Ainsi, lorsqu’il est évident et manifeste que les modifications proposées ne révèlent aucune cause d’action valable, ou qu’elles constituent un « changement radical » par rapport à la position tenue antérieurement par la partie, elles ne devraient pas être autorisées : Règles des Cours fédérales, art 221(1)a), e); Enercorp, aux para 22-28; McCain, aux para 20-23; Corporation de soins de la santé Hospira c The Kenny Trust for Rheumatology Research, 2020 CAF 191, au para 5, citant Merck au para 47; Atlantic Container Lines AB c Cerescorp Company, 2017 CF 465, au para 8; Proslide Technology, Inc v Whitewater West Industries, Ltd, 2023 FC 1591, aux para 15-16; mais voir J2 Global Communications Inc c Protus IP Solutions Inc, 2009 CAF 41, aux para 8-10. Cette notion a été décrite comme une « condition préalable » qu’il convient de traiter avant d’aborder toute autre question de justice et d’injustice : Teva, au para 31.

[11] Les actes de procédure qui ne sont pas suffisamment détaillés pour permettre à la partie adverse de présenter une défense en réponse sont également susceptibles d’être radiés en vertu de l’article 221 des Règles, pour manquement à l’obligation prévue à l’article 174 des Règles, selon lequel ils doivent contenir « un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde » : Mancuso c Canada (Santé nationale et Bien-être social), 2015 CAF 227, aux para 16-20; Fox Restaurant Concepts LLC v 43 North Restaurant Group Inc, 2022 FC 1149, aux para 4, 20-32. Les modifications peuvent également être refusées pour ce motif, qu’il s’agisse d’une condition préalable ou d’une question d’intérêt de la justice : McCain, aux para 22-23; Enercorp, aux para 34-37. Toutefois, le cas échéant, l’absence de précisions dans une proposition de modification peut être corrigée en donnant l’autorisation de présenter une nouvelle demande ou en imposant une obligation de fournir des précisions comme condition à l’acceptation des modifications : Enercorp, aux para 26-30, 34-38; Atlantic, au para 15.

III. Application des principes

A. La nature de l’action et les étapes franchies

[12] La présente action découle de la modernisation de la centrale hydroélectrique de Rio Tinto à Alma, au Québec, connue sous le nom de centrale Isle-Maligne. En 2016, GEREC a conclu un accord avec Rio Tinto pour la réfection de deux unités hydroélectriques. GEREC affirme avoir contacté Canmec en tant que sous-traitant potentiel pour une pièce d’équipement appelée « vanne papillon » pour l’une des unités, et avoir transmis à Canmec trente-trois (33) dessins de fabrication relatifs à cette vanne papillon. Canmec n’a finalement pas été retenu comme sous-traitant et GEREC a achevé la réfection des deux unités en 2018.

[13] En 2019, Rio Tinto a lancé une demande de propositions pour la modernisation des dix autres unités de la centrale Isle-Maligne. GEREC et Canmec ont soumis des propositions en réponse à cette demande de propositions. Rio Tinto a accepté la proposition de Canmec. Les allégations de GEREC concernant la violation de ses droits d’auteur découlent de la proposition de Canmec ayant été retenue par Rio Tinto pour son projet.

[14] GEREC a introduit la présente action le 24 septembre 2021. Les questions soulevées en l’espèce concernent, pour l’essentiel, des modifications proposées pour les paragraphes 12 et 28 de la déclaration, de même que des modifications corollaires et connexes à appliquer à d’autres paragraphes. Dans la déclaration initiale, les paragraphes 12 et 28 sont libellés comme suit :

[traduction]

12. Tous les droits de propriété intellectuelle relatifs à l’équipement de production d’énergie créé aux termes du contrat GEREC-RT sont détenus par GEREC. Plus précisément, au titre du contrat GEREC-RT, GEREC a créé de nombreux modèles de vannes hydrauliques mécaniques destinées à la réfection de la centrale Isle-Maligne. Les modèles créés sont exclusifs et originaux et ont été illustrés dans une série d’au moins trente-trois (33) dessins de fabrication (les « modèles de GEREC »).

[…]

28. Sans l’autorisation ou le consentement de GEREC, Canmec a abusivement copié, produit, ou reproduit, ou distribué ou détenu aux fins d’une telle distribution les modèles de GEREC, ou des parties substantielles de ceux-ci, aux fins de la préparation et de la soumission de la proposition de Canmec, ainsi que de la réfection des unités 3 à 12 de la centrale Isle-Maligne (« les activités de contrefaçon de Canmec »).

[15] Pour éviter toute confusion dans le contexte d’une requête en modification des actes de procédure, je n’ai pas souligné les passages pertinents de ces paragraphes, mais les questions fondamentales en l’espèce concernent (i) la définition de l’expression « modèles de GEREC» du paragraphe 12, en particulier la référence à de « nombreux modèles » et aux modèles « illustrés dans » une série d’au moins trente-trois (33) dessins de fabrication; et (ii) la définition des « activités de contrefaçon de Canmec » du paragraphe 28, en particulier le libellé « ainsi que la réfection des unités 3 à 12 ».

[16] L’expression définie, « modèles de GEREC », apparaît à de nombreuses reprises dans le texte de la déclaration. On s’y réfère entre autres aux paragraphes 18, 19 et 20 de la déclaration initiale, qui font respectivement référence aux [traduction] « trente-trois (33) modèles de GEREC », à « chacun des 33 modèles de GEREC » et à « l’ensemble des 33 modèles de GEREC ».

[17] En octobre 2021, Canmec a demandé des copies des documents joints à la déclaration, notamment les modèles de GEREC dont il est question au paragraphe 12 et des détails sur les « activités de contrefaçon » mentionnées au paragraphe 28.

[18] GEREC a répondu que des copies des modèles de GEREC pourraient être fournies après la délivrance d’une ordonnance conservatoire, mais a fait remarquer qu’il était allégué au paragraphe 18 que Canmec était déjà en possession des modèles de GEREC. Dans une correspondance ultérieure, la demanderesse a fourni une liste détaillée des numéros de dessins des « 33 modèles de GEREC ». En ce qui concerne les activités de contrefaçon, GEREC a répondu que les activités alléguées [traduction] « comprennent la copie, la production, la reproduction ou la distribution (ou la possession aux fins d’une telle distribution) de tous les dessins et modèles soumis par la défenderesse dans le cadre de “la proposition de Canmec”, et de toute œuvre générée par Canmec et liée à la réfection des unités 3 à 12 de la centrale Isle-Maligne correspondant aux modèles de GEREC ou en nécessitant l’usage, de tout dessin ou modèle soumis par la défenderesse dans le cadre de “la proposition de Canmec” ou de toute partie essentielle de l’un des modèles en question » [non souligné dans l’original].

[19] Non satisfaite de cette réponse, Canmec a déposé une requête par laquelle elle demandait des précisions au sujet (i) des modèles de GEREC et (ii) des activités de contrefaçon. La requête a été entendue et tranchée par le juge Grammond le 5 avril 2022.

[20] GEREC fait valoir dans sa requête qu’il n’était pas nécessaire de donner davantage de détails sur les « modèles de GEREC », étant donné (i) qu’ils étaient décrits dans la déclaration, notamment aux paragraphes 12 et 18; (ii) que GEREC avait fourni à Canmec une liste des [traduction] « trente-trois (33) numéros de dessins de GEREC »; et que (iii) Canmec avait « les trente-trois (33) modèles de GEREC » en sa possession. Le juge Grammond s’est rallié à cette position et a conclu ce qui suit, ici présenté avec ma traduction en anglais :

[10] […] Canmec demande que GEREC précise les parties des GEREC Designs qui ont été contrefaites. Une telle précision n’est pas nécessaire. Canmec est en possession des GEREC Designs. Bien qu’il s’agisse d’œuvres d’envergure, tant sur le plan du format que sur celui du niveau de détail, Canmec sera certainement en mesure d’identifier les parties des GEREC Designs dont la contrefaçon est alléguée.

[10] […] Canmec asks that GEREC particularize the parts of the GEREC Designs that were infringed. Such particulars are not necessary. Canmec is in possession of the GEREC Designs. Although they are sizeable works, both in terms of format and level of detail, Canmec will certainly be able to identify the parts of the GEREC Designs of which infringement is alleged.

[Je souligne.]

[Emphasis added.]

[21] Toutefois, le juge Grammond a admis qu’il était nécessaire d’apporter des précisions sur les activités de contrefaçon. En évoquant une admission faite durant les plaidoiries, il a conclu ainsi (toujours avec ma traduction) :

[9] Dans sa réponse à la demande de précisions de Canmec, GEREC a affirmé que les violations alléguées avaient trait à « any work product generated by Canmec » relativement au projet. J’estime que l’expression « work product » est ambiguë. À l’audience, GEREC a concédé qu’il s’agissait en réalité de dessins ou de plans produits par Canmec en vue de la réalisation du projet. Un tel degré de précision serait suffisant. J’ordonnerai donc à GEREC de préciser sa déclaration en conséquence.

[9] In its response to Canmec’s demand for particulars, GEREC stated that the alleged infringements related to “any work product generated by Canmec” related to the project. I find that the expression “work product” is ambiguous. At the hearing, GEREC conceded that in reality, it pertained to drawings or plans produced by Canmec for the realization of the project. Such a degree of particularization would be sufficient. I will therefore order GEREC to particularize its claim accordingly.

[Je souligne.]

[Emphasis added.]

[22] Conformément à l’ordonnance du juge Grammond, GEREC a modifié le paragraphe 28 comme suit :

[traduction]

28. Sans l’autorisation ou le consentement de GEREC, Canmec a abusivement copié, produit ou reproduit, ou distribué ou détenu aux fins d’une telle distribution, les modèles de GEREC, ou des parties substantielles de ceux-ci, aux fins de la préparation et de la soumission de la proposition de Canmec, ainsi que de dessins et de plans, y compris, mais sans s’y limiter, des dessins et des plans sous forme électronique, papier ou tout autre format, notamment des fichiers CAO 2D, des fichiers CAO 3D, d’autres fichiers électroniques, des copies papier de tout ce qui précède et des documents ou croquis manuscrits, ce qui inclut toutes les modifications électroniques et manuscrites de tout ce qui précède, et que Canmec a préparés ou utilisés aux fins de la réfection des unités 3 à 12 de la centrale Isle-Maligne (« les activités de contrefaçon de Canmec »).

[Le soulignement indique les modifications.]

[23] Comme on peut le voir, les modifications apportées par GEREC au paragraphe 28 ajoutent des précisions et circonscrivent l’allégation de contrefaçon, le libellé passant de « aux fins de la préparation et de la soumission de la proposition de Canmec, ainsi que de la réfection des unités 3 à 12 » [non souligné dans l’original] à « aux fins de la préparation et de la soumission de la proposition de Canmec, ainsi que de dessins et de plans [...] que Canmec a préparés ou utilisés aux fins de la réfection des unités 3 à 12 » [non souligné dans l’original]. Les modifications ont ainsi pour effet de retrancher du paragraphe 28 l’allégation selon laquelle la réfection elle-même constituait une atteinte au droit d’auteur.

[24] Le reste de l’année 2022 a été consacré à l’échange et à la clôture des plaidoiries, ainsi qu’à l’examen d’une requête en disjonction introduite par Canmec et Rio Tinto, qui a été rejetée par la juge adjointe Tabib en décembre 2022. En mars 2023, l’instruction a été prévue pour une durée de dix jours en mai 2024. Les parties ont procédé à des interrogatoires préalables en 2023, ce qui a donné lieu à une requête en interrogatoire préalable qui a été entendue et tranchée par la juge Tsimberis en septembre 2023. La juge Tsimberis a notamment ordonné à GEREC de produire des documents relatifs à la préparation des modèles de GEREC.

[25] GEREC a produit plus de 23 000 documents supplémentaires conformément à l’ordonnance de la juge Tsimberis. En octobre 2023, étant donné la quantité de nouveaux documents produits, les parties ont consenti à l’ajournement des dates prévues d’audience, qui devait avoir lieu en mai 2024. L’instruction a été repoussée pour se tenir pendant dix jours, à compter du 21 octobre 2024.

B. Les modifications proposées

[26] GEREC souhaite modifier le paragraphe 12 de la déclaration modifiée pour le libeller ainsi :

[traduction]

12. Tous les droits de propriété intellectuelle relatifs à l’équipement de production d’énergie aux vannes papillon, créées aux termes du contrat GEREC-RT et de tous les formulaires d’achat d’équipement ultérieurs sont détenus par GEREC. Plus précisément, au titre du contrat GEREC-RT, GEREC a créé de nombreux modèles de vannes hydrauliques mécaniques vannes papillon destinées à la réfection de la centrale Isle-Maligne. Les modèles créés sont exclusifs et originaux et ont été illustrés dans une série d’au moins trente-trois (33) dessins de fabrication et autres dessins et plans s’y rapportant, y compris, mais sans s’y limiter, des dessins de fabrication et des plans des vannes papillon sous forme électronique, papier et tout autre format, notamment des dessins et fichiers CAO 2D et CAO 3D, ce qui inclut toutes les modifications électroniques et manuscrites de tout ce qui précède (les « les modèles de GEREC »).

[Le double soulignement indique les ajouts; les biffures, les suppressions.]

[27] Canmec et Rio Tinto ne s’opposent pas aux trois premières modifications (la substitution des termes « équipement » et « vannes hydrauliques » par « vannes papillon » et l’ajout d’une référence aux formulaires d’achat). La modification contestée est l’ajout de la mention « autres dessins et plans » à la fin du paragraphe, qui change la définition de « modèles de GEREC ». Canmec et Rio Tinto s’opposent également aux modifications proposées pour les paragraphes 18, 19, 20, 27 et 32. Ces modifications constituent la première catégorie des modifications contestées.

[28] GEREC souhaite également modifier le paragraphe 28 de la déclaration modifiée comme suit :

[traduction]

28. Sans l’autorisation ou le consentement de GEREC, Canmec a abusivement copié, produit ou reproduit, ou autorisé des tiers à accomplir de tels actes, ou distribué ou détenu aux fins d’une telle distribution, les modèles de GEREC, ou des parties substantielles de ceux-ci, aux fins de la préparation et de la soumission de la proposition de Canmec, ainsi que de dessins et de plans, y compris, mais sans s’y limiter, des dessins et des plans sous forme électronique, papier ou tout autre format, notamment des fichiers CAO 2D, des fichiers CAO 3D, d’autres fichiers électroniques, des copies papier de tout ce qui précède et des documents ou croquis manuscrits, ce qui inclut toutes les modifications électroniques et manuscrites de tout ce qui précède, et que Canmec a préparés ou utilisés aux fins de la réfection des unités 3 à 12 de la centrale Isle-Maligne, et de la production ou de l’autorisation de produire les vannes papillon de Canmec et tout composant intégré ou apparentéles activités de contrefaçon de Canmec »).

[Le double soulignement indique les modifications proposées; le simple soulignement, les modifications effectuées antérieurement.]

[29] Canmec et Rio Tinto s’opposent aux modifications que GEREC propose d’apporter à la fin du paragraphe relativement à la production par Canmec de vannes papillon et de composants comme étant apparemment des activités de contrefaçon. Ces modifications, de même qu’une modification corollaire apportée au paragraphe 34 pour y ajouter une référence à la fabrication des vannes papillon, constituent les modifications de la deuxième catégorie contestée.

C. Les modifications de la première catégorie ne seront pas autorisées

(1) Teneur des modifications en question

[30] GEREC soutient que toutes les modifications qu’elle propose sont [traduction] « de simples modifications destinées à clarifier et à préciser les choses » et qu’elles ne créent aucune nouvelle cause d’action, mais visent plutôt à clarifier et à préciser l’acte de procédure actuel. En ce qui concerne la première catégorie de modifications, la demanderesse souligne qu’il a toujours été question, au paragraphe 12 de la déclaration, d’une « série d’au moins trente-trois (33) dessins de fabrication » [non souligné dans l’original] et elle prétend que les modifications proposées ne visent qu’à préciser cette affirmation.

[31] Je suis d’accord avec Canmec et Rio Tinto pour dire qu’il s’agit là d’une qualification tout à fait inadéquate des modifications proposées de la première catégorie. Je dis cela pour deux raisons : a) l’utilisation par GEREC de l’expression « au moins » au paragraphe 12 est injustifiée et inappropriée dans les circonstances; b) la véritable teneur des modifications proposées par GEREC, comme l’a confirmé l’avocat lors de l’audience, est l’ajout d’un nombre non précisé (environ 2 000 ou plus) d’œuvres non répertoriées à la liste des 33 œuvres dont GEREC reproche la contrefaçon à Canmec.

(a) L’utilisation par GEREC de l’expression « au moins » est injustifiée et inappropriée

[32] Contrairement à ce que soutient GEREC, la présence des mots « au moins » au paragraphe 12 ne fait pas de la définition actuelle de « modèles de GEREC » une catégorie ouverte à laquelle d’autres documents peuvent être ajoutés à titre de clarification ou de précision.

[33] Pour déterminer la signification d’une formulation ouverte comme « au moins » dans un acte de procédure, il faut la lire à la lumière de la déclaration dans son ensemble : Wi-LAN Inc c Apple Canada Inc, 2022 CF 974, aux para 36-39, citant Reliance Comfort Limited Partnership c Commissaire de la concurrence, 2013 CAF 129, aux para 6-8. En l’espèce, l’usage de l’expression « au moins » au paragraphe 12 doit être considéré à la lumière du contenu des paragraphes 18 à 20, lequel confirme que les allégations de la déclaration visent « les 33 modèles de GEREC » [non souligné dans l’original], c’est-à-dire uniquement les 33 dessins de fabrication, et non pas une liste indéfinie et non limitative incluant d’autres dessins ou plans. S’il en était autrement, l’usage de l’expression « au moins » au paragraphe 12 pourrait ne pas satisfaire aux exigences de l’article 174 des Règles, d’autant plus que tout élément additionnel serait connu de GEREC, mais pas de Canmec ou de Rio Tinto : Reliance, au para 8; Stryker Corporation c Umano Medical Inc, 2016 CF 378, au para 38; Throttle Control Tech Inc c Precision Drilling Corporation, 2010 CF 1085, aux para 24-27, citant Cremco Supply Ltd c Canada Pipe Company, 1998 CanLII 7616 (CF), au para 23; Johnney Enterprises Co c Rui Royal International Corp, [1998] ACF no 196, aux para 26-30.

[34] Quoi qu’il en soit, l’utilisation par GEREC de l’expression « au moins » est en opposition avec les observations claires qu’elle a faites devant le juge Grammond lors de l’instruction de la requête antérieure relative aux précisions. Il s’agissait notamment de l’affirmation selon laquelle GEREC avait fourni une liste des numéros de dessins [traduction] « correspondant aux trente-trois (33) modèles de GEREC en cause, lesquels peuvent être utilisés par Canmec pour examiner et identifier les modèles de GEREC au moyen de la documentation que Canmec a déjà en sa possession », ainsi que plusieurs autres références à « chacun des 33 modèles de GEREC » et à « l’ensemble des 33 modèles de GEREC ». Ces affirmations ont été faites pour appuyer la position de GEREC selon laquelle les modèles de GEREC avaient été [traduction] « clairement identifiés » et que Canmec [traduction] « savait parfaitement quelles sont les œuvres protégées par le droit d’auteur qui font l’objet de la revendication de GEREC ». Ces observations indiquent clairement qu’en dépit de la formulation ouverte utilisée au paragraphe 12, la déclaration de GEREC fait état d’une atteinte aux droits d’auteur en ce qui concerne les 33 dessins de fabrication, et uniquement les 33 dessins de fabrication. L’ordonnance du juge Grammond a été rendue en fonction de ces observations.

[35] Après avoir présenté ces observations claires à la Cour, GEREC est, au mieux, malavisée de faire valoir la présence inchangée de l’expression « au moins » au paragraphe 12. Comme l’a déjà fait remarquer la Cour d’appel, les explications des avocats à propos du sens à donner aux actes de procédure font partie du contexte que l’on peut prendre en compte dans l’interprétation de tels actes de procédure, et permettre aux parties de rétracter librement de telles affirmations « serait de très mauvais augure pour la bonne administration de la justice » : Bande de Sawridge c Canada, 2006 CAF 228, aux para 34-38.

(b) La véritable teneur des modifications proposées par GEREC

[36] En second lieu, et de manière plus significative, les efforts de GEREC pour invoquer la distinction entre les modèles de GEREC en cause et les documents qui illustrent ces derniers ne font que porter à confusion quant à la teneur de sa déclaration. Les questions posées à l’avocat de GEREC lors de l’audition de la requête l’ont clairement démontré.

[37] La partie I de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42, sur laquelle est basée la demande de GEREC, protège le droit d’auteur sur les « œuvres », qui ne sont que l’expression des idées, et non les idées comme telles : IMS Incorporated c Toronto Regional Real Estate Board, 2023 CAF 70, aux para 34-35; CCH Canadienne Ltée c Barreau du Haut-Canada, 2004 CSC 13, au para 8. La question qui se pose, et à laquelle Canmec et Rio Tinto doivent répondre de manière compréhensible et impérative, est la suivante : quelles sont les œuvres pour lesquelles GEREC affirme détenir un droit d’auteur, qu’elle accuse Canmec d’avoir enfreint?

[38] Comme indiqué ci-dessus, la réponse à cette question à propos des actes de procédure dans leur état actuel a été obtenue dès le début du litige : les modèles de GEREC pour lesquels un droit d’auteur a été revendiqué sont les 33 dessins de fabrication. Les dessins, comme les plans et d’autres types d’œuvres, correspondent à la définition d’« œuvre artistique » donnée à l’article 2 de la Loi sur le droit d’auteur.

[39] Toutefois, dans ses observations écrites déposées en l’espèce, GEREC affirme que sa déclaration porte sur son droit d’auteur et la contrefaçon de [traduction] « divers dessins techniques » qui sont définis comme les « modèles de GEREC »; elle déclare également que les modèles de GEREC sont à tout le moins « illustrés dans » les 33 dessins de fabrication. Elle a également soutenu qu’elle se contentait d’apporter des précisions au sujet [traduction] « des supports sur lesquels les modèles de GEREC sont illustrés ». En outre, la requête de GEREC vise à modifier les paragraphes 19, 20 et 27 de la déclaration modifiée pour y ajouter une référence aux [traduction] « trente-trois (33) dessins de fabrication représentant les modèles de GEREC » [non souligné dans l’original], suggérant ainsi que les 33 dessins de fabrication ne seraient pas les modèles de GEREC.

[40] Ces déclarations et propositions de modification ont laissé les défenderesses et la Cour en proie à une grande incertitude quant à la teneur de la déclaration modifiée et des modifications proposées qui s’y rapportent.

[41] Lors de l’audience, l’avocat de GEREC a expressément confirmé que (i) malgré la référence à de « nombreux modèles de vannes hydrauliques mécaniques [les vannes papillon] » au paragraphe 12, il n’y avait en réalité qu’un seul modèle de vanne papillon; que (ii) ce modèle unique, qui a de multiples composants, est illustré ou représenté dans divers dessins; et que (iii) malgré ses observations écrites, GEREC ne revendique pas un droit d’auteur sur le modèle en tant que tel, mais seulement sur les dessins. Selon la version actuelle de la déclaration modifiée, les 33 œuvres artistiques que sont les dessins mécaniques constituent donc les « modèles de GEREC ». Ceci est conforme aux observations que GEREC a soumises au juge Grammond et avec l’ordonnance de ce dernier, comme indiqué ci-dessus.

[42] Par conséquent, et contrairement aux observations que GEREC a présentées, les modifications que GEREC propose d’apporter au paragraphe 12 de la déclaration modifiée ne font pas qu’apporter [traduction] « des précisions au sujet des supports sur lesquels les modèles de GEREC sont illustrés ». Elles visent à inclure d’autres « dessins et plans », c’est-à-dire d’autres œuvres artistiques, à la définition de « modèles de GEREC », et donc à la liste des œuvres qui auraient fait, selon GEREC, l’objet d’une contrefaçon. L’avocat de GEREC a de nouveau confirmé ce fait lors de l’audience. Selon les modifications proposées, cela serait fait grâce à l’usage de formulations larges et ouvertes, sans préciser quelles sont les œuvres en cause ou même leur nombre, et en ne donnant qu’une simple description non limitative de celles-ci.

[43] Les œuvres supplémentaires dont il est question font partie des documents dont la production a été ordonnée par la juge Tsimberis. L’avocat de Rio Tinto a estimé, à partir d’un examen des dessins faisant partie des documents produits par GEREC, que la description figurant dans la modification proposée s’appliquerait à environ 2 400 documents. L’avocat de GEREC, lors de l’audition de la requête, a indiqué que GEREC n’avait pas elle-même dénombré les œuvres qu’elle proposait ainsi d’inclure dans la déclaration, mais a admis que l’estimation de Rio Tinto était raisonnable et que la modification proposée se traduirait par la revendication du droit d’auteur pour environ 2 000 œuvres et par l’allégation de leur contrefaçon.

[44] Bien que la teneur des modifications du paragraphe 12 ait été clarifiée lors de l’audience, on constate que les modifications proposées aux paragraphes 19, 20, 27 et 32 sont incompatibles avec celles du paragraphe 12. Ces modifications ajouteraient une référence aux [traduction] « trente-trois (33) dessins de fabrication représentant les modèles de GEREC » [non souligné dans l’original]. L’expression « modèles de GEREC », dont la définition serait ainsi modifiée, ferait alors référence à plus de 2 000 œuvres artistiques illustrant ou représentant le modèle de la vanne papillon de GEREC, y compris les 33 dessins de fabrication. Dès lors, il est illogique de désigner les 33 dessins de fabrication comme « représentant les modèles de GEREC », puisque ces dessins ne représentent ni leur propre image ni aucun autre dessin. La modification proposée au paragraphe 18, qui fait référence aux 33 dessins de fabrication [traduction] « qui font partie » des modèles de GEREC, est plus cohérente.

[45] Après avoir déterminé la véritable teneur des modifications proposées de la première catégorie, je me penche sur la question de savoir si ces modifications doivent être autorisées.

(2) Condition préalable

(a) Non-respect des exigences de l’article 174 des Règles

[46] Comme le souligne Canmec, notre Cour a récemment abordé la question des exigences relatives aux actes de procédures dans une action en violation du droit d’auteur dans l’affaire Fox Restaurant, citée plus haut. Dans cette affaire, la déclaration faisait état de la violation du droit d’auteur relatif à cinq œuvres littéraires ou artistiques, définies comme les « œuvres de Fox », tout en faisant référence à une annexe présentant environ 11 logos, images et extraits de sites Web. Le juge Horne, responsable de la gestion de l’instance, a conclu que la déclaration ne répondait pas aux exigences de l’article 174 des Règles, étant donné qu’il était difficile de savoir quelles œuvres étaient incluses dans la définition des « œuvres de Fox ». Il a estimé que [traduction] « [s]i l’on ne dispose pas d’une liste complète et détaillée des œuvres que la demanderesse inclut dans sa définition des “œuvres de Fox”, les questions ne sont pas suffisamment circonscrites pour permettre la tenue d’interrogatoires préalables et l’instruction de l’affaire » : Fox Restaurant, aux para 22-23. Le juge a donc radié la déclaration avec autorisation de la modifier.

[47] L’approche adoptée dans l’affaire Fox Restaurant est compatible avec celle retenue dans l’affaire Netbored, dans laquelle le juge Hughes a noté qu’un acte de procédure portant sur la violation du droit d’auteur doit indiquer la nature de l’œuvre, la nationalité de l’auteur et le lieu de la première publication : Netbored Inc c Avery Holdings Inc, 2005 CF 1405, au para 45; voir également John S. McKeown, Fox on Canadian Law of Copyright and Industrial Designs, 4th ed (Toronto : Thomson Reuters Canada, feuillet mobile), au para 24:22, citant Netbored.

[48] GEREC fait référence à une décision antérieure rendue par la Cour dans l’affaire Diamant Toys, où les demanderesses ont tenté de modifier leur déclaration dès le début de l’instruction, dans le cadre d’une action en violation du droit d’auteur : Diamant Toys Ltd c Jouets Bo-Jeux Toys Inc, 2006 CF 457. Les modifications visaient à élargir la définition des œuvres en question, en passant d’une liste figurant dans une annexe jointe à la déclaration à un ensemble plus vaste d’œuvres, lesquelles devaient être définies au moyen d’une description et d’une référence à un « échantillon représentatif » fourni dans une annexe modifiée : Diamant Toys, au para 7. Le juge Martineau a accepté les modifications, concluant que les nouvelles allégations ne soulevaient pas de nouvelles causes d’action lorsqu’elles étaient interprétées de pair avec le reste de la déclaration et dans le contexte de la connaissance qu’avait la défenderesse de l’affaire par le biais de requêtes antérieures et d’une déclaration conjointe des questions à trancher : Diamant Toys, aux para 13-17.

[49] Ce qui ressort clairement des affaires Diamant Toys et Fox Restaurant, c’est que l’appréciation du caractère adéquat d’un acte de procédure ou d’une proposition de modification dépend du contexte. Il convient d’interpréter les différentes allégations qui sont en cause à la lumière de l’acte de procédure dans son ensemble, des revendications en cause et du contexte plus large du litige en tant que tel, afin de pouvoir déterminer si l’acte de procédure cerne les questions en litige avec une précision suffisante pour assurer la saine gestion et l’équité de l’instruction et des phases préparatoires à l’instruction, et s’il permet à l’autre partie de connaître les faits de manière à pouvoir se défendre : Mancuso, aux para 16-20; McCain, au para 23. Comme l’a indiqué la Cour d’appel dans l’affaire Enercorp, « la question de savoir si les actes de procédure sont suffisants doit être examinée à la lumière de toutes les circonstances, y compris les moyens de connaissance respectifs des parties » : Enercorp, aux para 36-37.

[50] En l’espèce, je conclus que les modifications proposées par GEREC, telles qu’elles sont rédigées, sont inadéquates et ne satisfont pas aux exigences d’un acte de procédure viable. Je souscris à la position de Canmec selon laquelle la modification que GEREC propose d’apporter au paragraphe 12 vise à étoffer sa liste d’œuvres prétendument protégées par le droit d’auteur et prétendument contrefaites qui sont en cause en l’espèce, la faisant passer [traduction] « d’une liste comptant 33 dessins de fabrication identifiables à une liste englobant un nombre inconnu d’œuvres non identifiées et non répertoriées ». Le reste de la déclaration n’apporte aucune autre précision permettant à Canmec, ou à Rio Tinto en tant que tierce partie, de savoir de quoi il s’agit. Au contraire, comme indiqué ci-dessus, parmi les autres modifications proposées par GEREC, certaines ne font que brouiller davantage les pistes.

[51] La relecture des modifications à la lumière des circonstances entourant l’affaire n’améliore rien. À la différence de l’affaire Diamant Toys, dans laquelle des requêtes antérieures avaient été invoquées, il n’y a en l’espèce aucun autre contexte fournissant « d’autres éclaircissements utiles au sujet des revendications formulées par l[a] demanderess[e] » : Diamant Toys, au para 15. Au contraire, les requêtes antérieures dans cette affaire étaient toutes articulées autour de la déclaration concernant les 33 modèles de GEREC, c’est-à-dire les 33 dessins de fabrication. En effet, même la connaissance qu’avait Rio Tinto de la portée et de la nature des documents produits à ce jour lui a seulement permis d’estimer que la nouvelle définition pouvait s’appliquer à environ 2 400 documents.

[52] Non seulement GEREC n’a pas précisé sa déclaration en fournissant une « liste complète et détaillée » des œuvres prétendument contrefaites, mais elle avance qu’il serait injuste qu’elle soit contrainte de le faire. Elle fait valoir que, puisque tous les documents se rapportent au même modèle (design) de sa vanne papillon, elle ne devrait pas avoir à préciser lesquels s’y réfèrent. Je ne suis pas d’accord. Il incombe au demandeur qui allègue une violation du droit d’auteur d’identifier les œuvres dont il prétend qu’elles ont été contrefaites avec suffisamment de précision pour permettre à la partie défenderesse de connaître la nature des allégations et d’y répondre. GEREC ne l’a pas fait. Dans la mesure où il serait fastidieux pour GEREC d’identifier les œuvres prétendument contrefaites, il s’agit d’un fardeau imposé par sa propre demande visant à multiplier par un facteur supérieur à 60 le nombre d’œuvres en cause. En outre, cela imposerait à Canmec et à Rio Tinto un fardeau d’autant plus lourd pour deviner quelles sont les œuvres prétendument contrefaites de manière à préparer efficacement leur système de défense et à répondre aux questions pertinentes telles que la paternité, l’originalité et la reproduction d’une part importante de l’œuvre.

[53] Je conclus donc que les modifications proposées de la première catégorie ne peuvent être autorisées dans leur version actuelle.

(b) Changement radical

[54] Canmec soutient également que les modifications proposées ne devraient pas être autorisées et qu’elles seraient susceptibles d’être radiées en vertu de l’article 221 des Règles, étant donné qu’elles représentent un « changement radical » par rapport à l’acte de procédure antérieur et aux observations de GEREC présentées devant la Cour lors de l’instruction de la requête par le juge Grammond. Je ne suis pas d’accord.

[55] Je considère que l’expression « changement radical », telle qu’elle est utilisée dans les arrêts Merck et Hospira (il est question de « diverge[r] d’un acte de procédure antérieur », à l’alinéa 221(1)e) des Règles), désigne une allégation qui est matériellement contraire ou incohérente par rapport à des positions tenues antérieurement. Dans l’arrêt Merck, l’expression était utilisée à propos d’une tentative de la défenderesse de rétracter un aveu de longue date selon lequel le composé de son médicament était assujetti au champ d’application du brevet revendiqué : Merck, aux para 27, 46-47. Dans l’arrêt Hospira, elle fait référence à la tentative de la défenderesse de revenir, à l’étape de l’instance concernant l’établissement des dommages-intérêts, sur la position qu’elle avait adoptée à l’étape de l’instance concernant la détermination de la responsabilité, et selon laquelle deux médicaments étaient identiques à bien des égards importants : Hospira, aux para 2, 4, 5.

[56] Les modifications proposées par GEREC entraîneraient de toute évidence une multiplication notable, voire radicale, du nombre d’œuvres prétendument contrefaites. Toutefois, je conclus qu’elles ne représentent pas un « changement radical » par rapport à la déclaration initiale de GEREC, au sens où cette expression est utilisée dans les arrêts susmentionnés. L’allégation de GEREC selon laquelle Canmec aurait enfreint le droit d’auteur pour un grand nombre d’œuvres artistiques n’est pas intrinsèquement incompatible avec son allégation antérieure, selon laquelle Canmec aurait violé le droit d’auteur d’un nombre beaucoup plus restreint d’œuvres artistiques, au point de rendre l’acte de procédure inadmissible. Il est admis, selon les Règles et les principes relatifs aux modifications, qu’une action peut changer et prendre de l’ampleur au fil du temps. La portée et le rythme d’une telle évolution peuvent soulever des questions de justice et d’injustice, mais ne représentent pas en l’espèce un « changement radical » par rapport à la déclaration initiale, telle qu’elle a été rédigée et présentée au juge Grammond.

(3) Réparations et considérations sur la justice et les injustices

[57] Puisque j’ai conclu que les modifications proposées ne peuvent être autorisées dans leur version actuelle, je dois déterminer s’il convient de les rejeter purement et simplement, avec ou sans autorisation de présenter une nouvelle requête, ou si elles peuvent être autorisées sous réserve que des précisions adéquates soient fournies : Enercorp, aux para 26-30, 34-38; Atlantic, au para 15.

[58] J’estime que, dans les circonstances, il n’est pas approprié d’autoriser les modifications en imposant à GEREC l’obligation d’identifier précisément les autres œuvres qu’elle cherche à ajouter à la définition des modèles de GEREC, car il m’est impossible de déterminer, en me basant sur le dossier déposé en l’espèce, si une modification aussi détaillée servirait ou non les intérêts de la justice.

[59] Lorsqu’on procède à un tel examen, il est important de se demander si les modifications proposées retarderaient l’instruction de l’affaire et si elles faciliteraient l’examen par la Cour du véritable fond du différend : Enercorp, aux para 20-21.

[60] En ce qui concerne le premier point, les avocats de Canmec et de Rio Tinto ont habilement estimé lors de l’audience que si les œuvres étaient identifiées précisément, ils auraient besoin d’environ cinq jours supplémentaires pour les interrogatoires préalables de GEREC et la communication des documents, afin de pouvoir répondre aux nouvelles allégations. J’accepte cette estimation, bien qu’elle ait nécessairement été donnée sans certitude quant aux nouvelles œuvres qui seraient en cause. En revanche, je rejette l’allégation de GEREC selon laquelle Canmec et Rio Tinto n’ont pas besoin de procéder à un autre interrogatoire préalable, ou alors peut-être seulement à un interrogatoire d’une journée, pour composer avec l’ajout de 2 000 œuvres prétendument contrefaites au nombre de celles visées par l’action. Je rejette également l’allégation de GEREC selon laquelle Canmec et Rio Tinto devraient être empêchées de conduire pareil interrogatoire préalable au motif qu’elles auraient pu poser des questions à propos des documents au cours de la dernière série d’interrogatoires, à un moment où les modifications proposées par GEREC n’apparaissaient pas dans les actes de procédures et n’avaient pas encore été détaillées.

[61] Les cinq jours supplémentaires nécessaires à l’interrogatoire préalable pourraient être accordés et être ajoutés aux phases préparatoires à l’instruction, de manière à respecter les dates actuellement prévues pour l’instruction, en octobre 2024. En revanche, il est difficile de savoir si l’ajout de 2 000 œuvres artistiques prétendument contrefaites nécessiterait une modification du calendrier actuellement établi pour les rapports d’experts ou des dix jours prévus pour l’instruction. Il n’est pas non plus certain que l’ajout proposé faciliterait l’examen par la Cour du fond du différend. Il est peu aisé pour la Cour de se prononcer sur ces questions dans l’état actuel du dossier, celui-ci ne contenant pas suffisamment d’informations à propos des œuvres qui doivent être ajoutées.

[62] À cet égard, GEREC affirme qu’on ne doit pas confondre le nombre d’œuvres qu’elle souhaite voir couvertes par la définition de « modèles de GEREC » avec la portée de l’action, qui, selon elle, n’a pas changé de manière significative. Elle fait valoir que de nombreuses œuvres artistiques se rapportent aux mêmes composants ou éléments du dessin ou du modèle de base, lequel n’est pas nouveau en soi, de sorte que la nature du litige entre les parties ou la portée de l’action demeurent inchangées. Je ne peux pas accepter cette affirmation pour deux raisons.

[63] Tout d’abord, il est difficile de concilier cette affirmation avec les observations de GEREC sur l’importance que revêt pour sa cause la possibilité d’ajouter une réclamation pour contrefaçon visant plus de 2 000 œuvres artistiques supplémentaires. En substance, GEREC semble dire que les documents qu’elle souhaite ajouter sont suffisamment importants et originaux pour que leur ajout soit justifié, tout en ne l’étant pas suffisamment pour justifier un prolongement de la phase préparatoire ou du délai prévu pour l’instruction. Ensuite, il n’y a en l’espèce aucun élément, que ce soit dans les modifications proposées ou dans la preuve, qui permettrait à la Cour de se prononcer sur l’affirmation voulant que l’ajout des œuvres n’augmenterait pas considérablement la portée de la déclaration et, par conséquent, les délais nécessaires à la préparation des rapports d’experts ou à l’instruction. Alors que les 33 dessins de fabrication originaux se trouvent dans le dossier confidentiel de la requête de Rio Tinto, aucun des dessins, plans ou autres œuvres proposés ne figure parmi les éléments de preuve, même pas sous forme d’échantillon représentatif.

[64] Je suis également préoccupé par la capacité limitée de Canmec et de Rio Tinto à présenter des observations sur la planification de la phase préparatoire à l’instruction et de l’instruction, sur le « véritable fond du différend » et sur l’injustice ou le préjudice potentiels qu’elles subiraient, du fait qu’elles ne connaissent pas le nombre réel et la nature des œuvres que GEREC souhaite ajouter à sa déclaration. Autoriser les modifications à la simple condition que GEREC ajoute des détails à sa déclaration et donne des précisions sur les œuvres en cause empêcherait Canmec et Rio Tinto de présenter des observations en toute connaissance de cause sur ces questions pertinentes.

[65] Je n’autoriserai donc pas GEREC à effectuer les modifications de la première catégorie et je rejetterai sa requête en ce qui concerne ces modifications, à savoir les modifications contestées qui étaient proposées pour les paragraphes 12, 18, 19, 20, 27 et 32.

[66] Compte tenu de la manière dont GEREC a présenté cette requête, laquelle comportait une qualification erronée de la nature des modifications et des observations incompatibles avec les observations qu’elle a antérieurement présentées devant la Cour, je serais enclin à refuser les modifications sans autoriser une nouvelle requête. Toutefois, compte tenu de l’importance d’avoir des actes de procédures qui reflètent la véritable nature des revendications des parties, et du principe général selon lequel les modifications apportées aux actes de procédures peuvent être autorisées si elles servent l’intérêt de la justice et n’engendrent pas d’injustice, j’accorderai à GEREC l’autorisation de présenter une nouvelle requête pour modifier sa déclaration relativement aux œuvres qui constituent les « modèles de GEREC ». Si GEREC choisit de se prévaloir de cette autorisation, elle devra demander à la Cour, dans les plus brefs délais, de convoquer une conférence de gestion de l’instance pour définir les modalités et prévoir les dates de l’instruction d’une telle requête.

D. Les modifications proposées de la deuxième catégorie

(1) Nature des modifications en question

[67] La teneur des modifications de la deuxième catégorie est plus facile à définir. Par les modifications qu’elle propose d’apporter aux paragraphes 28 et 34, GEREC cherche à affirmer que la production par Canmec de vannes papillon et de composants intégrés ou apparentés, dans le contexte de la réfection des unités 3 à 12 de la centrale Isle-Maligne, a porté atteinte à ses droits d’auteur sur les modèles de GEREC.

[68] Là encore, contrairement à ce qu’affirme GEREC, il ne s’agit pas « de simples modifications destinées à clarifier et à préciser les choses ». Les modifications visent plutôt à ajouter une nouvelle allégation importante concernant les activités de Canmec qui sont qualifiées de contrefaçon et, notamment, une allégation qui a été expressément retirée de la déclaration en vertu des modifications apportées à la suite de l’ordonnance du juge Grammond.

(2) Condition préalable

(a) Cause d’action valable

[69] Canmec soutient qu’il est évident et manifeste que la modification proposée par GEREC ne révèle pas une cause d’action valable. Elle fait valoir que même si GEREC dispose d’un droit d’auteur sur ses dessins techniques, ceux-ci contiennent simplement un ensemble de directives pour la fabrication et l’assemblage de vannes papillon et de pièces connexes. Canmec soutient que même si elle a observé les directives figurant sur ces dessins pour fabriquer sa vanne papillon, la construction d’une machine à partir de dessins ne porte pas atteinte au droit d’auteur relatif aux œuvres artistiques.

[70] Pour appuyer cette proposition, Canmec cite la décision rendue par la Cour suprême du Canada en 1969 dans l’affaire Cuisenaire, ainsi que plusieurs autres affaires plus récentes où les principes de cet arrêt ont été appliqués : Cuisenaire v South West Imports Ltd, [1969] SCR 208, 1968 CanLII 122 (CSC), à la p 212; Tri-tex Co inc v Ghaly, 1999 CanLII 13314 (QC CA), 1 CPR (4th) 160, aux p 171-172; Harmony Consulting Ltd c GA Foss Transport Ltd, 2012 CAF 226, aux para 88-89; Proline Pipe Equipment Inc v Provincial Rentals Ltd, 2019 ABQB 983, aux para 17-22.

[71] Pour sa part, GEREC affirme que le droit d’auteur peut être étendu pour couvrir l’objet physique fabriqué à partir d’un dessin protégé par le droit d’auteur, citant : Rucker Co c Gavel’s Vulcanizing Ltd, [1985] ACF no 1031, aux para 25-26; Spiro-Flex Industries Ltd v Progressive Sealing Inc, 1986 CanLII 771 (BC SC), aux para 25-36; Lainco Inc c Commission scolaire des Bois-Francs, 2017 CF 825, au para 215; et Bayliner Marine Corp c Doral Boats Ltd, 1985 CanLII 5592 (CF), inf 1986 CanLII 6830 (CAF). Canmec soulève des différences pour chacune des affaires citées par GEREC.

[72] Après avoir examiné ces décisions et les arguments des parties, je ne peux pas conclure qu’il est « évident et manifeste » que les modifications proposées, lesquelles invoquent la violation du droit d’auteur du fait de la fabrication de vannes papillon par Canmec, ne révèlent aucune cause d’action valable : McCain, au para 20; Merck, au para 43. Une fois cette conclusion tirée, il n’est ni nécessaire ni approprié que je me penche sur le bien-fondé des arguments respectifs des parties, étant donné qu’il s’agit de questions qui relèvent en dernier ressort de la compétence d’un juge de première instance.

(b) Changement radical

[73] Canmec ajoute que les modifications de la deuxième catégorie, comme celles de la première, constituent un changement radical par rapport à l’acte de procédure antérieur de GEREC. Là encore, je ne suis pas d’accord. Devant le juge Grammond, GEREC a concédé que ses allégations de contrefaçon portaient sur des dessins ou des plans produits par Canmec aux fins de la réalisation du projet. Le juge Grammond a ordonné que des précisions soient apportées au paragraphe 28 en conséquence. Toutefois, dans ces circonstances, je ne considère ni la concession de GEREC ni l’ordonnance du juge Grammond comme empêchant un éventuel ajout à la déclaration au moyen d’une nouvelle modification, à condition qu’une telle modification satisfasse aux autres exigences applicables à la modification d’actes de procédure.

[74] Les modifications proposées ne sont pas non plus directement incompatibles avec l’acte de procédure antérieur. GEREC n’a jamais admis précédemment que la construction des vannes papillon n’enfreignait pas son droit d’auteur. Alors qu’elle avait précédemment limité son action en contrefaçon aux documents préparés aux fins de la réfection, le fait d’étendre cette action aux objets physiques fabriqués dans le contexte de cette même réfection n’est pas incompatible avec son plaidoyer antérieur au point de constituer un changement radical.

(c) Non-respect des exigences de l’article 174 des Règles

[75] Canmec affirme en outre que les modifications de la deuxième catégorie sont susceptibles d’être refusées en tant que simples affirmations non étayées par des faits matériels. Je ne suis pas d’accord. Les allégations de violation du droit d’auteur en ce qui concerne les 33 dessins de fabrication ont été adéquatement plaidées. Canmec et Rio Tinto disposent de suffisamment de détails sur les allégations, y compris en ce qui concerne la fabrication des vannes papillon, pour y répondre.

[76] Quant à l’affirmation de Canmec selon laquelle la nouvelle allégation vise simplement à permettre à GEREC d’obtenir des informations à l’aveuglette lors des interrogatoires préalables et de la communication de documents effectués en suivi, GEREC n’a pas demandé la possibilité de procéder à d’autres interrogatoires à la suite de ses modifications. Par ailleurs, l’avocat a confirmé lors de l’audition de la présente requête que GEREC n’avait pas besoin de procéder à d’autres interrogatoires au titre de ces modifications.

[77] Je conclus donc que les modifications de la deuxième catégorie satisfont aux exigences d’un acte de procédure viable. Les dernières questions auxquelles il convient de répondre sont celles de savoir si les modifications causeraient une injustice à Canmec ou à Rio Tinto, et si elles sont dans l’intérêt de la justice.

(3) Injustice à l’égard des défenderesses

[78] Canmec n’allègue pas explicitement une injustice ou un préjudice découlant des modifications de la deuxième catégorie, se contentant d’évoquer des préoccupations relatives à l’intérêt de la justice. Rio Tinto allègue un préjudice découlant des modifications, mais le préjudice qu’elle invoque est lié au moment auquel sont présentées les modifications, au changement de position de GEREC et au retard potentiel de l’instruction de l’affaire. Il s’agit de questions généralement prises en compte pour déterminer si les modifications sont dans l’intérêt de la justice. Je les aborderai dans ce contexte.

[79] Au-delà de ces questions, je ne relève pas d’injustice ou de préjudice inhérent que l’autorisation des modifications de la deuxième catégorie pourrait créer pour les défenderesses. L’ajout des modifications exigera que Canmec et, indirectement, Rio Tinto répondent à l’allégation selon laquelle la fabrication des vannes papillon elle-même a enfreint le droit d’auteur de GEREC. Cependant, le fait de devoir faire face à une déclaration de contrefaçon, même relative à une autre question, ne constitue pas une injustice.

(4) Intérêt de la justice

[80] Canmec et Rio Tinto allèguent que la requête en modification de GEREC est inopportune. Elles avancent que GEREC connaissait son propre droit d’auteur et était au courant de la fabrication des vannes papillon par Canmec depuis le début de la présente procédure, et que le délai de deux ans qu’elle a pris pour faire valoir cet aspect de sa déclaration est inexpliqué. Canmec fait remarquer que GEREC elle-même affirme que les modifications proposées [traduction] « découlent des mêmes faits que ceux qui sont actuellement plaidés ». Rio Tinto soutient que les modifications semblent résulter d’un changement de stratégie plutôt que d’un changement dans les connaissances ou les informations.

[81] Je reconnais que le retard accusé par GEREC pour l’introduction de sa déclaration n’est pas expliqué de manière adéquate. À cet égard, l’argument de GEREC selon lequel ses actes de procédure antérieurs étaient fondés sur les informations dont elle disposait à l’époque et les nouvelles allégations découlent de [traduction] « ce qu[’elle sait] maintenant » n’est pas étayé et n’est guère convaincant. GEREC n’a apporté aucune preuve pouvant montrer ce qu’elle a pu apprendre entre la production de la déclaration et aujourd’hui, et qui aurait justifié les modifications proposées.

[82] Par ailleurs, le retard inexpliqué de la demande de modification ne constitue qu’un seul facteur pertinent. Le moment auquel est présentée la requête en modification doit également être examiné parallèlement au moment prévu pour l’instruction. GEREC a confirmé qu’aucun autre interrogatoire préalable ne sera nécessaire en ce qui concerne cette modification, et a ajouté que l’instruction n’aura lieu que dans huit mois. Il semble peu probable que ces modifications retardent la phase préparatoire à l’instruction ou l’instruction. En effet, les arguments de Canmec et de Rio Tinto concernant le retard de l’instruction se rapportent principalement aux modifications de la première catégorie.

[83] Je considère également que les modifications permettraient à la Cour d’examiner dans le même temps tous les comportements contestés de Canmec, sans que cela ait un effet négatif important sur le calendrier de la phase préparatoire à l’instruction ou de l’instruction.

[84] En résumé, je conclus que les modifications de la deuxième catégorie sont dans l’intérêt de la justice et ne causeront pas d’injustice à Canmec ou à Rio Tinto. L’autorisation sera accordée d’apporter les modifications proposées aux paragraphes 28 et 34 de la déclaration modifiée.

E. Les modifications non contestées

[85] Canmec et Rio Tinto ne s’opposent pas au reste des modifications proposées par GEREC, sous réserve de deux clarifications.

[86] Premièrement, GEREC propose d’apporter des modifications aux alinéas 1a), 1b), 1c) et au paragraphe 13 de la déclaration modifiée, lesquelles incluent d’autres termes issus de la Loi sur le droit d’auteur, notamment une allégation voulant que Canmec se soit adonné à la contrefaçon en copiant, produisant ou reproduisant les modèles de GEREC [traduction] « sous une forme matérielle quelconque ». Canmec et Rio Tinto ne s’opposent pas à ces modifications proposées et à l’inclusion de l’expression « sous une forme matérielle quelconque », sous réserve de leurs arguments concernant les modifications de la deuxième catégorie.

[87] Deuxièmement, les modifications que GEREC propose d’apporter au paragraphe 31 comprennent l’ajout de la phrase [traduction] « pour solliciter des propositions de tiers pour la fabrication et la construction de composants physiques représentés dans les modèles de GEREC et pour réaliser la réfection des unités 3 à 12 de la centrale Isle-Maligne ». L’acceptation de cette modification par Canmec et Rio Tinto est expressément basée sur la déclaration de GEREC selon laquelle l’ensemble de la phrase se rapporte à la demande de propositions, et ne constitue ni n’inclut une allégation distincte en ce qui concerne la réalisation de la réfection. En d’autres termes, cette phrase signifie, en substance, « solliciter des propositions de tiers (i) pour la fabrication et la construction de composants physiques représentés dans les modèles de GEREC; et (ii) pour réaliser la réfection des unités 3 à 12 de la centrale Isle-Maligne ». Dans ces conditions, la modification est autorisée.

[88] Sous réserve et en fonction de ces clarifications, Canmec et Rio Tinto ne s’opposent pas aux modifications proposées par GEREC pour les paragraphes 1, 8, 11, 12 (quatre premières lignes), 13, 16, 17, 23, 27 (deuxième ligne), 28 (deuxième ligne), 31, 32 (deux dernières lignes), 34 (quatre premières lignes et demie), 35, et 36. Dans ces conditions, les modifications sont autorisées.

IV. Dépens

[89] Chaque partie demande l’adjudication de dépens majorés, payables immédiatement sans égard à l’issue de l’affaire.

[90] Compte tenu des observations des parties, il semble que les modifications de la deuxième catégorie ou les modifications non contestées nécessiteront un interrogatoire préalable supplémentaire. De ce fait, il n’y a aucuns dépens liés à un interrogatoire préalable et découlant des modifications à traiter.

[91] En ce qui concerne les dépens liés à la requête elle-même, les parties ont eu un succès partagé. Cependant, comme indiqué ci-dessus, je suis préoccupé par la manière dont GEREC a présenté sa requête et caractérisé les modifications qu’elle a proposées, ce qui a entraîné un manque de clarté et rendu plus difficile et plus complexe la réponse de Canmec et de Rio Tinto.

[92] Compte tenu de ces facteurs, j’ordonne que GEREC verse des dépens de 2 500 $ à chacune des sociétés défenderesses, soit Canmec et Rio Tinto, et ce, sans égard à l’issue de l’affaire. Par souci de clarté, ces dépens ne sont pas payables immédiatement.


ORDONNANCE dans le dossier T-1471-21

LA COUR ORDONNE :

  1. La demanderesse est autorisée à apporter les modifications proposées aux paragraphes 1, 8, 9, 11, 12 (quatre premières lignes), 13, 16, 17, 23, 27 (deuxième ligne), 28, 31, 32 (deux dernières lignes), 34, 35 et 36.

  2. La demanderesse n’est pas autorisée à apporter les modifications proposées aux paragraphes 12 (quatre dernières lignes), 18, 19, 20, 27 (troisième et quatrième lignes) ou 32 (huitième et neuvième lignes). La demanderesse est autorisée à introduire une nouvelle requête pour apporter ces modifications à conformément à la présente ordonnance.

  3. Les dépens de la présente requête sont adjugés en faveur de la défenderesse et de la tierce partie, à raison de 2 500 $ chacune, inclusivement, peu importe l’issue de la cause.

« Nicholas McHaffie »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1471-21

INTITULÉ :

GE RENEWABLE ENERGY CANADA INC c CANMEC INDUSTRIAL INC ET AUTRES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

30 janvier 2024

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE MCHAFFIE

DATE DES MOTIFS :

7 février 2024

COMPARUTIONS :

Michael Crichton

Ryan Steeves

Marc Crandall

 

Pour la demanderesse

Joanne Chriqui

Fortunat Nadima Nadima

 

Pour la défenderesse

David Turgeon

Joanie Lapalme

Bianca Pietracupa

Pour la tierce partie

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GOWLING WLG (CANADA) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

Pour la demanderesse

ROBIC S.E.N.C.R.L.

Montréal (Québec)

 

Pour la défenderesse

FASKEN MARTINEAU DUMOULIN S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Montréal (Québec)

Pour la tierce partie

 

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