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Date : 20221125


Dossier : IMM-5066-22

Référence : 2022 CF 1630

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 25 novembre 2022

En présence de monsieur le juge Bell

ENTRE :

Benyamin BAHRAMI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Prononcés à l’audience à Vancouver (Colombie-Britannique) le 24 novembre 2022. La syntaxe et la grammaire ont été corrigées et des renvois à la jurisprudence ont été incorporés.)

[1] Le demandeur, Benjamin Bahrami, ci-après appelé « le demandeur », est un citoyen iranien de sexe masculin âgé de 13 ans qui a demandé un permis d’études pour faire sa huitième année scolaire au Canada en tant que mineur non accompagné. Des dispositions de garde ont été prises pour le séjour de M. Bahrami au Canada. Au moment de sa demande, il était en première année du secondaire à Téhéran, en Iran, et il était un excellent élève avec une moyenne pondérée cumulative de 20 dans ce pays, ce qui équivaut à une moyenne de 100 %. Le demandeur a présenté des relevés de notes comme preuve de sa réussite scolaire.

[2] Par une lettre datée du 2 mars 2022, le demandeur a été accepté au sein du programme des étudiants étrangers du district scolaire de Langley (Colombie-Britannique), comme élève de huitième année à l’école secondaire Walnut Grove pour l’année scolaire 2022-2023, conditionnellement à l’obtention d’un permis d’études. Les droits de scolarité du district scolaire de Langley pour les étudiants internationaux, qui s’élevaient à 16 325 $ en devises canadiennes, avaient été payés en totalité au moment de l’examen de sa demande.

[3] À l’appui de sa demande, le demandeur a fourni les éléments de preuve suivants quant à ses ressources financières :

  1. Un relevé bancaire au nom de son père indiquant un solde de 29 651 $ en devises canadiennes;

  2. Un affidavit notarié concernant les obligations de ses parents, M. Jafar Bahrami et Mme Sara Hassani, en matière alimentaire et de parrainage;

  3. Un certificat de confirmation d’emploi, trois bulletins de paie récents et une fiche de renseignements sur le personnel qui concernent son père, Jafar Bahrami;

  4. Un permis d’entreprise, trois bulletins de paie récents et des certificats de pension qui concernent sa mère, Sara Hassani;

  5. Des copies de deux titres de propriété d’un appartement de ses parents situé à Téhéran, un contrat de bail pour un appartement de ses parents situé à Téhéran, et un acte de vente avant construction au nom de son père;

  6. Un certificat de titre pour un véhicule au nom du père, et une preuve de couverture d’assurance maladie offerte par l’employeur de son père pour son séjour au Canada.

[4] Dans sa déclaration d’intention, le demandeur expose les raisons pour lesquelles il souhaite étudier au Canada. Nombre de ces raisons sont génériques, toutefois, j’ai trouvé celle soulevée dans l’affirmation ci-dessous fort convaincante (même si, compte tenu de la tâche qui m’est confiée, cela n’est d’aucune importance) :

[traduction]

Compte tenu de mes efforts, de mes résultats scolaires et de nos discussions familiales, mes parents m’ont offert la possibilité d’étudier en dehors de l’Iran. Grâce à leurs recherches, nous avons choisi le Canada comme destination pour poursuivre mes études.

[5] Le 19 mai 2022, un agent des visas d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [l’agent] a refusé la demande de visa d’étudiant de M. Bahrami. La lettre de refus indique simplement que la demande est refusée au motif que l’agent n’est pas convaincu que le demandeur quittera le pays à la fin de son séjour, conformément au paragraphe 216(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le RIPR]. Les notes sommaires consignées par l’agent dans le Système mondial de gestion des cas [les notes du SMGC] sont assez succinctes :

[traduction]

J’ai examiné la demande. Le plan d’études ne semble pas raisonnable étant donné la disponibilité de programmes d’études de niveau secondaire à une fraction du coût dans le pays de résidence. Après avoir apprécié les facteurs en l’espèce, je ne suis pas convaincu que le demandeur quittera le Canada à la fin de [sic] leur période de séjour autorisée. Pour les motifs qui précèdent, je rejette la présente demande.

[6] Bien que l’agent ait utilisé le pronom collectif « leur » (their), je relève que ce mineur ne serait pas accompagné et qu’il n’y a aucune autre personne qui le suivrait au Canada, de sorte que la période d’autorisation concerne « son » séjour.

[7] Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire, au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], de la décision de l’agent des visas par laquelle son entrée au Canada au titre d’un permis d’études lui a été refusée.

[8] La seule question en litige dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire est celle consistant à savoir si la décision de l’agent de rejeter la demande de permis d’études du demandeur était raisonnable. Il s’agit, en particulier, d’établir si la décision de l’agent possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, c’est-à-dire, si elle est intelligible, transparente et justifiée.

[9] Les deux parties conviennent qu’étant donné qu’il s’agit d’un contrôle judiciaire du bien-fondé de la décision défavorable de l’agent relatif à la demande de permis d’étude, la norme de contrôle présumée s’appliquer est celle de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. Aucune des exceptions à la présomption d’application de la norme de contrôle de la décision raisonnable n’est présente en l’espèce. Par conséquent, la question qui se pose est celle de savoir si le raisonnement de l’agent et l’issue de la décision étaient fondés sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et étaient justifiés à la lumière des contraintes juridiques et factuelles (Vavilov, au para 85).

[10] Je juge que la décision n’est pas justifiée, au sens de l’arrêt Vavilov. L’agent mentionne l’existence de programmes d’études moins coûteux en Iran, mais il ne se penche pas sur la question de la faisabilité sur le plan financier d’une année d’études au Canada pour le demandeur. L’agent conclut que le demandeur ne retournera pas en Iran à la fin de ses études, mais il ne mentionne pas les facteurs d’attraction au Canada ou les facteurs d’incitation à quitter l’Iran. Plus important encore, il omet de mentionner que tous les membres de la famille du demandeur demeurent en Iran.

[11] Enfin, et surtout, dans son analyse, l’agent semble faire abstraction du fait que cette occasion d’étudier en Iran reflétait la fierté et les félicitations des parents du demandeur à la suite des efforts manifestement extraordinaires déployés par ce dernier, qui s’est classé premier de sa classe dans l’une des meilleures écoles d’Iran. Dans ces circonstances, je conclus que la décision manque de justification. Alors que la décision aurait pu être justifiée à l’époque antérieure à l’arrêt Vavilov, elle ne l’est plus compte tenu du contexte jurisprudentiel actuel.

[12] La demande de contrôle judiciaire est accueillie. Aucuns dépens ne sont adjugés. Aucune question n’est certifiée aux fins d’examen par la Cour d’appel fédérale. L’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvelle décision.


JUGEMENT dans le dossier IMM-5066-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvelle décision.

  2. Aucune question n’est certifiée aux fins d’examen par la Cour d’appel fédérale.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« B. Richard Bell »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5066-22

INTITULÉ :

Benyamin BAHRAMI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 NOVEMBRE 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BELL

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 25 NOVEMBRE 2022

COMPARUTIONS :

Richard Kurland

POUR LE DEMANDEUR

Richard Li

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kurland, Tobe

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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