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Date : 20051122

Dossier : T-842-05

Référence : 2005 CF 1579

ENTRE :

BUANA TSHIMANGA

Demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

Défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

PAUL U.C. ROULEAU, Juge suppléant

[1]                 Il s'agit d'un appel de la décision du juge de la citoyenneté, datée du 10 mars 2005, refusant la citoyenneté au demandeur, Buana Tshimanga, au motif qu'il ne répondait pas aux exigences de l'aliéna 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté.

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

a) en fait la demande;

b) est âgée d'au moins dix-huit ans;

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

(a) makes application for citizenship;

(b) is eighteen years of age or over;

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

[2]                 Le demandeur est citoyen de la République populaire du Congo et est arrivé au Canada le 24 septembre 1999. Il a obtenu le statut de réfugié au Canada et est devenu résident permanent le 15 août 2000.

[3]                 Le 2 juillet 2003, il a présenté une demande de citoyenneté, ce qui a fait débuter la période de résidence pertinente le 3 juillet 1999.

[4]                 Suite à l'audience avec le demandeur, le juge de la citoyenneté n'a pas trouvé les éléments de preuve présentés par ce dernier satisfaisants et a donc rejeté sa demande de citoyenneté. C'est cette décision qui est portée en appel devant cette Cour.

[5]                 En vertu de cette décision, il y a trois questions en litige à trancher. En premier lieu, il faut déterminer si la nouvelle preuve assermentée le 11 juin 2005 est admissible dans le cadre d'un appel interjeté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté. Dans un deuxième temps, cette Cour doit décider si le juge de la citoyenneté a bel et bien évalué la preuve de façon manifestement déraisonnable. Finalement, cette Cour doit se prononcer sur la question à savoir s'il y avait une crainte raisonnable de partialité de la part du juge de la citoyenneté.

[6]                 En ce qui concerne la preuve, le demandeur allègue qu'en raison du fait que la comparution n'était pas enregistrée, le juge doit s'appuyer sur l'affidavit du demandeur. Ce dernier prétend que le juge de la citoyenneté n'a pas considéré de façon appropriée le fait que son affidavit n'était pas contesté. En particulier, le demandeur prétend que les faits énoncés dans son affidavit étaient tous appuyés par la preuve et puisque les passeports n'ont pas été demandés, il ne croyait pas qu'il était nécessaire de les dissimuler. Le demandeur affirme que puisque les passeports ne lui ont pas été demandés, on ne peut ensuite le pénaliser pour ne pas les avoir produits.

[7]                 En un deuxième temps, le demandeur allègue que le juge avait une obligation de l'informer que le système FOSS contenait des informations qui, de l'avis de la personne les ayant consignées, empêchaient de lui octroyer la citoyenneté. Ces renseignements auraient été transmis au juge entre la date de comparution soit le 2 décembre 2004 et la date de la décision le 10 mars 2005. Le demandeur souligne le fait que la note informatisée datée du 3 décembre 2004 démontre que le juge lui refuserait la citoyenneté avant même qu'il ne puisse lui remettre son questionnaire le 6 décembre 2004. Selon le demandeur, lorsque le juge de la citoyenneté a été mis au courant de cette note il avait une obligation de lui divulguer son contenu. Le processus d'octroi de la citoyenneté est donc vicié par cette note du 3 décembre 2004.

[8]                 À priori, le défendeur soutient que le demandeur ne peut présenter de nouveaux éléments de preuve au soutien de son appel. Donc, tous les éléments de preuve supplémentaires présentés par le demandeur doivent être écartés en vertu de la règle 317 des Règles des Cours fédérales.

[9]                 En réponse à la prétention du demandeur que le juge de la citoyenneté ne l'avait pas avertit de fournir ses passeports, le défendeur souligne que lorsque le juge de la citoyenneté lui avait demandé de compléter le formulaire sur la résidence et de lui retourner celui-ci avec tous documents démontrant qu'il vivait au Canada, il avait raisonnablement informé le demandeur de ses doutes.

[10]            Finalement, le défendeur affirme qu'il n'y a eu aucune violation des principes de justice naturelle par le fait de n'avoir pas été informé des préoccupations du juge ni des notes FOSS. Le défendeur stipule que la détermination du fait que le demandeur avait un passeport diplomatique ne change ne pas le fait qu'il n'a pas fourni des éléments de preuve importants pour la révision par le juge de la citoyenneté. En ce qui concerne les allégations de crainte raisonnable de partialité, le défendeur les considère comme étant non-fondées.

[11]            Pour répondre aux questions ci-dessus, il est d'abord nécessaire de déterminer la norme de contrôle applicable. Alors que le demandeur ne soulève pas la norme de contrôle judiciaire à appliquer, le défendeur prétend que celle-ci devrait être celle de la décision manifestement déraisonnable.

[12]            Auparavant la norme de contrôle applicable en ce qui concerne un appel de la décision d'un juge de la citoyenneté était celle de la décision correcte, voir Lam c. Canada (M.C.I.), (1999), 164 F.T.R. 177; A.C.F. no. 410 (QL). Toutefois, le juge de Montigny dans l'arrêt Lama c. Canada (M.C.I.), [2005] A.C.F. no 578 (QL) a cerné l'évolution de la jurisprudence quant à la norme de contrôle de la décision d'un juge de la citoyenneté aux paragraphes 14 à 18 :

14       Pour répondre à cette question, il nous faut d'abord déterminer la norme de contrôle applicable. Dans le passé, certains juges se sont inspirés de la décision rendue par le juge Lutfy (tel était alors son titre) dans l'arrêt Lam c. Canada (M.C.I.) ([1999] A.C.F. No. 410) pour conclure que la norme de contrôle appropriée pour un appel de la décision d'un juge de la citoyenneté était celle de la décision correcte.

15       Plus récemment, un consensus semble s'être forgé autour de la norme de la décision raisonnable simpliciter (voir notamment les arrêts suivants : Chen v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) 2004 FC 1693, [2004] F.C.J. No. 2069; Rasaei v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) 2004 FC 1688, [2004] F.C.J. No. 2051; Gunnarson v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) 2004 FC 1592, [2004] F.C.J. No. 1913; Canada (Minister of Citizenship and Immigration) v. Chen 2004 FC 848, [2004] F.C.J. No. 1040; Canada (Minister of Citizenship and Immigration) v. Fu 2004 FC 60, [2004] F.C.J. No. 88; Canada (Minister of Citizenship and Immigration) v. Chang 2003 FC 1472, [2003] F.C.J. No. 1871; Canada (M.C.I.) c. Mueller, [2005] A.C.F. no 266, 2005 FC 227.

16       Ma collègue la juge Tremblay-Lamer a justifié cette approche dans les termes suivants :

En l'espèce, lorsque la Cour doit vérifier que le juge de la citoyenneté a appliqué l'un des critères admis de résidence aux faits, cela soulève, à mon avis, une question mixte de droit et de fait (Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748). Compte tenu du fait qu'il faille accorder un certain degré de déférence à l'égard des connaissances et de l'expérience particulières du juge de la citoyenneté, je conclurais que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter. (Canada (M.C.I.) c. Fu, [2004] A.C.F. No. 88, au par. 7).

17       Compte tenu de l'approche pragmatique et fonctionnelle développée par la Cour suprême du Canada, notamment dans les arrêts Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 S.C.R. 226 et Law Society of New Brunswick c. Ryan, [2003] 1 S.C.R. 247, je suis d'avis que cette norme de contrôle est effectivement la plus appropriée dans les circonstances. Par conséquent, il convient de faire preuve de déférence dans la mesure où il est démontré que le juge a compris la jurisprudence et qu'il a apprécié les faits et les a appliqués au critère prévu par la Loi.

18       Un examen attentif de la jurisprudence de cette Cour révèle que différentes interprétations ont été retenues quant à l'interprétation qui doit être donnée à l'exigence de résidence que l'on retrouve à l'alinéa 5(1)(c) de la Loi. Un juge de la citoyenneté peut adopter l'une ou l'autre de ces différentes interprétations pour déterminer si le demandeur satisfait aux exigences de la Loi; dans la mesure où le juge n'a pas commis d'erreur déraisonnable en appliquant cette interprétation à la preuve qui lui a été soumise, cette Cour n'interviendra pas.

[13]            Avant d'analyser en profondeur les prétentions spécifiques de chaque partie, il est nécessaire de souligner le fait que lors d'une audience devant un juge de la citoyenneté, le fardeau repose sur le demandeur de démontrer qu'il a rempli toutes les conditions prévues au paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté pour que la citoyenneté canadienne lui soit accordée.

[14]            Le demandeur a soulevé le fait qu'il n'a pas eu la chance de présenter tous les éléments de preuve car il n'était pas au courant des préoccupations du juge de la citoyenneté. Cette question de preuve doit être évaluée à deux volets.

[15]            En premier lieu, il faut adresser l'argument du défendeur quant à l'admissibilité de la nouvelle preuve. Il soulève l'arrêt Gitxsan Treaty society c. Hospital Employees' Union [2000] 1 C.F. 135 afin de soutenir la prétention qu'aucune nouvelle preuve devrait être admise ou évaluée par cette Cour. En particulier, le défendeur cite le juge qui affirme au paragraphe 15 :

Je suis d'avis que le même principe est applicable en l'espèce. Le but premier du contrôle judiciaire est de contrôler des décisions, et non pas de trancher, [page145] par un procès de novo, des questions qui n'ont pas été examinées de façon adéquate sur le plan de la preuve devant le tribunal ou la cour de première instance. C'est cette dernière thèse qui est plaidée à tort par la demanderesse dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire. Ce n'est pas la nécessité à laquelle faisait référence lord Sumner dans l'arrêt Nat Bell Liquors, précité. La Cour n'examinera pas de nouveaux éléments de preuve dans les circonstances.

[16]            Je suis d'accord avec la jurisprudence énoncée par le défendeur. Le rôle de cette Cour n'est pas d'évaluer des nouveaux éléments de preuve. Ce principe est d'ailleurs fondamental au processus de la révision judiciaire et a été confirmé par le juge Létourneau au paragraphe 11 dans l'arrêt Bekker c. Canada, (2004), 323 N.R. 195; A.C.F. 819 (QL) :

para11]       Les demandes de contrôle judiciaire ont une portée limitée. Il ne s'agit pas de nouvelles instances au cours desquelles de nouvelles questions peuvent être tranchées sur la foi de nouveaux éléments de preuve. Comme l'a dit le juge Rothstein, de la Cour d'appel fédérale, dans Gitxsan Treaty Society c. Hospital Employees' Union, [2000] 1 C.F. 135, au paragraphe 15, "le but premier du contrôle judiciaire est de contrôler des décisions" et, j'ajouterais, simplement d'en déterminer la légalité : voir également Offshore Logistics Inc. c. Intl. Longshoremen's Assoc., section locale 269 (2000), 257 N.R. 338 (C.A.F.). C'est la raison pour laquelle, sauf dans des circonstances exceptionnelles comme l'existence de questions relatives à la partialité ou à la compétence, qui ne figurent pas nécessairement au dossier, la cour de révision est liée par le dossier dont le juge ou l'office était saisi et est limitée à ce dossier. Par souci d'équité pour les parties et pour le tribunal dont la décision est révisée, cette restriction est nécessaire. Ainsi, la nature même de la demande de contrôle judiciaire empêche la Cour de faire droit à la demande du demandeur. De plus, il existe d'autres raisons tout aussi impérieuses de refuser cette demande.

[17]                 Dans un deuxième temps, il faut donc considérer si le juge de la citoyenneté devait réellement informer le demandeur de ses préoccupations et s'il lui a effectivement communiqué ses inquiétudes. Le demandeur prétend qu'il a été pénalisé en n'ayant pas la chance de produire les documents que voulait le juge de la citoyenneté.

[18]            Alors que le défendeur soulève de la jurisprudence telle que Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998], 151 F.T.R. 1 et Ushenin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2003]A.C.F. no 443 (QL) afin de soutenir la prétention que le juge de la citoyenneté n'a aucune obligation d'informer le demandeur de ses préoccupations, ces arrêts traitent d'une décision d'un agent de visa et non d'un juge de la citoyenneté. Contrairement à cette jurisprudence, le juge Pelletier dans l'arrêt Stine c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 173 F.T.R. 298; A.C.F. no 1264 (QL) confirme au paragraphe 8 que le juge de la citoyenneté doit effectivement communiquer ses préoccupations au demandeur :

8       En l'espèce, la loi prévoit la tenue d'une entrevue lorsque l'admissibilité de la demande de citoyenneté du candidat est remise en question. La loi vise clairement à permettre au candidat de répondre aux préoccupations qui ont donné lieu à l'entrevue, ou tout au moins d'en parler. Lorsque les candidats sont privés de cette possibilité, ils sont privés d'un droit expressément prévu par la loi. Cela est contraire au droit et cela constituerait, de toute façon, un déni de justice naturelle.

[19]            Le juge de la citoyenneté n'étant pas convaincu de la résidence du demandeur lui a demandé de fournir des renseignements supplémentaires. C'est à la suite de l'évaluation de ces documents que le juge de la citoyenneté a conclu que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences de la Loi sur la citoyenneté. De plus, le juge de la citoyenneté a également évalué s'il y avait lieu de recommander l'exercice des pouvoirs discrétionnaires prévus au paragraphe 5(4) de la Loi sur la citoyenneté. Alors que l'on peut dire que le juge a fait les efforts nécessaires pour donner l'opportunité au demandeur de présenter les documents nécessaires pour établir que sa résidence était bel et bien au Canada, cela ne change en rien le fait que la décision du juge de la citoyenneté ne semble pas être fondée sur les critères fondamentaux à la détermination de la résidence au Canada.

[20]            Pour établir la résidence au Canada, un juge de la citoyenneté doit évaluer les facteurs énoncés dans l'arrêt Re Koo [1993] 1 F.C. 286. Tel que cité par mon collègue le juge de Montigny dans l'arret Xu v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2005] F.C.J. No. 868 (QL) au paragraphe 17, les critères essentiels de Re Koo, supra sont les suivants :

In order to determine whether the Applicant "regularly, normally or customarily lives" in Canada, she turned her mind to the six questions suggested by Madam Justice Reed in Re Koo, [1993] 1 F.C. 286, which read as follows:

a.      was the individual physically present in Canada for a long period prior to recent absences which occurred immediately before the application for citizenship?

b.      where are the applicant's immediate family and dependents (and extended family) resident?

c.      does the pattern of physical presence in Canada indicate a returning home or merely visiting the country?

d.      what is the extent of the physical absences -- if an applicant is only a few days short of the 1,095-day total it is easier to find deemed residence than if those absences are extensive?

e.      is the physical absence caused by a clearly temporary situation such as employment as a missionary abroad, following a course of study abroad as a student, accepting temporary employment abroad, accompanying a spouse who has accepted employment abroad?

f.        what is the quality of the connection with Canada: is it more substantial than that which exists with any other country?

[21]            Le problème en l'espèce est que le juge de la citoyenneté ne semble pas avoir analysé ces facteurs du tout. Dans la décision du juge de la citoyenneté, il fait allusion au fait qu'il a des doutes sérieux en ce qui concerne les dates d'absences présentées par le demandeur. Afin d'appuyer cette prétention, le juge de la citoyenneté affirme que le demandeur demeure toujours le vice-ministre de la République du Congo et que ceci a été confirmé par un journal officiel de la République Démocratique du Congo daté du 1 février 2004. Le juge de la citoyenneté allègue également qu'il a demandé au demandeur de faire des photocopies de ses passeports, soit régulier et diplomatique, chose que le demandeur n'a pas fait. Finalement, le juge de la citoyenneté fonde sa décision sur le fait que le demandeur n'a pas fourni des formulaires d'impôts, des reçus de carte de crédit ou un bail etc. Dans l'arrêt Alouache c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration),[2003] A.C.F. no 1100 (QL) le juge Gauthier fait les remarques suivantes aux paragraphes 19 à 21 :

19       Dans Chahrour c. Canada (M.C.I.) 2002 CFPI 745, [2002] A.C.F. 1011 (QL), le juge Pinard dit que lorsqu'on applique le test de la présence physique, les relevés bancaires, les paiements de loyer ou la présence d'autres membres de la famille au Canada ne constitue pas des éléments de preuve pertinents à l'établissement de la résidence.

20       Il est clair des extraits des notes au dossier que le juge Springate a non seulement tenu compte de telle preuve mais qu'il a été influencé par l'absence de certains de ces indices tels que reçus de loyer, compte en banque ou carte de crédit, ou même par l'absence de participation à des organisations communautaires canadiennes ou autres groupes et finalement par l'intention d'aller travailler hors du Canada.

21       Dans les circonstances, le tribunal doit conclure comme le juge Heneghan l'a fait dans Hsu c. Canada (M.C.I.) 2001 CFPI 579, [2001] A.C.F. 862 (QL), que le juge Springate a confondu ou mêlé ensemble les différents courants jurisprudentiels en appliquant le test de la résidence aux faits mis de l'avant par Mme Alouache. Ceci constitue une erreur révisable.

[22]            Tel que j'ai mentionnée dans l'arrêt Yang c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2002), 216 F.T.R . 117; A.C.F. no 114 (QL), un juge de la citoyenneté qui ne tiens pas compte de tous les éléments de preuve pertinente concernant l'existence d'un pied-à-terre au Canada emploie une approche très restrictive dans son interprétation de l'exigence concernant la résidence. Cette détermination de la part du juge de la citoyenneté ne me semble pas être fondée sur une preuve ou même un raisonnement logique. Tel que j'ai mentionné au paragraphe 22 de l'arrêt Yang, supra, :

Il a insisté davantage sur l'exigence qu'un demandeur soit physiquement présent au Canada et il a commis une erreur en concluant que le quatrième facteur énoncé dans Re Koo (présence physique) peut être considéré comme le plus important des six.

[23]            Sans une analyse appropriée des facteurs pertinents pour déterminer la résidence au Canada, il n'est pas possible pour le juge de la citoyenneté d'établir sur une prépondérance des probabilités que le demandeur ne résidait pas ici pour le nombre de jours requis. Si un juge de la citoyenneté soupçonne un déficit dans le nombre de jours de présence physique réelle au pays, il doit donc examiner si le demandeur a des attaches suffisantes au Canada. Cependant, en l'espèce, le juge de la citoyenneté n'illustre pas, par l'entremise de sa décision, que le demandeur n'était pas au Canada pendant 1095 jours. Il affirme uniquement que puisqu'il voit des contradictions dans certains documents que cela veut dire qu'il n'était pas au Canada et ne satisfait donc pas au critère de 1095 jours. Ceci n'est pas raisonnable puisqu'il n'a même pas effectué une évaluation de l'attachement du demandeur au Canada tel qu'énoncé par la jurisprudence dans Re Koo, supra.

[24]            Il est à noter que ce n'est pas le rôle de cette Cour de faire l'analyse des facteurs de Re Koo, supra par rapport à la preuve soumise au juge de la citoyenneté. Dans l'arrêt Xu v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2005] F.C.J. No. 868 (QL), le juge de Montingy résume bien le rôle de cette Cour au paragraphe 19 :

[...] It is not the role of this Court to reweigh the evidence presented to the Citizenship Judge to come to a different conclusion.

[25]            Il est toutefois essentiel que cette Cour puisse déterminer que le juge de la citoyenneté a effectivement fait une analyse selon la jurisprudence pertinente. Dans ce cas, il m'appert que le juge de la citoyenneté n'a aucunement considérer les critères de Re Koo, supra, et que sa décision de rejeter la demande de citoyenneté du demandeur n'est pas fondée sur des éléments raisonnables.

[26]            Le défendeur soulève l'arrêt Muliadi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 2 C.F. 205, 215 (C.A.) afin de dire que le juge de la citoyenneté a bel et bien une obligation de communiquer toute preuve extrinsèque qu'il reçoit dans le cours d'une demande uniquement si elle est pertinente. Il est donc possible pour un juge de la citoyenneté de ne pas avoir à communiquer chaque pièce de preuve, surtout lorsqu'un individu a l'opportunité de se faire entendre et de présenter de la preuve. Toutefois, là où cette preuve peut influencer la décision d'un juge de la citoyenneté, il doit la dévoiler. En l'espèce, la note de l'agent a clairement eu une influence sur la décision du juge de la citoyenneté, il aurait dû donc en informer le demandeur.

[27]            Ce qui est important de retenir en l'espèce c'est qu'un juge de la citoyenneté qui rejette une demande de citoyenneté doit se baser sur la jurisprudence pertinente, soit Re Koo, supra. En l'espèce, ceci n'a pas été fait.

JUGEMENT

La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est retournée devant un autre juge de la citoyenneté.

« Paul U.C. Rouleau »

JUGE SUPPLÉANT


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-842-05

INTITULÉ :                                        Buana Tshimanga c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal, Québec

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 15 novembre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :             ROULEAU J.S.

DATE DES MOTIFS :                       Le 22 novembre 2005

COMPARUTIONS:

Me Denis Girard

POUR LE DEMANDEUR

Me Ian Demers

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Denis Girard

Montréal, Québec

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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