Date : 20240118
Dossier : IMM-951-22
Référence : 2024 CF 69
Toronto (Ontario), le 18 janvier 2024
En présence de monsieur le juge Andrew D. Little
ENTRE : |
LILIA KARINA GONZALEZ PEREZ |
demanderesse |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] La demanderesse conteste une décision rendue par la Section d’appel des réfugiés (la SAR
) le 19 janvier 2022.
[2] La SAR a conclu que la demanderesse n’était pas une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR
).
[3] La demanderesse a fait valoir que la décision de la SAR devrait être annulée parce qu’elle n’est pas équitable sur le plan procédural en raison des erreurs commises par son ancienne représentante devant la Section de la protection des réfugiés (la SPR
) et la SAR. Elle a également soutenu que la décision de la SAR était déraisonnable au regard des principes de droit administratif énoncés dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 RCS 653.
[4] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la demande doit être rejetée.
I. Faits et événements à l’origine de la demande
[5] La demanderesse, une citoyenne du Mexique, a présenté une demande d’asile fondée sur son orientation sexuelle.
[6] En janvier 2019, la demanderesse a commencé à fréquenter C, une autre femme. Elle a appris que C avait été emmenée au Mexique depuis le Salvador par des criminels, qui battraient C si elle n’accomplissait pas le travail qui était exigé de sa part.
[7] En février 2019, la demanderesse a donné de l’argent à C, qui est déménagée aux États-Unis.
[8] La demanderesse s’est rendu compte qu’elle était suivie par des inconnus, qui se sont présentés à son domicile où elle vivait avec sa mère. Les inconnus, qui étaient à la recherche de C, auraient tenté de laisser un message à cette dernière de la part de sa mère malade ou au sujet de celle-ci.
[9] Peu de temps après, le domicile de la demanderesse et de sa mère a été cambriolé. La demanderesse croyait que les voleurs étaient liés à l’organisation criminelle qui était à la recherche de C compte tenu de la précédente visite suspecte des inconnus qui avaient tenté de laisser un message destiné à C.
[10] La demanderesse a communiqué avec C au sujet du cambriolage. Cette dernière a affirmé que la demanderesse était en danger. La demanderesse a déménagé ailleurs au Mexique avant de s’enfuir au Canada.
[11] La demanderesse est arrivée au Canada en mai 2019. Le 19 juillet 2019, elle a demandé l’asile au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la LIPR.
[12] À la suite de son arrivée au Canada, la demanderesse a noué une relation avec A, sa partenaire.
[13] Dans une décision datée du 10 septembre 2021, la SPR a rejeté la demande d’asile présentée par la demanderesse au titre de la LIPR.
[14] Dans une décision datée du 19 janvier 2022, la SAR a rejeté l’appel de la demanderesse et a conclu qu’elle ne risquait pas d’être persécutée aux termes de l’article 96 de la LIPR ni de subir un traitement préjudiciable aux termes du paragraphe 97(1).
[15] Dans la présente demande de contrôle judiciaire, la demanderesse demande à la Cour d’annuler la décision de la SAR.
II. Questions soulevées par la demanderesse
[16] La demanderesse a présenté les arguments suivants :
L’incompétence de son ancienne représentante, une parajuriste agréée en Ontario, a donné lieu à un manquement à l’équité procédurale ainsi qu’à un déni de justice;
La SAR a déraisonnablement conclu que la demanderesse n’était pas crédible en se fondant sur une seule omission relevée dans l’exposé circonstancié contenu dans son formulaire Fondement de la demande d’asile (le formulaire
FDA
);La SAR a déraisonnablement conclu que la demanderesse ne risquait pas d’être persécutée au Mexique en raison de son orientation sexuelle, puisque sa décision n’était pas justifiée au regard de la preuve sur la situation dans ce pays.
III. Analyse
A. La demanderesse a-t-elle été privée de son droit à l’équité procédurale en raison de l’incompétence de son ancienne représentante?
[17] En général, lorsqu’elle est appelée à trancher une question d’équité procédurale, la Cour doit adopter une approche qui s’apparente à la norme de contrôle de la décision correcte. À un haut niveau, la Cour détermine si la procédure utilisée par le décideur était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances, y compris la nature des droits substantiels concernés et les conséquences pour la ou les personnes visées : Adeshina c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1559 au para 12; Obasuyi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 508 au para 13. Voir généralement Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196, [2021] 1 RCF 271 au para 35; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, [2019] 1 RCF 121 aux para 54-55.
[18] Le demandeur doit établir la présence de trois composantes pour démontrer qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale ou à la justice naturelle en raison de l’assistance non effective d’un conseil ou d’un autre représentant dans le cadre d’une procédure d’immigration :
a)les omissions ou les actes allégués contre le représentant constituaient de l’incompétence;
b)il y a eu déni de justice, en ce sens que, n’eût été la conduite alléguée, il existe une probabilité raisonnable que le résultat de l’audience initiale aurait été différent;
c)le représentant a été informé des allégations et a eu une possibilité raisonnable de répondre.
Voir Adeshina, au para 13 (citant Guadron c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 1092 au para 11; R c GDB, 2000 CSC 22, [2000] 1 RCS 520 au para 26). Voir aussi Ghorbanniay Hassankiadeh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 33 au para 8; Zhou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1046 au para 15; Galyas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 250 au para 84.
[19] En l’espèce, la demanderesse a informé son ancienne représentante des allégations formulées à son encontre. J’ai rendu une ordonnance accordant le statut d’intervenant à l’ancienne représentante afin qu’elle puisse présenter des observations à l’audience. Je comprends que, à la date de l’audition de la présente demande, le Barreau de l’Ontario avait ouvert un dossier en lien avec cette affaire.
[20] La question déterminante en l’espèce concerne le deuxième critère énoncé plus haut. À mon avis, la demanderesse n’a pas démontré l’existence d’une probabilité raisonnable que le résultat de l’audience aurait été différent, n’eût été l’incompétence alléguée de son ancienne représentante.
[21] La demanderesse a soutenu qu’elle avait reçu de sa représentante la directive de ne pas inclure A, sa partenaire au Canada, dans sa demande d’asile, et que l’issue de la décision de la SAR aurait été différente si elle l’avait fait. Elle a aussi fait valoir que l’assistant de sa représentante lui avait conseillé d’omettre ou de minimiser, lors de son témoignage devant la SPR, des renseignements qui, selon elle, étaient au cœur de son motif de persécution. Lorsqu’elle a témoigné devant la SPR, la demanderesse a affirmé qu’elle vivait ouvertement avec sa partenaire au Canada, mais que, conformément aux conseils de sa représentante, elle n’avait pas mentionné A dans l’exposé circonstancié contenu dans son formulaire FDA, et A n’avait pas présenté de lettre pour étayer la demande d’asile présentée par la demanderesse au titre de la LIPR. La demanderesse a indiqué qu’elle avait été transparente et franche au sujet de cette relation, y compris sur des plateformes de médias sociaux accessibles à des personnes se trouvant au Mexique.
[22] Les renseignements dont dispose la Cour en l’espèce soulèvent des questions factuelles au sujet des discussions entre la demanderesse et sa représentante sur la question de savoir s’il y avait lieu d’inclure A dans sa demande d’asile. Il n’est pas nécessaire de régler ces questions pour trancher la présente demande.
[23] À mon avis, la demanderesse n’a pas établi l’existence d’une probabilité raisonnable que l’absence de preuve émanant de A ou concernant sa relation avec A ait eu une incidence sur le résultat de l’évaluation, par la SPR ou la SAR, du risque qu’elle soit persécutée ou subisse un traitement préjudiciable au Mexique aux termes de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la LIPR.
[24] La SPR a reconnu que la demanderesse était membre de la communauté LGBTQ+ et a évalué sa demande en conséquence. Les risques à évaluer se rapportaient au Mexique. La demanderesse a rencontré A dans ce pays. Les deux femmes sont venues au Canada ensemble en mai 2019 et ont par la suite noué une relation sérieuse. La demanderesse n’a pas laissé entendre que A avait joué un rôle dans un événement qui était au cœur de sa demande d’asile au titre de la LIPR. A n’a pas présenté d’affidavit concernant un témoignage potentiel de sa part et la demanderesse n’a pas tenté de résumer cet élément de preuve éventuel. Bien que la demanderesse ait soutenu que l’évaluation des risques par la SPR [traduction] « aurait peut-être été différente »
si les demandes d’asile avaient été présentées conjointement et que la SPR avait disposé de renseignements supplémentaires, il n’apparaît pas clairement comment une nouvelle preuve éventuelle émanant de A ou à son sujet permettrait de déduire l’existence d’un degré de risque ou de préjudice supplémentaire ou différent de celui ayant fait l’objet d’un examen dans les décisions de la SPR et de la SAR. En outre, la demanderesse n’a pas laissé entendre qu’une preuve nouvelle ou supplémentaire concernant sa relation avec A aurait eu une incidence sur la question de crédibilité qui s’est avérée déterminante dans les décisions de la SPR et de la SAR (laquelle est analysée à la section B, ci-dessous). Enfin, la demanderesse n’a déposé aucune preuve selon laquelle la demande d’asile de A avait également été rejetée et que les deux femmes devraient rentrer au Mexique ensemble, où elles seraient exposées, en tant que couple, à des risques différents de ceux auxquels la demanderesse serait exposée de façon individuelle, et elle n’a pas fait valoir cet argument.
[25] Pour ces motifs, le premier argument présenté par la demanderesse en l’espèce est rejeté.
B. La SAR a‑t‑elle commis une erreur susceptible de contrôle dans son analyse de la crédibilité?
[26] Je suis d’accord avec les parties pour dire que la norme de contrôle applicable à cette question est celle de la décision raisonnable. L’arrêt Vavilov, rendu par la Cour suprême, prévoit qu’une cour de révision peut annuler une décision administrative lorsque le demandeur démontre qu’elle est déraisonnable au motif qu’elle n’est pas transparente, intelligible et justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur était assujetti : Vavilov, en particulier aux para 12-15, 83- 85, 99-106, 125-128.
[27] La demanderesse a fait valoir que la conclusion de la SAR selon laquelle elle n’était pas crédible reposait sur une seule omission constatée dans son formulaire FDA. Le formulaire FDA indique que des inconnus se sont présentés à son domicile parce qu’ils cherchaient C, sa partenaire de l’époque, et qu’un voisin avait dit à sa mère que les inconnus souhaitaient transmettre un message à C de la part de sa mère (ou à propos de celle-ci). Il ressort toutefois du témoignage de la demanderesse que sa mère était à la maison à ce moment-là et qu’elle a parlé directement aux inconnus, ce qui n’est pas mentionné dans le formulaire FDA.
[28] La SAR a confirmé que la demanderesse n’avait pas été en mesure d’expliquer cette incohérence lorsque la SPR l’a interrogée à ce sujet, ce que la demanderesse a reconnu.
[29] Je conclus que l’analyse de la SAR ne renferme aucune erreur susceptible de contrôle.
[30] Premièrement, je n’accepte pas la position de la demanderesse selon laquelle il n’y avait, dans les faits, aucune incohérence entre le formulaire FDA et son témoignage. Cet argument, qui repose sur une interprétation nouvelle et révisée du formulaire FDA dont il n’avait pas été question avant la présente demande devant la Cour, mettait à profit une ambiguïté alléguée dans le libellé de l’exposé circonstancié contenu dans le formulaire FDA en ce qui concerne la description des inconnus qui avaient parlé au voisin ou à la mère de la demanderesse. Selon la demanderesse, une occurrence du pronom [traduction] « elle »
dans un paragraphe du formulaire FDA faisait référence à sa mère plutôt qu’à la voisine, alors qu’une autre occurrence de ce pronom, dans le même paragraphe, renvoyait à C. Selon cette théorie, le message de la mère de C était destiné à la mère de la demanderesse (et non à C). La demanderesse a ensuite fait valoir que, dans les faits, les inconnus avaient effectué deux visites (une chez les voisins et une autre chez sa mère).
[31] À mon avis, cette nouvelle interprétation du formulaire FDA par la demanderesse, laquelle n’a pas été présentée devant la SAR, est forcée et incompatible avec le sens naturel des renseignements consignés dans ce formulaire. La demanderesse n’a pas non plus expliqué pourquoi la mère de C voulait transmettre un message à sa mère. La possibilité que les inconnus aient effectué deux visites semble constituer une théorie factuelle entièrement nouvelle au sujet des événements survenus avant le cambriolage. Il s’agit d’un changement dans la chronologie des événements qui, encore une fois, n’a pas été évoqué devant la SAR ou la SPR.
[32] Deuxièmement, l’incohérence alléguée n’était pas le fruit d’une analyse microscopique effectuée par la SAR et n’était pas accessoire à une analyse raisonnable de la crédibilité de la demanderesse ainsi que de sa demande d’asile. La demanderesse a présenté cet argument à la SAR, qui a conclu que l’incident mettant en cause une rencontre directe entre sa mère et les inconnus (les criminels qui recherchaient C) à leur domicile se rattachait à un élément central de la demande d’asile de la demanderesse. Il s’agissait donc d’un élément important, et l’omission relevée dans le formulaire FDA n’a pas été expliquée de façon raisonnable. À mon avis, il était loisible à la SAR d’effectuer cette analyse compte tenu des circonstances. La visite des inconnus au domicile était importante dans le contexte de l’affaire en général, puisque c’était le seul événement qui établissait un lien entre la relation de la demanderesse avec C, les personnes qui s’étaient présentées à son domicile à la recherche de C, les criminels qui étaient à la poursuite de C et de la demanderesse, ainsi que le cambriolage subséquent de la maison, lesquels étaient au cœur de la demande d’asile présentée par la demanderesse au titre de la LIPR.
[33] Troisièmement, la demanderesse a fait valoir que la SAR avait commis une erreur en se fondant sur une seule omission relevée dans son formulaire FDA puis en omettant d’évaluer le cambriolage survenu à son domicile, qu’elle a qualifié de pilier central de sa demande d’asile présentée au titre de la LIPR. Compte tenu du fait que la SAR n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle dans son évaluation de la crédibilité, comme je l’explique ci-dessus, son défaut d’examiner le cambriolage plus en profondeur ne constituait pas une erreur susceptible de contrôle en l’espèce.
[34] La demanderesse n’a donc pas démontré que la décision de la SAR était déraisonnable pour le motif allégué.
C. La SAR a‑t‑elle commis une erreur susceptible de contrôle dans son analyse de la preuve sur la situation au Mexique?
[35] La demanderesse a fait valoir que la SAR et la SPR avaient commis une erreur en s’appuyant de manière sélective sur la preuve relative à la situation au Mexique concernant le traitement réservé aux membres de la communauté LGBTQ+. Elle a mentionné d’autres décisions où la SAR était parvenue à des conclusions différentes qu’en l’espèce, et a fait valoir que la SAR avait commis les mêmes erreurs que celles relevées par la Cour dans la décision Ramirez Cueto c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 954. Le défendeur a fait valoir que la demanderesse n’avait pas contesté les conclusions de la SPR lors de son appel devant la SAR, de sorte qu’elle ne peut pas contester l’analyse de fond de la SPR dans le cadre du présent contrôle judiciaire. Il a également soutenu que, par ses observations, la demanderesse demandait essentiellement à la Cour de soupeser à nouveau la preuve sur la situation au Mexique.
[36] La SPR a examiné le témoignage de la demanderesse concernant les événements survenus au Mexique. Elle a conclu que la demanderesse n’était pas recherchée en raison de sa relation avec C ou de son orientation sexuelle. La SPR a également tenu compte de la situation à laquelle la demanderesse serait exposée à son retour au Mexique en tant que membre de la communauté LGBTQ+. Elle a jugé que les attitudes discriminatoires et le harcèlement en général au Mexique, quoique problématiques et inexcusables, n’équivalaient pas à de la persécution. La demanderesse elle-même n’a pas été persécutée. La SPR a examiné l’information contenue dans le cartable national de documentation (le CND
) sur le Mexique, qui l’a amenée à conclure qu’il existait une culture florissante et active quant à l’acceptation des gais et des lesbiennes à Mexico, où la demanderesse pourrait vivre sans risquer sérieusement d’être persécutée de la part de la population générale. Compte tenu de la preuve présentée, y compris le témoignage de la demanderesse, la SPR a conclu que cette dernière ne serait pas exposée à de la persécution en raison de son orientation sexuelle ni à un traitement allant à l’encontre du paragraphe 97(1) de la LIPR.
[37] En appel, la SAR a fait remarquer que la demanderesse n’avait pas expressément contesté la conclusion de la SPR selon laquelle les attitudes discriminatoires à son égard en lien avec son orientation sexuelle n’équivalaient pas à de la persécution, ne menaçaient pas sa vie et ne l’exposaient pas à un risque de lésions corporelles graves. La SAR a indiqué qu’elle avait examiné le dossier et la transcription de l’audience de façon indépendante et n’avait relevé aucune erreur dans la conclusion de la SPR.
[38] La SAR a aussi examiné les arguments présentés en appel par la demanderesse selon lesquels la SPR n’avait pas appliqué les Directives numéro 9 du président : Procédures devant la CISR portant sur l’orientation et les caractères sexuels ainsi que l’identité et l’expression de genre (les Directives sur l’OCSIEG
), et qu’elle n’avait pas tenu compte de l’attitude et des commentaires [traduction] « inappropriés »
de la commissaire de la SPR au cours de l’audience. La demanderesse n’a pas contesté les conclusions de la SAR selon lesquelles la SPR avait appliqué les Directives sur l’OCSIEG et que les questions de la commissaire de la SPR étaient appropriées.
[39] En l’espèce, la demanderesse a reproché à la SPR de ne pas avoir pris en compte certaines parties du CND sur le Mexique. Je ne minimise pas le contenu des passages cités par la demanderesse, mais ceux-ci ne permettent pas à la Cour de conclure que la décision de la SAR, qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire, renferme une erreur susceptible de contrôle. L’argument de la demanderesse fondé sur la décision Ramirez Cueto rate sa cible.
[40] En règle générale, lors d’un contrôle judiciaire, un tribunal ne se penchera pas sur une nouvelle question qui aurait pu être soulevée devant le décideur, mais ne l’a pas été : Firsov c Canada (Procureur général), 2022 CAF 191 au para 49; Gordillo c Canada (Procureur général), 2022 CAF 23 au para 99. La Cour d’appel fédérale a récemment confirmé ce principe général : voir, p. ex., Sullivan c Canada (Procureur général), 2024 CAF 7 au para 8; Terra Reproductions Inc c Canada (Procureur général), 2023 CAF 214 au para 6.
[41] De la même façon, on ne peut normalement contester une décision de la SAR en se fondant sur une question qui n’a pas été portée devant elle, en particulier lorsque la nouvelle question soulevée pour la première fois à l’étape du contrôle judiciaire relève des fonctions ou de l’expertise spéciales de ladite SAR : Canada (Citoyenneté et Immigration) c R K, 2016 CAF 272 au para 6, citant Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers' Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS aux para 23-25.
[42] En l’espèce, lors de son appel devant la SAR, la demanderesse n’a pas contesté les conclusions de la SPR ou soulevé des arguments relatifs à la discrimination assimilable à de la persécution dont elle pourrait être victime au Mexique ou à Mexico. Elle n’a pas non plus présenté d’observation relative au contenu du CND sur le Mexique dans son mémoire d’appel. En outre, elle n’a pas fait référence aux décisions antérieures de la SAR qui sont mentionnées dans la présente demande, ou fait valoir que la décision rendue en appel par la SAR devait être compatible avec celles-ci. En bref, les questions qui sont maintenant soulevées par la demanderesse n’avaient pas été présentées à la SAR, qui a seulement examiné le dossier et la transcription de l’audience pour ensuite conclure que la conclusion de la SPR ne renfermait aucune erreur. Les arguments de la demanderesse visaient essentiellement à contester la conclusion de la SPR et le défaut de la SAR d’arriver à une conclusion différente, sans qu’elle ait été invitée à le faire, pour les motifs soulevés devant la Cour. La Cour, qui reconnaît le pouvoir décisionnel de la SAR dans le contexte d’un appel d’une décision de la SPR, ne devrait pas intervenir en l’espèce : Oluwafemi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 564 aux para 36-37; Garcia Corrales c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 956 aux para 14, 24; Ramirez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 35 aux para 17-19; Obalade c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1030 au para 11; Dahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1102 au para 35; Ghauri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 548 aux para 30-34.
[43] Par conséquent, je conclus que la SAR n’avait pas commis d’erreur susceptible de contrôle, comme l’a soutenu la demanderesse.
IV. Conclusion
[44] Pour les motifs qui précèdent, la demande sera rejetée.
[45] Aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.
JUGEMENT dans le dossier IMM-951-22
La demande est rejetée.
Aucune question n’est certifiée au titre de l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
« Andrew D. Little »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM-951-22 |
INTITULÉ :
|
LILIA KARINA GONZALEZ PEREZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
TORONTO (ONTARIO)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 24 JUILLET 2023
|
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT : |
LE JUGE A.D. LITTLE
|
DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
|
LE 18 JANVIER 2024 |
COMPARUTIONS :
Kes Posgate |
POUR LA DEMANDERESSE |
Rachel Beaupré |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Battista Smith Migration Law Group
Toronto (Ontario)
|
POUR LA DEMANDERESSE |
Procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR |