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Date : 20231205


Dossier : T-670-23

T-671-23

T-672-23

Référence : 2023 CF 1632

Montréal (Québec), le 5 décembre 2023

En présence de madame la juge St-Louis

ENTRE :

GLORIA DUCHESNEAU

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Pour les périodes du 15 mars au 26 septembre 2020; du 27 septembre 2020 au 9 octobre 2021; et du 19 décembre 2021 au 8 janvier 2022; Mme Gloria Duchesneau, la Demanderesse, demande successivement des prestations au titre de la Loi sur la prestation canadienne d’urgence LC 2020, ch 5 art 8 [Loi PCU], de la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique LC 2020, ch 12, art 2 [Loi PCRE] et de la Loi sur la prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement LC 2021, ch 26, art 5 [Loi PCTCC].

[2] Le 3 octobre 2022, après un premier examen de l’admissibilité, l’Agence de revenu du Canada [Agence] informe la Demanderesse qu’elle est inadmissible à la PCU, à la PCRE et à la PCTCC. L’Agence conclut notamment que la Demanderesse n’a pas gagné au moins 5000.00$ pendant la période de référence pertinente, critère d’admissibilité commun aux trois types de demandes de prestations.

[3] Le ou vers le 25 janvier 2023, Mme Duchesneau demande un second examen de son dossier et elle a l’occasion de soumettre des informations additionnelles.

[4] L’agent chargé du deuxième examen [l’Agent] indique notamment à Mme Duchesneau qu’elle a besoin d’une preuve que le montant de dividendes a bien été gagné en revenus de travail. Mme Duchesneau transmet alors une lettre de son comptable, datée du 22 février 2023, qui confirme qu’une écriture de dividendes a été inscrite le 1er février 2020 dans le compte de la compagnie identifié comme « Dû à l’actionnaire Gloria Duchesneau ». Le comptable réfère aux règles fiscales et il confirme ensuite qu’il n’est pas obligatoire que le montant du dividende soit déposé dans le compte de banque personnel de Mme Duchesneau. Cette dernière a d’ailleurs confirmé, lors de l’audience de la présente demande de contrôle judiciaire, que ce montant ne lui a effectivement pas été versé.

[5] Le 2 mars 2023, l’Agent rédige un rapport dans chacun des dossiers et note que la Demanderesse n’a fourni aucune preuve tangible de son revenu de 5000.00 $. L’Agent refuse les demandes de PCU, de PCRE et de PCTCC, essentiellement pour les motifs suivants:

  • a)Pour la PCU : la Demanderesse n’a pas gagné au moins 5000.00 $ de revenus d’emploi (avant impôt) ou revenus nets de travail indépendant en 2019 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande;

  • b)Pour la PCRE : la Demanderesse n’a pas gagné au moins 5000.00 $ de revenus d’emploi (avant impôt) ou revenus nets de travail indépendant en 2019, en 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande et n’a pas eu une baisse de 50% de ses revenus hebdomadaires moyens par rapport à l’année précédente à cause de la Covid-19 ;

  • c)Pour la PCTCC : la Demanderesse n’a pas gagné au moins 5000.00 $ de revenus d’emploi (avant impôt) ou revenus nets de travail indépendant en 2020, en 2021 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande et la région dans laquelle la contribuable vit, travaille ou fournit un service n’est pas désignée comme région confinée en lien avec la Covid-19.

[6] Le 7 mars 2023, l’Agent informe Mme Duchesneau de son inadmissibilité aux prestations suite au second examen.

[7] Mme Duchesneau demande le contrôle judiciaire de ces trois décisions. Elle demande à la Cour d’accueillir ses demandes, d’infirmer les décisions de l’Agent, de déclarer qu’elle satisfait aux critères d’admissibilité de la PCU, de la PCRE et de la PCTCC, et de déclarer qu’elle n’a aucune dette envers l’Agence. Les trois demandes initiées par Mme Duchesne ont été réunies et entendues en même temps et un jugement est émis et versé dans chacun des dossiers.

[8] Devant la Cour, Mme Duchesneau ne conteste que l’une des conclusions de l’Agent, soit celle selon laquelle elle n’a pas gagné au moins 5000.00 $ dans l’année 2019, 2020, 2021 ou au cours des 12 mois précédant sa première demande. Elle ne conteste ni la conclusion selon laquelle elle n’a pas eu une baisse de 50% de ses revenus hebdomadaires moyens par rapport à l’année précédente à cause de la Covid-19 (Loi PCRE), ni la conclusion selon laquelle la région dans laquelle la contribuable vit, travaille ou fournit un service n’est pas désignée comme région confinée en lien avec la Covid-19 (Loi PCTC) pour une des périodes. Dans son dossier de demande, Mme Duchesneau affirme un affidavit et introduit en preuve, notamment, une copie d’une note médicale datée du 17 octobre 2022 prescrivant un arrêt de travail en raison d’épuisement et une liste de liens vers des documents et des articles de journaux.

[9] Mme Duchesneau soumet qu’elle a bien gagné un revenu net d’au moins 5000.00 $ pendant la période de référence puisqu’en février 2020, elle s’est déclaré un montant de dividendes non –déterminés gagnés au lieu d’un paiement pour le travail de 5000.00 $. Elle reconnait que ce montant a été inscrit au niveau comptable et qu’il ne lui a pas été versé, mais elle soutient qu’il constitue néanmoins du revenu au titre de la Loi PCU, de la Loi PCRE et de la Loi PCTCC. Mme Duchesneau soumet donc que les décisions de l’Agent sont manifestement déraisonnables et erronées au regard des faits et dans le contexte exceptionnel de la crise sanitaire mondiale.

[10] Mme Duchesneau soumet aussi avoir subi un traitement discriminatoire de la part de l’Agence résultant de son statut d’actionnaire employée de sa propre petite entreprise et avoir été victime de harcèlement. Elle allègue que les employés de l’Agence ne connaissaient pas les règles et que ces dernières n’étaient pas claires et qu’elles ont changé pendant la période.

[11] Le procureur général du Canada [le PGC ou le Défendeur] s’objecte d’abord au dépôt de la preuve qui n’était pas devant l’Agent et il s’objecte à ce que la Cour considère des faits qui n’étaient pas non plus devant le décideur. Il répond ensuite que les décisions sont raisonnables. Il ajoute qu’afin d’être considérée comme admissible aux prestations demandées, la Demanderesse devait démontrer avoir gagné le montant déclaré comme dividendes à titre de revenu se qualifiant pour être admissible à la PCU, la PCRE et la PCTCC. Il précise que cela requiert d’avoir effectivement reçu le montant de dividendes déclaré (Konlambigue c Canada (Procureur général), 2022 CF 1781 au para 25 [Konlambigue]).

[12] Le PGC répond aussi que les reproches formulés par Mme Duchesneau contre l’Agence sont sans fondement.

[13] Il s’agit ici de déterminer si la Demanderesse a démontré qu’il était raisonnable pour l’Agent de ne pas avoir considéré le montant de dividendes déclaré par la Demanderesse comme constituant un revenu au sens de chacune des lois en jeu, sur la base des informations fournies par cette dernière au soutien de ses demandes de prestations. En dépit de la sympathie que j’éprouve pour la situation de Mme Duchesneau, je conclus que cette dernière n’a pas démontré que les décisions de l’Agent sont déraisonnables compte tenu des dispositions de chacune des lois et de la preuve qui était devant l’Agent et je rejetterai conséquemment les demandes de contrôle judiciaire.

II. Discussion

A. Admissibilité de la nouvelle preuve

[14] Le PGC souligne d’abord que la Demanderesse a introduit de la preuve nouvelle qui n’a pas été soumise au décideur administratif dans le cadre du processus décisionnel et qui est conséquemment inadmissible (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 [Access Copyright] aux para 19-20; Ntuer c Canada (Procureur général), 2022 CF 1596 [Ntuer] au para 12).

[15] En règle générale, les documents et informations dont ne disposait pas le décideur ne sont pas admissibles lors du contrôle judiciaire devant la Cour. Tel que le souligne le juge Gascon dans sa décision Lavigne c Canada (procureur général du Canada) 2023 CF 1182 [Lavigne], il est bien établi que, lors d’un contrôle judiciaire, la règle générale veut que la Cour de révision ne puisse examiner que les documents dont disposait le décideur administratif, à quelques exceptions près (Gittens c Canada (Procureur général), 2019 CAF 256 au para 14; Access Copyright aux para 19-20; Aryan c Canada (Procureur général), 2022 CF 139 [Aryan] au para 42; Kleiman c Canada (Procureur Général), 2022 CF 762 aux para 25-26; Ntuer au para 12; Lalonde c Canada (Agence du revenu), 2023 CF 41 au para 23). Ainsi, ces exceptions s’appliquent notamment aux documents qui : 1) fournissent des renseignements généraux susceptibles d’aider la Cour de révision à comprendre les questions en litige; 2) font état de vices de procédure ou de manquements à l’équité procédurale dans la procédure administrative; ou 3) font ressortir l’absence totale de preuve dont disposait le décideur (Tsleil‑Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 128 au para 98; Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263 aux para 23–25; Access Copyright aux para 19–20; Nshogoza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1211 aux para 16–18).

[16] La preuve nouvelle ne se qualifie pas au titre de l’une de ces exceptions précitées, n’est donc pas admissible et ne sera pas considérée. La Cour ne considèrera pas non plus les faits qui n’étaient pas devant l’Agent.

B. La norme de contrôle applicable

[17] La norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Aryan au para 16 ; He c Canada (Procureur général), 2022 CF 1503 [He] au para 20; Lajoie c Canada (Procureur général), 2022 CF 1088 au para 12).

[18] La Cour suprême du Canada a confirmé que la norme de la décision raisonnable s’applique pour le contrôle judiciaire d’une décision administrative ((Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 85)). Aucune des situations justifiant le renversement de cette présomption ne se présente dans le cadre du présent contrôle judiciaire (Vavilov aux para 25, 33, 53; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 au para 27).

[19] Lorsque la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, le rôle d’une Cour de révision est d’examiner les motifs qu’a donnés le décideur administratif et de déterminer si la décision est fondée sur « une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » et est « justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov au para 85). La Cour de révision doit tenir compte « du résultat de la décision administrative eu égard au raisonnement sous-jacent à celle-ci afin de s’assurer que la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée » (Vavilov au para 15). La décision doit posséder les attributs requis de transparence, de justification et d’intelligibilité.

[20] Le rapport de deuxième examen de l’Agence fait partie des motifs de chaque décision (Aryan au para 22; Larocque c Canada (Procureur général), 2022 CF 613 au para 17; Mathelier-Jeanty c Canada (Procureur général), 2022 CF 1188 au para 20).

C. Le caractère raisonnable des décisions

[21] La PCU, la PCRE et la PCTCC font partie d’un ensemble de mesures introduites par le gouvernement du Canada en réponse aux impacts de la pandémie de Covid-19. D’abord, et pour répondre à la question de la Demanderesse, je note que les critères d’admissibilité de chacun des programmes sont énoncés dans chacune des lois habilitantes soit, respectivement, à l’article 6 de la Loi PCU, à l’article 3 de la Loi PCRE et à l’article 4 de la Loi PCTCC. Ces critères sont cumulatifs de sorte que si la personne qui demande une prestation ne satisfait pas l’un ou l’autre de ces critères, cette personne sera inadmissible.

[22] Chacun des programmes exige, au titre des critères d’admissibilité, que la personne ait gagné au moins 5000.00$ pendant la période de référence. Chacune des lois prévoit le type de revenu se qualifiant pour être admissible à la PCU, la PCRE et la PCTCC (Loi PCU article 2 dans la définition de « travailleur », Loi PCRE alinéas 3(1) d) et e) et Loi PCTCC alinéas 4(1) d) et e)). Il n’est pas en jeu que les dividendes non admissibles pouvaient entrer dans le calcul des 5000.00$ de revenus d’emploi ou de travail indépendant.

[23] La Loi PCU, la Loi PCRE et la Loi PCTCC précisent que le ministre peut exiger à ce qu’un demandeur fournit tout renseignement supplémentaire nécessaire relatif à la demande (Loi PCU à l’article 10, Loi PCRE à l’article 6 et Loi PCTCC à l’article 7). Le fardeau de prouver son admissibilité pour recevoir les prestations reposait sur la Demanderesse (Walker c Canada (Procureur général), 2022 CF 381 au paras 33-37 et Desautels c Canada (Procureur général), 2022 CF 1774, para 41).

[24] Le seul critère d’admissibilité en jeu dans la présente affaire est celui d 'avoir un revenu total d’au moins 5000.00 $ provenant d’un emploi ou d’un travail indépendant pour l’année d’imposition 2020, 2021 ou dans la période de 12 mois précédant le jour où une demande est présentée.

[25] En effet, tel que mentionné plus haut, Mme Duchesneau ne conteste pas les conclusions de l’Agent quant aux autres critères.

[26] Mme Duchesneau soumet qu’elle a bien gagné un revenu net d’au moins 5000.00$ pendant la période de référence telle que l’exige chacune des trois lois puisqu’en février 2020, elle s’est déclaré un montant de dividendes non –déterminés gagnés au lieu d’un paiement pour le travail de 5000.00$.

[27] Elle confirme que ce montant ne lui a pas été versé, qu’il a plutôt été inscrit au niveau comptable dans le livre de son entreprise versé, mais elle soutient qu’il constitue néanmoins du revenu au titre de chacune des lois. Mme Duchesneau soumet donc que les décisions de l’Agence sont manifestement déraisonnables et erronées au regard des faits et dans le contexte exceptionnel de la crise sanitaire mondiale. Elle ajoute que son relevé T5 constitue la preuve de ses revenus de plus de 5000.00$ en dividendes datant de février 2020 et qu’il prouve qu’elle satisfait les critères d’admissibilité aux prestations demandées et souligne la lettre de son comptable confirmant qu’il n’est pas obligatoire que le montant du dividende soit déposé dans le compte de banque personnel de Mme Duchesneau.

[28] Je tiens à souligner, tel que je l’ai mentionné lors de l’audience, que la bonne foi de Mme Duchesneau ou celle de son comptable n’est nullement en jeu dans la présente affaire. Il s‘agit plutôt de déterminer s’il est raisonnable ou non, pour l’Agent de conclure que le critère d’admissibilité n’est pas rencontré puisqu’il n’y a en somme, pas de preuve tangible que Mme Duchesneau elle-même a gagné un revenu de 5000.00$ pendant la période visée.

[29] Je souscris à la position du PGC et conclus qu’il est raisonnable pour l’Agence de déterminer que ce critère d’admissibilité n’est pas rencontré.

[30] Au surplus, la PCU, la PCRE et la PCTCC font partie de l’arsenal de mesures introduites par le gouvernement fédéral à compter de 2020 afin de pallier les répercussions économiques causées par la pandémie de Covid‑19. Il s’agissait de paiements monétaires ciblés qui visaient à fournir un soutien financier aux travailleurs et travailleuses ayant subi une perte de revenus en raison de la pandémie, et qui ne pouvaient bénéficier de la protection offerte par le régime usuel d’assurance-emploi (Baron c Canada (Procureur général), 2023 CF 1177 au para 7; He au para 5; Hayat c Canada (Procureur général), 2022 CF 131 au para 2; Mathelier-Jeanty c Canada (Procureur général), 2022 CF 1188 au para 2; Argüello c Canada (Procureur général), 2023 CF 986 au para 4; Akouz c Canada (Procureur général), 2023 CF 1104 au para 2; Laplante c Canada (Procureur général), 2023 CF 1450 au para 2; Cohen c Canada (Procureur général), 2023 CF 1539 au para 9; Bouchard c Canada (Procureur général), 2023 CF 1456 au para 7; Boudreau c Canada (Procureur général), 2023 CF 567 au para 6; Labrosse c Canada (Procureur général), 2022 CF 1792 au para 4).

[31] Tel que le souligne mon collègue le juge Pamel dans la décision Konlambigue, si le montant de dividendes n’a pas été versé au contribuable, dans ce cas-ci à l’actionnaire, mais qu’il est simplement inscrit au niveau comptable, il est raisonnable de conclure que ce montant n’a pas été gagné et qu’il ne s’agit pas d’un revenu au sens de la loi (Konlambigue au para 25). Il est raisonnable de conclure qu’une inscription comptable n’est pas la preuve tangible d’un revenu au sens de la loi, au surplus lorsque ceci s’inscrit dans le cadre d’un programme de remplacement de revenu. La production d’un relevé T-5 que la Demanderesse a émis n’est pas déterminante à cet égard.

D. La demanderesse n’a pas prouvé le caractère discriminatoire

[32] La Demanderesse soutient de plus que la situation est discriminatoire. Elle exprime dans son mémoire un questionnement quant au fait que les employés de l’Agence ne semblent pas faire la différence entre un relevé T4 (qui concerne un salarié ou un travailleur autonome) et un relevé T5 lequel concerne un actionnaire et employée de sa propre compagnie.

[33] La Demanderesse questionne la capacité des agents avec qui elle a interagi. Elle ajoute de plus se trouver lésée parce qu’elle est victime de harcèlement et d’incompréhension par des lettres agressantes, menaçantes et intimidantes de la part de l’Agence. Elle allègue avoir reçu des informations contradictoires, qu’elle explique, lui ont aussi causé de la confusion, de l’insatisfaction et de la détresse.

[34] La Demanderesse soutient de plus que la phrase suivante, trouvée sur le site web de l’Agence dans la section ‘Contrôle judiciaire’, est intimidante :

Notez que, même si la Cour fédérale établit que le ministre n'a pas exercé son pouvoir discrétionnaire correctement, elle ne peut pas remplacer la décision de l’ARC par la sienne. La Cour peut seulement renvoyer la décision à l’ARC pour qu'elle soit réexaminée par un autre fonctionnaire délégué (mémoire des faits et du droit de la demanderesse à la p 115).

[35] Le PGC répond que la Demanderesse ne soumet aucune preuve à l’effet que les lettres de l’Agence auraient contribué à son épuisement professionnel ou auraient été harcelantes, ni de preuve sur comment ces décisions rendues par l’Agence sont discriminatoires envers elle. Le PGC note de plus les déclarations contradictoires de la Demanderesse quant au fait qu’elle reproche à l’Agence de ne pas l’avoir appelé ou lui avoir transmis de lettres papier, mais aussi, simultanément, que trop de communications lui soient envoyées dans sa boîte de messagerie de l’Agence.

[36] Le PGC ajoute que l’Agent s’est assuré que la Demanderesse ait les bonnes informations afin de transmettre ses documents. Il soumet que pendant le processus décisionnel, la demanderesse a été en mesure de savoir qu’elle devait notamment fournir la preuve qu’elle avait gagné un revenu d’au moins 5000.00$ pendant une période donnée afin de se qualifier (Hommersen v Canada (Attorney General), 2023 FC 800 aux para 35-38 [Hommersen]).

[37] En lien avec l’argument de la Demanderesse que les agents de l’Agence ne comprenaient pas la notion de dividendes non-déterminés gagnés au lieu d’un salaire, le PGC soumet que le travail des agents est limité à faire un examen de l’admissibilité de la Demanderesse aux différentes prestations et qu’il ne leur revenait pas de l’informer sur la nature des dividendes qu’elle a reçus.

[38] Je souscris à la position du PGC et conclus que Mme Duchesneau n’a pas démontré avoir été victime de discrimination, ou avoir fait l’objet de harcèlement. La Demanderesse n’a pas non plus établi un bris d’équité procédurale. À cet égard, je fais miens les propos de ma collègue aux paragraphes 35 à 38 de la décision Hommersen.

III. Conclusion

[39] La Demanderesse n’a pas démontré que les décisions de l’Agent ne possèdent pas les attributs requis de transparence, de justification et d’intelligibilité et je conclus qu’elles ne sont entachées d’aucune erreur susceptible de contrôle. Les demandes de contrôle judiciaire seront donc rejetées. Aucun dépens n’est accordé (Showers c Canada (Procureur général), 2022 CF 1183 au para 32).

 


JUGEMENT dans les dossiers T-670-23, T-671-23 et T-672-23

LA COUR STATUE que :

  1. Les demandes de contrôle judiciaires sont rejetées.

  2. Les présents motifs sont versés dans chacun des trois dossiers

  3. Aucun dépens n’est accordé.

« Martine St-Louis »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

t-670-23, T-671-23, T-672-23

 

INTITULÉ :

GLORIA DUCHESNEAU c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

mONTRÉAL (qUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 NOVEMBRE 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ST-LOUIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 5 décembre 2023

 

COMPARUTIONS :

Gloria Duchesneau

 

Pour le demandeur

(POur son propre compte)

 

Arianne Gauthier

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ministère de la Justice Canada

Montréal, QC

 

Pour le défendeur

 

 

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