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Date : 20231129

Dossier : IMM-10140-22

Référence : 2023 CF 1593

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 novembre 2023

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

SASITHARAN THARMARATNAM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS ET JUGEMENT

[1] M. Sasitharan Tharmaratnam (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent (l’agent) a refusé sa demande d’évaluation des risques avant renvoi (l’ERAR), présentée au titre du paragraphe 112(1) de la Loi sur limmigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi).

[2] Le demandeur est un ressortissant du Sri Lanka. Pour diverses raisons, il n’était pas admissible à présenter une demande d’asile, mais il a eu la possibilité de présenter une demande d’ERAR. Il a fondé cette demande sur sa crainte d’être persécuté par les autorités sri‑lankaises en raison de ses activités dans un camp pour personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (les PDIP), de son origine ethnique tamoule, de son lien perçu avec les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (les TLET) et de son statut de demandeur d’asile qui retourne dans son pays.

[3] Un agent a initialement rejeté sa demande d’ERAR dans une décision datée du 28 octobre 2020. Après avoir reçu une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) a accepté d’annuler la décision et de renvoyer l’affaire pour nouvelle décision.

[4] Le demandeur soutient maintenant que l’agent a tiré des conclusions déguisées sur la crédibilité sans tenir d’audience et a ainsi enfreint son droit à l’équité procédurale. Cet argument tient à la manière dont l’agent a traité les lettres et les affidavits préparés par la sœur et les frères du demandeur.

[5] Le demandeur fait également valoir que, en concluant que son témoignage au sujet de ses activités au camp pour PDIP, qui consistaient à rapporter les crimes de guerre commis dans le camp, ne suffisait pas à établir le risque auquel il serait personnellement exposé, l’agent a donné l’impression de ne pas avoir cru son témoignage. Il affirme qu’il s’agit d’une conclusion relative à la crédibilité.

[6] De plus, le demandeur soutient que la décision est déraisonnable, car l’agent a appliqué la mauvaise norme de preuve en l’obligeant à prouver l’existence d’un risque futur selon la norme de la prépondérance des probabilités. Il s’appuie sur la décision Sivagnanasundarampillai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1109, dans laquelle le juge Diner a accueilli une demande de contrôle judiciaire au motif que le décideur avait mal formulé le critère à certains endroits, mais l’avait formulé correctement à d’autres endroits.

[7] Le demandeur conteste l’évaluation des éléments de preuve par l’agent, notamment le traitement réservé aux lettres et aux affidavits et l’exigence apparente de corroboration du contenu de ces éléments de preuve. Il fait également valoir que l’agent n’a pas tenu compte du risque auquel il serait exposé en tant que demandeur d’asile qui retourne dans son pays.

[8] Enfin, le demandeur fait valoir que l’agent aurait dû tenir compte de l’exception des « raisons impérieuses » énoncée au paragraphe 108(4) de la Loi.

[9] Le défendeur soutient qu’il n’y a eu aucune atteinte au droit à l’équité procédurale et que l’agent a examiné de manière raisonnable la preuve et les arguments présentés par le demandeur, puis a tiré une conclusion raisonnable en rejetant la demande d’ERAR du demandeur.

[10] Les questions relatives à l’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte; voir l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 RCS 339 (CSC).

[11] Conformément à l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, [2019] 4 RCS 653 (CSC), la décision de l’agent est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

[12] Dans son examen du caractère raisonnable, la Cour doit se demander si la décision faisant l’objet du contrôle « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci » : voir l’arrêt Vavilov, précité, au para 99.

[13] Il n’est pas nécessaire que j’examine tous les arguments invoqués par les parties, puisque je suis convaincue que l’agent n’a pas appliqué le bon critère de manière uniforme dans sa décision.

[14] Je renvoie à l’extrait suivant de la décision de l’agent :

[traduction]

Par conséquent, j’estime que les éléments de preuve présentés ne démontrent pas que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur est actuellement soupçonné par les autorités sri‑lankaises d’avoir des liens avec les TLET ni que l’ancien emploi du demandeur, l’internement à Kopay ou l’identité tamoule l’exposeraient personnellement à un risque futur à son retour dans le pays […]

[15] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision de l’agent sera annulée et l’affaire sera renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision. Il n’y a aucune question à certifier.

JUGEMENT dans le dossier IMM-10140-22

LA COUR ORDONNE ce qui suit : la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l’agent est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision. Il n’y a aucune question à certifier.

« E. Heneghan »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-10140-22

INTITULÉ :

SASITHARAN THARMARATNAM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 SEPTEMBRE 2023

MOTIFS ET JUGEMENT :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :

LE 29 NOVEMBRE 2023

COMPARUTIONS :

Lorne Waldman, C.M.

pour le demandeur

Nicole Paduraru

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)

pour le demandeur

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

pour le défendeur

 

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