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Date : 20231123


Dossier : T-82-23

Référence : 2023 CF 1555

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 23 novembre 2023

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

PHILIP DAVIDSON

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, monsieur Phillip Davidson, sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale [DA-TSS] de rejeter sa demande de permission d’interjeter appel de la décision de la Division générale du TSS [DG-TSS]. La DG‑TSS a conclu que l’emploi de M. Davidson avait été suspendu en raison d’une mauvaise conduite et, après un examen de novo, a approuvé la décision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada de refuser sa demande de prestations d’assurance-emploi [AE]. L’inconduite en litige concernait le non-respect par M. Davidson de la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

[2] Les observations de M. Davidson concernant la présente demande reprennent certains des arguments qu’il a soulevés auprès de la Commission de l’assurance-emploi et de la DG-TSS. Les arguments de M. Davidson découlent de son opposition générale à la politique de son employeur selon laquelle tous les employés doivent divulguer leur statut vaccinal et se faire vacciner, ce qui, selon lui, était irrationnel et inutile, en particulier parce qu’il travaillait à distance.

[3] M. Davidson soutient que les agents de l’assurance-emploi qui traitaient les demandes et la Commission de l’assurance-emploi qui examinait la détermination des demandes avaient reçu l’ordre de refuser les prestations d’AE aux demandeurs qui n’adhéraient pas aux politiques de vaccination de leur employeur. Il affirme qu’il y a eu ingérence politique et cherche à s’appuyer sur les commentaires publics du ministre responsable du ministère de l’Emploi et du Développement social du Canada [EDSC], et sur une note interne destinée aux agents de l’assurance-emploi. Les allégations de M. Davidson concernant les efforts déployés par le gouvernement pour empêcher les demandeurs qui s’opposaient à la politique de vaccination de leur employeur d’obtenir des prestations d’AE et ses observations concernant le caractère raisonnable de la politique de vaccination de son employeur ne sont toutefois pas visées par la présente demande. La décision faisant l’objet du contrôle est uniquement celle de la DA-TSS.

[4] La demande de M. Davidson est rejetée pour les motifs qui suivent. La décision de la DA-TSS porte toutes les marques d’une décision raisonnable et il n’y a aucune preuve d’un quelconque manquement à la procédure. La requête de M. Davidson visant l’admission de nouveaux éléments de preuve est également rejetée.

I. Contexte

[5] M. Davidson a été mis en congé par son employeur, la fonction publique de la Colombie‑Britannique (FPCB), à compter du 24 novembre 2021. L’avis de son employeur indiquait [traduction] « [s]i vous n’êtes toujours pas vacciné, ou si vous continuez à refuser de divulguer votre statut vaccinal dans les trois mois suivant le 24 novembre 2021, votre emploi pourrait être résilié ».

[6] Le 30 novembre 2021, M. Davidson a présenté une demande de prestations d’AE. Sa demande d’assurance-emploi a été rejetée le 31 mars 2022, puis le 4 mai 2022 et le 8 juin 2022 après réexamen.

[7] M. Davidson a interjeté appel de la décision de la Commission de l’assurance-emploi auprès de la DG-TSS. La DG-TSS a procédé à son propre examen de novo pour déterminer si M. Davidson avait été suspendu pour inconduite. Le 18 novembre 2022, la DG-TSS a rendu sa décision, rejetant l’appel de la décision de la Commission de l’assurance-emploi de refuser les prestations d’AE à M. Davidson.

[8] M. Davidson a alors demandé l’autorisation d’interjeter appel auprès de la DA-TSS. Le 6 décembre 2022, la DA-SST a rendu sa décision en refusant d’accorder l’autorisation d’interjeter appel au motif que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[9] M. Davidson cherche maintenant à obtenir le contrôle judiciaire de la décision de la DA‑TSS.

[10] M. Davidson cherche également à faire admettre de nouveaux éléments de preuve, par voie de requête, conformément aux articles 369 et 312 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [Règles des Cours fédérales]. Il affirme que les nouveaux éléments de preuve sont pertinents par rapport aux questions soulevées dans le cadre du contrôle judiciaire.

II. Question préliminaire : Observations sur l’admission de nouveaux éléments de preuve

[11] M. Davidson demande, par voie de requête, l’autorisation de la Cour de produire des affidavits et des pièces conformément à l’article 312 des Règles. La Cour a examiné la requête au début de l’audience de la demande.

[12] Le défendeur demande également la radiation des pièces incluses dans le dossier de demande de M. Davidson qui n’ont pas été présentées à la DA-TSS.

A. La requête, présentée par M. Davidson, en admission de nouveaux éléments de preuve en application de l’article 312 des Règles est rejetée.

(1) Arguments de M. Davidson

[13] Le 31 octobre 2023, M. Davidson a déposé une requête conformément aux articles 369 et 312 des Règles des Cours fédérales visant l’admission d’affidavits et d’éléments de preuve supplémentaires qui, selon lui, sont pertinents en ce qui concerne la présente demande.

[14] M. Davidson cherche à faire admettre son propre affidavit et l’affidavit de M. Lex Acker (accompagné de pièces). M. Acker, un blogueur, a joint son billet intitulé : « Why Your Application For Employment Insurance Regular Benefits Was Denied If You Did Not Comply With A Mandatory Vaccination Policy » (Voici pourquoi votre demande de prestations régulières d’assurance-emploi a été refusée si vous n’avez pas respecté une politique de vaccination obligatoire). Le billet de blogue décrit une note interne circulant au sein d’EDSC que M. Acker a obtenue par le biais d’une demande d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels [AIPRP] dans le cadre de sa recherche de renseignements sur les raisons pour lesquelles son épouse s’est vu refuser des prestations d’AE. La note interne datée du 19 octobre 2021, jointe en tant que pièce, est intitulée : « EI Eligibility and refusal to comply with a mandatory vaccination policy – BE 2021-10 (Benefit Entitlement Memo) » [note de service liée à l’admissibilité aux prestations (note AP)].

[15] M. Davidson affirme que le défendeur a fait échouer ses tentatives passées d’obtenir des documents pertinents concernant les demandes d’assurance-emploi découlant des politiques de vaccination obligatoire. Il soutient qu’il n’a pris connaissance de la note interne BE qu’en août 2023, après en avoir obtenu une copie de M. Acker. Il affirme que la note interne de l’AE est probante et éclairante, et que son admission ne portera pas préjudice au défendeur.

[16] En réponse à l’objection du défendeur à l’admission de l’affidavit et des pièces, M. Davidson reconnaît maintenant que la plupart des pièces ne satisfont pas au critère d’admission d’un nouvel élément de preuve et que l’affidavit de M. Acker a principalement pour but de fournir la note AP à la Cour. M. Davidson soutient que la note AP est pertinente en ce qui concerne son allégation de partialité dans la prise de décision à la Commission de l’assurance‑emploi et ses allégations de violation de la justice naturelle par la DG-TSS et la DA‑TSS. Il affirme que la note de service du BE montre que les agents de l’assurance-emploi ont reçu l’ordre de refuser les prestations aux demandeurs qui ont été suspendus parce qu’ils n’avaient pas respecté la politique de vaccination de leur employeur. Il affirme que la commission de l’assurance-emploi n’était pas indépendante, mais qu’elle était tenue de suivre les instructions du ministre, ce qu’elle a fait.

[17] En réponse à l’argument du défendeur selon lequel il serait lésé par l’absence de possibilité de contre-interroger le déclarant, M. Davidson a proposé à la Cour d’ajourner l’audience de la demande afin de permettre le contre-interrogatoire de M. Acker.

(2) Observations du défendeur

[18] Le défendeur soutient que l’affidavit et les pièces ne sont pas recevables étant donné que les documents ne faisaient pas partie du dossier présenté au décideur. Le défendeur ajoute que l’affidavit et les pièces n’ont rien à voir avec les questions soulevées dans le cadre du contrôle judiciaire.

[19] Le défendeur affirme que la note AP ne répond à aucune des exceptions connues au principe selon lequel les seuls éléments de preuve que la Cour doit examiner dans le cadre d’un contrôle judiciaire sont ceux dont disposait le décideur (Bernard c Canada (Procureur général), 2015 CAF 263 aux para 13-28 [Bernard]; Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 aux para 19-20 [Access Copyright]). Le défendeur fait valoir que la note AP n’aborde pas la question de savoir si la DA-TSS a commis des erreurs de fait et qu’il n’y a pas d’allégations de partialité à l’encontre de la DA-TSS.

[20] Le défendeur affirme également qu’il est maintenant clair que M. Davidson tente d’invoquer la note AP pour présenter des arguments supplémentaires sur le fond de la demande et que cela ne relève pas de l’exception de « contexte général » pour la Cour (Bernard, aux para 20-23).

[21] Le défendeur ajoute qu’il ne serait pas utile de contre-interroger M. Acker si la seule pièce que M. Davidson cherche maintenant à faire admettre est la note AP. Le défendeur affirme que M. Acker n’a aucune connaissance personnelle de la création de la note de service ou de la manière dont elle a été utilisée en interne par EDSC ou la Commission de l’assurance-emploi. Le défendeur soutient qu’il n’y a aucune raison d’ajourner l’audience de la demande.

(3) Les affidavits et les pièces ne sont pas recevables.

[22] La Cour conclut que les déclarations sous serment et la note AP jointe en tant que pièce ne répondent à aucune des exceptions qui justifieraient l’autorisation de les admettre en application de l’article 312 des Règles.

[23] L’article 312 des Règles est une mesure exceptionnelle (Campbell c Canada (Procureur général), 2018 CF 412 au para 8 [Campbell]). Pour qu’un nouvel élément de preuve soit admis, il doit être « admissible dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire et doit avoir un lien avec une question que la cour de révision est appelée à trancher » (Lukács c Canada (Sécurité publique et protection civile), 2023 CAF 55 au para 7). La Cour doit examiner si les nouveaux éléments de preuve l’aideront en raison de leur pertinence et de leur valeur probante, s’ils causeront un préjudice substantiel ou grave à l’autre partie ou si les éléments de preuve étaient disponibles ou pouvaient être découverts par d’autres moyens grâce à l’exercice d’une diligence raisonnable (Campbell, au para 9, citant Tsleil-Waututh Nation c Canada (Procureur général) 2017 CAF 503 au para 11).

[24] En outre, en règle générale, les nouveaux éléments de preuve ne sont autorisés qu’à titre exceptionnel dans le cadre d’un contrôle juridictionnel (Access Copyright, aux para 19-20). La jurisprudence reconnaît des exceptions limitées à la règle générale : premièrement, lorsque la preuve fournit des renseignements généraux qui peuvent aider à comprendre les questions pertinentes, mais n’apporte pas de nouveaux éléments de preuve sur le fond; deuxièmement, lorsque la preuve attire l’attention de la cour de révision sur des vices de procédure qui ne peuvent pas être trouvés dans le dossier de preuve du décideur; et troisièmement, lorsque la preuve met en évidence l’absence d’élément de preuve devant le décideur sur une conclusion particulière (Access Copyright, au para 20; Wieslaw Kuk c Canada (Procureur général), 2023 CF 1134 aux para 16-17 [Kuk]; Sharma c Canada (Procureur général), 2018 CAF 48; Bernard, aux para 13-18).

[25] L’exception des renseignements généraux ne s’applique pas aux éléments de preuve en litige. Comme l’indique l’arrêt Bernard, au para 22 :

Il reste qu’« [o]n doit s’assurer que l’affidavit ne va pas plus loin en fournissant des éléments de preuve [nouveaux] se rapportant au fond de la question déjà tranchée par le tribunal administratif, au risque de s’immiscer dans le rôle que joue le tribunal administratif en tant que juge des faits et juge du fond » : Access Copyright, précité, au paragraphe 20, et Delios, précité, au paragraphe 46.

En l’espèce, M. Davidson cherche à invoquer l’affidavit Acker et la note AP pour présenter des arguments supplémentaires sur le bien-fondé de la demande en ce qui concerne son allégation de manquement à la justice naturelle.

[26] Bien que M. Davidson ne cherche pas à invoquer le billet de blogue de M. Acker concernant la manière dont la Commission de l’assurance-emploi détermine les prestations d’AE, M. Davidson semble avoir adopté les mêmes opinions que M. Acker. Ces opinions ne sont pas pertinentes en ce qui concerne les questions soulevées par la présente demande. Les questions soulevées dans la présente demande ne concernent que la décision de la DA-TSS concernant M. Davidson. L’affidavit Acker ne fournit pas non plus d’éléments de preuve pour combler les lacunes dans l’absence de preuve. La DA-TSS disposait d’un dossier complet et a pris sa décision sur le fondement de ce dossier. Le rôle de la Cour est de déterminer si, sur le fondement de ce même dossier, la DA-TSS a pris une décision raisonnable et équitable sur le plan de la procédure. La note AP ne fournit aucune preuve de la procédure suivie par la DA-TSS (ou par la DG-TSS ou la Commission de l’assurance-emploi) à l’égard de M. Davidson. L’admission de la note AP ne causerait pas de préjudice grave au défendeur, mais elle n’aide pas la Cour à décider si la DA-TSS a commis une erreur en concluant que l’appel de M. Davidson n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[27] Bien que la Cour n’admette pas la note AP, elle l’a lue dans le cadre de la détermination de sa recevabilité. À titre d’observation, la Cour n’interprète pas la note de service de la même manière que M. Davidson. M. Davidson affirme que cette note de service détaillée, qui fournit [traduction] « des renseignements à l’ensemble du personnel concernant l’admissibilité aux prestations régulières de l’assurance-emploi (AE) des clients qui refusent de se conformer à la politique de vaccination obligatoire de leur employeur », était une directive adressée aux agents de l’AE pour qu’ils refusent les prestations sans tenir compte de diverses circonstances. Toutefois, la Cour considère que la note de service fournit des orientations aux agents de l’AE en ce qui concerne les demandes qu’ils traitent et qu’elle décrit de nombreux scénarios susceptibles de se produire. La note de service fournit des conseils pour chacun des cas de figure, tout en soulignant à plusieurs reprises que [traduction] « les prestations d’AE dépendent de plusieurs facteurs et toutes les demandes de prestations doivent être examinées en fonction des circonstances individuelles » et d’autres déclarations similaires.

B. Les pièces figurant dans le dossier de demande de M. Davidson qui n’ont pas été présentées à la DG-TSS ou à la DA-TSS ne sont pas recevables

[28] Le défendeur soutient que plusieurs des pièces jointes à l’affidavit de M. Davidson à l’appui de la présente demande ne figuraient pas dans le dossier de la DG-TSS ou de la DA-TSS et ne devraient pas être admises ou examinées par la Cour. Les pièces en litige sont les suivantes :

A : Courriel du sous-ministre du premier ministre à la FBCB concernant la nouvelle politique de vaccination contre la COVID‑19 (5 octobre 2021)

B : Courriel du sous-ministre du premier ministre à la FBCB concernant la mise à jour de la politique de vaccination contre la COVID-19 (1er novembre 2021)

D : Décret du lieutenant-gouverneur en conseil concernant le règlement sur la vaccination contre la COVID-19 de la fonction publique (19 novembre 2021)

E : Lettre d’offre d’emploi adressée par la FPCB à Philip Davidson (28 mars 2018)

F : Extrait sur le licenciement pour motif légitime (30 juin 2017)

G : Normes de conduite de la FPCB

I : Courriel de la FPCB adressé au vice-ministre du premier ministre avec des questions sur les relations de travail concernant la politique de vaccination contre la COVID-19 (15 novembre 2021)

U : Lettre de Philip Davidson concernant la recommandation de renvoi (22 juin 2022)

V : Préavis de licenciement de Philip Davidson (24 juin 2022)

Z : Courriel du sous-ministre du premier ministre concernant l’annulation de la politique de vaccination contre la COVID-19 (non daté)

AA : Page Web de la FPCB concernant l’annulation de la politique de vaccination contre la COVID-19 (10 mars 2023)

BB : Article de CBC News « Don’t expect EI if you lose your job for not being vaccinated, minister says » (21 octobre 2021)

CC : Page Web de la FPCB concernant la réponse à la COVID-19 (FAQ) (29 mars 2021)

DD : Article de CTV News « BC lifting indoor mask mandate Friday, vaccine passport to end in coming weeks » (10 mars 2022)

EE : Décret du lieutenant-gouverneur en conseil concernant l’abrogation du règlement sur la vaccination contre la COVID-19 de la fonction publique (10 mars 2023)

FF : Courriel adressé par Philip Davidson aux employés de la FPCB concernant les questions sur la politique de vaccination contre la COVID-19 (7 octobre 2021)

GG : Extrait du témoignage vidéo du Dr Ben Sutherland « National Citizens Inquiry Testimony » (3 mai 3023)

[29] Le défendeur soutient que M. Davidson n’a pas démontré en quoi l’une quelconque des pièces répond à une exception à la règle générale selon laquelle aucun nouvel élément de preuve ne peut être présenté dans le cadre d’un contrôle juridictionnel (citant Bernard, aux para 13-18).

[30] Comme il a été mentionné précédemment, de nouveaux éléments de preuve ne peuvent être admis dans le cadre d’un contrôle judiciaire qu’à titre exceptionnel (Access Copyright, aux para 19-20). Bien que les exceptions ne soient pas limitées, il n’y a pas d’autre fondement rationnel pour admettre la plupart des pièces (voir Bernard, aux para 13-17).

[31] Les pièces A-B, D et U-V peuvent fournir un contexte général, mais ces documents n’éclairent pas les questions dont la Cour est saisie dans le cadre de la présente demande. Les autres pièces ne répondent à aucune des exceptions reconnues.

[32] Les pièces BB et GG, qui ont trait à l’argument de M. Davidson selon lequel le processus décisionnel de l’AE n’était pas indépendant ou était arbitraire, n’ont pas été versées au dossier présenté à la DA-TSS (ou à la DG-TSS ou à la Commission de l’assurance-emploi). La pièce BB est antérieure à la demande de M. Davidson; il aurait pu soulever la question auprès de la DA‑TSS, mais ne l’a pas fait. Le défendeur ajoute qu’il n’existe aucun contexte concernant la création ou la véracité du contenu de la pièce GG pour que ce contenu ait un quelconque rapport avec la présente demande ou ait une valeur probante pour celle-ci.

[33] Les allégations de partialité et de manquement à la justice naturelle doivent être soulevées dès qu’elles deviennent apparentes (Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c Canada (Office des transports), 2021 CAF 173 au para 68; Taesko Mines Limited c Canada (Environnement), 2019 CAF 320 aux para 46-47; Hennessey c Canada, 2016 CAF 180 aux para 20-21). M. Davidson n’a pas fait valoir ses allégations de partialité ou de manquement à la justice naturelle devant la DG-TSS ou la DA-TSS. Selon les observations présentées par M. Davidson à la DA-TSS, son employeur (la FPCB) avait [TRADUCTION] « mis en œuvre un programme politique » pour le licencier de manière constructive et s’était entendu avec la Commission de l’assurance-emploi pour que son congé soit interprété comme une suspension pour inconduite afin de lui refuser des prestations d’AE. Il ne s’agit pas d’une affirmation de partialité à l’encontre de la DG-TSS ou de la DA-TSS. En outre, les observations de M. Davidson ont été présentées dans le contexte de son affirmation selon laquelle la DG-TSS a tiré des conclusions de fait erronées.

III. Questions en litige et norme de contrôle

[34] M. Davidson soutient que la décision de la DA-TSS refusant d’accorder l’autorisation d’interjeter appel est déraisonnable et que la DA-TSS a violé les principes de justice naturelle en ne reconnaissant pas que le processus décisionnel de la Commission de l’assurance-emploi et de la DG-TSS était partial.

[35] La norme de contrôle des décisions de la DA-TSS refusant l’autorisation d’interjeter appel est celle de la décision raisonnable : Bhamra c Canada (Procureur général), 2023 CAF 121 au para 3 [Bhamra]; Cameron c Canada (Procureur général), 2018 CAF 100 au para 3; Kuk, au para 13; Cecchetto c Canada (Procureur général), 2023 CF 102 au para 20 [Cecchetto].

[36] Comme l’a noté la Cour dans la décision Kuk au paragraphe 14 :

La division générale n’accorde une telle autorisation que dans un nombre limité de situations, et elle ne le fait que si l’appelant peut démontrer que l’appel a une chance raisonnable de succès (Bhamra, au para 15, citant le para 58(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, LC 2005, c 34 (LMEDS).

[37] Une décision raisonnable est une décision qui est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et qui est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 85, 102, 105-107 [Vavilov]). Une décision ne devrait être infirmée que si elle souffre de « lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, au para 100).

[38] Les questions d’équité procédurale exigent que la Cour détermine si la procédure suivie par le décideur est équitable compte tenu de toutes les circonstances. La Cour doit se demander, « en mettant nettement l’accent sur la nature des droits substantiels concernés et les conséquences pour la personne, si un processus juste et équitable a été suivi » (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur), 2018 CAF 69 au para 54). L’étendue de l’obligation d’équité procédurale due dans les circonstances est variable et dépend de plusieurs facteurs (comme établi dans Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 au para 21. Il n’y a pas lieu de faire preuve de retenue à l’égard du décideur en présence de manquement à l’équité procédurale.

[39] Comme l’a noté plus récemment la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Brown c Canada (Procureur général), 2022 CAF 104 au para 13 [Brown] :

Lorsque la Cour doit statuer sur des questions d’équité procédurale et de justice naturelle, elle doit examiner les procédures et les garanties exigées et, s’il y a eu manquement, elle doit intervenir (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, [2019] 1 R.C.F. 121 au para. 54). Faute d’une meilleure description, cette approche est parfois appelée « norme du bien-fondé ».

[40] Comme il a été mentionné précédemment, la présente demande est un contrôle judiciaire de la décision de la DA-TSS et la question de l’équité procédurale porte sur le processus décisionnel de la DA-TSS.

IV. Les dispositions législatives

[41] Les motifs d’appel des décisions de la DG-TSS concernant l’assurance-emploi sont énoncés aux paragraphes 58(1) et (2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, LC 2005, c 34 [LMEDS]. La référence à la « Section de l’assurance-emploi » renvoie à une branche de la division générale. Voici les dispositions pertinentes :

58.2 (1) La division d’appel accorde ou refuse la permission d’en appeler d’une décision rendue par la division générale.

58 (1) The only grounds of appeal of a decision made by the Employment Insurance Section are that the Section

a) la section n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

(a) failed to observe a principle of natural justice or otherwise acted beyond or refused to exercise its jurisdiction;

b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

(b) erred in law in making its decision, whether or not the error appears on the face of the record; or

c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

(c) based its decision on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it.

Critère

Criteria

(2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès

(2) Leave to appeal is refused if the Appeal Division is satisfied that the appeal has no reasonable chance of success.

[Non souligné dans l’original.]

V. La décision de la DA-TSS faisant l’objet du contrôle

[42] La DA-TSS a refusé d’accorder l’autorisation d’interjeter appel de la décision de la DG‑TSS, estimant que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès sur le fondement des motifs qui permettraient d’accorder l’autorisation d’interjeter appel. Une brève description de la décision de la DG-TSS est présentée pour situer le contexte.

A. La décision de la DG-TSS

[43] La DG-TSS a conclu que M. Davidson devait prendre un congé non payé en raison de son inconduite, car il ne s’était pas conformé à la politique de son employeur en matière de vaccination contre la COVID-19. La décision de la DG-TSS s’est concentrée sur la question de savoir si M. Davidson avait été licencié ou suspendu de son emploi conformément aux articles 30-31 de la Loi sur l’assurance-emploi, LC 1996, c 23. La DG-TSS a conclu que M. Davidson était conscient des conséquences qu’il encourrait s’il ne divulguait pas son statut vaccinal comme l’exigeait la politique de son employeur, et qu’il avait été suspendu en raison de sa propre inconduite; par conséquent, il n’était pas admissible aux prestations d’AE.

[44] La DG-TSS a estimé que M. Davidson aurait dû savoir qu’il était réellement possible qu’il perde son emploi s’il n’obtempérait pas.

[45] La DG-TSS a reconnu que la question de savoir si M. Davidson avait été licencié à tort ou si la FPCB aurait dû prendre des mesures d’adaptation pour lui dépassait le champ de compétence de la DG-TSS, et que M. Davidson pouvait se prévaloir d’autres recours ailleurs, le cas échéant.

B. La décision de la DA-TSS

[46] La DA-TSS a noté que pour accorder l’autorisation d’interjeter appel, elle devait être convaincue que les raisons invoquées par M. Davidson relevaient de l’un des motifs d’appel énoncés au paragraphe 58(1) de la LMEDS, et qu’au moins une des raisons avait une chance raisonnable de succès.

[47] Dans sa demande d’autorisation d’interjeter appel de la décision de la DG-TSS, M. Davidson a affirmé que la DG-TSS avait commis une erreur en déclarant que le congé imposé par son employeur était une suspension. Il a exposé d’autres éléments de contexte, notamment son incrédulité à l’idée que son employeur puisse le licencier. Il a également allégué que son employeur répondait à un programme politique.

[48] La DA-TSS a résumé les arguments de M. Davidson : la DG n’a pas tranché les questions qu’elle devait trancher; la DG a commis une erreur en n’examinant pas les éléments de preuve dont elle disposait; la DG a commis une erreur en concluant qu’il avait été suspendu en raison de son inconduite.

[49] La DA-TSS a affirmé que M. Davidson avait soutenu que la DG-TSS avait commis une erreur en décidant que son congé non payé était une suspension parce qu’il avait proposé de reprendre le travail à distance, et que la FPCB l’avait [traduction] « licencié de manière constructive tout en qualifiant faussement sa réponse raisonnable à sa politique d’inconduite en collusion avec le gouvernement fédéral par l’intermédiaire de la Commission [de l’assurance-emploi] afin de lui refuser les prestations d’AE ».

[50] En ce qui concerne l’argument de M. Davidson selon lequel la DG-TSS a commis une erreur en décidant que son congé non payé constituait une suspension, la DA-TSS a conclu que les éléments de preuve montraient que M. Davidson avait été suspendu parce qu’il avait refusé de suivre la politique de l’employeur, bien qu’il en ait été informé et qu’on lui ait donné le temps de s’y conformer. La DA-TSS a également conclu que la DG n’avait pas commis d’erreur en concluant que la conduite de M. Davidson était fautive. La DA-TSS a conclu que, malgré l’affirmation de M. Davidson selon laquelle il ne s’attendait pas à être licencié et avait proposé de travailler à distance, M. Davidson savait qu’il pouvait perdre son emploi s’il ne se conformait pas à la politique.

[51] La DA-TSS a souligné que la jurisprudence a établi qu’une violation délibérée de la politique d’un employeur est considérée comme une faute au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi. Par conséquent, la DG-TSS n’a pas commis d’erreur en tranchant la question de l’inconduite conformément à la jurisprudence en vigueur.

[52] La DA-TSS a pris note de l’allégation de M. Davidson selon laquelle la DG-TSS n’a pas exercé sa compétence pour lui proposer des mesures d’adaptation et n’a pas examiné si la politique de vaccination violait son contrat de travail; toutefois, la DA-TSS a conclu que ces questions devaient être traitées dans d’autres enceintes.

[53] La DA-TSS a conclu que le recours de M. Davidson n’avait aucune chance de succès, en concluant ce qui suit :

Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a soulevé aucune erreur susceptible de révision, comme la compétence ou le défaut de la division générale d’observer un principe de justice naturelle. Il n’a relevé aucune erreur de droit ni aucune conclusion de fait erronée que la division générale aurait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance en rendant sa décision sur la question de l’inconduite.

VI. Les observations du demandeur

[54] M. Davidson affirme qu’avant le 5 octobre 2021, la FPCB avait informé les employés que la vaccination obligatoire ne serait pas requise. M. Davidson affirme que cette situation a changé à la suite des commentaires formulés par le ministre responsable d’EDSC le 5 octobre 2021. Les commentaires du ministre ont été suivis d’un message du sous-ministre du premier ministre de la Colombie-Britannique concernant la nouvelle politique de vaccination contre la COVID-19 [la politique] et le décret pris le 19 novembre 2021 pour promulguer le règlement sur la vaccination contre la COVID-19 dans la fonction publique, BC Reg 284/2021 [le règlement]. M. Davidson affirme que le règlement a fait de la politique une condition d’emploi pour tous les employés de la FPCB soumis à l’article 25 de la Public Service Act, RSBC 1996, c 385.

[55] La politique comprenait une procédure de demande de mesures d’adaptation, qui exigeait des demandeurs qu’ils révèlent leur statut vaccinal. M. Davidson affirme que la politique ne prévoit pas de mesures d’adaptation fondées sur la liberté de conscience et le respect de la vie privée et qu’il s’est opposé à la divulgation de ses renseignements médicaux personnels concernant son statut vaccinal.

[56] Le 23 novembre 2021, M. Davidson a reçu une lettre l’informant qu’il serait placé en congé non payé à compter du 24 novembre 2021.

[57] M. Davidson affirme que le 8 décembre 2021, la FPCB a transmis son relevé d’emploi à Service Canada en ce qui concerne sa demande de prestations d’AE. Le RE indiquait que M. Davidson était en « congé ».

[58] M. Davidson affirme que, bien qu’il ait été informé de la possibilité d’un licenciement, il ne croyait pas que son employeur y donnerait suite. Selon lui, cette politique était irrationnelle étant donné qu’il aurait pu continuer à travailler à distance et que le port obligatoire du masque dans les espaces publics commençait à être levé.

[59] M. Davidson conteste à présent la décision de la DA-TSS pour trois motifs : le non-respect des principes de justice naturelle, une erreur de droit et des conclusions de fait erronées, tirées de manière perverse ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments du dossier.

[60] M. Davidson soutient que la DA-TSS et la DG-TSS ont tiré une conclusion de fait erronée lorsqu’ils ont déterminé que son congé était une suspension en raison de son inconduite. Il cite le RE fourni par son employeur à la Commission de l’assurance-emploi, qui portait le code « N » – congé et non « M » – licenciement ou suspension. Il soutient que la DA-TSS aurait dû considérer qu’il s’agissait d’une erreur justifiant l’autorisation d’interjeter appel.

[61] M. Davidson affirme qu’il ne pensait pas que son employeur le licencierait; il s’attendait plutôt à ce que la FPCB annule sa politique. Il affirme qu’il a demandé à travailler à distance en janvier 2022, comme il l’avait fait par le passé; son congé a été prolongé au-delà de trois mois; et le gouvernement de la Colombie-Britannique a annoncé qu’il abandonnait son programme de port du masque à l’intérieur des bâtiments et de passeport vaccinal. Il soutient que, par conséquent, il ne savait pas ou n’aurait pas dû savoir que la FPCB continuerait à appliquer sa politique, ce qui, selon lui, était irrationnel.

[62] M. Davidson soutient également que la DA-TSS (ainsi que la DG-TSS) a commis une erreur de droit en s’appuyant sur la jurisprudence « inadaptée » en tant que jurisprudence contraignante. Il affirme que la jurisprudence citée renvoyait à des politiques existantes de l’employeur et non à de nouvelles politiques mises en œuvre au cours de l’emploi.

[63] M. Davidson soutient également que la DA-TSS n’a pas respecté les principes de justice naturelle. Il affirme que la décision de lui refuser les prestations d’AE était prédéterminée. Il cite les dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi, qui définissent la composition, les tâches et les fonctions de la Commission. Il affirme que la LMEDS, au paragraphe 24(3), prévoit que « [p]our l’exercice de ses attributions, la Commission se conforme aux instructions qui lui sont données par le ministre à cet égard ». Il soutient que la Commission a agi sur instruction du ministre pour refuser les prestations d’AE aux personnes qui n’adhéraient pas à la politique de vaccination de leur employeur, plutôt que de prendre des décisions indépendantes.

[64] M. Davidson soutient que les déclarations du ministre, telles qu’elles ont été rapportées par les médias, [traduction] « ont à tout le moins entaché le processus décisionnel de la Commission, créant une crainte raisonnable de partialité que la DG-TSS et la DA-TSS n’ont pas respectée en tant que principe de justice nécessaire et naturel ».

[65] M. Davidson fait également valoir que, bien que la Commission de l’assurance-emploi ait refusé de déterminer si la politique de la FPCB était équitable, elle a déclaré que M. Davidson ne s’était pas conformé [traduction] « à un ordre d’instruction légitime et raisonnable ». M. Davidson soutient que cela donne à penser que la Commission de l’assurance-emploi a tiré une conclusion au sujet de la politique et n’a pas pris une décision indépendante, et que la Commission de l’assurance-emploi a en fait déterminé que la politique était équitable.

[66] M. Davidson soutient qu’en refusant d’exercer son pouvoir d’accorder l’autorisation d’interjeter appel, la DA-TSS a fait fi des [TRADUCTION] « erreurs évidentes et manifestes susceptibles de faire l’objet d’un contrôle ».

VII. Observations du défendeur

[67] Le défendeur soutient que la DA-TSS a de façon raisonnable refusé l’autorisation d’interjeter appel sur la base de son interprétation du paragraphe 58(1) de la LMEDS et en considérant que les arguments de M. Davidson n’avaient aucune chance raisonnable de succès (conformément au paragraphe 58(2)).

[68] Le défendeur soutient que la DG-TSS n’a pas commis d’erreur en appliquant le critère juridique de l’inconduite en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (citant Nelson c Canada (Procureur général), 2019 CAF 222 au para 21 [Nelson]; Mishibinijima c Canada (Procureur général), 2007 CAF 36 au para 14).

[69] Le défendeur soutient que lorsque l’action de l’employé est consciente, délibérée ou intentionnelle et qu’elle a un lien de causalité avec son emploi, il s’agit d’une inconduite (Nelson, au para 21). Le défendeur soutient que M. Davidson savait parfaitement qu’il pouvait être mis en congé non payé et faire l’objet d’un licenciement pour n’avoir pas respecté la politique de vaccination. Le défendeur affirme qu’en janvier 2022, l’employeur de M. Davidson l’a une nouvelle fois averti qu’il risquait d’être licencié s’il continuait à ne pas respecter les règles. Le défendeur affirme que l’incrédulité de M. Davidson n’est pas pertinente; ce qui compte, c’est qu’il ait été informé.

[70] Le défendeur ajoute que la question de savoir si la FPCB a défini le congé non payé de M. Davidson comme une inconduite ou autre n’est pas pertinente. Le seul critère pertinent pour le TSS est le critère d’inconduite prévu par la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, la DA-TSS a de façon raisonnable conclu que la DG-TSS n’avait pas commis d’erreur.

[71] Le défendeur affirme que la jurisprudence citée par la DG-TSS et la DA-TSS est pertinente, applicable et contraignante. Le défendeur affirme que M. Davidson n’a pas fait valoir que la DG-TSS a invoqué une jurisprudence « inadaptée » dans les observations qu’il a présentées à la DA-TSS.

[72] Le défendeur affirme également que les allégations de M. Davidson concernant une collusion entre les gouvernements provincial et fédéral pour le licencier et lui refuser des prestations d’AE sont sans fondement. Le défendeur affirme que M. Davidson n’a pas soulevé d’objections au sujet de la procédure de la DA-TSS. Le défendeur ajoute qu’il n’existe aucune preuve à l’appui de l’allégation de M. Davidson concernant une quelconque partialité à quelque niveau que ce soit.

VIII. La décision de la DA-TSS est raisonnable

[73] La DA-TSS a de façon raisonnable conclu que l’appel n’avait aucune chance de succès. Les motifs étayant cette conclusion sont transparents, intelligibles et justifiables.

[74] La DA-TSS ne peut accueillir l’autorisation d’interjeter appel que si l’appelant peut démontrer que l’appel a des chances raisonnables de succès : LMEDS, au paragraphe 58(2); Kuk, au para 14; Cecchetto, au para 23; Bhamra, au para 15; O’Rourke c Canada (Procureur général), 2019 CAF 60 au para 9. Dans Osaj c Canada (Procureur général), 2016 CF 115, la Cour a expliqué, au paragraphe 12, qu’une chance raisonnable de succès dans ce contexte « consiste à disposer de certains motifs défendables grâce auxquels l’appel proposé pourrait avoir gain de cause ». M. Davidson n’a pas établi que l’un quelconque des motifs qu’il a invoqués en tant qu’erreurs alléguées de la DG-TSS avait une chance raisonnable de succès devant la DA-TSS, conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS.

[75] Les observations présentées par M. Davidson à la DA-TSS n’établissent pas que la DG‑TSS a commis une erreur de droit dans sa prise de décision ou qu’elle a fondé sa décision sur une conclusion ou un fait erroné, comme il l’a allégué. La DG-TSS n’était pas tenue de déterminer si M. Davidson avait satisfait aux exigences prévues par la loi en matière de prestations d’AE parce que le code sur son RE indiquait un congé. La DG-TSS devait plutôt déterminer si M. Davidson avait été suspendu en raison de sa propre inconduite et s’il n’avait donc pas droit aux prestations d’AE aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

[76] Dans l’arrêt Nelson, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’« il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié » (au para 21). D’après les éléments de preuve figurant dans le dossier et les propres observations de M. Davidson, il était parfaitement au courant de la politique et a choisi volontairement de ne pas s’y conformer. Le fait qu’il ait jugé cette décision irrationnelle et qu’il n’ait pas cru que son employeur irait jusqu’au bout n’a aucune incidence sur la conclusion d’inconduite. Il était clairement informé des conséquences de sa conduite.

[77] La DG-TSS et la DA-TSS ne sont pas les instances appropriées pour déterminer si la politique de la FPCB ou le licenciement de M. Davidson étaient raisonnables. L’accent mis par M. Davidson sur la déclaration de la Commission de l’assurance-emploi selon laquelle son incapacité à se conformer à un [traduction] « ordre d’instruction raisonnable et légitime » constituait une inconduite ne signifie pas que la Commission de l’assurance-emploi a déterminé que la politique était raisonnable ou équitable. La Commission a plutôt reconnu qu’il n’est pas de son ressort d’évaluer le caractère raisonnable des politiques de l’employeur, et que toutes les politiques adoptées dans les règles sont considérées comme légitimes et raisonnables aux fins de l’examen d’une demande de prestations d’AE.

IX. La décision de la DA-TSS est équitable sur le plan de la procédure

[78] Les arguments de M. Davidson concernant une violation de la justice naturelle ou de l’équité procédurale confondent les questions relatives au refus initial des prestations d’AE avec la procédure devant la DG-TSS et la DA-TSS. Il convient de répéter que cette demande ne concerne que la décision de la DA-TSS. M. Davidson ne prétend pas que la procédure de la DA‑TSS a violé l’obligation d’équité procédurale. Ses arguments se concentrent sur son point de vue selon lequel il y a eu un résultat prédéterminé pour refuser les prestations d’AE aux personnes suspendues parce qu’elles n’ont pas respecté la politique de vaccination de leur employeur.

[79] La Cour interprète les allégations de M. Davidson à l’encontre du « défendeur » comme des allégations selon lesquelles la DA-TSS n’est pas intervenue pour cerner une violation de l’équité procédurale par d’autres décideurs. Comme il a été mentionné précédemment, M. Davidson n’a pas invoqué de violation de l’équité procédurale dans sa demande d’autorisation d’interjeter appel de la décision de la DG-TSS. En tout état de cause, la Cour conclut qu’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale lors de la prise de décision de la DG-TSS et que, par conséquent, la DA-TSS n’a rien négligé.

[80] En ce qui concerne les allégations de M. Davidson de collusion entre les gouvernements fédéral et provincial et dans le processus décisionnel visant à lui refuser des prestations d’AE, de telles allégations de partialité sont graves et ne devraient pas être faites à la légère (Hughes c Canada (Procureur général), 2010 CF 837 aux para 20-21 [Hughes]. Dans la décision Hughes, la Cour a souligné ce qui suit :

[20] Le critère qui permet de déterminer s’il existe une partialité réelle ou une crainte raisonnable de partialité en rapport avec un décideur particulier est bien connu : la Cour doit se demander quelle conclusion tirerait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. C’est-à-dire, cette personne croirait-elle que, selon toute vraisemblance, le décideur, consciemment ou non, ne rendrait pas une décision juste : voir Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394. Voir aussi Bande indienne de Wewaykum c. Canada, [2003] 2 R.C.S. 259, au paragraphe 74.

[21] Le fardeau de prouver l’existence d’une partialité réelle ou d’une crainte raisonnable de partialité pèse sur les épaules de l’auteur de l’allégation. Une allégation de partialité est une allégation sérieuse, qui met en doute l’intégrité même du décideur dont la décision est en litige. De ce fait, un simple soupçon de partialité ne suffit pas : R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, au paragraphe 112; Arthur c Canada (Procureur général) (2001), 283 N.R. 346, au paragraphe 8 (C.A.F.), et c’est une question qu’il faut examiner avec rigueur : R. c. S. (R.D.), au paragraphe 113.

[81] Une allégation de partialité doit être étayée par des preuves matérielles et ne peut être fondée sur de simples soupçons, conjectures ou impressions à l’égard d’un demandeur (Alvarez c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2022 CF 185 au para 49; Right to Life Association of Toronto c Canada (Emploi, Développement de la main-d’œuvre et du Travail), 2021 CF 1125 au para 110; Ernst c Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2021 CF 16 au para 50; Arthur c Canada (Procureur général), 2001 CAF 223 au para 8).

[82] Comme il a été mentionné précédemment, M. Davidson invoque la note AP et d’autres documents joints à son affidavit à l’appui de la présente demande, que la Cour a jugés irrecevables. Toutefois, ces documents sont loin d’atteindre le seuil élevé requis pour prétendre à la partialité. Même si M. Davidson avait soulevé plus clairement son allégation de partialité à un stade plus précoce de la procédure, il n’a pas réussi à atteindre le seuil élevé de preuve requis. Toute allégation de partialité est grave et doit être étayée par des éléments de preuve. Ses allégations sont spéculatives et sans fondement.

[83] Enfin, comme il a été mentionné précédemment, la décision faisant l’objet du contrôle est la décision de la DA-TSS de refuser l’autorisation d’interjeter appel. Il n’y a aucune preuve d’un quelconque manquement à l’équité procédurale de la part de la DA-TSS ou de la DG-TSS. La DA-TSS n’a pas commis d’erreur en n’examinant pas la question de la violation de l’équité procédurale par la DG-TSS.


JUGEMENT dans le dossier T-82-23

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La requête du demandeur visant l’admission de nouveaux éléments de preuve est rejetée.

  2. La demande est rejetée.

  3. Aucuns dépens ne sont accordés.

« Catherine M. Kane »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-82-23

 

INTITULÉ :

PHILIP DAVIDSON c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 novembre 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE KANE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 23 novembre 2023

 

COMPARUTIONS :

M. Philip Davidson

 

Le DEMANdeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

M. Jordan Fine

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aucun

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour le défendeur

 

 

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