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Date : 20231107


Dossiers : IMM-11750-22

IMM-11752-22

Référence : 2023 CF 1484

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 7 novembre 2023

En présence de l’honorable juge Pamel

Dossier : IMM-11750-22

ENTRE :

HIPATIA MEDINA AGREDA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

Dossier : IMM-11752-22

ET ENTRE :

ABEL MEDINA LOPEZ

MARIA DEL CARMEN AGREDA CRUZ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Contexte et décision faisant l’objet du contrôle

[1] La demanderesse, Hipatia Medina Agreda, une ressortissante mexicaine âgée de 43 ans, demande le contrôle judiciaire de la décision du 9 novembre 2022 par laquelle un agent principal [l’agent] a rejeté la demande conjointe de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire que ses parents et elle avaient présentée à partir du Canada, au titre du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi].

[2] Mme Agreda est arrivée au Canada en août 2021 pour soutenir sa sœur, qui était gravement malade; les parents de Mme Agreda étaient arrivés plus tôt pour la même raison. En mars 2022, Mme Agreda et ses parents ont présenté une demande conjointe de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Malheureusement, la sœur de Mme Agreda est décédée en juin 2022, alors que la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire n’avait pas encore été traitée, et a laissé un avoir net d’une valeur approximative de 867 000 $. Mme Agreda a ensuite déposé des éléments de preuve supplémentaires pour étayer sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire et s’est appuyée principalement sur les facteurs que sont l’établissement dans une communauté religieuse locale et les difficultés auxquelles ses parents et elle seraient exposés s’ils retournaient au Mexique.

[3] Le 9 novembre 2022, l’agent a rejeté la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire de Mme Agreda et de ses parents et a rendu deux décisions distinctes (une pour Mme Agreda et une autre pour ses parents), mais reposant sur les mêmes motifs. L’agent ne doutait pas que les membres de la famille étaient ébranlés par le décès de la sœur de Mme Agreda et que leur église et les amitiés qu’ils ont nouées au Canada ont été source de force et de réconfort. Cependant, surtout à cause de la courte période que la famille a passée au Canada, l’agent a accordé peu de poids au facteur de l’établissement. Finalement, l’agent n’était pas convaincu que le retour au Mexique forcerait les membres de la famille à rompre les relations qu’ils avaient établies au Canada, qu’ils auraient de la difficulté à présenter une demande de résidence permanente depuis l’étranger, qu’ils ne pourraient pas s’établir à nouveau au Mexique et se réadapter à la vie qu’ils y avaient, ou qu’ils seraient exposés à des difficultés à leur retour.

II. Question en litige et norme de contrôle

[4] La question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si la décision de l’agent était raisonnable. Nul ne conteste que la norme de contrôle qui est présumée s’appliquer à la décision de l’agent devant la Cour est la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 25; Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 [Kanthasamy] aux para 43‑44).

III. Analyse

[5] Mme Agreda soutient que la décision de l’agent était, au mieux, superficielle, que l’agent n’a pas tenu compte des éléments de preuve dont il disposait et qu’il n’a pas réellement pris en considération la crise émotionnelle que sa famille et elle traversaient après le décès de sa sœur. Elle affirme que, même si elle est au Canada depuis peu, ses parents et elles ont formé des liens importants avec leur communauté religieuse à Vancouver, qui leur a offert du soutien pour passer à travers des moments difficiles. Il s’agit d’une communauté qui leur a fourni une aide personnalisée, avec laquelle ils ont créé des liens au Canada et qui leur a été essentielle lorsqu’ils ont dû composer avec le décès de la sœur de Mme Agreda. Étant donné ces liens profonds, Mme Agreda soutient que la déclaration de l’agent selon laquelle ils pourraient maintenir ces liens en ligne ou les reproduire au Mexique ne tient pas compte de leur situation.

[6] Plus particulièrement, Mme Agreda soutient qu’un simple coup d’œil aux lettres d’appui démontre clairement que la communauté religieuse que les membres de la famille de Mme Agreda et elle ont trouvée au Canada, avec laquelle ils ont développé des liens réciproques durant la tragédie du décès de la sœur de Mme Agreda, occupe une place unique dans leur vie. Elle soutient qu’il n’y a aucune communauté religieuse au Mexique au sein de laquelle ils pourraient retrouver le degré d’établissement qu’ils avaient au Canada, car aucune autre communauté n’a accompagné la famille dans le cadre du traumatisme émotionnel qu’elle a vécu à la suite du décès de la sœur de Mme Agreda. Cette dernière affirme que l’agent n’a pas tenu compte de ces lettres d’appui et que, par conséquent, malgré le fait que sa famille et elle n’ont passé qu’une courte période au Canada et qu’aucun élément de preuve n’a été présenté démontrant qu’aucune autre communauté religieuse similaire n’existe au Mexique, l’agent n’a pas considéré que le degré d’établissement que leur a procuré la communauté religieuse au Canada faisait en sorte que les difficultés associées au fait de devoir la quitter étaient suffisamment graves pour justifier une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire et pour octroyer une dispense à la famille.

[7] Je ne peux qu’imaginer la douleur que vit la famille à la suite du décès de la sœur de Mme Agreda; cependant, je ne suis pas d’accord avec elle et les membres de sa famille pour dire que l’agent n’a pas bien examiné les circonstances entourant leur demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Certes, la décision de l’agent était brève, mais, à sa décharge, l’agent devait trancher une question très simple. Comme l’a clairement indiqué Mme Agreda devant moi, la question était de savoir si l’agent avait correctement examiné la nature et les éléments de l’établissement de la famille, ce qui allait au-delà de l’évaluation purement numérique du peu de temps que la famille avait passé au Canada.

[8] Pour ma part, je ne suis pas d’avis que la décision de l’agent a fait abstraction de la douleur que vivaient Mme Agreda et ses parents ni de l’importance du réseau de soutien qu’ils ont bâti au sein de la communauté religieuse qu’ils avaient récemment trouvée au Canada. Malheureusement, aucune décision ne ramènera la sœur de Mme Agreda à sa famille, et l’agent a clairement tenu compte de leur perte. Cependant, l’agent devait établir si l’interruption de l’établissement de la famille au Canada militait en faveur de l’octroi d’une dispense au titre du paragraphe 25(1) de la Loi. L’agent a reconnu le traumatisme émotionnel vécu par la famille, a tenu compte des lettres d’appui et des difficultés qui surviendraient si la famille devait retourner au Mexique avant de présenter une demande de résidence permanente et a examiné si la mesure dans laquelle l’établissement de la famille serait interrompu militait en faveur de l’octroi d’une dispense (Truong c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 697 aux para 14 et 15); dans la présente affaire, l’agent a conclu que ce n’était pas le cas. En résumé, même si l’obligation de quitter le Canada causera inévitablement des difficultés, l’agent a conclu que les difficultés que subirait immanquablement la famille ne seraient pas « de nature à inciter [une personne] raisonnable d’une société civilisée à soulager les malheurs d’une autre personne » (Kanthasamy, aux para 21 et 23, citant Chirwa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1970), 4 AIA 351 à la p 364).

[9] Je conviens avec le ministre que Mme Agreda demande en fait à la Cour d’apprécier de nouveau les éléments de preuve, ce que je ne peux pas faire. La décision d’accorder une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire est exceptionnelle et hautement discrétionnaire, et elle est fondée sur l’évaluation générale de la situation d’une personne (Kanthasamy, au para 94). Dans les circonstances, je ne suis pas convaincu que la décision de l’agent était déraisonnable.


JUGEMENT dans les dossiers IMM-11750-22 et IMM-11752-22

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Peter G. Pamel »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-11750-22

 

INTITULÉ :

HIPATIA MEDINA AGREDA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

DOSSIER :

IMM-11752-22

INTITULÉ :

ABEL MEDINA LOPEZ, MARIA DEL CARMEN AGREDA CRUZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 OCTOBRE 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PAMEL

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 7 NOVEMBRE 2023

 

COMPARUTIONS :

Shane Molyneaux

POUR LES DEMANDEURS

Lauren E. McMurtry

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shane Molyneaux Law Office

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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