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Date : 20231102


Dossier : T-338-20

Référence : 2023 CF 1465

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 2 novembre 2023

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

THE WINNING COMBINATION INC.

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire que la demanderesse, The Winning Combination Inc. [TWC], a présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7.

[2] Santé Canada supervise l’administration et l’approbation de la vente des produits de santé naturels visés par la Loi sur les aliments et drogues, LRC 1985, c F‑27 [la Loi] et ses règlements, y compris par le Règlement sur les produits de santé naturels, DORS/2003‑196 [le RPSN].

[3] Dans la présente demande, la question en litige porte sur le refus, par Santé Canada, d’accorder la licence de mise en marché [la DLMM] demandée par TWC pour son produit Resolve, une aide au sevrage tabagique composée d’une matière active confidentielle [la matière active], qui, selon TWC, contient un composant naturel de la passiflore. À ce titre, la demanderesse soutient que Resolve est correctement classé comme un produit de santé naturel [PSN] régi par le RPSN, et non comme une drogue régie par le Règlement sur les aliments et drogues, CRC, c 870.

[4] La demanderesse sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision rendue par Santé Canada le 6 février 2020, selon laquelle Resolve n’est pas visé par la définition de PSN. En raison de cette conclusion, Santé Canada a refusé de délivrer une licence de mise en marché à TWC.

II. Historique des procédures

[5] Il existe un long historique procédural entre les parties, qui remonte à 2004 et se poursuit jusqu’à aujourd’hui.

[6] Les détails historiques des faits et des arguments entre les parties sont nombreux, tout comme les décisions judiciaires. L’arrêt de la Cour d’appel fédérale [l’arrêt de la CAF] résume bien cet historique : Canada (Santé) c The Winning Combination Inc., 2017 CAF 101 aux para 15-35.

[7] Il s’agit du troisième contrôle judiciaire dans cette affaire mettant en cause les mêmes parties. La CAF a entendu l’appel du premier contrôle judiciaire et l’a accueilli en partie. Elle a renvoyé la demande de licence au ministre de la Santé pour qu’il rende une nouvelle décision dans les 90 jours suivant la date de la décision de la CAF.

[8] Après l’appel devant la CAF, un autre contrôle judiciaire a eu lieu les 17 et 18 novembre 2015, au cours duquel le juge Russell a rendu la décision suivante : Santé Canada devait octroyer à TWC la licence visée par la DLMM pour Resolve dans les 30 jours suivant la date de l’ordonnance, et TWC s’est vu accorder les dépens avocat-client de la demande calculés à raison d’une indemnisation complète.

[9] TWC a déposé une demande d’autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada, mais cette demande a été rejetée le 15 mai 2017, avec dépens.

III. Décision faisant l’objet du contrôle judiciaire

[10] Santé Canada a procédé au réexamen ordonné par la CAF conformément au processus décrit à l’annexe A d’une lettre de Santé Canada datée du 16 octobre 2019.

[11] Le processus de réexamen comportait deux parties : des essais en laboratoire menés par trois laboratoires indépendants et un examen par un comité externe composé de trois experts scientifiques.

[12] Une réunion sur le réexamen a également été tenue avec les représentants de toutes les parties et les membres du comité externe afin qu’ils présentent leurs conclusions.

[13] Lisa Lange, directrice du Bureau de l’examen et de l’évaluation des produits de la Direction des produits de santé naturels et sans ordonnance de Santé Canada [la DPSNSO], est celle qui a pris la décision finale et a évalué l’ensemble des résultats et de la documentation scientifique. Elle a conclu qu’aucun élément de preuve fiable ne permettait d’établir que la matière active est un constituant naturel de la passiflore. Par conséquent, Resolve n’est pas visé par la définition de PSN. La DLMM de TWC a été rejetée pour ce motif.

A. Essais en laboratoire

[14] Trois laboratoires indépendants ont été appelés à déterminer si des éléments de preuve fiables démontrent que la matière active est un constituant naturellement présent dans les échantillons de passiflore qui ont été testés. Il s’agit d’AGAT Laboratoires Ltée Montréal (AGAT), d’Alliance Technologies (Alliance) et de Myramid Analytical Inc. (Myramid).

[15] À la demande de TWC, la DPSNSO a accepté de demander aux trois laboratoires d’utiliser les méthodes de M. Gujral, D. Sc, (la méthode G) et de M. Kwok, D. Sc, (la méthode K), que TWC avait déjà utilisées lors de ses propres essais. Les laboratoires ont également été autorisés à utiliser toute méthode supplémentaire pour établir la présence de la matière active dans la passiflore. Les deux méthodes ont été incluses dans l’annexe B de la décision.

B. Comité externe

[16] Un comité externe [le comité] composé de trois scientifiques a été formé. Le processus de sélection garantissait l’équité pour toutes les parties : un membre a été choisi par TWC et un membre par la DPSNSO. Le président du comité a été choisi par le Bureau de liaison pour la Loi sur les aliments et les drogues [le BLLAD]. Le comité était donc constitué de M. Gordon McKay, D. Sc, le président, ainsi que de Mme Pauline McGregor, D. Sc, et de Mme Susan Murch, D. Sc, dont les biographies figurent à l’annexe B de la décision.

[17] Dans son rapport daté du 29 janvier 2020, le comité a conclu à l’unanimité que les résultats des essais ne fournissaient aucun élément de preuve fiable permettant d’établir que la matière active est un constituant naturel de la passiflore. Il a relevé les lacunes suivantes dans la conception de l’étude :

Les critères de détermination de la limite de détection n’étaient pas clairs et les divers laboratoires utilisaient des définitions différentes de la limite de détection.

Les résultats ne font pas état de la quantité de matières végétales utilisée. Cela peut fausser les résultats si de trop petits échantillons ont été utilisés.

Les laboratoires ont obtenu des échantillons de différentes sources; ils ont signalé que certains échantillons se dégradaient.

Aucun échantillon témoin n’a été utilisé pour comparer les laboratoires ou les méthodes.

L’étalon de référence certifié pour la matière active n’a pas été utilisé dans tous les cas.

Tous les laboratoires n’ont pas utilisé la méthode de détection CPL-SM/SM; cela aurait dû être une exigence dans l’énoncé des travaux.

Les laboratoires n’ont utilisé que la méthode G et la méthode K, conformément à la demande de The Winning Combination, mais aucun élément de preuve n’a permis de démontrer que l’une ou l’autre de ces méthodes pouvait fournir des résultats précis et cohérents. Les deux méthodes présentent une faille importante dans le traitement des échantillons.

Certains laboratoires n’ont pas fourni de renseignements sur la réplication.

Les laboratoires n’ont pas fourni d’écart-type relatif ou d’autres données relatives à la fiabilité.

Pas de données sur la robustesse au sein des laboratoires ou entre eux.

Les données de couplage GC-SM ne sont pas convaincantes, car la base de données du National Institute of Science and Technology (NIST) contient plusieurs résultats possibles correspondant au spectre rapporté.

[18] En ce qui concerne les essais originaux effectués par TWC, par l’intermédiaire de MM. Gujral et Kwok, le comité a noté que [traduction] « toutes les données provenant de TWC sont fondées sur un extrait unique, fait par réflexe, d’un seul échantillon de plante avec du méthanol » et que « la matière active dans la solution de TWC pourrait être un produit du processus de réflexe et des données du laboratoire Gujral, qui a été transféré au laboratoire Kwok ». TWC n’a pas pu expliquer pourquoi elle n’a utilisé qu’un seul extrait de Passiflora incarnate.

C. Réunion sur le réexamen

[19] Le 21 janvier 2020, le BLLAD a tenu une réunion sur le réexamen à laquelle ont assisté les trois membres du comité, des représentants de TWC et de la DPSNSO, ainsi que la décideuse.

[20] La DPSNSO a mentionné que la matière active n’avait été détectée dans aucun des deux échantillons testés. Aucun des trois laboratoires indépendants n’a pu reproduire les résultats obtenus par la méthode G et la méthode K. En outre, une recherche approfondie de la documentation publiée (SciFinder, Scopus, PubMed, Google Scholar, etc.) n’a pas permis de trouver d’autres articles scientifiques affirmant que la matière active provient d’une source naturelle. À la lumière de la recherche documentaire et des essais en laboratoire, Santé Canada a conclu qu’aucun élément de preuve fiable ne démontrait que la matière active est un constituant naturel des échantillons de passiflore testés et donc, que le produit n’est pas un PSN.

[21] TWC a présenté une vue d’ensemble de l’historique de sa DLMM et a soutenu que les trois laboratoires ne disposaient pas de suffisamment de renseignements pour effectuer correctement les essais, étant donné que les renseignements qui leur avaient été fournis avaient été caviardés. Elle a déclaré que les résultats d’Alliance et de Myramid démontraient que la matière active était présente dans les échantillons et a demandé que les résultats d’AGAT Laboratoires soient rejetés en raison de préoccupations concernant l’intégrité des échantillons. TWC a demandé une explication sur la manière dont le comité est parvenu à sa recommandation.

[22] Les méthodes G et K ont également fait l’objet d’une discussion. La DPSNSO a fait remarquer que les trois laboratoires ont indiqué que la méthode K n’était qu’une méthode partielle, que la méthode G était incomplète et qu’elle ne comportait pas les bons paramètres pour détecter la matière active. TWC s’est dite préoccupée par le fait que le caviardage des méthodes a pu affecter le résultat des essais. Ni AGAT ni Alliance n’ont mentionné que le caviardage des renseignements avait nui aux essais, tandis que Myramid a jugé que les deux méthodes comportaient des lacunes et que la méthode K n’aurait pas pu être utilisée telle qu’elle était rédigée.

D. Conclusion de la DPSNSO

[23] Compte tenu de la documentation scientifique, des résultats des essais en laboratoire externe, du rapport du comité et des essais originaux effectués par TWC à l’aide des méthodes G et K, la DPSNSO a conclu qu’il n’y avait aucun élément de preuve fiable démontrant que la matière active est un constituant naturellement présent dans la passiflore. Par conséquent, Resolve n’est pas visé par la définition de « produit de santé naturel » et aucune disposition du RPSN ne permet de délivrer une licence de mise en marché à son égard.

IV. Question en litige et norme de contrôle

A. Équité procédurale

[24] Le juge Rennie a examiné et confirmé les principes fondamentaux de l’équité procédurale énoncés dans l’arrêt Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [CCP]. Il a conclu que pour déterminer s’il y a eu équité procédurale, il n’est pas nécessaire d’effectuer une analyse de la norme de contrôle applicable, mais « qu’une cour doit être convaincue que le droit à l’équité procédurale a été respecté ». Ainsi, la question fondamentale est de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu possibilité complète et équitable d’y répondre : CCP, aux para 49-50, 56.

[25] TWC soutient que le processus entourant l’avis de refus était inéquitable sur le plan procédural, car Santé Canada a mal interprété les directives de la Cour d’appel en ce qui concerne la portée du processus de réexamen. TWC affirme également que la CAF a décrit le réexamen comme étant une façon « d’accélérer le processus en vue de rendre une nouvelle décision », qui devait être « prise dans les 90 jours de la date de [la] décision, à moins que la période soit prolongée par consentement ». TWC soutient que cela ne tient pas compte du long processus d’établissement des faits conçu et exécuté par Santé Canada.

[26] Dans une affaire concernant la Commission de l’assurance-emploi, la CAF a déclaré que « sauf dans des circonstances très exceptionnelles, il me semble qu’il serait inéquitable au plan de la procédure de renvoyer une affaire pour un nouvel examen uniquement pour donner l’occasion à une partie de présenter une nouvelle preuve qu’elle aurait pu produire à une audience antérieure » : Francella c Canada (Procureur général), 2003 CAF 441 au para 9.

[27] TWC soutient que Santé Canada a conçu un processus qui s’écarte de la jurisprudence sur la portée du réexamen, car un certain nombre d’autorités ont conclu qu’il est inéquitable sur le plan procédural de permettre l’introduction de nouveaux éléments de preuve lorsqu’une affaire a été renvoyée. Elle fait valoir que [traduction] « Santé Canada a tenté de rassembler de nouveaux éléments de preuve dans le but d’étayer ses refus précédents de délivrer la licence demandée par TWC ».

[28] TWC soutient également que les actions de Santé Canada outrepassaient ses compétences. Un examen du cadre législatif de Santé Canada, y compris de la Loi et du RPSN, révèle que Santé Canada n’a pas ce pouvoir. Le paragraphe 9(3) du RPSN est libellé ainsi :

(3) Lorsque le demandeur présente une demande selon le paragraphe (2), le ministre, à la fois :

a) donne au demandeur la possibilité de se faire entendre;

b) reconsidère la demande de licence après avoir donné au demandeur la possibilité de se faire entendre.

(3) If the applicant makes a request in accordance with subsection (2), the Minister shall

(a) give the applicant an opportunity to be heard in respect of the application; and

(b) reconsider the application after giving the applicant that opportunity.

[29] TWC soutient que le processus de réexamen prescrit ne confère pas à Santé Canada le pouvoir d’effectuer ou d’ordonner des essais en laboratoire, ou de recueillir ou d’examiner des éléments de preuve supplémentaires.

[30] Le défendeur soutient qu’aucune disposition du RPSN n’interdit les essais en laboratoire. Même si on pouvait dire que ces essais contreviennent aux attentes légitimes de TWC, cette dernière a été informée du processus, a reçu tous les résultats des laboratoires et a eu la possibilité de s’exprimer sur le processus et les résultats devant le comité.

[31] D’après ce qui précède, je suis d’avis que TWC a bénéficié de l’équité procédurale. Elle a été informée du processus, a reçu tous les résultats des laboratoires et a eu pleinement l’occasion de s’exprimer sur le processus et les résultats devant le comité.

B. Caractère raisonnable

[32] La Cour suprême du Canada a conclu que, lors du contrôle judiciaire d’une décision administrative sur le fond (le contrôle judiciaire d’une mesure administrative qui ne comporte pas d’examen d’un manquement à la justice naturelle ou à l’obligation d’équité procédurale), la norme de contrôle applicable est présumée être celle de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 23 [Vavilov]. Bien que cette présomption soit réfutable, aucune autre exception que celle relative à l’équité procédurale mentionnée plus haut n’est applicable en l’espèce.

[33] Une cour de justice qui applique la norme de contrôle de la décision raisonnable ne se demande pas quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur administratif, ne tente pas de prendre en compte l’« éventail » des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo, et ne cherche pas à déterminer la solution « correcte » au problème : Vavilov, au para 83.

[34] Le décideur administratif peut apprécier et évaluer la preuve qui lui est soumise. À moins de circonstances exceptionnelles, les cours de révision ne modifient pas ses conclusions de fait. Les cours de révision doivent également s’abstenir « d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur » : Vavilov, au para 125.

[35] Le défendeur soutient que la décision démontre que le décideur a procédé à une analyse rationnelle et a pleinement pris en compte les rapports de MM. Gujral et Kwok. Le comité d’experts n’a pas accepté les conclusions des rapports de MM. Gujral et Kwok parce qu’elles étaient fondées sur un extrait unique d’un seul échantillon de plante, que les conclusions de M. Gujral étaient affaiblies par la possibilité que la matière active qu’il avait identifiée soit un produit de la méthode qu’il avait utilisée pour créer l’extrait, et que les conclusions de M. Kwok étaient influencées par le fait qu’il avait utilisé les extraits de plantes de M. Gujral.

[36] En outre, bien que la DPSNSO ait accepté les multiples lacunes dans le modèle d’étude des essais en laboratoire, le défendeur soutient que cela n’enlève rien à la conclusion selon laquelle TWC n’a présenté aucun élément de preuve fiable, notamment des essais en laboratoire ou de la documentation scientifique, permettant d’établir que la matière active est présente dans la passiflore.

[37] Enfin, le refus d’effectuer d’autres essais était justifié par le fait qu’une décision définitive avait été rendue, conformément à l’avis d’un comité d’experts indépendants. Le caractère définitif de la décision était particulièrement important dans le contexte des décisions antérieures, car l’absence de caractère définitif avait conduit à une série interminable de réexamens : voir l’arrêt de la CAF, aux para 34-35.

[38] Le défendeur soutient que la demande de réexamen de TWC fondée sur des renseignements présentés avant l’arrêt la CAF ne servirait à rien, car ces renseignements ont déjà été examinés et n’ont pas été considérés comme des éléments de preuve fiables permettant de classer Resolve comme un PSN. Il ajoute qu’il n’est pas justifié d’accorder des dépens avocat‑client, car il n’y a aucune preuve d’une conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante qui justifierait une telle adjudication : Salt Canada Inc. c Baker, 2020 CAF 127 au para 61.

C. Attentes légitimes

[39] Seules les déclarations claires, nettes et explicites au sujet de la procédure peuvent susciter une attente légitime : Garth H. Drabinsky c Canada (Conseil consultatif de l’Ordre), 2015 CAF 5 au para 8.

[40] L’impossibilité que la théorie de l’attente légitime constitue la source de droits matériels lui apporte une restriction importante : Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817. Autrement dit, « [l]orsque les conditions d’application de la règle sont remplies, la cour peut [seulement] accorder une réparation procédurale convenable pour répondre à l’expectative ‘‘légitime’’ » : S.C.F.P. c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 RCS 539, au para 131 (« seulement » non présent dans l’original).

[41] Le défendeur soutient que la DPSNSO a clairement le pouvoir discrétionnaire d’accepter ou de demander de nouveaux renseignements, ce que TWC sait très bien. Il donne de nombreux exemples où la DPSNSO a dérogé à sa pratique générale qui consiste à limiter la portée du réexamen aux renseignements présentés avec la DLMM initiale, à la demande de TWC et de son avocat.

[42] La DPSNSO a continuellement accepté de nouveaux documents de la part de TWC pendant plus de quatre ans pour ses multiples réexamens. En fait, les rapports Gujral et Kwok, qui ont servi de base à la position de TWC, ont été présentés en tant que nouveaux éléments de preuve lors d’un réexamen après que TWC s’est vu initialement refuser une licence de mise en marché pour Resolve.

[43] Le défendeur soutient, et je souscris à sa position, qu’aucune disposition du RPSN n’interdit les essais en laboratoire. Même si on pouvait dire que ces essais contreviennent aux attentes légitimes de TWC, cette dernière a été informée du processus, a reçu tous les résultats des laboratoires et a eu la possibilité de s’exprimer sur le processus et les résultats devant le comité.

V. Analyse

A. La décision était-elle équitable?

[44] Les questions d’équité procédurale ne sont pas assujetties à une norme de contrôle particulière. La Cour doit plutôt se demander si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances.

[45] Dans l’affirmative, la question est alors de savoir quel degré d’équité procédurale est applicable. Dans des affaires connexes, la Cour a déclaré que l’« extrémité médiane inférieure de la gamme » est une description appropriée du niveau d’équité qui est dû aux demandeurs au titre du RPSN : Canada RNA Biochemical Inc. c Canada (Santé), 2020 CF 668 aux para 127-128 citant Apotex Inc. c Canada (Santé), 2015 CF 1161 au para 82.

[46] En fin de compte, les cours de révision doivent évaluer si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu possibilité complète et équitable d’y répondre : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 56.

[47] En l’espèce, l’obligation d’équité prévue par la common law est accompagnée d’exigences procédurales précises relativement au refus et à la reconsidération avant qu’une décision finale ne soit rendue : RPSN, art 9 et 10.

[48] Je conclus que le processus était équitable pour TWC sur le plan procédural, étant donné que le niveau d’équité qui lui était dû se situait dans l’« extrémité médiane inférieure de la gamme » et que TWC a directement participé au processus.

VI. Conclusion

[49] Comme je le mentionne ci-dessus, TWC a pleinement participé aux différents processus visant à valider l’efficacité de Resolve, mais n’a pas réussi à faire valoir ses arguments.

[50] La conclusion du comité, selon laquelle TWC n’a présenté aucun élément de preuve fiable permettant d’établir que la matière active est présente dans la passiflore, notamment des essais en laboratoire ou de la documentation scientifique, appuie la conclusion selon laquelle Resolve est régi par le Règlement sur les aliments et drogues, CRC, c 870.

[51] Pour tous les motifs exposés ci-dessus, la présente demande sera rejetée, avec dépens en faveur du défendeur.


JUGEMENT dans le dossier T-338-20

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La présente demande est rejetée, avec dépens en faveur du défendeur.

« E. Susan Elliott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Vézina

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-338-20

 

INTITULÉ :

THE WINNING COMBINATION INC. c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 MARS 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 NOVEMBRE 2023

 

COMPARUTIONS :

Peter Halamandaris

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Karen Lovell

Andrea Bourke

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Marr Finlayson Pollock LLP

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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