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Date : 20231025

Dossier : T-1389-23

Citation : 2023 CF 1417

Ottawa (Ontario), le 25 octobre 2023

En présence de Monsieur le juge adjoint Benoit M. Duchesne

ENTRE :

COMITÉ CHÔMAGE DE MONTRÉAL, ACTION CHÔMAGE DE QUÉBEC,

CHÔMAGE ACTION - ABITIBI-TÉMISCAMINGUE NORD-DU-QUÉBEC, COMITÉ

CHÔMAGE DU HAUT-RICHELIEU ET DU SUROÎT, MOUVEMENT ACTION

CHÔMAGE - CHARLEVOIX, MOUVEMENT D’AIDE ET DE CONSULTATION SUR

LE TRAVAIL

demanderesses

et

EMPLOI ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA

défenderesse

ORDONNANCE

[1] La défenderesse demande par voie de requête écrite en vertu de la Règle 369 des Règles des cours fédérales que la Cour rejette l’avis de demande des demanderesses pour le motif que l’avis de demande est voué à l’échec (JP Morgan Asset Management (Canada) Inc. c. Canada (Revenu national), 2013 CAF 250 (CanLII), [2014] 2 RCF 557). Les demanderesses, elles, plaident que leur avis de demande est conforme aux exigences juridiques, n’est voué à l’échec, et que la requête en radiation doit être rejetée.

 

[2] Pour les motifs qui suivent, la requête de la défenderesse est accueillie et l’avis de demande des demanderesses est rejetée sans possibilité de modification.

I. LE DROIT APPLICABLE DEMANDES DE RADIATION D’AVIS DE DEMANDE

[3] Le Juge Pentney résume bien le droit applicable aux requêtes en radiation d’un avis de demande de contrôle judiciaire aux paragraphes 52 à 54 de Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie c. Premières Nations de Listuguj Mi’gmaq, 2023 CF 1206 (CanLII) comme suit :

[52] L’arrêt de principe portant sur le critère relatif aux requêtes en radiation d’un avis de demande de contrôle judiciaire devant la Cour est JP Morgan Asset Management (Canada) Inc. c Canada (Revenu national), 2013 CAF 250 [JP Morgan], dans lequel la Cour d’appel fédérale a décrit l’approche à suivre de la façon suivante :

[47] La Cour n’accepte de radier un avis de demande de contrôle judiciaire que s’il est « manifestement irrégulier au point de n’avoir aucune chance d’être accueilli » : David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., 1994 CanLII 3529 (CAF), [1995] 1 C.F. 588 (C.A.), à la page 600. Elle doit être en présence d’une demande d’une efficacité assez radicale, un vice fondamental et manifeste qui se classe parmi les moyens exceptionnels qui infirmeraient à la base sa capacité à instruire la demande : Rahman c. Commission des relations de travail dans la fonction publique, 2013 CAF 117, au paragraphe 7; Donaldson c. Western Grain Storage By‑Products, 2012 CAF 286, au paragraphe 6; Hunt c. Carey Canada Inc., 1990 CanLII 90 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 959.

[48] Il existe deux justifications d’un critère aussi rigoureux. Premièrement, la compétence de la Cour fédérale pour radier un avis de demande n’est pas tirée des Règles, mais plutôt de la compétence absolue qu’ont les cours de justice pour restreindre le mauvais usage ou l’abus des procédures judiciaires : David Bull, précitée, à la page 600; Canada (Revenu national) c. Compagnie d’assurance‑vie RBC, 2013 CAF 50. Deuxièmement, les demandes de contrôle judiciaire doivent être introduites rapidement et être instruites « à bref délai » et « selon une procédure sommaire » : Loi sur les Cours fédérales, précitée, au paragraphe 18.1(2) et à l’article 18.4. Une requête totalement injustifiée — de celles qui soulèvent des questions de fond qui doivent être avancées à l’audience — fait obstacle à cet objectif.

[53] Lorsqu’elle examine un avis de demande de contrôle judiciaire, la Cour « doit faire une “appréciation réaliste” de la “nature essentielle” de la demande en s’employant à en faire une lecture globale et pratique, sans s’attacher aux questions de forme » (JP Morgan, au para 50, renvois omis). (Voir aussi Wenham c Canada (Procureur général), 2018 CAF 199 aux para 33‑34; Bernard c Canada (Procureur général), 2019 CAF 144 au para 33.)

[54] Les affidavits ne sont généralement pas admissibles à l’appui de requêtes en radiation d’une demande de contrôle judiciaire, essentiellement parce que le vice dans l’avis de demande doit être fondamental et manifeste. « Un vice dont la démonstration nécessite le recours à un affidavit n’est pas manifeste » (JP Morgan, au para 52.) Les faits allégués dans l’avis de demande de contrôle judiciaire sont tenus pour avérés à condition qu’ils puissent être prouvés devant un tribunal (Turp c Canada (Affaires étrangères), 2018 CF 12 au para 20). Puisque le demandeur est tenu de présenter l’ensemble de ses motifs dans son avis de demande, il n’a pas besoin de déposer d’affidavit pour compléter sa version des faits. Constitue une exception relative à l’interdiction de présenter un affidavit le fait que chaque partie peut déposer un affidavit comprenant des renseignements contextuels, lequel est mentionné et incorporé par renvoi à l’avis de demande (JP Morgan, au para 54).

[4] Bien que les parties citent chacune des décisions antérieures à JP Morgan par rapport au test applicable à une requête en radiation d’un avis de demande, elles sont d’accord que la jurisprudence exige qu’il soit démontré que l’avis de demande soit manifestement irrégulier au point de n’avoir aucune chance d’être accueilli avant que la radiation soit ordonnée. La décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Wenham c Canada (Procureur général), 2018 CAF 199 (« Wenham ») confirme par ailleurs à son paragraphe 33 que le test applicable, sans égard aux mots utilisés pour le décrire, exige qu’il soit manifeste et évident que l’avis de demande soit voué à l’échec.

[5] Au paragraphe 36 de l’arrêt Wenham, la Cour d’appel fédérale nous rappelle qu’une demande de contrôle judiciaire peut être vouée à l’échec à l’une ou l’autre des trois étapes de la demande:

[36] Une demande peut être vouée à l'échec à l'une ou l'autre de ces trois étapes :

I. Objections préliminaires. Une demande qui n'est pas autorisée par la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C., 1985, ch. F‑7, ou qui ne vise pas des questions de droit public peut être annulée dès le départ : JP Morgan, au paragraphe 68; Highwood Congregation of Jehovah's Witnesses (Judicial Committee) c. Wall, 2018 CSC 26, [2018] 1 R.C.S. 750; Air Canada c. Administration portuaire de Toronto, 2011 CAF 347, [2013] 3 R.C.F. 605. Les demandes qui ne sont pas présentées en temps opportun peuvent être prescrites en vertu du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales. Les contrôles judiciaires qui portent sur des questions qui ne sont pas justiciables peuvent également être interdits : Première nation des Hupacasath c. Ministre des Affaires étrangères, 2015 CAF 4. Parmi les autres interdictions possibles, mentionnons la chose jugée, la préclusion découlant d'une question déjà tranchée et l'abus de procédure (Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44, [2001] 2 R.C.S. 460; Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63, [2003] 3 R.C.S. 77), l'existence d'un autre recours à un autre tribunal (caractère prématuré) (C.B. Powell Limited c. Canada (Agence des services frontaliers), 2010 CAF 61, [2011] 2 R.C.F. 332; JP Morgan, aux paragraphes 81 à 90), et le caractère théorique (Borowski c. Canada (Procureur général), 1989 CanLII 123 (CSC), [1989] 1 R.C.S. 342).

II. Le bien-fondé de l'examen. Les décisions administratives peuvent comporter des erreurs de fond, des erreurs de procédure ou les deux. Les erreurs de fond sont évaluées conformément à l'arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; les erreurs de procédure sont évaluées en grande partie selon Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 1999 CanLII 699 (CSC), [1999] 2 R.C.S. 817. Dans certaines circonstances, la demande est vouée à l'échec dès le départ. Par exemple, une demande fondée sur des vices de procédure qui ont fait l'objet d'une renonciation n'a aucune chance d'être accueillie : Irving Shipbuilding Inc. c. Canada (Procureur général), [2010] 2 R.C.F. 488, 2009 CAF 116.

III. La réparation. Dans certains cas, la réparation demandée n'est pas disponible en droit (JP Morgan, aux paragraphes 92 à 94), et la demande peut donc être annulée en tout ou en partie pour cette raison.

[6] Les représentations écrites des parties démontrent clairement que la présente requête en est une qui soulève une objection préliminaire au sens de l’arrêt Wenham. Il s’impose de bien comprendre ce qui est recherché et allégué dans l’avis de demande.

II. L’AVIS DE DEMANDE EN CE DOSSIER

[7] Les demanderesses présentent leur demande comme étant une demande de contrôle judiciaire assortie d’une demande d’injonction interlocutoire. Il est clair à la lecture de l’avis de demande que les demanderesses recherchent un jugement déclaratoire que les demanderesses ont droit d’obtenir de l’Unité des demandes régionales de l’assurance-emploi (ci-après l’UDR) les renseignements nécessaires à la représentation des demandeurs et des prestataires de l’assurance-emploi qui les mandate afin d’obtenir de tels renseignements.

[8] Les demanderesses allèguent que ce qui est jeux ici est l’interprétation et/ou l’application de l’article 33 de la Loi sur le ministère de l'emploi et du développement social, LC 2005, c 34 (la « Loi »). En effet, les demanderesses allèguent qu’il y a eu un changement de politique auprès du Ministère qui a pour effet d’empêcher aux demanderesses d’avoir accès aux renseignements contenus aux dossiers des personnes qu'elles représentent devant la Commission de l’assurance-emploi. Leur droit d’accès aux renseignements par l’entremise de l’article 33 de la Loi est donc violé.

[9] Les demanderesses allèguent ne pas connaitre la date du changement de politique en matière d’accès à l’information par l’article 33 de la Loi, mais qu’elles en ont pris connaissance par une lettre en date du 5 juin 2023, du sous-ministre de l’emploi et du développement social, Monsieur Jean-François Tremblay.

[10] Malgré l’inclusion de paragraphes non numérotés et contraires aux Règles mais désignés comme les paragraphes c., d., et e. sous le titre de « À l’étape de la demande pourvoi en contrôle judiciaire, les demanderesses feront valoir les éléments suivants », les demanderesses n’allèguent pas d’autres faits matériels pour étayer leur demande.

III. LA PREUVE AU DOSSIER SUR CETTE REQUÊTE

[11] Les parties ont déposé leurs dossiers de requêtes respectifs pour cette requête.

[12] Le dossier de requête de la défenderesse contient l’affidavit de Lauren Webster affirmé solennellement le 31 juillet 2023. L’affidavit de Madame Webster est limité à la preuve qu’elle a accès aux documents et renseignements détenus par les Opérations des centres d’appels, Direction générale des prestations et de services intégrés de Service Canada - Emploi et Développement social Canada et qu’elle a, par ce fait même, une connaissance personnelle de la demande de contrôle judiciaire intentée par les demanderesses dans ce dossier. Elle produit deux pièces avec son affidavit, soit, une copie de la lettre du 5 juin 2023 qui est plaidée par les demanderesses, et une copie des documents certifiés conforme transmis aux demanderesses en conformité avec la Règle 318.

[13] Comme la lettre du 5 juin 2023 est plaidée par les demanderesses dans leur avis de demande, elle est admissible à titre de preuve sur cette requête comme un document incorporé par référence dans l’avis de demande (JP Morgan, au paragraphe 54). La deuxième pièce jointe à l’affidavit de Madame Webster est cependant inadmissible et je ne la considèrerai pas sur cette requête.

[14] Les demanderesses n’ont soumis aucun affidavit, et donc aucune preuve admissible, à l’appui de leur position sur cette requête.

IV ANALYSE

[15] La disposition législative en cause ici est l’article 33 de la Loi. Cette disposition s’inscrit dans la Partie 4 de la Loi, partie intitulée « Protection des renseignements personnels », et se lit comme suit :

Communication au particulier ou à son représentant

33 (1) Sur demande écrite adressée au ministre par le particulier ou par son représentant, les renseignements peuvent leur être rendus accessibles sous réserve des exceptions et exclusions prévues par la Loi sur la protection des renseignements personnels. Ce droit s’ajoute au droit d’accès que donne au particulier l’article 12 de cette loi.

Particuliers, représentants et parlementaires fédéraux

(2) Dans la mesure où ils sont liés à la présentation d’une demande par le particulier, au versement de prestations à celui-ci, à une autre forme d’aide dans le cadre d’un programme, à un partage de gains non ajustés ouvrant droit à pension, à une cession de pension de retraite qui le concernent ou à toute autre question qui le concerne dans le cadre d’un programme, les renseignements peuvent être rendus accessibles aux personnes ci-après, aux conditions que le ministre estime indiquées et sous réserve des exceptions et exclusions prévues par la Loi sur la protection des renseignements personnels :

a) le particulier;

b) son représentant;

c) le parlementaire fédéral qui les demande au nom du particulier.

[16] Les renseignements visés à l’alinéa 33(1) de la Loi sont définis à l’alinéa 30(1) de la Loi comme « S’entend de renseignements personnels au sens de l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le passage figurant entre les alinéas i) et j) de la définition étant réputé être ainsi libellé : « toutefois, il demeure entendu que, pour l’application de la présente partie, les renseignements ne comprennent pas les renseignements concernant : ».

[17] La lecture de l’alinéa 33(2) de Loi démontre clairement que le législateur a donné le pouvoir au ministre de fixer des conditions pour donner l’accès aux renseignements en question à un particulier ou à son représentant.

[18] La lettre du 5 juin 2023 qui est au cœur de l’avis de demande est une lettre en réponse à une lettre en date du 24 mai 2023 adressée aux commissaires de la Commission de l’assurance-emploi du Canada des renseignements au sujet des renseignements communiqués par l’Unité des Demandes Régionales – Service aux tierces parties (UDR-STP).

[19] La lettre explique qu’une révision des procédures régionales a eu lieu lors de la conception du service national aux tierces parties en matière d’accès aux renseignements de façon plus générale. La lettre se lit comme suit :

« L’UDR-STP a été implantée à l’échelle nationale en avril 2022. Auparavant, le service aux organisations tierces parties (OTP) était fourni à l’échelle régionale par l’intermédiaire de différents modes de prestation. Le service aux tierces parties relève de Service Canada et non de l’administration de l’assurance-emploi.

Lors de la conception du service national aux tierces parties, un examen des procédures régionales a été effectué. Dans le cadre de cet examen, la Division de la gestion de la protection des renseignements personnels, l’Unité des Services juridiques et la Direction du traitement des demandes de prestations d’assurance-emploi ont été consultées au sujet des directives existantes sur la divulgation de renseignements à des tiers. Ces consultations ont confirmé que tous les processus, avant et après le lancement du service national aux tierces parties, étaient conformes aux exigences relatives à la divulgation des renseignements sur les clients à des tiers. Par ailleurs, une consultation menée en mai 2023 a de nouveau confirmé les renseignements que les agents des unités régionales sont autorisés à présenter aux organisations tierces. Cela confirme par le fait même que les directives en place autant au niveau régional que national, étaient conformes et le sont toujours. De plus, la Direction nationale de l’UDR-STP peut affirmer que ces directives n’ont pas été modifiées récemment.

Le mandat de l’UDR-STP est d’aider les organisations tierces et leur personnel autorisé à obtenir des renseignements spécifiques aux clients de l’assurance-emploi pour les personnes qui ont eu des difficultés à recevoir des prestations d’assurance-emploi, ou qui éprouvent des difficultés financières et qui ont épuisé toutes les autres options. À la suite de la réception du consentement, par écrit ou dans le cadre d’un appel à trois, les agents de l’UDR peuvent partager des éléments du dossier du client avec l’OTP, tel que les agents le feraient au centre d’appels avec les clients. Les informations partagées peuvent inclure la date de début de la demande, le nombre de semaines d’admissibilité, le taux, le nombre de semaines payées et la durée de la demande.

Si les OTP demandent d’autres renseignements, on leur conseillera de contacter le client et de remplir une demande officielle d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels. Il est aussi à noter que lorsque des transactions doivent être effectuées dans le dossier, le client sera contacté directement par l’UDR-STP afin de confirmer les informations relatives aux actions à prendre pour résoudre les enjeux du dossier.

Les agents de l’UDR doivent respecter la Loi sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social ainsi que les lignes directrices sur l’information qui peut être partagée. Le rôle des agents de l’UDR est de soutenir les OTP afin qu’elles puissent effectuer leur travail de représentation. Cependant, le partage de l’information doit respecter les politiques ainsi que les lois qui précisent les conditions de partage des renseignements personnels.

J’espère que ces informations répondront à vos préoccupations. »

[20] Les demanderesses recherchent le contrôle judiciaire et un jugement déclaratoire portant sur la légalité des allégués changements dans la procédure d’accès aux renseignements en vertu de l’article 33 de la Loi décrits dans la lettre du 5 juin 2023. Selon l’argumentaire des demanderesses contenu dans leur avis de demande, l’interprétation des obligations du ministre en en matière de protection des renseignements personnels tels qu’écrit dans la lettre du 5 juin 2023 est infondée en droit. Les demanderesses allèguent également que le changement de politique en matière d’accès à l’information pourrait avoir un ou des impacts futurs, sans pour autant alléguer des faits matériels pour appuyer leurs arguments à cet égard.

[21] Un jugement déclaratoire peut être rendu en vertu de l’article 18 de la Loi sur les cours fédérales à l’encontre d’une politique gouvernementale (Fortune Dairy Products Limited v. Canada (Attorney General), 2020 FC 540 (CanLII), aux paragraphes 82 à 85), mais seulement lorsqu’il est démontré, et forcément, allégué dans l’avis de demande, que la politique a été prise de mauvaise foi ou en fonction de facteurs étrangers à l’objet de la loi, qu’elle est irrationnelle ou incompréhensible ou qu’elle découle de l’exercice abusif d’un pouvoir discrétionnaire (Fortune Dairy Products Limited v. Canada (Attorney General), 2020 FC 540 (CanLII), au paragraphe 105) (Malcolm c Canada (Pêches et Océans), 2014 CAF 130, au paragraphe 35). Or, les demanderesses ne plaident aucun de ces motifs dans leur avis de demande.

[22] Comme l’enseigne notre Cour dans l’affaire Soprema Inc. c. Canada (Procureur général), 2021 CF 732 (CanLII) aux paragraphes 37 à 39 et 44, affirmé 2022 FCA 103 (CanLII), l’omission de plaider les éléments minimums requis pour appuyer une demande de contrôle judiciaire, et forcément pour appuyer une demande de jugement déclaratoire, et l’omission de plaider tous les motifs à l’appui de la demande au stade de l’avis de demande est fatal à la demande. C’est le cas ici. Les demanderesses n’allèguent pas les éléments requis pour le remède recherché. La requête doit donc être accordée et l’avis de demande sera radié.

[23] La question qui demeure est celle de savoir si les demanderesses devraient disposer d’un certain temps pour modifier leur avis de demande afin de plaider les éléments manquants. Les demanderesses n’ont pas fait de demande pour modifier leur avis de demande dans leurs représentations écrites. N’ayant reçu aucune demande en ce sens de la part des demanderesses, il n’y a pas lieu d’accorder une prorogation de délai pour que les demanderesses tentent de modifier leur avis de demande.

[24] Étant donné le contenu des représentations écrites des demanderesses, il y a lieu pour la Cour de communiquer un rappel aux procureurs des parties qu’il est absolument irrégulier et inadmissible de plaider des faits dans des représentations écrites qui ne sont pas autrement en preuve sur une requête, ou allégués dans les actes de procédure. Des représentations écrites ne sont pas des véhicules pour tenter de présenter des faits matériels qui pourraient être utiles pour la Cour et qui ont été autrement omis des actes de procédure ou du dossier de preuve. Procéder ce cette façon ne fait que démontrer soit l’absence de rigueur dans la préparation, soit une mécompréhension des règles procédurales ou de droit applicables.

LA COUR ORDONNE que :

1. La requête en radiation de la défenderesse est accordée.

2. L’avis de demande des demanderesses est radié sans possibilité de modification.

3. Les parties devront se consulter et tenter de régler la question des dépens de la requête et de l’instance. Si les parties règlent les dépens avant le 7 novembre 2023, elles pourront en aviser la Cour par correspondance conjointe et une ordonnance de dépens pourra être émise à la lumière du règlement intervenu entre les parties Si les parties ne peuvent pas régler les dépens, le défendeur disposera jusqu’au 7 novembre 2023 pour signifier et déposer des représentations écrites sur les dépens d’un maximum de trois (3) pages, annexes et jurisprudence en sus, et les demanderesses auront jusqu’au 21 novembre 2023 pour signifier et déposer des représentations écrites sur les dépens d’un maximum de trois (3) pages,


 

annexes et jurisprudence en sus, à défaut de quoi aucuns dépens ne seront accordés.

Blanc

« Benoit M. Duchesne »

blanc

Juge adjoint

 


 

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS


DOSSIER :

T-1389-22

 

ÉNONCÉ DE LA CAUSE:

COMITÉ CHÔMAGE DE MONTRÉAL, ACTION CHÔMAGE DE QUÉBEC, CHÔMAGE ACTION - ABITIBI-TÉMISCAMINGUE NORD-DU-QUÉBEC, COMITÉ CHÔMAGE DU HAUT-RICHELIEU ET DU SUROÎT, MOUVEMENT ACTION CHÔMAGE - CHARLEVOIX, MOUVEMENT D’AIDE ET DE CONSULTATION SUR LE TRAVAIL c EMPLOI ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA

 

MOTION PAR ÉCRIT EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO) CONFORMÉMENT À LA RÈGLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE :

b.d. duchesne, aj.

 

DATÉE:

le 25 octobre, 2023

AVOCATS INSCRITS:

Me Gabriel Pelletier

Me Mark Phillips

Montréal, Québec

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Me Sarom Bahk

Me Marilyn Ménard

Procureur general du Canada

Montréal, Québec

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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