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Date : 20231025


Dossier : IMM-8229-21

Référence : 2023 CF 1416

Ottawa (Ontario), le 25 octobre 2023

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

MARYSOL RAMIREZ PERALTA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Marysol Ramirez Peralta a fui le Mexique après avoir été témoin d’un vol à main armé, parce qu’elle avait peur des représailles des auteurs du crime. La Section d’appel des réfugiés [SAR] a conclu que Mme Ramirez Peralta pourrait raisonnablement se réfugier ailleurs au Mexique. Une demandeure d’asile disposant d’une telle possibilité de refuge interne [PRI] ne répond pas à la description d’une réfugiée selon la Convention aux termes de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [LIPR], ni à celle d’une personne à protéger aux termes de l’article 97 de la LIPR. La SAR a donc rejeté la demande d’asile de Mme Ramirez Peralta dans une décision du 15 octobre 2021.

[2] Mme Ramirez Peralta demande le contrôle judiciaire de cette décision. Lorsqu’elle contrôle une décision de la SAR, notre Cour applique la norme de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16–17, 23–25. C’est-à-dire que la Cour ne peut infirmer la décision que si elle trouve que celle-ci est déraisonnable, dans le sens qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence : Vavilov au para 100. Pour les motifs suivants, je ne trouve pas que la décision de la SAR est déraisonnable.

[3] Pour contester le caractère raisonnable de la décision de la SAR, Mme Ramirez Peralta soulève deux arguments.

[4] Tout d’abord, Mme Ramirez Peralta prétend que la SAR n’a pas analysé de façon adéquate ses arguments relatifs à la discrimination qu’elle subirait en raison de son identité autochtone. Je ne peux pas souscrire à cet argument.

[5] La SAR a soulevé la possibilité d’une PRI, ce qui constituait une nouvelle question en appel. Dans ce cadre, la SAR a adressé un avis à Mme Ramirez Peralta le 24 septembre 2021, pour l’informer de cette nouvelle question et lui donner l’opportunité de répondre. Mme Ramirez Peralta a déposé des soumissions écrites, ainsi qu’une déclaration dans laquelle elle atteste à la véracité des faits allégués dans ses soumissions. Dans ces nouvelles soumissions, Mme Ramirez Peralta ne fait référence à son identité autochtone que dans un seul paragraphe, qui se lit simplement comme suit : « Elle affirme aussi, avoir été rejetée et avoir été victime de discrimination au Mexique, parce qu’elle était une femme humble et autochtone de faible revenu. »

[6] Malgré le caractère assez limité de cette soumission, la SAR a entrepris une analyse des risques liés à l’identité de femme autochtone de Mme Ramirez Peralta. Elle a conclu que Mme Ramirez Peralta n’avait pas établi qu’elle avait été victime de discrimination au Mexique ou que le cumul des discriminations alléguées était tel qu’il équivalait à de la persécution. La SAR s’est aussi référée aux conclusions détaillées de la Section de la protection des réfugiés [SPR] au sujet du profil de Mme Ramirez Peralta et du risque auquel elle faisait face, avant de conclure que le fait que Mme Ramirez Peralta soit une femme autochtone n’invalidait pas la conclusion de la SPR. En vue des soumissions laconiques et de la preuve limitée mise de l’avant par Mme Ramirez Peralta sur son identité autochtone et l’impact de celle-ci sur ses perspectives de refuge au Mexique, les motifs de la SAR ont suffisamment répondu à ses observations : Vavilov aux para 127–128. Autrement dit, la SAR n’a pas déraisonnablement omis de s’attaquer de façon significative aux questions clés ou aux arguments principaux formulés par Mme Ramirez Peralta : Vavilov au para 128.

[7] Je ne peux pas non plus accepter l’observation de Mme Ramirez Peralta selon laquelle la SAR ne lui aurait pas donné l’opportunité de s’exprimer lors d’une audience, et que la SAR ne pouvait conclure que la preuve n’établissait pas de discrimination ou persécution sans tenir une telle audience. La SAR a invité Mme Ramirez Peralta à répondre à l’avis quant à l’existence d’une PRI. Mme Ramirez Peralta a répondu au moyen de soumissions et de preuves prenant la forme d’une déclaration. Comme le souligne le ministre, la SAR n’est pas tenue de convoquer une audience pour pallier à l’insuffisance de la preuve déposée par un demandeur, ce dernier ayant le fardeau d’établir les éléments de sa demande d’asile : Akram c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 785 aux para 18–20; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96 au para 51; Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 (CA) à la p 594. Au contraire, l’alinéa 110(6) de la LIPR stipule que la SAR ne peut tenir une audience que si elle estime qu’il existe des nouveaux éléments de preuve qui, entre autres critères, soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité de la personne en cause. Mme Ramirez Peralta ne prétend pas que la SAR mettait en doute la crédibilité de sa déclaration ou sa propre crédibilité de quelque manière que ce soit. La SAR n’était donc pas tenue de convoquer une audience pour explorer davantage la brève référence faite par Mme Ramirez Peralta à son identité autochtone.

[8] Ensuite, Mme Ramirez Peralta prétend que la SAR a tiré des conclusions erronées au sujet de la capacité de ses agents de persécution de la retrouver partout au Mexique par l’intermédiaire de la police. Elle prétend en particulier (i) que la SAR a ignoré son affirmation que ses agents de persécution appartiennent à un groupe criminel et (ii) que la conclusion de la SAR voulant que la preuve ne démontrait pas que la police aiderait les assaillants de Mme Ramirez Peralta à la retrouver ailleurs au Mexique est incohérente puisque ces criminels avaient obtenu son identité et son numéro de téléphone par le biais de la police.

[9] Je ne suis pas d’accord. La SAR a étudié la preuve et conclu que Mme Ramirez Peralta n’avait été en mesure ni d’identifier ses agents de persécution, ni d’indiquer s’ils faisaient partie d’une organisation criminelle disposant de réseaux à travers le pays, ni de démontrer qu’ils avaient l’intérêt ou la capacité de la retrouver partout au Mexique. La SAR a justifié ses conclusions à cet égard dans des motifs clairs et détaillés. Il lui était loisible de parvenir à de telles conclusions, et les observations de Mme Ramirez Peralta ne font qu’inviter la Cour à apprécier à nouveau la preuve ou à en tirer des inférences différentes, ce qui n’est pas son rôle en contrôle judiciaire : Vavilov au para 125.

[10] Je conclus donc que Mme Ramirez Peralta ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer le caractère déraisonnable de la décision de la SAR. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[11] Aucune partie ne propose de question à certifier, et à mon avis, l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-8229-21

LA COUR STATUE que

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Nicholas McHaffie »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-8229-21

INTITULÉ :

MARYSOL RAMIREZ PERALTA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 avril 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS:

LE JUGE MCHAFFIE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 25 octobre 2023

 

COMPARUTIONS :

Me Manuel Antonio Centurion

 

Pour La DEMANDEresse

 

Me Evan Liosis

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Manuel Antonio Centurion

Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour la DEMANDEResse

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour lE DÉFENDEUR

 

 

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