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Date : 20231006

Dossier : IMM-10709-22

Référence : 2023 CF 1339

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 octobre 2023

En présence de madame la juge Turley

ENTRE :

DON KINGSLY KUMARA EDIRIMANNA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS DU JUGEMENT

I. Aperçu

[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a constaté la perte de l’asile du demandeur au titre du paragraphe 108(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. La SPR a conclu que, en retournant au Sri Lanka, le demandeur avait démontré qu’il avait l’intention de se réclamer de nouveau et volontairement de la protection diplomatique de ce pays, et, par conséquent, sa demande d’asile a été réputée rejetée.

[2] Je ferai droit à la demande de contrôle judiciaire parce que la SPR ne s’est pas attaquée de façon significative à la raison pour laquelle le demandeur serait retourné au Sri Lanka dans l’évaluation du caractère volontaire au titre de l’alinéa 108(1)a) de la LIPR. La SPR n’a pas examiné si le retour du demandeur au Sri Lanka pour respecter les souhaits de son oncle mourant équivalait à une circonstance exceptionnelle allant à l’encontre de la volonté. En outre, la SPR a conclu à tort que le renouvellement par le demandeur de son passeport sri-lankais, avant qu’il ne demande l’asile, était un facteur pertinent dans l’évaluation du caractère volontaire.

II. Contexte

[3] Le demandeur, citoyen du Sri Lanka, est arrivé au Canada en 2011 muni d’un visa en tant qu’époux d’une employée d’un consulat du Sri Lanka. En décembre 2014, il a renouvelé son passeport sri-lankais au consulat du Sri Lanka à Toronto, au Canada.

[4] En mai 2015, le demandeur a présenté une demande d’asile fondée sur une crainte de persécution par les autorités sri-lankaises. Selon l’exposé circonstancié du demandeur, l’épouse du demandeur est retournée au Sri Lanka à la fin de l’année 2014 pour aider aux prochaines élections présidentielles et soutenir activement le Parti de la liberté du Sri Lanka. Pendant cette période, le demandeur et sa famille ont reçu des menaces de l’ex-mari de la femme du demandeur, qui a déclaré qu’il les détruirait si le Parti national uni arrivait au pouvoir. Le Parti national uni a remporté les élections en janvier 2015.

[5] Entre janvier et avril 2015, plusieurs événements qui se sont produits au Sri Lanka ont incité le demandeur et sa famille à demander l’asile. À deux reprises, des individus armés se sont présentés au domicile du demandeur et de sa famille, à Colombo, à leur recherche. En outre, l’ex-mari de la femme du demandeur a de nouveau menacé de causer des préjudices corporels à la famille du demandeur.

[6] À la suite de ces événements, l’épouse du demandeur est revenue au Canada, et la famille a présenté des demandes d’asile en mai 2015. Le 12 août 2015, le demandeur et les membres de sa famille se sont vu reconnaître la qualité de réfugié au sens de la Convention, et le demandeur a obtenu le statut de résident permanent le 6 juin 2016.

[7] En janvier 2020, le demandeur est allé au Sri Lanka en utilisant son passeport sri-lankais. Le but de son voyage était de rendre visite à son oncle malade.

[8] Lorsque le demandeur est revenu au Canada en février 2020, il a été intercepté et interrogé par un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada. En septembre 2021, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile [le ministre] a déposé une demande de constat de perte de l’asile au titre du paragraphe 108(2) de la LIPR au motif que le demandeur s’était réclamé de nouveau de la protection du Sri Lanka en obtenant un nouveau passeport sri‑lankais en 2014 et en l’utilisant pour se rendre au Sri Lanka.

[9] Le 14 octobre 2022, la SPR a accueilli la demande présentée par le ministre, après avoir conclu que le demandeur n’avait pas réfuté la présomption selon laquelle il s’était réclamé de nouveau et volontairement de la protection du Sri Lanka en retournant dans ce pays.

III. Questions en litige et norme de contrôle

[10] À titre de question préliminaire, le défendeur demande une ordonnance modifiant l’intitulé de la cause pour désigner le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration comme défendeur, plutôt que le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Le défendeur affirme que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration est le défendeur compétent en tant que ministre chargé de l’application de la LIPR, sauf dans certaines circonstances prévues, dont aucune ne s’applique en l’espèce : LIPR, art 4(1), (2). Le demandeur est d’accord sur cette modification. Je suis convaincue que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration est le défendeur compétent et je modifierai l’intitulé de la cause en conséquence.

[11] La question déterminante dans la présente demande consiste à savoir si la SPR a conclu à tort que le demandeur s’était réclamé volontairement de la protection du Sri Lanka au sens de l’alinéa 108(1)a) de la LIPR. Il n’est pas contesté que la norme qui est présumée s’appliquer au contrôle de la décision de la SPR concernant une demande de constat de perte de l’asile est celle de la décision raisonnable : Wu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 1071 au para 6 [Wu]; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1481 au para 25 [Singh]; Aydemir c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 987 au para 20; Thapachetri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 600 au para 10.

[12] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est un type de contrôle rigoureux qui porte sur la question de savoir si la décision administrative est transparente, intelligible et justifiée : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 12-13, 15, 99 [Vavilov]. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, au para 85. Les motifs du décideur ne doivent pas être jugés au regard d’une norme de perfection; il faut plutôt les interpréter de façon globale et contextuelle pour comprendre le fondement sur lequel repose la décision : Vavilov, aux para 91, 97.

IV. Analyse

A. Principes généraux

[13] Une demande de constat de perte de l’asile est axée sur la question de savoir si la personne s’est réclamée de nouveau et volontairement de la protection du pays dont elle a la nationalité : LIPR, art 108(1)a). Le critère relatif au fait de se réclamer de nouveau de la protection de son pays se compose de trois éléments conjonctifs : (i) le réfugié doit avoir agi volontairement; (ii) le réfugié doit avoir accompli intentionnellement l’acte par lequel il s’est réclamé de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité; (iii) le réfugié doit avoir effectivement obtenu cette protection : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Galindo Camayo, 2022 CAF 50 au para 79 [Camayo].

[14] Les réfugiés qui retournent dans le pays dont ils ont la nationalité et qui utilisent le passeport délivré par ce pays sont présumés avoir l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de leur pays : Camayo, au para 63. Cette présomption est toutefois réfutable au moyen d’une preuve suffisante de raisons impérieuses ayant trait aux faits : Camayo, au para 65; Wu, au para 22.

[15] Comme l’a récemment reconnu la Cour d’appel fédérale, le constat de perte de l’asile a des conséquences graves et particulièrement sévères pour la personne concernée : Camayo, aux para 50-51. La conclusion selon laquelle une personne s’est réclamée de nouveau et volontairement de la protection du pays dont elle a la nationalité n’entraînera pas seulement la perte de son statut de réfugié au sens de la Convention, mais aussi la perte de son statut de résident permanent au Canada : Camayo, au para 51a); Omer c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2022 CF 1295 au para 39.

[16] Selon l’arrêt Vavilov, lorsque la décision peut avoir des répercussions importantes ou causer un préjudice grave, les motifs du décideur doivent « refléter ces enjeux » : Vavilov, au para 133. Dans ce contexte, il y a un devoir accru d’exposer des motifs qui expliquent le raisonnement du décideur et tiennent valablement compte des questions et des arguments essentiels : Camayo, aux para 49-51; Singh, au para 28.

B. L’évaluation du caractère volontaire par la SPR est erronée

[17] À mon avis, l’évaluation du premier élément du critère relatif au fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays – le caractère volontaire du voyage du demandeur au Sri Lanka – est erronée pour deux raisons. D’abord, la SPR n’a pas analysé la raison pour laquelle le demandeur serait retourné au Sri Lanka ni la question visant à savoir si celle-ci suffisait pour atteindre le seuil des « circonstances exceptionnelles » afin de réfuter la présomption relative au fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays. Ensuite, la SPR a tenu compte à tort du renouvellement du passeport du demandeur comme facteur pertinent dans l’évaluation du caractère volontaire.

[18] Les erreurs que la SPR a commises dans l’évaluation du caractère volontaire du voyage du demandeur au Sri Lanka sont déterminantes pour la demande. Il n’est donc pas nécessaire de se pencher sur l’examen par la SPR des deux autres éléments du critère relatif au fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays.

(1) La SPR n’a pas analysé la raison pour laquelle le demandeur serait allé au Sri Lanka.

[19] Les motifs de la SPR concernant le caractère volontaire de la visite du demandeur au Sri Lanka ne remplissent pas les conditions requises. Ils ne tiennent pas valablement compte de la raison pour laquelle le demandeur est retourné au Sri Lanka ni ne déterminent si le « motif [de son] voyage était nécessaire ou justifié » : Camayo, au para 72. Le fait qu’un décideur n’ait pas réussi à s’attaquer de façon significative aux questions clés ou aux arguments principaux « permet de se demander s’il était effectivement attentif et sensible à la question qui lui était soumise » : Vavilov, au para 128.

[20] Je souscris à l’observation du demandeur selon laquelle le simple fait que la SPR a pris acte du motif pour lequel il est retourné au Sri Lanka n’établit pas qu’elle s’est attaquée de façon significative à la preuve et aux arguments dont elle disposait. Au contraire, les motifs de la SPR consistent simplement en une récitation de la position du demandeur sur le caractère volontaire, sans aucune analyse :

[21] Le conseil de l’intimé a fait valoir que la question fondamentale dans la présente affaire est celle de la volonté et que, en raison de la relation étroite de l’intimé avec son oncle, qui ressemble à une relation entre père et fils, l’intimé n’avait d’autre choix que de retourner dans son pays, déclarant que [traduction] « de son point de vue à lui, il y a absence de volonté; il est obligé de partir ». Le conseil a également soutenu que [traduction] « il n’est pas retourné pour prendre soin de lui, il s’est senti obligé d’honorer la volonté de son père de fait » et que [traduction] « c’est comme si quelqu’un avait mis un fusil sur sa tempe pour le forcer à monter à bord d’un avion » pour illustrer l’obligation qu’avait l’intimé de faire le voyage.

[21] Il incombait à la SPR d’évaluer et de prendre en compte le motif pour lequel le demandeur serait retourné au Sri Lanka pour déterminer s’il était « probant ou convaincant » et d’en expliquer les raisons : Camayo, au para 78. Bien « [qu’]un examen microscopique de tout ce qui pourrait être dit sur la question » ne soit pas nécessaire, la SPR doit fournir « une explication motivée concernant les éléments de preuve pertinents et les questions clés, y compris les principaux arguments présentés par les parties » : Camayo, au para 82. Cependant, la SPR n’a pas expliqué pourquoi elle rejetait la position du demandeur; elle a conclu simplement qu’elle n’était pas convaincue par les observations de son conseil : motifs et décision de la SPR du 13 octobre 2022, au para 23 [motifs de la SPR].

[22] Le témoignage du demandeur, soit qu’il s’est senti obligé de retourner au Sri Lanka pour respecter les souhaits de son oncle malade de le voir avant son décès, était clair. Le demandeur a déclaré que son oncle était comme un père pour lui, après que son père biologique a abandonné sa famille. Au lieu d’évaluer le caractère volontaire du voyage du demandeur à la lumière de ces circonstances, la SPR a concentré son analyse sur la question de savoir si le demandeur s’occupait réellement de son oncle ou s’il devait s’en occuper. Le tribunal a conclu que le demandeur « ne prodiguait pas de soins importants à son oncle » : motifs de la SPR, au para 22. Cependant, le demandeur n’a jamais prétendu être allé au Sri Lanka pour s’occuper de son oncle.

[23] La SPR pourrait en fin de compte conclure que la raison pour laquelle le demandeur est retourné au Sri Lanka n’est pas impérieuse et n’équivaut pas à une circonstance exceptionnelle réfutant la présomption concernant le fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays. La SPR doit toutefois évaluer la preuve et en tenir compte et expliquer sa décision dans un sens ou dans l’autre.

(2) La SPR a tenu compte à tort du renouvellement du passeport dans l’évaluation du caractère volontaire.

[24] En outre, je souscris à l’observation du demandeur selon laquelle la SPR a tenu compte à tort du renouvellement de son passeport sri-lankais en décembre 2014 lorsqu’elle a évalué le caractère volontaire de ses actions :

[20] L’intimé s’est rendu au Sri Lanka au moyen de son passeport sri-lankais. Le tribunal constate que l’intimé a reçu son nouveau passeport sri‑lankais du consulat général du Sri Lanka à Toronto en 2014 après en avoir fait la demande, ce qui a nécessité un contact direct avec les autorités gouvernementales sri‑lankaises ou leurs représentants. Le tribunal constate également que l’intimé a déposé cette demande seulement deux mois après son arrivée initiale au Canada. Le tribunal conclut qu’aucun élément de preuve ne montre que les autorités au Canada ou au Sri Lanka ont ordonné à l’intimé de demander un nouveau passeport sri‑lankais et de l’utiliser pour voyager ni que l’intimé a été contraint de le faire par des circonstances indépendantes de sa volonté. [Non souligné dans l’original.]

[25] Je reconnais que les circonstances dans lesquelles un réfugié obtient ou renouvelle un passeport du pays dont il a la nationalité peut être un facteur pertinent dans l’évaluation du caractère volontaire : Camayo, au para 84. Cependant, le renouvellement du passeport du demandeur en décembre 2014 n’était pas un facteur pertinent, car il était antérieur à sa demande d’asile. La crainte de persécution du demandeur ne s’est concrétisée qu’en avril 2015, après le renouvellement de son passeport. De plus, l’analyse de la SPR concernant le renouvellement du passeport du demandeur était également erronée sur le plan factuel. Octobre 2014 n’était pas la date [traduction] « [de l’]arrivée [du demandeur] au Canada », puisqu’il était au pays depuis octobre 2011 grâce à un visa en tant qu’époux d’une employée consulaire.

[26] Le défendeur reconnaît que le renouvellement du passeport du demandeur n’était pas pertinent, mais il affirme que [traduction] « même si la question de l’obtention du passeport par le demandeur est mise de côté », la SPR a raisonnablement conclu que le voyage de celui-ci était volontaire : mémoire supplémentaire des arguments du défendeur, au para 25. Je ne peux pas accepter cet argument. Il ressort clairement des motifs de la SPR que le renouvellement du passeport du demandeur était un facteur important dans sa conclusion finale sur le caractère volontaire des actions du demandeur.

[27] Dans son paragraphe de conclusion, après avoir résumé la question du renouvellement du passeport, celle de la raison de la visite du demandeur et la position du ministre, la SPR a conclu que « tous les actes mentionnés précédemment sont de nature volontaire » [non souligné dans l’original]. Dans le même ordre d’idées, l’expression « tous les actes mentionnés précédemment » ne peut être interprétée que comme comprenant le renouvellement du passeport du demandeur en 2014.

V. Conclusion

[28] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la SPR ne s’est pas attaquée de façon significative à la preuve et aux observations du demandeur dans son analyse du caractère volontaire et qu’elle a plutôt fondé sa décision sur des facteurs non pertinents. La demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision de la SPR sera annulée, et l’affaire sera renvoyée à un autre commissaire de la SPR pour qu’il statue sur l’affaire.

[29] Les parties n’ont proposé aucune question à certifier, et l’affaire n’en soulève aucune.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-10709-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision de la Section de la protection des réfugiés du 13 octobre 2022 est annulée, et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci statue sur l’affaire.

  3. L’intitulé de la cause est modifié de manière à ce que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration soit désigné à titre de défendeur.

  4. Aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.

« Anne M. Turley »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-10709-22

INTITULÉ :

DON KINGSLY KUMARA EDIRIMANNA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 SEPTEMBRE 2023

JUGEMENT ET MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE TURLEY

DATE DES MOTIFS :

LE 6 OCTOBRE 2023

COMPARUTIONS :

Elnaz Dast Parvardeh

POUR LE DEMANDEUR

Zofia Rogowska

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Korman & Korman LLP

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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