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Date : 20230925


Dossier : T-1015-22

Référence : 2023 CF 1289

[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 25 septembre 2023

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

DAVID MEECHES

demandeur

et

KYRA WILSON, ALLEN DENNIS MYRAN, KEELY ASSINIBOINE, MARVIN DANIELS ET GARNET MEECHES

 

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle le comité d’appel en matière d’élections [le comité] de la Première Nation de Long Plain [la Première Nation] a rejeté l’appel interjeté par le demandeur, David Meeches, qui avait brigué, sans succès, le poste de chef de la Première Nation lors de l’élection du 15 avril 2022.

Contexte

[2] Le demandeur est membre de la Première Nation.

[3] Les élections de la Première Nation sont régies par la loi intitulée Long Plain First Nation Custom Election Act (Loi sur les élections coutumières de la Première Nation de Long Plain) [la Loi]. Le gouvernement tribal de la Première Nation est composé d’un chef et de quatre conseillers élus par les citoyens tribaux. Les élections générales pour ces postes ont lieu tous les quatre ans, le deuxième jeudi du mois d’avril (la Loi, art 2.1, 2.2, 2.4, 4.1). En 2022, le deuxième jeudi du mois d’avril était le 14 avril.

[4] La Loi prévoit un échéancier et un calendrier électoraux (pour l’élection précédente qui a eu lieu en 2018 et celle de 2022, qui est visée en l’espèce) à l’Annexe F (la Loi, art 5). La Loi traite aussi du processus préélectoral (la Loi, art 6), qui comprend notamment la distribution d’avis préélectoraux non officiels ainsi que la sélection et la nomination d’un président d’élection et d’un président d’élection adjoint (la Loi, art 6.2‑6.12).

[5] Le président d’élection, dont les responsabilités sont énoncées à l’article 6.13 de la Loi, voit à l’administration et à la mise en œuvre des processus électoraux avant, pendant et après les élections, conformément à la Loi.

[6] Le 3 mars 2022, Jacqueline Meeches a été sélectionnée et nommée au poste de présidente d’élection [la présidente d’élection] et Krystle Fosseneuve a été sélectionnée et nommée au poste de présidente d’élection adjointe [la présidente d’élection adjointe] en vue de l’élection devant avoir lieu la même année.

[7] La Loi prévoit également un mécanisme d’appel pour les litiges en matière d’élections. Les appels sont divisés en deux catégories, soit les [traduction] « appels relatifs à l’éligibilité de candidats » (Partie 1) et les « appels relatifs aux élections » (Partie 2). La décision faisant l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire concerne un appel relevant de la seconde catégorie.

[8] L’article 13.1 de la Loi décrit la composition du comité, qui est formé de trois personnes, et l’article 13.6 précise les responsabilités de celui‑ci :

[traduction]
13.6 Le comité d’appel en matière d’élections applique la présente loi en conformité avec la Long Plain First Nation Tribal Constitution (la Constitution tribale de la Première Nation de Long Plain), reçoit les appels, les examine et enquête sur ceux‑ci dans un délai raisonnable et de manière équitable dans le respect des dispositions de la présente loi, et tient des audiences publiques, le cas échéant, en vue de rendre des décisions définitives et faisant autorité à l’issue d’appels relatifs aux élections et à l’éligibilité de candidats.

[9] Aux fins de l’élection, les personnes sélectionnées et nommées pour siéger au comité étaient Bill Beauchamp à titre de président, Ruth Roulette et Preston Assiniboine [collectivement, le comité].

[10] La Partie 2 de la Loi, qui porte sur les appels relatifs aux élections, énonce les moyens d’appel, les conditions liées au dépôt de l’appel et la procédure à respecter par le comité pour rendre une décision. Elle est libellée ainsi :

[traduction]
PARTIE 2 – APPELS RELATIFS AUX ÉLECTIONS

Moyens d’appels

13.21 Un appel ne peut être interjeté en vertu de la présente loi qu’à l’égard de candidats élus ou de responsables électoraux pour les motifs suivants :

a. une violation substantielle de l’article 10.1 ou 10.2;

b. un acte de collusion avec les électeurs;

c. un acte de fraude;

d. une violation substantielle, par un responsable électoral, d’une règle, d’un processus ou d’une procédure;

e. un appel relatif à l’éligibilité d’un candidat au titre de l’article 13.10;

f. toute autre violation substantielle de la présente loi.

Dépôt d’un appel

13.22 Un appel relatif aux élections, déposé auprès du comité d’appel en matière d’élections, doit :

a. être formulé par écrit;

b. énoncer, par écrit, le ou les moyens d’appel ainsi que les faits étayant les moyens d’appel, et être dûment signé devant témoin;

c. être accompagné de tout document ou élément de preuve à l’appui;

d. être accompagné d’un paiement de 100 $, non remboursable, effectué en argent comptant, par chèque certifié, par mandat ou par traite bancaire à l’ordre du service des finances de la Première Nation de Long Plain, afin de couvrir les frais liés à l’appel.

Si la partie appelante ne se conforme pas aux dispositions de la présente loi, son appel sera immédiatement rejeté par le comité d’appel en matière d’élections.

13.23 La partie appelante et la partie défenderesse sont pleinement responsables de tous les frais liés à la procédure d’appel. La Première Nation de Long Plain ne remboursera aucuns frais, qu’il s’agisse d’honoraires d’avocats ou autres.

Délai imparti pour interjeter appel

13.24 Tout candidat ou électeur admissible qui souhaite déposer un appel relatif à une élection doit le faire avant 16 h 30, heure locale, le quatrième (4e) jour suivant la date de l’élection.

Procédure

13.25 À la réception d’un appel relatif à une élection, le comité d’appel en matière d’élections transmet immédiatement au président d’élection et à toute partie défenderesse un avis écrit les informant du dépôt de l’appel.

13.26 Toute partie défenderesse à un appel relatif à une élection peut, dans les vingt‑quatre (24) heures suivant la réception de l’avis, présenter un document écrit et dûment signé devant témoin dans lequel elle expose les motifs justifiant le rejet de l’appel ainsi que les faits étayant ces motifs. La partie défenderesse peut joindre tout document ou élément de preuve à l’appui de ses observations.

13.27 Le comité d’appel en matière d’élections se rencontre deux (2) jours après le délai imparti pour interjeter appel afin de déterminer si la preuve justifie la tenue d’une audience.

13.28 S’il y a lieu de tenir une audience, celle‑ci a lieu sept (7) jours après l’élection.

13.29 Si le comité d’appel en matière d’élections fixe une date d’audience, il transmet immédiatement un avis écrit au président d’élection et à toute partie défenderesse pour les informer de la tenue de l’audience, et publie également un avis, bien en vue, dans au moins trois (3) organisations ou entreprises de la Première Nation de Long Plain de même que sur les médias sociaux.

13.30 L’avis écrit dont il est fait mention à l’article 13.29 précise :

a. la nature de l’audience et tout renseignement connexe;

b. la date, l’heure et le lieu de l’audience;

c. que la ou les parties appelantes et la ou les parties défenderesses peuvent, à l’audience, présenter des éléments au comité d’appel en matière d’élections, dont des documents, des éléments de preuve et des témoignages.

13.31 L’audience est publique. Y participent :

a. le président d’élection;

b. le président d’élection adjoint;

c. le comité d’éthique en matière électorale;

d. la partie appelante;

e. la partie défenderesse;

f. tout témoin, le cas échéant;

g. les citoyens tribaux intéressés, en tant qu’observateurs.

13.32 Les décisions rendues par le comité d’appel en matière d’élections sont irrévocables, obligatoires et définitives.

13.33 Dans les cas où le comité d’appel en matière d’élections ne tient pas d’audience, les décisions qu’il rend sont :

a. formulées par écrit;

b. communiquées à la partie appelante et à la partie défenderesse, s’il y a lieu;

c. publiées le troisième jeudi du mois d’avril de l’année électorale;

d. affichées bien en vue dans au moins trois (3) organisations ou entreprises de la Première Nation de Long Plain et publiées sur les médias sociaux.

13.34 Dans les cas où le comité d’appel en matière d’élections tient une audience, les décisions qu’il rend sont :

a. formulées par écrit;

b. communiquées à la partie appelante et à la partie défenderesse, s’il y a lieu;

c. publiées deux (2) jours après la date de l’audience;

d. affichées bien en vue dans au moins trois (3) organisations ou entreprises de la Première Nation de Long Plain et publiées sur les médias sociaux.

13.35 Après avoir examiné l’ensemble de la preuve reçue, le comité d’appel en matière d’élections conclut, selon le cas :

a. que les moyens d’appel exposés par la partie appelante sont frivoles ou sans fondement et que l’appel est rejeté;

b. que la partie défenderesse n’a pas violé substantiellement les dispositions de la présente loi et qu’elle peut entrer en fonction;

c. que la partie défenderesse a violé substantiellement les dispositions de la présente loi et qu’elle ne peut entrer en fonction;

d. qu’il y a eu violation substantielle d’une procédure, d’une règle ou d’un processus de la présente loi et que celle-ci compromet l’intégrité des résultats de l’élection ou fait en sorte qu’il serait déraisonnable de les confirmer et, s’il y a lieu, déclare l’élection invalide, en tout ou en partie.

13.36 Le comité d’appel en matière d’élections ne peut déclarer une élection invalide du seul fait de l’existence d’une irrégularité ou d’une contravention à la présente loi s’il est convaincu que les deux conditions suivantes sont remplies :

a. l’élection a été menée en toute bonne foi;

b. l’irrégularité ou la contravention n’a pas influé de manière substantielle sur les résultats de l’élection.

[…]

[11] Comme je le mentionne plus haut, selon la Loi, l’élection devait avoir lieu le 14 avril 2022. Toutefois, en raison d’une tempête hivernale, la présidente d’élection a décidé de reporter au lendemain l’ouverture des bureaux de vote, soit le 15 avril 2022. L’élection s’est déroulée à cette date, et Kyra Wilson, qui a reçu 12 voix de plus que le demandeur, a été élue au poste de chef (un recomptage des bulletins de vote a eu lieu le 20 avril 2022, à la suite duquel le nombre de voix séparant les deux candidats qui briguaient le poste de chef a été réduit à 11). Allen Dennis Myran, Keely Assiniboine, Marvin Daniels et Garnet Meeches ont chacun été élus à l’un des quatre postes de conseillers.

[12] Le 19 avril 2022, quelque part entre 13 h 30 et 16 h (soit avant l’heure limite de 16 h 30), le demandeur a interjeté appel des résultats de l’élection pour les motifs suivants :

  1. L’ancienne présidente d’élection avait déclaré, sur les médias sociaux, que les citoyens tribaux qui souhaitaient voter seraient tenus de s’inscrire peu importe la méthode choisie pour voter, y compris en personne, ce qui avait semé la confusion chez les électeurs et les avait découragés de voter, puisque la Loi n’exigeait pas l’inscription des électeurs pour le vote en personne.

  2. Il y avait lieu de se demander si la présidente d’élection actuelle avait reçu des instructions adéquates de la part de l’ancienne présidente d’élection et si la présidente d’élection avait confirmé auprès de l’ancienne présidente d’élection que les avis prescrits par l’article 6.2 de la Loi avaient été envoyés. Si les avis préélectoraux non officiels n’ont pas été envoyés, avis qui devaient être accompagnés d’un formulaire d’inscription comme celui présenté à l’Annexe A de la Loi, il y a eu violation de l’article 7 de la Loi (qui concerne le vote par la poste et le vote électronique) et de l’article 11 (qui porte sur le processus électoral) ;

  3. Le 12 avril 2022, Kyra Wilson avait publié sur les médias sociaux des allégations fausses et infondées le concernant, affirmant notamment qu’il avait enlevé des affiches électorales pour les remplacer par les siennes, et cette publication contrevenait aux alinéas 10.1a), c), d) et h) de la Loi;

  4. Le 12 avril 2022, des représentants et des partisans de Kyra Wilson se tenaient debout, à l’extérieur du bureau de vote (par anticipation) au centre de conférences Keeshkeemaquah (aussi appelé Keesh), harcelaient des électeurs afin ceux‑ci révèlent pour qui ils avaient l’intention de voter et les exhortaient à voter pour Kyra Wilson, ce qui contrevenait aux alinéas 10.2e) et f) ainsi qu’à l’article 10.3 de la Loi;

  5. La présidente d’élection avait commis une erreur de jugement en décidant de procéder à l’élection le 15 avril 2022. Elle avait fondé sa décision sur le fait que les grandes artères étaient de nouveau ouvertes après la tempête, mais n’avait pas tenu compte du fait que les allées privées (les entrées) des citoyens tribaux n’avaient pas été déneigées. Cette décision avait empêché des citoyens tribaux d’exercer leur droit de vote, avait influé sur les résultats de tous les candidats et contrevenait aux alinéas 6.13a), b) et e) de la Loi.

[13] Le comité s’est réuni le 19 avril 2022 en soirée et le lendemain matin afin d’examiner l’appel déposé par le demandeur (de même qu’un second appel qui ne fait pas l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire).

[14] Le 20 avril 2022 à 11 h 26, Bill Beauchamp, à titre de président du comité, a envoyé un courriel à la présidente d’élection et a joint des copies des deux appels qui avaient été déposés. Dans son courriel, le président a indiqué ce qui suit : [traduction] « Conformément à l’article 13.26 de la Loi sur les élections coutumières de la Première Nation de Long Plain, nous vous demandons de fournir des observations écrites en réponse aux deux appels dans les 24 heures suivant la réception de ce courriel. » Il a de plus mentionné que les observations devaient être signées devant témoin, énoncer la position de la présidente d’élection en réponse aux allégations précises formulées dans les appels et être accompagnées de tout document ou élément de preuve à l’appui. Le président du comité a conclu son courriel en mentionnant ce qui suit : [traduction] « En clair, vos observations écrites, signées devant témoin, doivent être reçues au plus tard le jeudi 21 avril 2022 à 11 h 25. »

[15] Selon le témoignage du président, le comité a poursuivi son examen en attendant les observations de la présidente d’élection et, vers 13 h, a décidé de rejeter l’appel interjeté par le demandeur. La décision n’a pas été communiquée à ce moment‑là.

[16] Le 20 avril 2022 à 21 h 56, la présidente d’élection a transmis au président du comité, en réponse au courriel de ce dernier, un message texte dans lequel elle indiquait avoir été occupée à réaliser un recomptage des bulletins de vote et être arrivée chez elle à 18 h 30 seulement, heure à laquelle elle a commencé à examiner l’appel. Elle a demandé à ce que le délai imparti pour présenter des observations en réponse aux deux appels soit prorogé. Le président a répondu : [traduction] « [C]ompte tenu des délais serrés, je ne sais pas qui autorise la prorogation. Je vérifie. » Il a indiqué à la présidente d’élection qu’il lui répondrait plus tard. Le 21 avril 2022 à 8 h 36, le président du comité a envoyé un message texte à la présidente d’élection : [traduction] « [L]a décision de proroger le délai vous appartient étant donné que vous êtes la présidente d’élection. » La présidente d’élection a répondu qu’elle avait presque terminé et que le comité recevrait ses observations avant la fin de la journée. À 14 h 56, le président du comité a envoyé un message texte à la présidente d’élection pour lui demander combien de temps de plus elle avait besoin. La présidente d’élection lui a répondu qu’elle était en train d’imprimer les documents à l’appui, qu’elle aurait possiblement terminé à 16 h et qu’elle pourrait aller lui remettre les documents originaux. Le président a acquiescé et a demandé à la présidente d’élection de l’informer de son arrivée.

[17] Vers 16 h 30, la présidente d’élection a remis en main propre au président du comité les documents originaux contenant ses observations.

[18] À 17 h 47, le comité a communiqué sa décision au demandeur. Ce dernier a téléphoné au président du comité à 17 h 57. Il a déclaré avoir été informé que son appel était rejeté en raison d’un manque d’éléments de preuve corroborants et que les observations de la présidente d’élection n’avaient pas été prises en compte parce que celles‑ci n’avaient pas été reçues dans le délai de 24 heures prévu par la Loi.

[19] La décision a été communiquée à la présidente d’élection à 18 h 37 et cette dernière a téléphoné au président du comité à 18 h 47. La présidente d’élection a déclaré avoir demandé au président si le comité avait pris en compte ses observations avant de rendre sa décision. Le président du comité l’a informée que ses observations n’avaient pas été prises en compte, car celles‑ci n’étaient pas incluses dans le dossier d’appel du demandeur.

[20] Rien dans le dossier à ma disposition ne me permet de savoir à quel moment le comité a rendu sa décision publique en l’affichant dans les organisations ou entreprises de la communauté comme l’exige l’article 13.33 de la Loi ni s’il l’a fait.

[21] Le 18 mai 2022, le demandeur a sollicité le contrôle judiciaire de la décision du comité. Dans l’avis de demande, le demandeur a désigné à titre de défendeurs Jacqueline Meeches (la présidente d’élection), Krystle Fosseneuve (la présidente d’élection adjointe), Bill Beauchamp, Ruth Roulette et Preston Assiniboine (les membres du comité) ainsi que Kyra Wilson. Le 7 octobre 2022, le demandeur s’est entièrement désisté de la demande de contrôle judiciaire qu’il avait déposée contre la présidente d’élection, la présidente d’élection adjointe et les membres du comité, et a simultanément déposé un avis de demande modifié dans lequel il a désigné quatre autres personnes à titre de parties défenderesses, à savoir les quatre conseillers élus dans le cadre de l’élection contestée, soit Allen Dennis Myran, Keely Assiniboine, Marvin Daniels et Garnet Meeches. Kyra Wilson est la seule personne désignée à titre de défenderesse dans l’avis de demande initial et dans l’avis de demande modifié.

[22] Le 28 novembre 2022, le juge adjoint Aalto a ordonné au comité de déposer un dossier certifié du tribunal [le DCT] avant le 1er décembre. Le DCT, reçu par le greffe le 6 décembre 2022, ne contenait qu’une copie de la Loi et de l’appel déposé par le demandeur.

[23] Dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, les défendeurs Kyra Wilson et Allen Dennis Myran sont représentés par le cabinet d’avocats Duboff Edwards Schachter et contestent la demande de contrôle judiciaire.

[24] La défenderesse Keely Assiniboine agit pour son propre compte (mais elle était représentée par un avocat lorsqu’elle a été contre‑interrogée concernant son affidavit) et conteste la demande de contrôle judiciaire.

[25] Les défendeurs Marvin Daniels et Garnet Meeches sont représentés par le cabinet Chornopyski et, de manière inhabituelle étant donné qu’ils sont désignés à titre de défendeurs, appuient la demande de contrôle judiciaire et sont d’accord avec le demandeur pour dire que la décision du comité devrait être infirmée.

Décision faisant l’objet du contrôle

[26] Le comité a affirmé que le demandeur avait soulevé les quatre moyens d’appel suivants :

  1. L’ancienne présidente d’élection avait publié des commentaires trompeurs sur les médias sociaux qui, de l’avis du demandeur, [traduction] « avaient semé la confusion chez les électeurs et les avaient, au bout du compte, découragés de voter à l’élection générale ».
  2. Le demandeur avait été accusé d’avoir enlevé l’affiche électorale de Kyra Wilson et d’avoir installé la sienne sur la propriété d’un particulier, sans y avoir été autorisé. La candidate Kyra Wilson et d’autres avaient publié cette fausse allégation sur les médias sociaux, et le demandeur prétend que cette allégation a eu des [traduction] « répercussions défavorables » sur sa candidature.
  3. Des représentants et partisans de Kyra Wilson se tenaient à l’extérieur du bureau de vote le 12 avril 2022 et harcelaient les électeurs et tout le monde en général.
  4. L’élection du 14 avril 2022 avait été reportée au 15 avril 2022, mais la présidente de l’élection aurait dû retarder le vote jusqu’à ce que le service des travaux publics ait pu déneiger toutes les allées.

[27] Le comité a tiré les conclusions suivantes :

[traduction]
Le comité conclut qu’une audience n’est pas nécessaire et que les questions soulevées dans l’appel peuvent être tranchées sans la tenue d’une audience. Plus précisément, et pour les motifs exposés ci‑après, le comité conclut que l’appelant n’a pas établi un manquement à la Loi à première vue, et l’appel est, par conséquent, rejeté.

Premier moyen d’appel

La publication d’un message, même trompeur, sur les médias sociaux par une ancienne présidente d’élection ne constitue pas une violation de la Loi, puisque cette dernière n’avait aucune autorité et n’était pas une responsable électorale dans le cadre de l’élection générale qui s’est déroulée le 15 avril 2022 (l’élection générale). Selon l’alinéa 13.21d) de la Loi, une violation substantielle d’une règle, d’un processus ou d’une procédure doit avoir été commise par un « responsable électoral ». En ce qui concerne l’élection générale, il ressort clairement de la Loi qu’un nouveau président d’élection devait être nommé le premier jeudi de mars 2022. Par conséquent, aux fins de l’élection générale et au titre de l’alinéa 13.21d) de la Loi, l’ancienne présidente d’élection n’était pas une responsable électorale.

En outre, et dans tous les cas, l’appelant n’a fourni aucun renseignement ni aucune preuve démontrant qu’un citoyen a réellement été induit en erreur ou que cette question a eu une incidence quelconque sur l’intégrité de l’élection générale ou sur les résultats de celle‑ci.

Pour les motifs qui précèdent, le comité conclut que le premier moyen d’appel est, à première vue, sans fondement.

Deuxième moyen d’appel

L’appelant n’a pas fourni suffisamment de renseignements permettant d’établir une violation à première vue de la Loi. Plus précisément, l’appelant n’a présenté aucun renseignement concernant les publications sur les médias sociaux qu’il conteste et, par conséquent, rien ne permet de conclure que ces publications violaient l’article 10.01 de la Loi. De plus, le dossier d’appel ne contient aucun renseignement factuel permettant de conclure que les publications ont eu des répercussions défavorables sur la candidature de l’appelant ou sur les résultats du scrutin.

Pour les motifs qui précèdent, le comité conclut que le deuxième moyen d’appel est, à première vue, sans fondement.

Troisième moyen d’appel

Les articles 10.1 et 10.2 de la Loi imposent des restrictions aux « candidats » relativement à leur conduite. L’article 10.3 de la Loi énonce expressément que les candidats ne peuvent contrevenir « sciemment ou délibérément, directement ou indirectement, par l’entremise de leurs partisans ou défenseurs », à toute règle prévue aux articles 10.1 et 10.2 de la Loi en matière de campagnes électorales. Afin d’établir qu’un candidat a sciemment ou délibérément contrevenu aux règles prévues aux articles 10.1 et 10.2, il faut démontrer que le candidat a sciemment et directement violé les règles en matière de campagne électorale, ou que le candidat a indirectement violé ces règles (sciemment ou délibérément) par l’entremise d’un partisan ou d’un défenseur. Pour cela, il faudrait que la preuve démontre que le candidat a ordonné ou autorisé la violation de la Loi de manière à ce qu’il soit possible de tirer une conclusion portant que les actions du partisan ou du défenseur sont imputables au candidat.

L’appelant n’a fourni aucun élément de preuve ou renseignement appuyant le fait que les comportements contestés étaient autorisés par Kyra Wilson ou même connus de cette dernière. Les candidats ne sont pas strictement responsables du comportement de leurs partisans, et l’appelant n’a fourni aucun renseignement permettant de conclure que Kyra Wilson aurait sciemment ou délibérément autorisé les violations en question.

Pour les motifs qui précèdent, le comité conclut que le troisième moyen d’appel est, à première vue, sans fondement.

Quatrième moyen d’appel

Fait important, l’appelant reconnaît que l’élection, initialement prévue le 14 avril 2022, devait être reportée à cause de la tempête de neige imprévue. L’appelant ne conteste pas la décision de la présidente d’élection de reporter le jour du scrutin. Il affirme plutôt que celui‑ci aurait dû être remis à une date plus éloignée.

Nous prenons acte du fait que la présidente d’élection avait le pouvoir de reporter le jour du scrutin, initialement prévu le 14 avril 2022, au 15 avril 2022. Il n’appartient pas au comité d’examiner en détail, et rétrospectivement, si la décision était correcte. La question est plutôt celle de savoir si la décision de la présidente d’élection était raisonnable dans les circonstances et conforme aux obligations d’un président d’élection, telles qu’elles sont énoncées dans la Loi. La loi prévoit que l’élection générale doit avoir lieu le deuxième jeudi du mois d’avril; on comprend donc que si le report d’une élection était nécessaire, celle‑ci aurait lieu le plus rapidement possible.

Nous avons soigneusement examiné et pris en compte les renseignements fournis par l’appelant ainsi que les allégations qu’il a formulées, et nous concluons que la décision de la présidente d’élection est raisonnable et conforme à la Loi.

En résumé, pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.

Questions en litige et norme de contrôle

[28] Les questions en litige soulevées dans la présente demande de contrôle judiciaire sont les suivantes :

  1. Les questions préliminaires relatives à la preuve;

  2. Le comité a‑t‑il manqué à son obligation d’équité procédurale envers le demandeur?

  3. La décision du comité est‑elle raisonnable?

[29] Les parties font valoir que les questions d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte. Je suis de cet avis (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79); Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43). Dans l’arrêt Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée], la Cour d’appel fédérale a jugé que l’exercice de révision était particulièrement bien reflété, quoique de manière imparfaite, dans la norme de la décision correcte. La Cour doit déterminer si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée, aux para 54‑56; voir aussi Watson c Syndicat canadien de la fonction publique, 2023 CAF 48 au para 17).

[30] Les parties conviennent également, et je suis d’accord, que la norme de contrôle applicable au fond de la décision du comité est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 23, 25). « La cour de révision doit s’assurer de bien comprendre le raisonnement suivi par le décideur afin de déterminer si la décision dans son ensemble est raisonnable. Elle doit donc se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci […] » (Vavilov, au para 99).

Questions préliminaires relatives à la preuve

[31] Une preuve abondante a été déposée dans le cadre de la présente affaire, et les mêmes documents ont parfois été versés aux dossiers de plus d’une partie.

[32] Le demandeur a déposé :

  1. l’affidavit de David Meeches, souscrit le 17 octobre 2022;

  2. l’affidavit de Jacqueline Meeches, souscrit le 20 octobre 2022;

  3. l’affidavit de Krystle Fosseneuve, souscrit le 18 octobre 2022;

  4. l’affidavit de Christopher Yellowquill, souscrit le 17 octobre 2022;

  5. l’affidavit supplémentaire de Jacqueline Meeches, souscrit le 22 décembre 2022;

  6. la transcription du contre‑interrogatoire de Keely Assiniboine mené le 2 mars 2023;

  7. la transcription du contre‑interrogatoire de Bill Beauchamp mené le 3 mars 2023;

  8. la transcription du contre‑interrogatoire de Kyra Wilson mené le 3 mars;

  9. la transcription du contre‑interrogatoire d’Allen Dennis Myran mené le 3 mars 2023;

  10. le DCT daté du 1er décembre 2022.

[33] Kyra Wilson et Allen Dennis Myran ont déposé :

  1. l’affidavit de Kyra Wilson, souscrit le 27 janvier 2023;

  2. l’affidavit d’Allen Dennis Myran, souscrit le 27 janvier 2023;

  3. l’affidavit de Bill Beauchamp, souscrit le 30 janvier 2023;

  4. la transcription du contre‑interrogatoire de David Meeches mené le 1er mars 2023;

  5. la transcription du contre‑interrogatoire de Jacqueline Meeches mené le 2 mars 2023;

  6. la transcription du contre‑interrogatoire de Krystle Fosseneuve mené le 2 mars 2023;

  7. la transcription du contre‑interrogatoire de Marvin Daniels mené le 1er mars 2023;

  8. la transcription du contre‑interrogatoire de Garnet Meeches mené le 1er mars 2023;

  9. la transcription du contre‑interrogatoire de Christopher Yellowquill mené le 1er mars 2023.

[34] Marvin Daniels et Garnet Meeches ont déposé :

  1. l’affidavit de Garnet Meeches, souscrit le 29 décembre 2022;

  2. l’affidavit de Marvin Daniels, souscrit le 29 décembre 2022;

  3. le contre‑interrogatoire de Kelly Assiniboine;

  4. le contre‑interrogatoire de Bill Beauchamp;

  5. le contre‑interrogatoire de Kyra Wilson;

  6. le contre‑interrogatoire d’Allen Dennis Myran;

  7. le DCT.

[35] Keely Assiniboine a déposé :

  1. l’affidavit de Keely Assiniboine, souscrit le 22 février 2023.

[36] Le demandeur avait initialement signifié et déposé son affidavit ainsi que les affidavits de la présidente d’élection, de la présidente d’élection adjointe, de Christopher Yellowquill, de Myrna Assiniboine et de Dale Myran. Kyra Wilson et Allen Dennis Myran ont soulevé des préoccupations concernant ces deux derniers affidavits lors de la conférence de gestion de l’instance tenue en décembre 2022. Au terme de celle‑ci, les parties sont parvenues à une entente partielle et, le 19 décembre 2022, la juge adjointe Coughlan a rendu une ordonnance enjoignant au demandeur de retirer les affidavits de Myrna Assiniboine et de Dale Myran et de produire un affidavit supplémentaire de la présidente d’élection, et reportant l’instruction de la requête en radiation présentée par Kyra Wilson et Allen Dennis Myran à l’audition de la demande de contrôle judiciaire.

i. Requête en radiation de Kyra Wilson et d’Allen Dennis Myran

[37] Je suis saisie de la requête par laquelle Kyra Wilson et Allen Dennis Myran sollicitent la radiation des éléments de preuve suivants :

Affidavits

  1. l’affidavit du demandeur (une partie des paragraphes 14 et 15 ainsi que les pièces E, F et G dans leur intégralité);

  2. l’affidavit de la présidente d’élection (les paragraphes 5, 14, 16, 17, une partie des paragraphes 19 et 20, les paragraphes 21, 22, 24, 25, 27, 28, ainsi que les pièces D, E et G dans leur intégralité);

  3. l’affidavit supplémentaire de la présidente d’élection (une partie du paragraphe 6 et la pièce D dans son intégralité);

  4. l’affidavit de la présidente d’élection adjointe (le paragraphe 9 et la pièce B dans son intégralité);

  5. l’affidavit de Christopher Yellowquill (le paragraphe 3, une partie du paragraphe 6, le paragraphe 7 ainsi que la pièce A dans son intégralité).

Contre‑interrogatoires

  1. le contre‑interrogatoire du demandeur (de la ligne 4 à la page 33 jusqu’à la ligne 13 à la page 42; de la ligne 23 à la page 19 jusqu’à la ligne 4 à la page 20);

  2. le contre‑interrogatoire de la présidente d’élection (une partie des lignes 5‑6 à la page 27; une partie des lignes 24‑25 à la page 32; de la ligne 16 à la page 49 jusqu’à la ligne 7 à la page 61);

  3. le contre‑interrogatoire de la présidente d’élection adjointe (de la ligne 10 à la page 15 jusqu’à la ligne 15 à la page 28);

  4. le contre‑interrogatoire de Christopher Yellowquill (de la ligne 10 à la page 3 jusqu’à la ligne 3 à la page 4; les lignes 4‑25 à la page 4; de la ligne 4 à la page 5 jusqu’à la ligne 25 à la page 10);

  5. le contre‑interrogatoire de Bill Beauchamp (les lignes 8‑14 à la page 33; de la ligne 3 à la page 36 jusqu’à la ligne 9 à la page 38; de la ligne 14 à la page 40 jusqu’à la ligne 8 à la page 42).

Position de Kyra Wilson et d’Allen Dennis Myran

[38] Kyra Wilson et Allen Dennis Myran affirment que leur requête soulève deux questions, la première étant celle de savoir si les éléments de preuve qui n’ont pas été présentés au comité ni examinés par celui‑ci devraient être radiés du dossier, et la deuxième, celle de savoir si la preuve par ouï‑dire et les opinions devraient être radiées du dossier. Ils font valoir qu’il n’est pas contesté que le comité a rendu sa décision sans avoir examiné les observations de la présidente d’élection, et que la question est celle de savoir si le demandeur peut s’appuyer sur de [traduction] « nouveaux éléments de preuve » qui n’avaient pas été soumis au comité afin de contester la décision sur le fond, et ce, sans avoir présenté de requête à cette fin.

[39] Kyra Wilson et Allen Dennis Myran renvoient à l’arrêt Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 [Access Copyright] aux paragraphes 17 à 20; à l’arrêt Delios c Canada (Procureur général), 2015 CAF 117 [Delios] au paragraphe 42; à la décision Chowdhury c Canada, 2022 CF 1449 au paragraphe 25; à la décision Fondation David Suzuki c Canada (Santé), 2018 CF 379 au paragraphe 36; et à la décision Re Keeprite Workers’ Independent Union et al and Keeprite Products Ltd, 1980 CanLII 1877 (ON CA), 29 OR (2d) 513 au paragraphe 12 pour invoquer la règle générale selon laquelle le dossier de preuve soumis à la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire se limite à celui dont disposait le décideur administratif, à quelques exceptions près. Kyra Wilson et Allen Dennis Myran soutiennent que les éléments de preuve que le demandeur n’avait pas soumis au comité ne sont visés par aucune exception et que ceux‑ci devraient être radiés.

[40] Kyra Wilson et Allen Dennis Myran contestent surtout les observations de la présidente d’élection, qui ont été transmises au comité, mais qui n’ont pas été examinées par ce dernier, et font valoir que le demandeur cherche à s’appuyer sur ces observations pour présenter de nouveaux éléments de preuve ayant trait à une conduite inappropriée, à des comportements harcelants, à des problèmes de sécurité et à de la manipulation de bulletins de vote. Ils soutiennent également que les observations que la présidente d’élection a transmises au comité en réponse à l’appel étaient [traduction] « inappropriées et inadmissibles » puisque, selon la Loi, pareille réponse doit se limiter aux raisons justifiant de rejeter l’appel et non aux raisons justifiant d’y faire droit. De plus, le contrôle judiciaire ne vise pas à pallier un appel déficient (renvoyant à Kelley (Succession) c Canada (Procureur général), 2011 CF 1335 au para 13; Chopra c Canada (Treasury Board), 1999 CanLII 8044 (CF), [1999] ACF no 835 au para 9).

[41] En ce qui a trait à la preuve par ouï‑dire, Kyra Wilson et Allen Dennis Myran renvoient au paragraphe 81(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles]. Ils font valoir que la preuve par ouï‑dire en l’espèce concerne des questions controversées, telles que la manipulation des bulletins de vote, le harcèlement des électeurs et l’intégrité de l’élection. Les témoins de ces prétendus événements n’ont pas déposé d’affidavit et ne sont pas parties à la présente demande de contrôle judiciaire. Ils n’ont pas pu être contre‑interrogés et leur témoignage n’a pas pu être vérifié. Kyra Wilson et Allen Dennis Myran soutiennent qu’ils subiront un préjudice si ces éléments de preuve sont admis (renvoyant à Premières Nations de Rainy River c Bombay, 2022 CF 1434 [Rainy River] aux para 35 et 40).

[42] En outre, Kyra Wilson et Allen Dennis Myran soutiennent que les affidavits et contre‑interrogatoires de la présidente d’élection, d’Allen Dennis Myran et de Christopher Yellowquill pourraient aussi être radiés du fait qu’ils contiennent des opinions.

Position du demandeur

[43] Le demandeur accepte de retirer une partie du paragraphe 15 de son affidavit et plus particulièrement la pièce F, soit les observations de la présidente d’élection, car il est préférable que ces observations fassent partie de l’affidavit supplémentaire de la présidente d’élection, auquel elles sont jointes en tant que pièce D. Le demandeur accepte également de retirer une partie de son contre‑interrogatoire, de la ligne 4 à la page 33 jusqu’à la ligne 13 à la page 42.

[44] Le demandeur soutient que les autres éléments de preuve contestés relèvent des exceptions à la règle générale selon laquelle le dossier soumis à la Cour dans le cadre du contrôle judiciaire se limite au dossier dont disposait le décideur. Il affirme plus précisément que ces éléments permettent à la Cour de connaître le contexte et les renseignements dont elle a besoin pour pouvoir trancher les questions dont elle est saisie, et qu’ils portent à l’attention de la Cour des vices de procédure qu’on ne peut déceler dans le DCT. Le demandeur fait valoir que l’affidavit et l’affidavit supplémentaire de la présidente d’élection contiennent des informations générales à propos des allégations qu’il a formulées dans son appel. Selon le demandeur, les observations de la présidente d’élection fournissent des informations générales et permettent de [traduction] « corriger un vice de procédure » étant donné qu’elles n’avaient pas été versées au DCT, alors qu’elles auraient dû l’être, de sorte que le DCT était incomplet. Les observations de la présidente d’élection contiennent également le message que Kyra Wilson a publié sur Facebook, message auquel renvoyait le demandeur dans son appel et sur lequel il s’était appuyé pour affirmer qu’une allégation infondée formulée contre lui avait été publiée sur les médias sociaux en violation de la Loi. Le demandeur soutient que cet élément de preuve est nécessaire pour fournir des informations générales qui révèlent le contenu du message publié sur les médias sociaux, puisqu’il n’avait pas accès à celui‑ci lorsqu’il a déposé son appel.

[45] De plus, le demandeur fait valoir que la pièce F de l’affidavit de la présidente d’élection, à savoir une publication sur les médias sociaux intitulée [traduction] « Annonce officielle », qui informait la population que l’ouverture des bureaux de vote, prévue le 14 avril 2022, serait reportée en raison de la tempête hivernale, ainsi que l’affidavit de Christopher Yellowquill, présentent de l’information générale sur la tempête. Il fait aussi valoir que dans son appel, il fournit des renseignements importants sur les répercussions de la tempête. De même, le paragraphe 9 et la pièce B de l’affidavit de la présidente d’élection adjointe, qui traitent de cinq messages provenant de citoyens tribaux qui n’ont pas pu voter en raison de la tempête, contiennent des informations générales qui ne sont pas essentiellement nouvelles.

Position des autres défendeurs

[46] Marvin Daniels, Garnet Meeches et Keely Assiniboine n’ont présenté aucune observation en réponse à la requête en radiation.

Analyse

[47] Dans l’arrêt Access Copyright, le juge Stratas a fait remarquer que, pour se prononcer sur l’admissibilité d’un affidavit à l’appui d’une demande de contrôle judiciaire, il faut garder à l’esprit les divers rôles joués par la Cour et par le décideur administratif (au para 14). Le législateur a conféré au décideur administratif, et non à la Cour, la compétence pour trancher certaines questions sur le fond. En raison de ces rôles bien distincts, la Cour ne saurait se permettre de tirer des conclusions de fait sur le fond. Par conséquent, en principe, le dossier de preuve qui est soumis à la Cour lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire se limite au dossier de preuve dont disposait le décideur. Les éléments de preuve qui n’ont pas été portés à la connaissance du décideur et qui ont trait au fond de l’affaire ne sont, à quelques exceptions près, pas admissibles (Access Copyright, aux para 14‑19).

[48] Les exceptions reconnues sont les suivantes : un affidavit qui contient des informations générales susceptibles d’aider la Cour à comprendre les questions qui se rapportent au contrôle judiciaire, mais qui ne va pas plus loin en fournissant des éléments de preuve se rapportant au fond de la question déjà tranchée par le tribunal administratif; un affidavit qui porte à l’attention de la juridiction de révision des vices de procédure qu’on ne peut déceler dans le dossier de preuve du tribunal administratif et qui permet ainsi à la juridiction de révision de remplir son rôle d’organe chargé de censurer les manquements à l’équité procédurale; un affidavit qui fait ressortir l’absence totale de preuve dont disposait le tribunal administratif lorsqu’il a tiré une conclusion déterminée (Access Copyright, au para 20; voir aussi Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263 [Bernard] aux para 19‑25; et Delios, au para 45).

[49] Dans l’arrêt Delios, le juge Stratas a précisé ce qui suit au sujet de l’exception relative aux renseignements généraux :

[44] Selon cette exception, une partie peut déposer un affidavit contenant « des informations générales qui sont susceptibles d’aider [la cour de révision] à comprendre les questions qui se rapportent au contrôle judiciaire » : Access Copyright, précité, au paragraphe 20a).

[45] L’exception des « renseignements généraux » vise les observations pur[e]s et simples propres à diriger la réflexion du juge réformateur afin qu’il puisse comprendre l’historique et la nature de l’affaire dont le décideur administratif était saisi. Dans les procédures de contrôle judiciaire visant les décisions administratives complexes se rapportant à des procédures et des faits compliqués, étayées par des centaines ou des milliers de documents, le juge réformateur trouve utile de recevoir un affidavit qui passe brièvement en revue, d’une manière neutre et non controversée, les procédures qui se sont déroulées devant le décideur administratif, et les catégories de preuves que les parties ont présentées à l’administrateur. Dans la mesure où l’affidavit ne s’engage pas dans une interprétation tendancieuse ou une prise de position – rôle de l’exposé des faits et du droit –, il est recevable à titre d’exception à la règle générale.

[46] Toutefois, « [o]n doit s’assurer que l’affidavit ne va pas plus loin en fournissant des éléments de preuve se rapportant au fond de la question déjà tranchée par le tribunal administratif, au risque de s’immiscer dans le rôle que joue le tribunal administratif en tant que juge des faits et juge du fond » : Access Copyright, précité, au paragraphe 20a).

a) Observations de la présidente d’élection et éléments de preuve connexes

[50] En l’espèce, les observations de la présidente d’élection en réponse à l’appel constituent l’élément de preuve le plus litigieux. J’ouvre ici une parenthèse pour faire remarquer qu’elles sont incluses dans l’affidavit du demandeur, au paragraphe 15, pièce F, dans l’affidavit supplémentaire de la présidente d’élection, au paragraphe 6, pièce D, et dans l’affidavit de Bill Beauchamp, au paragraphe 19, pièce E. Après l’audience, il a été porté à mon attention que, bien que les trois affidavits contenaient les 12 pages des observations écrites en réponse à l’appel (y compris la lettre d’accompagnement), les pièces jointes aux observations différaient. Dans l’affidavit du demandeur et celui de la présidente d’élection, les pièces jointes aux observations comptaient 19 pages, alors que dans l’affidavit de Bill Beauchamp, les pièces jointes comptaient 58 pages. Puisque, dans ses observations écrites, la présidente d’élection a renvoyé à des documents joints, il semble vraisemblable que Bill Beauchamp ait annexé à son affidavit ces pièces dans leur intégralité. Dans une directive du 15 septembre 2023, j’ai demandé aux parties de confirmer, avant la fin de la journée, que la version intégrale des pièces jointes aux observations écrites de la présidente d’élection était annexée à l’affidavit de Bill Beauchamp. On m’a confirmé que c’était bien le cas dans une lettre datée du 20 septembre 2023, transmise avec le consentement de toutes les parties.

[51] Il n’est pas contesté que le comité a demandé à la présidente d’élection de fournir des observations relativement à l’appel du demandeur, que la présidente d’élection a fourni de telles observations et que le comité a reçu les observations avant qu’il ne communique sa décision au demandeur et à la présidente d’élection. Le contre‑interrogatoire de Bill Beauchamp (dont l’admissibilité de certaines parties est mise en doute, comme je l’expose ci‑après) révèle que le comité a pris sa décision aux environs de 13 h, le 20 avril 2022, avant que Bill Beauchamp n’envoie les messages textes à la présidente d’élection concernant la demande de cette dernière de proroger le délai pour la transmission de ses observations en réponse. De plus, même si les observations de la présidente d’élection ont été reçues vers 16 h 30, le 21 avril 2022, le comité ne les a pas examinées avant de communiquer au demandeur (à 17 h 47) et à la présidente d’élection (à 18 h 37) la décision qu’il avait déjà prise.

[52] L’article 317 des Règles traite du matériel en la possession de l’office fédéral :

317(1) Matériel en la possession de l’office fédéral – Toute partie peut demander la transmission des documents ou des éléments matériels pertinents quant à la demande, qu’elle n’a pas mais qui sont en la possession de l’office fédéral dont l’ordonnance fait l’objet de la demande, en signifiant à l’office une requête à cet effet puis en la déposant. La requête précise les documents ou les éléments matériels demandés.

[53] Comme je le mentionne plus haut, le 28 novembre 2022, la Cour a ordonné au comité de déposer un DCT.

[54] Le 1er décembre 2022, Bill Beauchamp a déposé le DCT à titre de président du comité. Il a affirmé qu’il certifiait [traduction] « que les documents joints au présent dossier [étaient] des copies conformes des documents pertinents qui étaient en la possession du comité d’appel en matière d’élections et qui ont été examinés par celui‑ci pour rendre sa décision du 21 avril 2022, laquelle fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire » (non souligné dans l’original). Le DCT ne contenait que l’appel déposé par le demandeur et une copie de la Loi. Il ne contenait pas de notes prises durant les réunions, de compte rendu des délibérations ou de communication de quelque nature que ce soit.

[55] Fait important, le paragraphe 317(1) ne limite pas le DCT aux documents ou aux éléments matériels pertinents qui ont été [traduction] « examinés par » l’office fédéral. Si c’était le cas, un office fédéral pourrait simplement refuser d’examiner des éléments de preuve pertinents et ainsi refuser de les verser au DCT. Cette situation serait fortement préjudiciable aux demandeurs et contraire à l’objectif de la disposition. En fait, selon l’article 318, si l’office fédéral s’oppose à la demande de transmission, il doit informer par écrit toutes les parties et l’administrateur de la Cour des motifs de son opposition. La Cour peut alors donner des directives aux parties pour qu’elles présentent des observations à cet égard et, après avoir examiné ces observations, rendre une ordonnance en conséquence.

[56] Dans l’arrêt Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright) c Alberta, 2015 CAF 268 [Canadian Copyright], le juge Stratas s’est exprimé ainsi dans le contexte du contrôle judiciaire d’une décision dont le caractère raisonnable était contesté :

[13] La règle 317 reflète la réalité d’aujourd’hui, c’est‑à‑dire que les motifs admissibles de contrôle judiciaire sont plus vastes qu’ils l’ont déjà été. Il donne au demandeur le droit de recevoir tout ce dont était saisi le décideur au moment où celui‑ci a rendu sa décision et que le demandeur n’a pas en sa possession : The Access Information Agency Inc. c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 224, au paragraphe 7. Cela permet aux parties de [TRADUCTION] « se prévaloir efficacement de leur droit de contester des décisions administratives du point de vue du caractère raisonnable » et de [TRADUCTION] « faire en sorte que la cour de révision [qui est appelée à statuer sur le caractère raisonnable] examine la preuve présentée au tribunal en question » : Hartwig c. Saskatchewan (Commission of Inquiry), 2007 SKCA 74, 284 D.L.R. (4th) 268, au paragraphe 24 (où des commentaires sont formulés relativement à une règle semblable à l’article 317).

[57] En l’espèce, le comité n’a pas révélé l’existence des observations de la présidente d’élection, alors qu’il les avait en sa possession, puis a refusé de les fournir pour des raisons de pertinence ou autre. Le comité n’a tout simplement pas versé les observations au DCT. Cela dit, le demandeur a affirmé, dans son affidavit, que la présidente d’élection lui avait transmis une copie de ses observations en réponse à une lettre qu’il lui avait envoyée le 21 avril 2022. Les observations de la présidente d’élection étaient donc en la possession du demandeur et, pour ce motif, il n’était pas strictement nécessaire qu’elles soient également versées au DCT.

[58] Kyra Wilson et Allen Dennis Myran font cependant valoir que les observations ne sont pas pertinentes, puisqu’elles n’ont pas été examinées par le comité et qu’elles ne font donc pas partie du dossier. Je ne suis pas d’accord. Les documents dont disposait le décideur administratif ne peuvent être jugés non pertinents, et donc ne pas être inclus dans le dossier, simplement parce que ce dernier n’en a pas tenu compte. Si tel était le cas, cela voudrait dire, par exemple, que des documents dont le décideur a fait abstraction par mégarde pourraient alors être jugés non pertinents.

[59] La pertinence des documents (aux fins de l’article 317) dépend des motifs invoqués en faveur du contrôle dans l’avis de demande, et la Cour doit s’employer à en faire une lecture globale et pratique (Tsleil‑Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 128 [Tsleil‑Waututh] aux para 109‑110). En l’espèce, selon les motifs exposés dans l’avis de demande modifié, le comité n’aurait pas pris en compte les observations de la présidente d’élection et la décision rendue serait déraisonnable. La Cour a également statué que « […] pour apprécier la pertinence d’un document aux fins de l’article 317 des Règles, il ne s’agit pas de savoir si le décideur n’a pas pris en compte certaines preuves, mais plutôt si ces preuves ont été présentées au décideur ou auraient dû l’être » (Gagliano c Canada (Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires), 2006 CF 720 au para 83). Dans l’affaire qui nous occupe, étant donné qu’il ressort clairement du dossier que les observations de la présidente d’élection ont été demandées et reçues par le comité, ce que reconnaissent Kyra Wilson et Allen Dennis Myran, je suis d’avis que les observations sont, à première vue, pertinentes.

[60] Comme je l’indique plus haut, dans sa décision, le comité n’a aucunement mentionné avoir demandé à la présidente d’élection de fournir des observations et les avoir reçues. Le comité ne dit absolument rien à propos des observations. Ces dernières n’ont pas non plus été versées au DCT, qui, par ailleurs, ne contient aucun document permettant d’expliquer pourquoi les observations de la présidente d’élection n’ont pas été prises en compte. Ainsi, rien dans les motifs ou au dossier ne permet de savoir quelles ont pu être les raisons du comité pour prendre une décision avant d’avoir reçu les observations de la présidente d’élection et, une fois les observations reçues, pour ne pas en avoir tenu compte avant de communiquer sa décision. Ni les motifs ou le dossier ne démontrent que le comité a refusé de prendre en compte les observations de la présidente d’élection parce que celles‑ci n’étaient pas pertinentes ou pour toute autre raison. Je prends acte du fait que, dans son affidavit et son contre‑interrogatoire, Bill Beauchamp fournit des explications pour l’absence de prise en compte des observations par le comité. Toutefois, pour les motifs exposés ci‑après, je suis d’avis qu’aucun poids ne doit être accordé aux explications fournies après coup par le décideur quant au raisonnement que celui‑ci a suivi.

[61] Comme Kyra Wilson et Allen Dennis Myran font valoir que les observations n’étaient pas à la disposition du comité lorsque celui‑ci a pris sa décision, je fais d’abord remarquer que rien dans le dossier n’indique à quel moment la décision a réellement été prise. Quoi qu’il en soit, le comité a demandé à la présidente d’élection de présenter des observations, a effectué un suivi auprès de cette dernière afin de savoir à quel moment il les recevrait, a reçu les observations avant de communiquer la décision au demandeur, mais a choisi de ne pas les examiner. À mon avis, même si la décision avait déjà été prise, rien n’empêchait le comité d’examiner les observations à leur réception et de reconsidérer ou de réviser la décision avant de la communiquer, le cas échéant. Ou encore, si le comité avait refusé de prendre en compte les observations, rien ne l’empêchait d’accuser réception de celles‑ci et d’expliquer, dans sa décision, pourquoi il n’en a pas tenu compte. Dans ces circonstances, je suis d’avis que les observations de la présidente d’élection peuvent être considérées comme pertinentes et comme ayant été [traduction] « en la possession » du comité lorsqu’il a pris sa décision, ou du moins lorsqu’il l’a communiquée.

[62] Par conséquent, il ne s’agit pas d’une situation où le demandeur cherche à présenter des éléments de preuve qui n’étaient pas en la possession du décideur administratif et où il doit démontrer que les éléments en question relèvent de l’une des exceptions à la règle générale selon laquelle la Cour ne tient compte que des éléments de preuve qui étaient à la disposition du décideur.

[63] Il s’agit plutôt d’une situation qui ressemble davantage à celle dans l’affaire Canadian Copyright, étant donné que le demandeur avait en sa possession les observations de la présidente d’élection après que celle‑ci lui en avait fourni une copie. Dans cette affaire, des documents qu’une partie avait en sa possession et dont le décideur administratif était saisi au moment où il a rendu sa décision, documents qui pouvaient être pertinents aux fins du contrôle judiciaire, n’ont pas été transmis par le décideur en réponse à une demande faite en vertu de l’article 317 (au para 19). Dans l’arrêt Canadian Copyright, le juge Stratas a déclaré que des documents qui étaient en la possession d’une partie et dont le décideur était saisi, mais qui n’ont pas été produits à la suite d’une requête au titre de l’article 317 des Règles, peuvent être présentés à la cour au moyen d’un affidavit (au para 21).

[64] En l’espèce, contrairement à l’affaire Canadian Copyright où la demanderesse avait simplement versé la preuve au dossier de demande (même si, au bout du compte, elle avait été jugée admissible), le demandeur a produit les observations de la présidente d’élection, y compris la lettre d’accompagnement que cette dernière avait soumise au comité avec ses observations, en tant que pièce F de son affidavit. Le demandeur a ainsi établi que les observations de la présidente d’élection étaient en la possession du décideur et les a dûment produites en tant que pièce jointe à son affidavit. Par conséquent, la pièce a été a dûment ajoutée au dossier au moyen de l’affidavit du demandeur.

[65] Les observations de la présidente d’élection n’étaient donc pas un « nouvel élément de preuve », comme le font valoir Kyra Wilson et Allen Dennis Myran, et le demandeur n’était pas tenu de les présenter au moyen d’une requête.

[66] Quant à l’argument de Kyra Wilson et d’Allen Dennis Myran selon lequel les observations que la présidente d’élection a transmises au comité en réponse à l’appel étaient [traduction] « inappropriées et inadmissibles » puisque, selon la Loi, pareille réponse doit se limiter aux raisons justifiant de rejeter l’appel et non aux raisons justifiant d’y faire droit, le DCT et la décision sont, encore une fois, muets à ce sujet. Le raisonnement qui sous‑tend cet argument ne ressort pas de la décision ni du dossier. Quoi qu’il en soit, pour les motifs que j’expose plus loin relativement à la question du caractère raisonnable de la décision, je ne peux retenir la prémisse de cet argument.

[67] Pour les motifs qui précèdent, je refuse de radier ou d’écarter le paragraphe 15 de l’affidavit du demandeur ainsi que les pièces F et G. De la même manière, je refuse également de radier ou d’écarter le paragraphe 14 de l’affidavit du demandeur qui introduit la pièce E, à savoir une lettre datée du 21 avril 2022 que le demandeur a envoyée à la présidente d’élection. Dans la lettre, le demandeur décrit les appels téléphoniques qu’il a passés à Bill Beauchamp après le prononcé de la décision et rapporte que ce dernier a mentionné que le comité n’avait pas pris en compte les observations de la présidente d’élection. Il y sollicite aussi une copie des observations de la présidente d’élection, de toute communication entre cette dernière et le comité ainsi que des notes se rapportant à la décision.

[68] Pour les mêmes motifs, je refuse de radier ou d’écarter le paragraphe 6 et la pièce D (les observations et la lettre d’accompagnement transmises au comité) de l’affidavit supplémentaire de la présidente d’élection, ainsi que le paragraphe 14 et la pièce D de l’affidavit de la présidente d’élection. Les réponses fournies par la présidente d’élection aux questions qui lui ont été posées en contre‑interrogatoire concernant ses observations en réponse à l’appel du demandeur sont aussi admissibles.

b) Autres éléments de preuve contestés

[69] Comme le font valoir à juste titre les deux parties, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, les éléments de preuve qui n’ont pas été portés à la connaissance du décideur et qui concernent le fond de l’affaire ne sont, à quelques exceptions près, pas admissibles. La question est donc celle de savoir si les autres éléments de preuve contestés présentés par le demandeur relèvent d’au moins une des quelques exceptions reconnues.

[70] À mon avis, le demandeur s’est appuyé à tort sur l’exception relative aux informations générales (ou aux renseignements généraux), qui est énoncée dans les arrêts Access Copyright et Bernard. Comme je le mentionne plus haut, l’exception relative aux informations générales s’applique aux situations où ces informations sont susceptibles d’aider la Cour à comprendre les questions qui se rapportent au contrôle judiciaire, mais où celles‑ci ne vont pas plus loin en fournissant des éléments de preuve se rapportant au fond de la question déjà tranchée par le tribunal administratif (Bernard, au para 22). Il ne s’agit pas de nouveaux renseignements sur le fond. Ils se bornent à résumer la preuve se rapportant au fond de la question dont était saisi le décideur administratif (Bernard, au para 20).

[71] En ce qui concerne la pièce D de l’affidavit de la présidente d’élection, soit une publication de Kyra Wilson sur Facebook, le demandeur soutient que cette pièce fournit de l’information générale en lien avec son moyen d’appel portant qu’une allégation infondée a été formulée contre lui sur Facebook, à savoir qu’il aurait retiré des affiches électorales d’une autre candidate. Je fais remarquer que la publication en question fait partie des observations de la présidente d’élection et est donc admissible, puisqu’il ne s’agit pas d’un nouvel élément de preuve qui n’était pas à la disposition du comité.

[72] La pièce E de l’affidavit de la présidente d’élection est une lettre d’une représentante de la communauté dans laquelle celle‑ci rapporte des informations reçues d’une tierce partie selon lesquelles deux personnes indiquaient aux électeurs pour qui voter à un bureau de vote par anticipation. Cet élément de preuve était inclus dans les observations de la présidente d’élection. Dans la partie écrite de ses observations, la présidente d’élection explique comment la situation s’est produite et précise que la déclaration de la représentante de la communauté, datée du 19 avril 2022, y est jointe. La lettre de la représentante de la communauté était donc [traduction] « en la possession » du comité, puisqu’elle était jointe aux observations. Toutefois, le contenu de la lettre constitue du ouï‑dire et ne respecte pas les exigences énoncées à l’article 81 des Règles. Effectivement, lorsqu’il a comparu devant moi, l’avocat du demandeur a admis que le contenu de la lettre était inadmissible pour ce motif. Je suis de cet avis.

[73] Les photos qui, selon le demandeur, visaient à démontrer que les allées n’étaient pas déneigées le 15 avril 2022, qui sont mentionnées au paragraphe 6 de l’affidavit de Christopher Yellowquill et jointes à celui-ci et qui n’étaient pas jointes aux observations de la présidente d’élection, sont de nouveaux éléments de preuve inadmissibles. Par ailleurs, la pièce G de l’affidavit de la présidente d’élection, soit une capture d’écran d’un message texte qu’elle a reçu de Christopher Yellowquill à propos de l’état des entrées, était incluse dans ses observations et est donc admissible à titre d’élément de preuve qui était en la possession du comité.

[74] On ne peut en dire autant du paragraphe 9 et de la pièce B de l’affidavit de Krystle Fosseneuve, qui concernent cinq messages textes ou messages sur les médias sociaux à propos de la tempête et de l’incapacité des personnes à se rendre au bureau de vote. Ces éléments n’étaient pas inclus dans les observations de la présidente d’élection et n’étaient pas à la disposition du comité. Il s’agit donc de nouveaux éléments de preuve, qui ne sont pas admissibles.

[75] En règle générale, le pouvoir discrétionnaire de radier un affidavit en partie ou en totalité doit être exercé avec modération et seulement dans des cas exceptionnels (Canada (Bureau de régie interne) c Canada (Procureur général), 2017 CAF 43 au para 29), surtout dans le cas des demandes de contrôle judiciaire (Rainy River, au para 36, renvoyant à Gravel c Telus Communications Inc, 2011 CAF 14 au para 5). Au lieu de procéder à une radiation, le juge de première instance peut choisir de tirer une conclusion défavorable à l’égard de l’affidavit contesté (ou de parties de celui‑ci), de lui accorder peu de poids ou de ne lui en accorder aucun (Rainy River, au para 36, renvoyant à O’Grady c Canada (Procureur général), 2016 CAF 221 au para 11; voir aussi Première Nation Alexander c Burnstick, 2021 CF 618 [Première Nation Alexander] au para 42). En l’espèce, aucun poids ne sera accordé aux éléments de preuve qui n’étaient pas à la disposition du comité, aux parties des contre‑interrogatoires s’y rapportant ainsi qu’aux témoignages d’opinion et à la preuve par ouï‑dire.

[76] La requête en radiation sera rejetée.

c) Affidavit et contre‑interrogatoire de Bill Beauchamp

[77] Dans une directive du 28 août 2023, j’ai demandé qu’à l’audience, les parties soient prêtes à traiter de jugements tels que l’arrêt Stemijon Investments Ltd c Canada (Procureur général), 2011, CAF 299 [Stemijon] (voir para 40‑42) et la décision Halcrow c Première Nation de Kapawe’no, 2021 CF 219 [Halcrow] (voir para 37‑39) en lien avec l’affidavit et le contre‑interrogatoire de Bill Beauchamp, président du comité.

[78] J’avais des réserves quant au fait que Kyra Wilson et Allen Dennis Myran, dans leurs observations, s’appuyaient sur des parties de l’affidavit et du contre‑interrogatoire de Bill Beauchamp pour expliquer pourquoi les observations de la présidente d’élection n’avaient pas été prises en compte par le comité, car ni les motifs de la décision ni le DCT ne traitaient de cette question.

[79] Comme l’a conclu la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Sellathurai c Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 255, et comme le révèle la jurisprudence de la Cour, un décideur ne peut améliorer les motifs donnés au demandeur par le biais d’un affidavit déposé dans le cadre d’une instance en contrôle judiciaire, car « [t]oute autre conception de la question aurait pour effet de permettre aux tribunaux de corriger un vice entachant leur décision en déposant des motifs complémentaires sous forme d’affidavit. Agir ainsi revient à demander à l’auteur d’une demande de contrôle judiciaire de chercher à atteindre une cible mouvante » (aux para 46‑48; voir aussi Beeswax c Chippewas of the Thames First Nation, 2023 CF 767 au para 23).

[80] Dans l’arrêt Stemijon, la Cour d’appel fédérale a exposé très clairement des motifs similaires. Dans cette affaire, l’intimé, au cours des plaidoiries, a renvoyé la Cour d’appel fédérale à un affidavit qui avait été déposé auprès de la Cour fédérale. Il s’agissait de l’affidavit du délégué du ministre qui avait rendu la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire. Dans cet affidavit, de même que dans le contre‑interrogatoire portant sur cet affidavit, le délégué avait déclaré qu’il s’était appuyé sur d’autres éléments lorsqu’il avait rendu sa décision. La Cour d’appel fédérale s’est exprimée en ces termes :

[41] La Cour fédérale semble n’avoir accordé aucun poids à cet élément de preuve. Je n’y accorde pas de poids non plus. Ce genre de preuve n’est pas admissible dans le cadre d’un contrôle judiciaire (Keeprite Workers’ Independent Workers Union et al. and Keeprite Products Ltd. (1980), 1980 CanLII 1877 (ON CA), 114 D.L.R. (3d) 162 (C.A. Ont.)). Le décideur avait pris sa décision et il était functus officio (Chandler c. Alberta Association of Architects, 1989 CanLII 41 (CSC), [1989] 2 R.C.S. 848). Une fois la décision prise, il n’avait pas le droit de déposer un affidavit qui complète les motifs de sa décision, énoncés dans la lettre de décision, qui plus est après le dépôt d’une demande de contrôle judiciaire contestant la décision en question. Par son affidavit, il tente d’étoffer après le fait sa décision, ce qui n’est pas permis (United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America c. Bransen Construction Ltd., 2002 NBCA 27, au paragraphe 33). Logiquement, tout nouveau motif offert par un décideur après la contestation de sa décision doit être considéré avec beaucoup de méfiance (R. c. Teskey, 2007 CSC 25, [2007] 2 R.C.S. 267[)].

[42] En l’espèce, le ministre était tenu de divulguer toutes les raisons véritables ayant motivé sa décision au moment où il l’a rendue. Pour les connaître, il faut examiner la lettre de décision, de concert avec le dossier pertinent. Or, en l’espèce, le dossier pertinent ne jette aucune lumière sur les fondements de la décision du ministre et, par conséquent, les motifs énoncés dans la lettre de décision du ministre doivent parler d’eux‑mêmes.

[81] Dans la décision Halcrow, les parties se sont opposées à ce que la Cour prenne en considération l’affidavit d’un membre du comité d’appel en matière d’élections de la Première Nation de Kapawe’no parce qu’il était inapproprié qu’un membre du comité dépose un affidavit dans le cadre du contrôle judiciaire de la décision rendue par ce comité. La juge McDonald a souscrit à cet argument :

[37] En ce qui concerne ces objections, il est utile de rappeler tout d’abord la règle générale selon laquelle, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour ne tient compte que des éléments de preuve dont disposait le décideur (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency, 2012 CAF 22 au para 19; voir également Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263 aux para 13‑18; Delios c Canada (Procureur général), 2015 CAF 117 au para 42; Stemijon Investments Ltd c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299 au para 41).

[38] Les exceptions à cette règle générale comprennent les circonstances dans lesquelles des preuves supplémentaires sont nécessaires pour mettre en lumière ou résumer des renseignements généraux, ou des preuves sont nécessaires pour expliquer l’absence de preuve concernant une question donnée, ou lorsque ces preuves sont nécessaires pour expliquer un but illégitime ou une fraude (Bernard, aux para 19‑25).

[39] L’affidavit d’Anita Cunningham, membre du comité d’appel, est particulièrement préoccupant. Un décideur ne peut pas tenter de justifier sa décision, après coup, lorsque la justification de la décision ne peut être vérifiée sur le fondement des renseignements se trouvant dans le dossier (Stemijon, aux para 41 et 42). Les déclarations contenues dans l’affidavit d’Anita Cunningham constituent une tentative de justifier et d’expliquer les motifs de la décision du comité d’appel et de répondre à l’allégation de crainte de partialité. Par conséquent, l’affidavit d’Anita Cunningham ne sera pas pris en compte dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire. Pour les mêmes raisons, le paragraphe 73 de l’affidavit de Lydia Cunningham est radié.

[82] Lorsqu’elles ont comparu devant moi, les avocates de Kyra Wilson et d’Allen Dennis Myran ont fait valoir que l’affaire Halcrow n’était pas comparable à celle qui nous occupe, car, dans cette affaire, le comité n’avait pas suffisamment motivé sa décision. À mon avis, cette observation n’est d’aucun secours aux défendeurs. Le principe portant qu’il n’est pas permis d’étoffer les motifs d’une décision après coup (ou l’autojustification) n’a rien à voir avec le caractère détaillé ou non des motifs initialement exposés par le décideur; ce principe désigne le seul fait de compléter ces motifs. Que les motifs d’une décision soient peu abondants ou détaillés, il ne convient pas de les étoffer une fois la décision rendue. En l’espèce, le comité n’a pas expliqué pourquoi il n’a pas pris en compte les observations de la présidente d’élection, et aucune justification ne ressort du DCT. À titre de président du comité, Bill Beauchamp a tenté, dans son affidavit et son contre‑interrogatoire, d’étoffer les motifs fournis par le comité en expliquant pourquoi les observations de la présidente d’élection n’avaient pas été prises en compte (ainsi qu’en expliquant le raisonnement qui sous‑tendait la décision du comité), ce qui n’est pas permis.

[83] Les avocates de Kyra Wilson et d’Allen Dennis Myran ont également renvoyé à l’arrêt Ontario (Commission de l’énergie) c Ontario Power Generation Inc, 2015 CSC 44 [Ontario Power]. Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur le rôle qui seyait à la Commission de l’énergie de l’Ontario dans le cadre de l’appel dont elle était saisie. La Cour suprême a traité de la participation des décideurs administratifs à l’appel ou au contrôle de leurs propres décisions, plus particulièrement de la qualité pour agir d’un tribunal administratif. Dans l’affaire Ontario Power, la loi applicable prévoyait expressément que la Commission de l’énergie de l’Ontario avait le droit d’être représentée par un avocat lors de l’audition de l’appel devant la Cour divisionnaire. La Cour suprême a fait remarquer que la disposition en question ne conférait pas expressément à la Commission une qualité pour agir qui permettait de faire valoir le bien‑fondé de sa décision en appel ni ne limitait expressément la thèse qu’elle pouvait défendre à la présentation d’arguments relatifs à la compétence ou à la norme de contrôle. Elle a conclu que la participation de la Commission au pourvoi n’avait rien d’inapproprié et a ensuite examiné la question de savoir si les arguments de la Commission étaient appropriés.

[84] La Cour suprême a traité de l’« autojustification », un phénomène qui, dans le contexte de la qualité pour agir, se produit lorsqu’un tribunal cherche, par la présentation de nouveaux arguments en appel, à étoffer une décision qui, sinon, serait lacunaire. Kyra Wilson et Allen Dennis Myran invoquent le paragraphe 68 de l’arrêt Ontario Power, qui est libellé ainsi :

[68] Je ne suis pas convaincu que la formulation en appel de nouveaux arguments qui interprètent la décision initiale ou qui l’étayaient implicitement, mais non expressément, va à l’encontre du principe du caractère définitif. De même, il n’est pas contraire à ce principe de permettre au tribunal d’expliquer à la cour de révision quelles sont ses politiques et pratiques établies, même lorsque les motifs contestés n’en font pas mention. Le tribunal n’a pas à les expliquer systématiquement dans chaque décision à la seule fin de se prémunir contre une allégation d’autojustification advenant qu’il soit appelé à les préciser en appel ou en contrôle judiciaire. Il peut aussi répondre aux arguments de la partie adverse dans le cadre du contrôle judiciaire de sa décision car il le fait dans le but de faire confirmer sa décision initiale, non de rouvrir le dossier et de rendre une nouvelle décision ou de modifier la décision initiale. L’effet de la décision initiale demeure inchangé même lorsque le tribunal demande sa confirmation en offrant une interprétation de cette décision ou en invoquant des motifs qui la sous‑tendent implicitement.

[85] En l’espèce, la qualité pour agir du comité n’est pas prévue par une loi fédérale, et le comité ne participe pas à un appel interjeté contre sa propre décision. Le comité ne cherche pas à invoquer un nouvel argument en tant que participant à pareille procédure d’appel.

[86] Même si les décideurs administratifs déposent parfois des affidavits dans le cadre de contrôles judiciaires, le contenu de tels affidavits est généralement admissible au titre de l’exception relative aux informations générales étant donné que ces affidavits traitent le plus souvent des politiques, des procédures ou des pratiques normalement suivies par le tribunal administratif. Les affidavits ne vont pas plus loin en motivant davantage la décision faisant l’objet du contrôle.

[87] À mon avis, Bill Beauchamp, au moyen de son affidavit et de son contre‑interrogatoire, a cherché à expliquer pourquoi les observations de la présidente d’élection n’avaient pas été prises en compte et comment le comité était parvenu à ses conclusions, ce qui constitue une tentative évidente d’étoffer davantage la décision du comité. Les motifs du comité, tels qu’ils sont exposés dans la décision et dans le DCT, doivent être considérés par la Cour comme étant le fondement de la décision. Ni la décision ni le DCT ne permet de comprendre pourquoi le comité a fait abstraction des observations de la présidente d’élection. Je ne tiendrai pas compte des explications fournies à cet égard par Bill Beauchamp dans son affidavit et son contre‑interrogatoire ni de celles liées au raisonnement qui sous‑tend les conclusions tirées par le comité, et je ne leur accorderai aucun poids.

Le comité a‑t‑il manqué à son obligation d’équité procédurale envers le demandeur, et sa décision est‑elle déraisonnable?

[88] La majeure partie des observations du demandeur est formulée sous l’angle d’un manquement à l’obligation d’équité procédurale de la part du comité. Toutefois, lorsque le demandeur a comparu devant moi, il a affirmé que ses observations relatives à l’équité procédurale et au caractère raisonnable de la décision se recoupaient et étaient interreliées, même si bon nombre de ses arguments pouvaient en fait porter sur le caractère raisonnable de la décision. Je reconnais que le défaut du comité de prendre en compte les observations de la présidente d’élection, ou autres situations du genre, pourrait être considéré comme un manquement à l’obligation de suivre équitablement la procédure énoncée dans la Loi ou comme une atteinte au caractère raisonnable d’une décision parce qu’il n’a pas tenu compte des éléments de preuve en sa possession. Par conséquent, je me pencherai sur les deux questions en même temps.

Observations relatives à l’équité procédurale

Position du demandeur

[89] En ce qui concerne l’équité procédurale, le demandeur fait d’abord valoir que le comité a contrevenu à l’article 13.25 de la Loi en ne transmettant pas immédiatement à la présidente d’élection un avis écrit l’informant du dépôt de l’appel. Le comité a plutôt attendu au lendemain, à 11 h 26, pour informer celle‑ci. De plus, le comité a commis une erreur en ne transmettant pas l’avis d’appel [traduction] « à toute partie défenderesse », dont Kyra Wilson. Le demandeur fait valoir qu’au moins toutes les parties défenderesses désignées dans cet avis auraient dû être informées de l’appel et avoir l’occasion de présenter des observations avant que le comité ne rende sa décision, étant donné que la transmission d’un avis et la possibilité de présenter des observations ont été qualifiées d’exigences les plus fondamentales de l’obligation d’équité (renvoyant à Première Nation Alexander, aux para 51‑54).

[90] Le demandeur soutient également que le comité a décidé de manière non officielle qu’il rejetterait l’appel peu après midi le 20 avril 2022, soit environ une heure et demie après avoir demandé à la présidente d’élection de présenter des observations en réponse dans les 24 heures et avant d’avoir reçu les observations le jour suivant. Le demandeur fait remarquer que Bill Beauchamp, à titre de président du comité, a informé la présidente d’élection qu’elle avait le pouvoir de s’accorder un délai supplémentaire pour transmettre ses observations et a même fait un suivi auprès d’elle afin de savoir à quel moment le comité recevrait les observations, sans jamais l’informer qu’une décision avait déjà été prise. De plus, même si le comité n’a pas pris en compte ni examiné les observations, il a attendu deux heures après les avoir reçues pour rendre sa décision. Le demandeur fait valoir que les observations auraient dû être examinées par le comité avant que celui‑ci ne rende une décision (et qu’elles auraient également dû être versées au DCT).

[91] Enfin, le demandeur soutient que le comité, suivant l’article 13.6 de la Loi, était tenu d’examiner l’appel et d’enquêter sur celui‑ci dans un délai raisonnable et de manière équitable, mais que le comité n’a pas examiné l’appel de manière équitable et n’a pas enquêté sur celui‑ci, ce qui contrevient à la Loi. Le demandeur fait remarquer que, durant son contre‑interrogatoire, Bill Beauchamp s’est dit surpris du contenu des observations de la présidente d’élection et a souligné que ce n’était pas ce à quoi le comité s’attendait. Le demandeur fait valoir qu’il y a un manquement évident à l’équité procédurale lorsque le comité se base sur la réponse à laquelle il s’attend de la part de la présidente d’élection, une personne clé dans l’affaire, plutôt que sur les renseignements directement fournis par elle pour examiner le fond de l’appel. Le demandeur fait essentiellement valoir que le comité a manqué à son obligation d’équité procédurale, puisqu’il n’a pas dûment enquêté sur l’appel et n’a pas tenu d’audience publique. En outre, le comité n’a pas tenu compte de certains éléments de preuve, comme les signatures de 47 citoyens tribaux qui n’ont pas été en mesure de voter à cause de la tempête, parmi lesquels 32 avaient déclaré avoir l’intention de voter pour le demandeur. Ce nombre excède les 12 voix séparant le demandeur et la candidate élue au poste de chef, Kyra Wilson. Le comité a également fait fi des observations de la présidente d’élection, dans lesquelles cette dernière indiquait qu’elle avait commis une erreur en gardant les bureaux de vote ouverts le 15 avril 2022, puisqu’il était évident que la neige était toujours un frein à la circulation dans la communauté. Le demandeur fait référence à d’autres éléments de preuve (qui n’étaient pas à la disposition du comité) qui, selon lui, montrent les répercussions de la tempête, et soutient que le comité n’a pas enquêté sur [traduction] « les particularités liées à la tempête hivernale et n’a pas exigé la tenue d’une audience dans ces circonstances ».

[92] Le demandeur traite des motifs exposés par le comité pour chacun des quatre moyens d’appel et fait valoir que celui‑ci n’a pas enquêté sur les prétentions qu’il a formulées dans son appel. À l’appui de son allégation, le demandeur fait référence à des affidavits et à d’autres éléments de preuve déposés dans sa demande de contrôle judiciaire (la plupart desquels n’étaient pas en la possession du comité). Sur ce fondement, il soutient que le comité n’a pas veillé à ce que [traduction] « les procédures et les protocoles appropriés soient appliqués » et a manqué à « l’équité procédurale en n’examinant pas l’appel et en n’enquêtant pas sur celui‑ci conformément aux dispositions de la Loi et aux obligations qui y sont prévues ».

Position de Kyra Wilson et d’Allen Dennis Myran

[93] Essentiellement, Kyra Wilson et Allen Dennis Myran soutiennent que le demandeur, en cherchant à faire infirmer la décision du comité, tente de se servir de la procédure de contrôle judiciaire pour compléter son dossier d’appel de manière irrégulière en y ajoutant de nouveaux éléments de preuve qui n’étaient pas à la disposition du comité, pour accroître les obligations du comité en affirmant que celui‑ci avait le devoir d’enquêter sur l’appel et pour montrer que le comité a manqué à son obligation d’équité procédurale envers d’autres personnes que lui.

[94] En ce qui a trait plus précisément à l’équité procédurale, Kyra Wilson et Allen Dennis Myran font valoir que le demandeur a eu l’occasion de présenter sa preuve, mais qu’il n’a pas été en mesure de présenter une preuve suffisante à première vue pour chacun des moyens d’appel invoqués. Ils soutiennent également que le comité s’est acquitté de son obligation d’offrir au demandeur une procédure équitable et impartiale, mais qu’il a jugé que la preuve était insuffisante pour justifier la tenue d’une audience.

[95] Kyra Wilson et Allen Dennis Myran font valoir que le demandeur tente indûment d’invoquer un manquement à l’équité procédurale au nom d’une tierce partie, à savoir la présidente d’élection. Ils soutiennent que le demandeur cherche à faire infirmer la décision du comité au motif que ce dernier avait une obligation d’équité procédurale envers la présidente d’élection et que cette [traduction] « position inédite » n’est pas étayée par la jurisprudence. De plus, même si la présidente d’élection avait droit à l’équité procédurale relativement à la présentation de ses observations au comité, elle se serait seulement vu refuser la possibilité d’expliquer pourquoi l’appel devait être rejeté et non pourquoi l’appel devait être accueilli. Dans tous les cas, une tierce partie n’a pas qualité pour contester un manquement relatif au processus électoral.

[96] Subsidiairement, si les éléments que Kyra Wilson et Allen Dennis Myran qualifient de [traduction] « nouveaux éléments de preuve » sont admissibles, ces derniers allèguent alors qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale et que la décision est déraisonnable en renvoyant aux affidavits et aux contre‑interrogatoires.

Position de Marvin Daniels et de Garnet Meeches

[97] Marvin Daniels et Garnet Meeches n’invoquent pas explicitement un manquement à l’équité procédurale dans leurs observations écrites. Ils présentent toutefois la question comme étant celle de savoir si le comité a contrevenu à la Loi, plus précisément l’article 13.6, en n’examinant pas l’appel et en n’enquêtant pas sur celui‑ci dans un délai raisonnable et de manière équitable, ou en ne le faisant pas tout simplement pas. Ils contestent particulièrement le fait que le comité n’a pas pris en compte les observations de la présidente d’élection. Lorsqu’il a comparu devant moi, l’avocat de Marvin Daniels et de Garnet Meeches a précisé qu’en faisant fi des observations de la présidente d’élection, le comité avait manqué à son devoir envers le demandeur suivant les articles 13.6 et 13.35 de la Loi. Les défendeurs soutiennent que le comité a contrevenu à la Loi en ne suivant pas la procédure qui y est établie.

[98] Marvin Daniels et Garnet Meeches précisent qu’ils ont été élus à titre de conseillers au terme de l’élection et qu’en appuyant le demandeur, ils risquent de perdre leur poste s’il y avait une nouvelle élection. En d’autres mots, ils n’ont rien à gagner en appuyant le demandeur et défendent plutôt une position fondée sur des principes.

Position de Keely Assiniboine

[99] Keely Assiniboine agit pour son propre compte dans le cadre du présent contrôle judiciaire et a présenté un dossier qui ne contenait que son affidavit. Celui‑ci ne traite pas de la question de l’équité procédurale.

Observations relatives au caractère raisonnable

Position du demandeur

[100] Le demandeur présente ses arguments relatifs au caractère raisonnable de la décision à titre subsidiaire, au cas où ses arguments portant sur l’équité procédurale ne seraient pas retenus. Le demandeur expose en peu de détails les trois principaux motifs pour lesquels la décision du comité serait déraisonnable.

[101] D’abord, le comité n’a pas pris en compte les observations de la présidente d’élection même s’il les avait en sa possession avant de communiquer sa décision. Deuxièmement, le comité a commis une erreur en rejetant entièrement l’appel sans tenir d’audience. Troisièmement, le comité n’a pas tenu compte de renseignements contenus dans le dossier d’appel comme tel. Le demandeur allègue que le fait que le comité n’a pas pris en compte les observations de la présidente d’élection, qu’il n’a pas recueilli d’information auprès des parties défenderesses, qu’il n’a pas tenu d’audience et qu’il n’a pas tenu compte de renseignements contenus dans l’appel ni enquêté sur ceux‑ci démontre que la décision est déraisonnable.

Position de Kyra Wilson et d’Allen Dennis Myran

[102] Kyra Wilson et Allen Dennis Myran soutiennent que la décision rendue par le comité confirme que celui‑ci a examiné la preuve attentivement, qu’il a tenu compte des critères énoncés dans la Loi et qu’il a raisonnablement conclu que la preuve ne justifiait pas la tenue d’une audience. Ils font également remarquer que la Loi permet seulement d’interjeter appel afin de contester l’élection de candidats ou la conduite de responsables électoraux dans l’exercice de leurs fonctions (art 13.21 de la Loi).

[103] Kyra Wilson et Allen Dennis Myran font d’abord valoir que la Cour doit faire preuve de retenue à l’égard de la façon dont le comité a interprété la Loi quant à la question de savoir qui est une [traduction] « partie défenderesse » dans le cadre de l’appel. De plus, même si, dans son appel, le demandeur a formulé des allégations contre l’ancienne présidente d’élection, cette dernière n’était pas une partie défenderesse qu’il convenait de désigner (puisqu’elle n’était pas une responsable électorale dans le cadre de l’élection en question). S’il est possible que Kyra Wilson soit une partie défenderesse qu’il convenait de désigner, la preuve versée au dossier d’appel ne permettait pas d’étayer les allégations formulées contre elle. Le comité ne l’a donc pas considérée comme une partie défenderesse et ne l’a pas informée de l’appel qui avait été déposé. En outre, ni l’ancienne présidente d’élection ni Kyra Wilson n’a contesté la décision du comité de les exclure. Par conséquent, selon Kyra Wilson et Allen Dennis Myran, la Cour devrait faire preuve de déférence à l’égard du comité et ne pas intervenir.

[104] Deuxièmement, Kyra Wilson et Allen Dennis Myran soutiennent que le comité n’avait aucune obligation d’enquêter sur l’appel. Ils font valoir que le demandeur (comme Marvin Daniels et Garnet Meeches) s’appuie sur l’article 13.6 de la Loi pour soutenir que le comité avait l’obligation d’enquêter sur l’appel et qu’il a commis une erreur en ne le faisant pas, mais qu’une telle interprétation de l’article 13.6 est incompatible avec les échéances et les procédures établies dans la Loi ainsi qu’avec les principes d’interprétation (non précisés) régissant celle‑ci. Kyra Wilson et Allen Dennis Myran soutiennent que la Loi ne confère pas au comité les mêmes pouvoirs d’enquête pour les appels relatifs aux élections (art 13.26) que pour les appels relatifs à l’éligibilité de candidats (art 13.16). Ils font plus particulièrement observer que le pouvoir de [traduction] « mener une enquête plus approfondie sur l’affaire si le comité le juge nécessaire » ne lui est conféré que par l’article 13.16 de la Loi, qui porte sur les appels relatifs à l’éligibilité de candidats, et non par l’article 13.26, qui porte sur les appels relatifs aux élections. Kyra Wilson et Allen Dennis Myran font valoir que bien que le comité [traduction] « doi[ve] certainement enquêter sur l’appel afin de se pencher sur le bien‑fondé de celui‑ci, l’article 13.26 de la Loi portant sur les appels en matière d’élections ne confère pas au comité les mêmes pouvoirs d’enquête et ne lui impose pas la même obligation que l’article 13.16 ». Ils soutiennent que la décision du comité de limiter l’enquête à un examen de la preuve présentée par le demandeur était raisonnable.

[105] Troisièmement, en ce qui concerne la question de savoir si la preuve justifiait la tenue d’une audience, Kyra Wilson et Allen Dennis Myran font valoir que la question précise que devait trancher le comité était celle de savoir si le dossier d’appel justifiait la tenue d’une audience et que c’est la décision du comité relativement à cette question qui fait l’objet du contrôle judiciaire en l’espèce. Ils soutiennent qu’il était raisonnable de la part du comité de ne pas tenir d’audience. De plus, dans le cadre d’appels en matière d’élections, il incombe au demandeur d’établir qu’il y a eu violation substantielle de la loi électorale en vigueur (renvoyant à Flett c Première Nation de Pine Creek, 2022 CF 805 au para 17 et à l’art 13.21 de la Loi). En l’espèce, le demandeur n’a pas établi qu’il y avait eu violation substantielle de la Loi selon la preuve déposée dans le dossier d’appel.

[106] Enfin, Kyra Wilson et Allen Dennis Myran traitent de la décision du comité de ne pas prendre en compte les observations de la présidente d’élection. Ils soutiennent que la présidente d’élection n’a pas respecté la Loi, puisque cette dernière a présenté ses observations avec cinq heures et cinq minutes de retard (c’est‑à‑dire à l’extérieur du délai prescrit de 24 heures), même s’il n’est pas contesté que son retard a été causé par le fait que [traduction] « M. Beauchamp l’avait induite en erreur en lui disant qu’elle pouvait elle-même proroger le délai ». Kyra Wilson et Allen Dennis Myran affirment toutefois que cette erreur était [traduction] « sans conséquence », puisque le dossier d’appel ne justifiait pas la tenue d’une audience et que, selon la Loi, la présidente d’élection, en tant que partie défenderesse, devait s’en tenir à expliquer pourquoi l’appel devait être rejeté.

Marvin Daniels et Garnet Meeches

[107] Dans leurs observations, Marvin Daniels et Garnet Meeches appuient le demandeur. Leur position est énoncée plus haut.

Keely Assiniboine

[108] Keely Assiniboine n’a présenté aucune observation relativement au caractère raisonnable de la décision.

[109] En fait, son affidavit est en grande partie dénué de pertinence et elle tente, par celui‑ci, de présenter de nouveaux éléments de preuve concernant ce qu’elle a fait et observé le jour de l’élection. Elle y affirme également, de manière incorrecte et quelque peu incompréhensible, que si la Loi ou le déroulement des élections posait problème, le demandeur aurait dû chercher à y remédier en présentant un projet de modification de la Loi (ce n’est pas clair ce sur quoi aurait porté la modification). Elle conclut en affirmant que, selon elle, [traduction] « les élections et les décisions [de la Première Nation] devraient être traitées à l’interne, au sein de la communauté, afin que celle‑ci veille au respect de la loi électorale et de ses objectifs ».

[110] Je n’accorde aucun poids à l’affidavit de Keely Assiniboine.

Analyse

[111] Kyra Wilson et Allen Dennis Myran font remarquer, à juste titre, que la Loi ne permet d’interjeter appel en matière d’élections que pour l’un des motifs énoncés à l’article 13.21, notamment une violation substantielle de la Loi ou une violation substantielle, par un responsable électoral, d’une règle, d’un processus ou d’une procédure.

[112] De plus, les articles 13.25 à 13.38 de la Loi prévoient la procédure que le comité doit suivre lorsqu’il est saisi d’un appel en matière d’élections. Suivant cette procédure, [traduction] « [à] la réception d’un appel relatif à une élection, le comité d’appel en matière d’élections transmet immédiatement au président d’élection et à toute partie défenderesse un avis écrit les informant du dépôt de l’appel » (art 13.25). Toute partie défenderesse à un appel relatif à une élection peut, dans les vingt‑quatre heures suivant la réception de l’avis l’informant de l’appel, présenter un document dans lequel elle expose les motifs justifiant le rejet de l’appel ainsi que les faits et toute documentation à l’appui (art 13.26). Le comité doit se rencontrer deux jours après la réception de l’avis d’appel afin de déterminer si la preuve justifie la tenue d’une audience (art 13.27). Que le comité tienne une audience ou non, celui‑ci, [traduction] « [a]près avoir examiné l’ensemble de la preuve reçue », tire l’une des quatre conclusions énoncées à l’article 13.35. Conformément à celles-ci, le comité peut conclure que les moyens d’appel exposés par l’appelant sont frivoles ou sans fondement et que, par conséquent, l’appel doit être rejeté (art 13.35a)).

[113] En l’espèce, le demandeur a déclaré, dans son affidavit, avoir déposé son dossier d’appel avant la date et l’heure limites, c’est‑à‑dire avant 16 h 30 le 19 avril 2022. Selon l’affidavit supplémentaire de la présidente d’élection, le 20 avril 2022 à 11 h 26, le président du comité lui a envoyé des copies du dossier d’appel par courriel et lui a demandé de lui faire parvenir des observations écrites en réponse dans les 24 heures.

[114] Il est ainsi évident que le comité n’a pas respecté la procédure prévue dans la Loi étant donné que celui‑ci n’a pas [traduction] « immédiatement » avisé la présidente d’élection du dépôt de l’appel, malgré le fait qu’il a tenu une réunion dans la soirée du 19 avril 2022 pour examiner les appels, selon ce que Bill Beauchamp a affirmé dans son contre-interrogatoire. Rien n’explique ce retard dans le DCT, qui ne contient même pas les courriels échangés par le président du comité et la présidente d’élection. Cependant, dans ces circonstances, le retard ne constitue pas, en soi, un manquement à l’équité procédurale et ne rend pas la décision déraisonnable. Ce retard n’a pas eu de réelle incidence sur la décision.

[115] Je ne relève non plus aucune erreur dans la conclusion du comité selon laquelle le message de l’ancienne présidente d’élection sur les médias sociaux, même s’il était trompeur, ne constituait pas un manquement à l’alinéa 13.21d) de la Loi, puisque l’ancienne présidente d’élection n’était pas une responsable électorale et n’agissait pas à ce titre dans le cadre de l’élection. Nul ne conteste que la présidente d’élection a été nommée le ou vers le 3 mars 2022, conformément au calendrier de nomination établi dans la Loi, ce que reconnaît le demandeur dans son appel. Pour cette raison, le comité n’était pas tenu d’aviser l’ancienne présidente d’élection de l’appel, étant donné qu’elle n’était pas une responsable électorale et qu’elle ne pouvait donc pas être désignée comme partie défenderesse dans le cadre de l’appel.

[116] Selon Allen Dennis Myran et Kyra Wilson, même si cette dernière pouvait être désignée à juste titre comme partie défenderesse dans l’appel, la preuve présentée dans le dossier d’appel ne permettait pas d’étayer les allégations formulées contre elle, ce qui expliquerait pourquoi le comité ne l’a pas considérée comme telle et ne l’a pas informée de l’appel qui avait été déposé.

[117] Cependant, comme il est indiqué plus haut, la procédure établie dans la Loi prévoit expressément que toute partie désignée comme défenderesse doit être immédiatement informée de l’appel (art 13.26) et disposer de 24 heures pour présenter des observations. Dans les 48 heures suivant le dépôt de l’appel (art 13.25), le comité doit déterminer si la preuve justifie la tenue d’une audience (art 13.27). De plus, fait important, qu’une audience ait lieu ou non, le comité est tenu de tirer l’une des quatre conclusions énoncées à l’article 13.35 après avoir examiné l’ensemble de la preuve reçue. Par conséquent, je ne souscris pas à l’observation de Kyra Wilson et d’Allen Dennis Myran selon laquelle il était loisible au comité de conclure à l’avance que Kyra Wilson n’était pas une partie défenderesse et de ne pas l’informer de l’appel pour cette raison.

[118] Cela dit, Kyra Wilson n’a exprimé aucune préoccupation quant au fait de ne pas avoir été avisée de l’appel et de ne pas avoir eu l’occasion de présenter des observations (à savoir un manquement à l’équité procédurale à son égard). Je suis d’accord avec Kyra Wilson et Allen Dennis Myran pour dire qu’il n’appartient pas au demandeur de contester la décision au motif qu’un manquement à l’équité procédurale aurait été commis à l’égard de Kyra Wilson, manquement que cette dernière n’a pas fait valoir.

[119] Le fait que le comité n’ait pas pris en compte les observations de la présidente d’élection s’avère beaucoup plus problématique.

[120] L’article 13.6 de la Loi précise clairement les fonctions du comité, qui, entre autres, [traduction] « reçoit les appels, les examine et enquête sur ceux‑ci dans un délai raisonnable et de manière équitable dans le respect des dispositions de la présente loi, et tient des audiences publiques, le cas échéant ». Cet article de la Loi énonce une responsabilité générale et précède la Partie 1 et la Partie 2, lesquelles portent respectivement sur les appels relatifs à l’éligibilité de candidats et les appels relatifs aux élections.

[121] Kyra Wilson et Allen Dennis Myran font valoir, à juste titre, que les articles 13.16 et 13.26 de la Loi sont libellés différemment. Toutefois, compte tenu de l’exigence générale énoncée à l’article 13.6, je ne suis pas convaincue que cette différence empêche ou dispense le comité de prendre en compte des observations, à savoir, en l’espèce, celles formulées par la présidente d’élection en réponse à l’appel. Selon l’article 13.35, le comité doit tirer l’une des quatre conclusions qui y sont énumérées après avoir examiné l’ensemble de la preuve reçue.

[122] Même si je suis d’avis que le comité n’a pas l’obligation de tenir une audience publique, contrairement à ce que prétend le demandeur, et qu’il doit plutôt en tenir une s’il le juge nécessaire (art 13.28), le comité n’est pas dispensé de l’obligation de prendre en compte l’ensemble de la preuve reçue avant de trancher l’appel suivant l’article 13.35 de la Loi. En conséquence, je ne souscris pas à l’argument de Kyra Wilson et d’Allen Dennis Myran selon lequel il était approprié et raisonnable pour le comité [traduction] « de limiter l’enquête à un examen de la preuve présentée par le demandeur ».

[123] Les parties mettent l’accent sur l’emploi du terme « enquêter » et débattent de la portée et du sens de ce dernier. Or, à mon avis, il ne convient pas de mettre l’accent sur ce point. Il ne fait aucun doute que le comité était tenu de recevoir les appels, de les examiner et d’enquêter sur ceux‑ci comme le prévoit la Loi (art 13.6), notamment d’examiner l’ensemble de la preuve reçue avant de rendre une décision (art 13.35). Si le comité avait examiné et pris en compte les observations de la présidente d’élection, il serait peut‑être parvenu, au bout du compte, à la même conclusion sans devoir tenir d’audience (peu importe les pouvoirs d’enquête qu’il possède ou non). Le comité a toutefois contrevenu à la Loi en ne respectant pas la procédure qui y est établie, ce qui est déraisonnable.

[124] Le comité a précisément demandé à la présidente d’élection de fournir des observations en réponse à l’appel. À aucun moment le comité ne l’a informée que ses observations n’étaient plus nécessaires. Le comité a effectué un suivi auprès de la présidente d’élection afin de savoir à quel moment il recevrait ses observations, et a attendu de les avoir reçues pour rendre sa décision; pourtant, il ne les a pas prises en compte. Comme je le mentionne plus haut, rien dans la décision ou dans le DCT n’explique pourquoi les observations n’ont pas été prises en compte. Dans leurs observations écrites, Kyra Wilson et Allen Dennis Myran font valoir que les motifs écrits fournis par le décideur administratif servent à communiquer la justification de sa décision, et que toute méthode raisonnée s’intéresse avant tout aux motifs de la décision (renvoyant à Vavilov, aux para 83‑84). Cela est exact, et ce qui pose problème dans les motifs du comité est le fait que ce dernier ne fait aucunement mention des observations de la présidente d’élection et n’explique pas pourquoi il ne les a pas prises en compte. Il n’est pas non plus possible de dégager une explication à partir du DCT ni implicitement à partir des motifs de la décision et du dossier.

[125] Si le comité s’était penché sur les observations de la présidente d’élection, il aurait peut‑être conclu que celles‑ci ne changeaient pas son point de vue initial ni sa décision. Mais comme il ne l’a pas fait, il n’avait aucun moyen de savoir si les observations contenaient des renseignements utiles à sa décision. Par exemple, la publication Facebook à laquelle fait référence le demandeur dans son appel, mais que ce dernier n’a pas versée à son dossier, était jointe aux observations de la présidente d’élection. Le comité aurait pu conclure, ou non, que la publication appuyait l’appel et justifiait un examen plus approfondi au moyen d’une audience. Le fait est qu’étant donné qu’il n’a pas examiné les observations de la présidente d’élection, le comité n’a pu tirer aucune conclusion à cet égard. De même, dans ses observations, la présidente d’élection a mentionné avoir commis des erreurs dans la tenue de l’élection, notamment en maintenant les bureaux de vote ouverts le 15 avril 2022, point dont traite le demandeur dans l’un de ses moyens d’appel. On ne peut savoir si ces prétendues erreurs constituent, au titre de l’alinéa 13.21d) de la Loi, des violations substantielles d’une règle, d’un processus ou d’une procédure de la part de la présidente d’élection en tant que responsable électorale, puisque le comité ne s’est pas penché sur les observations.

[126] Je ne souscris pas non plus à l’argument de Kyra Wilson et d’Allen Dennis Myran selon lequel le défaut de prendre en compte les observations de la présidente d’élection était une erreur sans conséquence, étant donné que la preuve ne justifiait pas la tenue d’une audience et que la présidente d’élection, à titre de partie défenderesse, devait se limiter à fournir des motifs justifiant le rejet de l’appel.

[127] Comme je le fais remarquer plus haut, le comité était tenu, suivant l’article 13.35 de la Loi, d’examiner l’ensemble de la preuve à sa disposition avant de trancher l’appel. À cet égard, il convient de mentionner que le comité a demandé, sinon exigé, que la présidente d’élection fournisse des observations en réponse à l’appel. Dans le courriel qu’il a envoyé à la présidente d’élection pour lui demander de présenter ses observations, le président du comité laisse croire que le comité a possiblement considéré celle‑ci comme une partie défenderesse, puisqu’il a indiqué qu’il en faisait la demande en application de l’article 13.26 de la Loi. Or, en réponse à la demande de prorogation de délai de la présidente d’élection, le président du comité a informé celle-ci que la décision lui [traduction] « appart[enait] » puisqu’elle était la présidente d’élection, ce qui laisse entendre que les observations de cette dernière seraient fournies à ce titre. Kyra Wilson et Allen Dennis Myran font valoir que cette incohérence découle du fait que le comité a, par erreur, considéré la présidente d’élection comme une partie défenderesse et qu’il a ultérieurement changé d’avis. Or, ce raisonnement ne ressort pas des motifs de la décision ni du dossier, et j’ai refusé d’accorder un poids quelconque à l’affidavit et au contre‑interrogatoire du président du comité, dans lesquels il tente de motiver davantage la décision, notamment en expliquant comment le comité était parvenu à sa décision et pourquoi il n’avait pas pris en compte les observations de la présidente d’élection. Il n’en reste pas moins que, pour quelque raison que ce soit, le comité a demandé à la présidente d’élection de présenter des observations, mais n’en a pas tenu compte.

[128] J’ai bien du mal à souscrire à l’observation de Kyra Wilson et d’Allen Dennis Myran selon laquelle les présidents d’élection ne peuvent présenter de motifs en faveur d’un appel parce qu’une partie défenderesse devrait, selon la Loi, se limiter à présenter des motifs justifiant le rejet de celui‑ci. Kyra Wilson et Allen Dennis Myran ont formulé cette observation en lien avec leur argument portant que les observations de la présidente d’élection étaient inappropriées et inadmissibles devant le comité.

[129] Selon moi, cette interprétation soulève de nombreuses difficultés compte tenu des fonctions du président d’élection qui sont énoncées dans la Loi. Un président d’élection a des responsabilités (art 6.13) qu’une partie défenderesse n’a pas. Un président d’élection doit veiller au respect des processus et des procédures établis dans la Loi, s’acquitter de ses fonctions et de ses responsabilités, exercer ses fonctions de manière fidèle, honnête et impartiale, et agir dans l’intérêt de la communauté en toute circonstance. Dans le cadre de ses fonctions, un président d’élection pourrait devoir transmettre au comité des renseignements importants concernant des problèmes liés à une élection, et ces renseignements ne constitueraient pas nécessairement des motifs justifiant le rejet d’un appel. Le rôle distinct d’un président d’élection, comparativement à celui d’une partie défenderesse, ressort également de l’article 13.31 de la Loi dans le cas où le comité tient une audience : le président d’élection est l’une des personnes désignées pour être entendues par le comité, en plus des autres responsables électoraux, de la partie appelante, de la partie défenderesse et des témoins. Il semble raisonnable de s’attendre à ce que le président d’élection fournisse tous les éléments de preuve pertinents, même lorsqu’ils ne sont pas favorables aux résultats de l’élection.

[130] Je reconnais qu’il est très probable que, dans la grande majorité des cas, un président d’élection fasse valoir qu’il a mené l’élection de manière rigoureuse, en conformité avec la loi électorale en vigueur, et qu’il présente, en conséquence, des observations justifiant le rejet de l’appel. Il n’est toutefois pas exclu que des éléments de preuve démontrant des irrégularités ou des manquements substantiels soient portés à l’attention d’un président d’élection après l’élection en question. Il serait déraisonnable et inéquitable sur le plan de la procédure, voire illogique, d’empêcher un président d’élection de présenter de telles observations parce que la Loi prévoit qu’une partie défenderesse ne peut présenter que des motifs justifiant le rejet d’un appel. Ce ne serait certainement pas dans l’intérêt de la communauté.

[131] Lorsqu’elles ont comparu devant moi, les avocates de Kyra Wilson et d’Allen Dennis Myran ont fait valoir que, dans le cas où un président d’élection prenait ultérieurement connaissance d’un problème important concernant la tenue d’une élection, il serait alors tenu de le porter à l’attention de quelqu’un, possiblement un conseiller en éthique, qui réglerait la question au moyen d’une procédure non précisée. Cet argument fait cependant abstraction du fait que, lorsque le problème est constaté dans le cadre d’un appel relatif à une élection, l’appel doit être tranché par un comité d’appel en matière d’élection, en conformité avec la Loi. Je ne suis pas convaincue qu’il serait raisonnable pour un comité, dans pareilles circonstances, de refuser de considérer de telles informations provenant d’un président d’élection sous prétexte qu’une partie défenderesse (que le président d’élection soit ou non désigné à ce titre) ne peut présenter que des observations justifiant le rejet de l’appel.

[132] Quoi qu’il en soit, il n’est pas nécessaire que je tranche cette question. En l’espèce, le comité a demandé à la présidente d’élection de fournir des observations en réponse à l’appel, mais ne les a pas examinées. Par conséquent, lorsqu’il a rendu sa décision, le comité ne pouvait pas savoir que, dans ses observations, la présidente d’élection ne se montrait pas favorable au processus électoral. Le comité ne peut donc pas avoir rejeté les observations au motif que celles‑ci appuyaient l’appel. En d’autres mots, les prétentions de Kyra Wilson et d’Allen Dennis Myran sur ce point ne peuvent refléter le raisonnement du comité. Je ne souscris pas non plus à l’idée que les motifs de la décision contiennent une interprétation implicite de la Loi qui permettrait d’expliquer pourquoi le comité n’a pas pris en compte les observations de la présidente d’élection.

[133] Sans vouloir trop m’attarder sur ce point, je tiens à souligner que la présidente d’élection a mentionné, dans ses observations, qu’elle avait [traduction] « commis des erreurs de jugement et des erreurs décisionnelles en tant que présidente d’élection » et que « [l]es questions soulevées par David Meeches dans son appel [étaient] légitimes ». Ces éléments auraient dû être examinés et analysés par le comité.

[134] À mon avis, la présente demande de contrôle judiciaire doit être accueillie, puisque le comité n’a pas respecté la procédure établie dans la Loi et a conclu que l’appel était sans fondement sans avoir examiné l’ensemble de la preuve à sa disposition, plus particulièrement les observations de la présidente d’élection, ce qui est à la fois déraisonnable et inéquitable sur le plan de la procédure.

[135] Kyra Wilson et Allen Dennis Myran soutiennent fermement que le comité ne pouvait déclarer l’élection invalide uniquement en raison d’une irrégularité ou d’une contravention à la Loi s’il était convaincu que l’élection avait été menée de bonne foi et que l’irrégularité ou la contravention n’avait pas substantiellement influé sur les résultats de l’élection. Ils m’invitent essentiellement à conclure que les violations invoquées dans l’appel ne sont pas substantielles et à rejeter la demande de contrôle judiciaire pour ce motif.

[136] S’il s’était penché sur les observations de la présidente d’élection, le comité aurait peut-être tout de même conclu qu’une audience n’était pas nécessaire et que l’appel devait être rejeté au motif qu’il n’était pas fondé et/ou au motif que les observations en réponse à l’appel ne permettaient pas d’établir qu’une violation substantielle d’une règle, d’une procédure ou d’un processus avait été commise. Il n’appartient toutefois pas à la Cour, dans le cadre du contrôle judiciaire, de procéder à l’appréciation de la preuve qui aurait dû être effectuée par le comité. De même, bien que Kyra Wilson et Allen Dennis Myran demandent à la Cour de déterminer si des irrégularités ou des contraventions à la Loi ont substantiellement influé sur les résultats de l’élection, il appartient au comité, et non à la Cour dans le cadre du contrôle judiciaire, de tirer de telles conclusions de fait sur le fond. Or, le comité n’a tiré aucune conclusion à cet égard, puisqu’il a rejeté l’appel au motif qu’il était sans fondement.

[137] En guise de dernier commentaire, je tiens à souligner que je suis d’accord avec Kyra Wilson et Allen Dennis Myran pour dire qu’à certaines occasions, le demandeur s’est indûment appuyé sur les observations de la présidente d’élection (et sur d’autres éléments de preuve joints à la présente demande de contrôle judiciaire) afin d’étoffer les moyens d’appel qu’il avait invoqués. Cependant, le comité n’était tenu de se pencher que sur les moyens d’appel et les éléments de preuve à sa disposition. Bien que j’ai conclu que cela comprenait les observations de la présidente d’élection, cela ne comprenait pas les points soulevés dans la plupart des affidavits et des contre‑interrogatoires présentés en l’espèce.

Réparations

[138] Le demandeur propose de nombreuses mesures de réparation :

  1. Une ordonnance annulant les résultats de l’élection et ordonnant la tenue immédiate d’une nouvelle élection pour les postes de chef et de conseillers.
  2. À titre subsidiaire à la réparation no 1 ci‑dessus, une ordonnance renvoyant l’affaire au comité et précisant que le poste de chef est désormais vacant en raison de manquements à la Loi et ordonnant la tenue d’une élection partielle afin de pourvoir le poste de chef.
  3. À titre subsidiaire aux réparations nos 1 et 2 ci‑dessus, une ordonnance renvoyant l’affaire au comité, énonçant que les postes de chef et de conseillers sont désormais vacants en raison de manquements à la Loi et ordonnant la tenue d’une élection générale afin de pourvoir tous les postes.
  4. À titre subsidiaire aux réparations nos 1, 2 et 3 ci‑dessus, une ordonnance renvoyant l’affaire à un nouveau comité afin que celui‑ci rende une nouvelle décision après avoir tenu une audience et avoir pris en compte la preuve présentée par Jacqueline Meeches et les autres parties défenderesses.
  5. À titre subsidiaire aux réparations nos 1, 2, 3 et 4 ci‑dessus, une ordonnance renvoyant l’affaire au comité actuel afin que celui‑ci rende une nouvelle décision après avoir tenu une audience et avoir pris en compte la preuve présentée par Jacqueline Meeches et les autres parties défenderesses.
  6. L’adjudication de dépens calculés sur la base avocat‑client en faveur du demandeur.

[139] À mon avis, ces réparations ne conviennent pas dans les circonstances. Je ne suis pas non plus d’accord avec Kyra Wilson et Allen Dennis Myran pour dire que, même si la décision est inéquitable sur le plan procédural, le résultat est inéluctable sur le plan juridique, de sorte qu’elle devrait être maintenue (Première Nation Alexander, aux para 75‑78).

[140] Je renverrai l’affaire à un comité différemment constitué pour nouvel examen. Je prends acte que, selon l’article 13.5 de la Loi, les membres actuels du comité ont été nommés pour une période de quatre ans. Toutefois, selon la Loi, une liste de trois suppléants doit être établie; advenant que l’un des membres du comité doive se retirer de l’examen d’un appel en particulier, les membres restants pourront alors sélectionner un remplaçant (art 13.4). Dans les circonstances, les trois membres actuels du comité devront se retirer de l’affaire et les trois membres suppléants rendront une nouvelle décision. Si l’un des membres suppléants n’est pas disponible ou doit se retirer de l’affaire conformément à l’article 13.3 de la Loi, le comité chargé des entrevues devra sélectionner de nouveaux membres suppléants qui trancheront à nouveau l’appel. Dans ce cas, et s’il y a lieu, de nouveaux membres seront sélectionnés et nommés pour siéger au comité chargé des entrevues conformément aux articles 6.4 à 6.7 de la Loi.

[141] La sélection et la nomination des membres qui formeront le nouveau comité chargé de trancher à nouveau l’appel auront lieu dans le mois suivant la date de la présente décision. Dans les deux semaines suivant la nomination des membres, le nouveau comité procédera à un nouvel examen de l’appel en tenant seulement compte du dossier initial présenté par le demandeur et des observations de la présidente d’élection. Après avoir procédé à ce nouvel examen, le nouveau comité déterminera, à sa discrétion, si la tenue d’une audience est nécessaire et la conclusion qu’il convient de tirer au titre de l’article 13.35 de la Loi.

Dépens

[142] À la fin de l’audience, les parties ont convenu qu’elles discuteraient des dépens et qu’elles s’efforceraient de présenter à la Cour des observations communes à ce sujet. Dans une lettre datée du 1er septembre 2023, les avocates de Kyra Wilson et d’Allen Dennis Myran ont informé la Cour que ces derniers et le demandeur avaient convenu d’assumer chacun leurs propres dépens associés à la requête en radiation et à l’audience relative au contrôle judiciaire. La lettre indiquait également que Marvin Daniels, Garnet Meeches et Keely Assiniboine n’avaient [traduction] « pas pris position ». Dans une directive du 11 septembre 2023, la Cour a demandé à Marvin Daniels et à Garnet Meeches de confirmer qu’ils assumeraient également leurs propres dépens, si telle était leur intention. La Cour a aussi précisé qu’elle tenait pour acquis que Keely Assiniboine ne solliciterait pas de dépens, à moins d’un avis contraire de cette dernière, puisqu’elle n’avait pas pris part à la requête ni à l’audience. Dans une lettre datée du 20 septembre 2023, l’avocat de Marvin Daniels et de Garnet Meeches, avec le consentement de toutes les parties, a confirmé que ces derniers assumeraient leurs propres dépens et a informé la Cour que Keely Assiniboine n’avait engagé aucuns frais.


JUGEMENT dans le dossier T-1015-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La requête en radiation présentée par Kyra Wilson et Allen Dennis Myran est rejetée.

  2. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  3. L’appel interjeté par le demandeur, tel qu’il a été déposé au comité, est renvoyé à un comité différemment constitué, dont les membres seront nommés à partir de la liste existante de suppléants, pour nouvelle décision. Si l’un de ces suppléants n’est pas disponible ou doit se retirer de l’affaire conformément à l’article 13.3 de la Loi, le comité chargé des entrevues sélectionnera de nouveaux membres suppléants pour nouvelle décision. Dans ce cas, et s’il y a lieu, de nouveaux membres seront sélectionnés et nommés pour siéger au comité chargé des entrevues conformément aux articles 6.4 à 6.7 de la Loi.

  4. La sélection et la nomination des membres qui formeront le nouveau comité chargé de trancher à nouveau l’appel auront lieu dans le mois suivant la date de la présente décision. Dans les deux semaines suivant la nomination des membres, le nouveau comité procédera à un nouvel examen de l’appel en tenant seulement compte du dossier initial présenté par le demandeur et des observations de la présidente d’élection. Après avoir procédé à ce nouvel examen, le nouveau comité déterminera, à sa discrétion, si la tenue d’une audience est nécessaire et la conclusion qu’il convient de tirer au titre de l’article 13.35 de la Loi.

  5. Chaque partie assume ses propres dépens relativement à la requête en radiation et à la demande de contrôle judiciaire.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1015-22

 

INTITULÉ :

DAVID MEECHES c KYRA WILSON, ALLEN DENNIS MYRAN, KEELY ASSINIBOINE, MARVIN DANIELS ET GARNET MEECHES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

WINNIPEG (MANITOBA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LES 29 ET 30 AOÛT 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 25 SEPTEMBRE 2023

 

COMPARUTIONS :

Joe Caligiuri

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Daniel Chornopyski

 

POUR LES DÉFENDEURS

(GARNET MEECHES ET MARVIN DANIELS)

 

Kaisha Thompson

Nicole Wilson

 

POUR LES DÉFENDEURS

(KYRA WILSON ET ALLEN DENNIS MYRAN)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Tapper Cuddy LLP

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Chornopyski Law

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LES DÉFENDEURS (GARNET MEECHES ET MARVIN DANIELS)

 

Duboff Edwards Schachter Law Corporation

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LES DÉFENDEURS (KYRA WILSON ET ALLEN DENNIS MYRAN)

 

 

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