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Date : 20230526


Dossier : IMM-6382-23

Référence : 2023 CF 740

Toronto (Ontario), le 26 mai 2023

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

ALVARO MARRON ZAMUDIO

demandeur

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

APRÈS réception par la Cour à 16 h 30 le 25 mai 2023, d’une requête présentée par le demandeur en sursis d’une mesure de renvoi vers le Mexique dont l’exécution est prévue pour le 26 mai 2023 à 20h00 [Requête] ;

CONSIDÉRANT que la signification de la Requête a été faite la veille de la date de renvoi, soit à la onzième heure, en dépit du fait que la date de renvoi avait été fixée depuis le 8 mai, lors de la première entrevue pré-renvoi du demandeur avec un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC]. Le demandeur s’est également présenté à une seconde rencontre auprès de l’ASFC, avec son avocate, le 15 mai 2023, lors de laquelle l’agent de l’ASFC les a informés que la date de renvoi du 26 mai 2023 était maintenue ;

CONSIDÉRANT que l’avocate du demandeur a envoyé au défendeur et à la Cour des lettres en date des 19 et 24 mai 2023, avisant de l’intention du demandeur de déposer la Requête mais que le dossier de Requête n’a été déposé que la veille du renvoi, soit à la fin de la journée du 25 mai 2023 ;

CONSIDÉRANT qu’en raison du délai excessif du demandeur à déposer le dossier de Requête, le défendeur a dû préparer et déposer des représentations écrites en réponse à la Requête sans n’avoir reçu ni vu la Requête du demandeur;

CONSIDÉRANT que les Lignes directrices consolidées pour les instances d’immigration, de statut de réfugié et de citoyenneté de la Cour fédérale datées du 24 juin 2022 [Lignes directrices] sont claires sur le fait que les requêtes en sursis à une mesure de renvoi du Canada ne sont pas dans l’intérêt de la justice quand elles sont présentées à la dernière minute :

12. Requêtes urgentes. La Cour reconnaît qu’il existe des cas où le demandeur n’a d’autre choix que de présenter, à la dernière minute ou de manière urgente, une requête en sursis à son renvoi du Canada. De telles requêtes urgentes en sursis peuvent être inévitables et nécessaires, par exemple, lorsqu’un avis de convocation en vue du renvoi est émis pour une date de renvoi imminente, laissant au requérant peu de temps pour retenir les services d’un avocat et lui donner des instructions et pour présenter une requête en sursis. La Cour considère que de tels cas sont distincts de ceux où la mesure de renvoi était prévue depuis un certain temps, et où il y a suffisamment de temps entre la signification de l’avis de convocation et la date de renvoi prévue pour permettre la présentation d’une requête en sursis et son instruction d’une manière non urgente. Ces affaires ne sont pas urgentes en soi parce qu’elles pourraient être présentées pour être entendues conformément au paragraphe 362(1) des Règles. Ces requêtes en sursis de dernière minute peuvent être évitées et sont déconseillées puisqu’elles ne sont pas dans l’intérêt de la justice (voir, par exemple, Beros c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 325; Khan c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 1275 (« Khan »); Ocaya v. Canada (Citizenship and Immigration), 2019 Canlii 8561 (CF); Miranda v. Canada (Public Safety and Emergency Preparedness), 2012 CF 1057). Par conséquent, la Cour peut refuser d’entendre les requêtes en sursis de dernière minute lorsqu’aucune explication satisfaisante n’est donnée pour le retard dans la présentation de la demande (Khan, au para 11).

CONSIDÉRANT que depuis la publication de ces Lignes directrices (publiées à l’origine le 18 février 2021), cette Cour a statué sur l’importance de ces propos à maintes reprises, incluant dans les affaires : Dabo v Canada (MPSEP), 2023 CanLII 8319 ; Nganga v Canada (MCI), 2023 CanLII 13647 ; Getachew v Canada (MPSEP), 2023 CanLII 13796 ; et même dans une décision publiée tout récemment dans l’affaire Thomas Charles v Canada (MPSEP), 2023 FC 735 [Charles] – voir en particulier les paragraphes 2-6.

CONSIDÉRANT que le demandeur n’a soulevé aucune justification raisonnable pour le délai du dépôt de sa Requête depuis sa rencontre avec l’ASFC du 15 mai 2023 et que les faits au dossier démontrent que l’urgence invoquée dans les lettres de l’avocate du demandeur a été créée par les propres agissement du demandeur et était entièrement évitable ;

CONSIDÉRANT que lorsque le temps est compté, tel que dans le cas en l’espèce où le demandeur avait 10 jours entre la date de sa rencontre avec l’ASFC et la date de renvoi fixée, la pratique établie veut que le demandeur dépose sa requête en sursis avant d’attendre que l’ASFC ne rende une décision sur sa demande de report du renvoi (Charles au para 4) ;

CONSIDÉRANT que le juge Pamel a déclaré dans Ouni c MCI, 2022 CanLII 121509, comme l’a déclaré à maintes reprises cette Cour, que les demandes de dernière minute de cette nature forcent le défendeur à répondre sans préparation adéquate et ne peuvent servir que de stratégie pour faire pression sur la Cour et sur le défendeur ;

CONSIDÉRANT que les Lignes directrices de cette Cour sont publiées pour une bonne raison, afin que les parties telles que le demandeur puissent en prendre connaissance et agir en conséquence, et qu’elles indiquent clairement que la Cour peut refuser d’entendre les requêtes en sursis de dernière minute lorsqu’il n’y a pas de justification pour le retard dans la présentation de la demande ;

CONSIDÉRANT qu’il existe d’autres lacunes fatales dans cette Requête, à savoir :

1. La demande d’autorisation et contrôle judiciaire [DACJ] à laquelle la Requête est greffée est hors délai de plus de 10 mois, sans que le demandeur ait présenté une demande de prolongation de délai ou une raison valable. Bien que le demandeur ait tenté de justifier son long retard par une allégation que son ancien avocat ne lui aurait pas remis la décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] – la décision qui fait l’objet de la DACJ – la preuve au dossier démontre que la décision de la SAR a été envoyée à l’adresse personnelle du demandeur.

2. Les soumissions écrites au soutien de la Requête du demandeur aux pages 43-48 du dossier de Requête ne soulève aucun argument sérieux et valable au sujet du caractère raisonnable de la décision de la SAR. Je suis d’avis, tel que fait valoir le défendeur, que la décision de l’agent de l’ASFC est entièrement raisonnable, en vue des arguments du demandeur de reporter le renvoi en attendant la décision de notre Cour sur son contrôle judiciaire.

3. En somme, le demandeur n’a donc pas établi le premier des trois critères dans l’arrêt Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 1988 CanLII 1420 (FCA), 86 NR 302 (CAF) [Toth] sur lesquels cette Cour doit s’appuyer pour déterminer si le sursis de la mesure de renvoi devrait être accordé. Étant donné que les trois critères de l’arrêt Toth sont cumulatifs (Janssen Inc c Abbvie Corporation, 2014 CAF 112 au para 19), le demandeur n’ayant pas établi le premier critère suffit pour rejeter la Requête.

ET CONSIDÉRANT que je suis d’accord avec les soumissions écrites dans la réponse du défendeur du 25 mai 2023;

LA COUR refuse d’entendre la requête en sursis du demandeur.

« Alan S. Diner »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6382-23

 

INTITULÉ :

ALVARO MARRON ZAMUDIO c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 26 mai 2023

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Rim Nehme

Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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