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     IMM-1046-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 28 AOÛT 1997

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN

ENTRE :

     DOUGLAS TOYNE COOK GILLESPIE,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     O R D O N N A N C E

     LA COUR ayant sursis à la délivrance d'une ordonnance en l'espèce pour permettre aux avocats de soumettre des questions à certifier en vue d'un appel après avoir examiné les motifs d'ordonnance prononcés dans la présente affaire;

     ET LES AVOCATS ayant soumis quatre questions;

     ET LA COUR étant d'avis que lesdites questions ne découlent pas des faits de la présente espèce, qu'elles ont été tranchées dans l'arrêt Williams c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, dossier nE A-855-96, ou qu'elles ne soulèvent pas de questions de nature juridique;

     LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.      Le contrôle judiciaire est rejeté.

2.      Aucune question n'est certifiée en vue d'un appel.

                             Marshall Rothstein

                        

                                 J U G E

                                

Traduction certifiée conforme

Christiane Delon, LL.L.

     IMM-1046-96

E n t r e :

     DOUGLAS TOYNE COOK GILLESPIE,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROTHSTEIN

     Il s'agit du contrôle judiciaire d'un avis de danger public délivré à l'endroit du demandeur en vertu du paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration. Dans la décision Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Williams, dossier nE A-855-96, la Cour d'appel fédérale règle essentiellement cette affaire. Toutefois, j'analyserai brièvement les arguments qui ont été invoqués.

     Le demandeur allègue que l'avis de danger est inique, car il omet de tenir compte du temps que ce dernier a passé au Canada, de la présence au pays de ses enfants et petits-enfants, du fait qu'il a été admis à cautionnement en rapport avec sa poursuite au criminel, que l'infraction qu'il a commise, bien que sérieuse, a eu lieu pendant qu'il était sous l'influence de la drogue et de l'alcool, qu'une seule infraction est en cause, que celle-ci ne mettait pas en cause le public car la victime était son épouse, et qu'il y a eu omission de mettre en équilibre les facteurs qui lui étaient favorables avec la gravité de son infraction.

     Le demandeur a été reconnu coupable de conduite en état d'ébriété, de conduite d'un véhicule sans avoir le droit de le faire, d'agression sexuelle armée et de tentative de résister aux efforts faits pour l'empêcher de commettre une infraction. Le dossier indique aussi que le demandeur aurait pu être reconnu coupable d'avoir proféré des menaces mais qu'il a obtenu une absolution inconditionnelle. Il est question également d'autres infractions commises par le demandeur il y a de cela de nombreuses années. Dans la documentation, l'infraction d'agression sexuelle armée est décrite en ces termes :

     [TRADUCTION]         
     Le 18 février 1993, Betty Gillespie s'est rendue à l'appartement de son époux, où celui-ci consommait de l'alcool; cela faisait dix jours seulement qu'il avait terminé sa cure de désintoxication, et des médicaments lui avaient été prescrits pour dépression. Peu après l'arrivée de Mme Gillespie, le sujet est devenu verbalement violent, il l'a poussée et l'a empoignée par les cheveux. Il a amené deux couteaux de boucher dans la pièce et lui en a mis un sur la gorge en disant : " Je vais te tuer, ma salope ". Il a continué de la menacer, le couteau sur la gorge.         
     Quelques heures plus tard, Gillespie a amené son épouse, de force, car il avait dans la veste un couteau qu'il montrait de temps à autre, à un hôtel de l'endroit où le couple est resté jusqu'à 02 h 00 environ; ils sont rentrés à l'appartement du sujet, où les menaces ont continué. Gillespie a retiré de force les vêtements de son épouse et a eu ensuite, de force, des rapports sexuels avec elle. Il a ensuite enroulé une serviette autour de son cou, qu'il a serrée jusqu'à ce qu'elle commence à étouffer, et a répété ce geste plusieurs fois.         
     Betty Gillespie est parvenue à s'enfuir plus tard ce matin-là quand le sujet s'est endormi et, à son arrivée chez elle, elle a appelé la police. Elle a été conduite au CSS où on l'a examinée et où on a découvert qu'elle avait des ecchymoses au cou, aux épaules, aux bras, aux poignets et aux jambes.         

La gravité de l'infraction est évidente. Le délégué du ministre avait en mains des lettres d'appui en faveur du demandeur ainsi que des renseignements sur sa famille et le fait qu'on lui avait accordé un cautionnement dans sa poursuite au criminel. Il était également indiqué que le demandeur avait des relations inquiétantes, marquées par de la violence familiale, qui semblent avoir empiré au fil des ans. Quant à l'argument voulant que l'agression sexuelle armée ne visait que son épouse et non le public, l'avocat, à juste titre, n'a pas poursuivi ce point et la seule chose que je puis dire, à part le fait que l'épouse du demandeur fait partie du public, c'est que toute tentative visant à amoindrir la gravité d'une infraction parce qu'elle est commise contre une épouse est inacceptable.

     L'avocat du demandeur indique que les facteurs n'ont pas été pondérés de manière appropriée, mais ce n'est pas ce qui ressort de la documentation et des recommandations dont le délégué du ministre a été saisi. Ces recommandations dénotent qu'en l'absence de garantie que le demandeur ne consommera plus jamais d'alcool et de drogue en même temps, il existe un risque de récidive. Le demandeur dit qu'il n'y a pas de garantie au sujet de qui que ce soit, que la norme est déraisonnable et, de plus, que le critère qui s'applique est celui du risque inacceptable et non du risque seul. La preuve abonde en références au problème d'alcool et de drogue du demandeur et au fait que ce dernier a des antécédents de toxicomanie et de participation à des programmes de traitement, mais sans grand succès de sobriété permanente. Il y a manifestement lieu de s'inquiéter, et l'on ne peut dire que la recommandation est déraisonnable. En outre, la délivrance d'un avis de danger dénote implicitement que, selon le ministre, le risque de récidive du demandeur est inacceptable.

     Le demandeur dit ensuite qu'il n'a pas obtenu le rapport d'opinion ministérielle, qui résume les documents détaillés. L'avocat n'est pas en mesure d'indiquer des renseignements quelconques qui ne figuraient pas dans les documents remis au demandeur. Dans l'arrêt Williams, le rapport d'opinion ministérielle n'avait pas été fourni non plus, mais cela n'était pas d'une importance critique car ce rapport résumait uniquement les renseignements que le demandeur détenait déjà et au sujet desquels il était en mesure d'exprimer son point de vue. La situation est la même en l'espèce.

     Ensuite, le demandeur déclare que, dans les circonstances de l'espèce, la délivrance de l'opinion de danger constitue un traitement cruel et inusité, ce qui est contraire à l'article 12 de la Charte des droits et libertés. L'argument semble être que le processus a été mené de manière négligente et que ce serait un traitement cruel et inusité que d'expulser une personne au vu de la nature insatisfaisante du processus. Cependant, on ne m'a pas convaincu que le processus était négligent et, même si c'était le cas, il s'agit là de questions d'équité procédurale. Je ne puis voir quel rapport il y a entre la délivrance d'une opinion de danger et un traitement cruel et inusité au sens où cette expression est employée à l'article 12 de la Charte des droits et libertés.

     Enfin, le demandeur dit que le ministre ne devrait pas délivrer une opinion de danger lorsque le demandeur se trouve en prison et qu'il n'existe aucune situation d'urgence qui justifierait que l'on prive le demandeur du droit d'interjeter appel devant la Section d'appel. Rien dans le paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration n'empêche de délivrer une opinion de danger lorsque l'intéressé se trouve en prison. Il n'existe non plus aucun critère qui ferait de l'urgence une condition préalable à la délivrance d'une telle opinion. Aucune source indiquant un effet différent n'a été présentée.

     Le contrôle judiciaire est rejeté. À la demande de l'avocat du demandeur, une ordonnance ne sera délivrée que sept jours après la date des présents motifs afin de permettre aux parties de présenter une question à certifier.

     M.E. Rothstein

                                             Juge

Halifax (Nouvelle-Écosse)

20 août 1997

Traduction certifiée conforme

Christiane Delon, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :               IMM-1046-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      DOUGLAS TOYNE COOK GILLESPIE c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :          WINNIPEG (MANITOBA)

DATE DE L'AUDIENCE :          14 AOÛT 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN

EN DATE DU :              20 AOÛT 1997

ONT COMPARU :

Me DAVID MATAS                  POUR LE DEMANDEUR

Me SHARLENE TELLES-LANGDON      POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

DAVID MATAS                  POUR LE DEMANDEUR

WINNIPEG (MANITOBA)

Me GEORGE THOMSON              POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

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