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     IMM-1128-96

ENTRE:          DINAH CHEPKWONY,

     Requérante

ET:              LE MINISTRE de la CITOYENNETÉ et de l'IMMIGRATION,

     Intimé

     MOTIFS d'ORDONNANCE et ORDONNANCE

LE JUGE DENAULT:

     La requérante demande le contrôle judiciaire d'une décision d'une agente des visas rendue à Buffalo, N.Y., le 12 mars 1996 lui refusant sa demande de résidence permanente au motif qu'elle ne rencontrait pas les exigences pour la profession qu'elle avait indiquée dans sa demande, soit Cuisinier d'établissement communautaire (6121-122). L'agente des visas n'a pas davantage accueilli la demande de résidence permanente de la requérante, étudiée sous une rubrique qui lui aurait été plus favorable, soit la profession de Troisième cuisinier (6121-134).

     L'agente des visas a rejeté la demande de la requérante parce qu'elle n'avait pas accumulé suffisamment de points d'appréciation, comme le requiert le Règlement sur l'immigration de 1978 (le Règlement), et qu'elle faisait donc partie d'une catégorie de personnes inadmissibles au sens du sous-paragraphe 19(2)d) de la Loi sur l'immigration (la Loi).

     Au soutien de la requête, le procureur de la requérante fait valoir deux arguments: a) l'agente des visas a erré dans l'appréciation de la Préparation professionnelle spécifique (PPS) de la requérante comme Cuisinier d'établissement communautaire, en négligeant de tenir compte de son expérience acquise dans des établissements avant de présenter sa demande de résidence permanente; b) l'agente des visas a erré en évaluant subsidiairement la requérante à titre de Troisième cuisinier, une profession qui, dit-il, n'existait pas dans la Liste de la demande dans la profession-1993.

     Les faits en l'espèce, fort simples, sont énoncés à l'affidavit de la requérante et de l'agente des visas. Il appert de la décision que la requérante a d'abord été évaluée comme Cuisinier d'établissement communautaire; sa demande a cependant été rejetée à cet égard vu que l'interrogatoire auquel elle a été soumise a démontré qu'elle n'avait complété qu'un cours de nutrition de quelques mois en 1969 et qu'elle manquait donc de formation professionnelle pour se classer sous cette profession. Vu que sa formation se limitait à une durée entre 30 jours et trois mois selon l'Appendice B de la Préparation professionnelle spécifique (PPS), elle n'était pas éligible sous cette rubrique.

     La norme de contrôle judiciaire applicable en pareille matière a été énoncée dans Hajariwala-c-Canada [1989] 2 C.F. 79. Pour voir sa demande de contrôle judiciaire réussir, un requérant doit, non pas convaincre le juge qu'une décision différente de celle de l'agent des visas aurait pu être rendue, mais "il doit établir soit une erreur de droit évidente à la lecture du dossier, soit la violation d'une obligation d'équité applicable à cette appréciation à caractère essentiellement administratif."

     Afin de déterminer si un immigrant pourra réussir son installation au Canada, un agent des visas doit apprécier chacun des facteurs énumérés à la Colonne I de l'Annexe I, tel qu'il appert de l'alinéa 8(1)a) du Règlement sur l'immigration de 1978 (DORS/92/133). L'immigrant qui présente une demande de visa d'immigration doit ainsi obtenir 70 points d'appréciation (sous-alinéa 9(1)b) i) du Règlement). L'Annexe I comprend 9 facteurs d'appréciation dont l'un est la Préparation professionnelle spécifique (PPS). Les critères d'appréciation de ce facteur sont mesurés suivant la période de formation professionnelle, d'apprentissage, de formation en usine ou en cours d'emploi précisée dans la Classification canadienne descriptive des professions (CCDP). Dans la mesure où la CCDP attribue une cote 7 au facteur de PPS pour la profession de Cuisinier d'établissement communautaire (6121/122), la période de formation nécessaire à cette profession doit être d'une durée d'au moins deux à quatre ans. S'il rencontre cette exigence, un requérant bénéficie alors de 15 points d'appréciation au titre de la PPS.

     En l'espèce, la preuve révèle que la requérante n'avait suivi qu'un cours de nutrition de 3 mois en 1969. L'agent des visas a donc estimé que sa préparation professionnelle était insuffisante et a rejeté sa demande à ce titre. Selon le procureur de la requérante, l'agente des visas a ainsi commis une erreur en négligeant de tenir compte de l'expérience qu'elle avait acquise au Kenya alors qu'elle était professeur d'enseignement ménager de 1977 à 1983 et qu'elle avait travaillé comme cuisinière d'institution communautaire dans un établissement hospitalier à Eldoret, Kenya. De plus, elle aurait travaillé, au même titre, dans un manoir à Montréal depuis juillet 1994.

     Il importe de souligner que lorsqu'un agent des visas analyse la Préparation professionnelle spécifique d'un requérant, il doit tenir compte, tel que l'énonce l'Appendice B, de la formation acquise par formation professionnelle, apprentissage, formation en usine en cours d'emploi, et non pas simplement d'une expérience de travail. Dans la mesure où il incombe à la requérante de présenter les données pertinentes à sa demande et de faire la preuve qu'elle rencontre les exigences de la loi canadienne, à défaut de démontrer qu'elle était en voie de formation au cours des périodes de travail dont elle a fait état, rien ne démontre, à cet égard, une erreur de l'agente des visas justifiant l'intervention de cette Cour.

     Le second argument soulevé par le procureur de la requérante pose un problème dans la mesure où, à prime abord, il va à l'encontre des intérêts de la requérante. Je m'explique.

     Sans doute, l'agente des visas a-t-elle eu raison d'examiner la demande de la requérante sous une rubrique qui lui aurait été plus favorable et pour laquelle elle avait des qualifications1. En l'espèce, l'agente des visas, après avoir rejeté la demande comme Cuisinier d'établissement communautaire, l'a évaluée sous la rubrique Troisième cuisinier (6121/134). Sous cette rubrique, elle lui a accordé le nombre maximal de 10 points pour le facteur Demande dans la profession. Le procureur de la requérante lui reproche d'avoir ainsi fait une erreur: elle aurait dû ne lui accorder aucun point (0), dans la mesure où cette profession n'apparaît pas dans la Liste de la demande dans la profession-1993.

     Il est vrai que la profession de Troisième cuisinier n'apparaît pas dans cette liste. Dans son affidavit, l'agente des visas explique pourquoi elle a accordé 10 points à la requérante pour ce facteur:

     7.2      With respect to Occupational Demand , as there were ten units for demand for the occupation Cook, Third at the time the application was received and having remained the same at the time of the interview, I awarded ten (10) units of assessment.

     Les critères d'évaluation de ce facteur précisent que : "Des points d'appréciation sont attribués en fonction des possibilités d'emploi au Canada offertes aux personnes exerçant la profession pour laquelle le requérant possède les compétences voulues et qu'il est prêt à exercer au Canada, ces possibilités étant déterminées en tenant compte de la demande tant nationale que régionale sur le marché du travail."

     La Liste de la Demande dans la profession énumère les occupations qui sont en demande au Canada. Dans la mesure où la profession Troisième cuisinier (6121/134) ne s'y retrouve pas, j'estime que l'agente des visas a erré en accordant dix points d'appréciation à la requérante. Bref, au lieu de se voir accorder 55 points d'appréciation, la requérante n'aurait dû recevoir que 45 points. Vu cette erreur, le procureur de la requérante estime que la décision doit être annulée et le dossier retourné à un agent des visas pour une nouvelle évaluation.

     Je ne suis pas de cet avis. J'estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la demande d'annulation de la décision. Une telle demande implique en effet l'exercice par le Cour d'un pouvoir discrétionnaire. Or en l'espèce, il n'est dans l'intérêt ni de la justice ni de la requérante de réduire son nombre de points d'appréciation alors que de toute évidence, elle n'avait pas le nombre de points requis pour avoir droit à un visa, ce qu'une nouvelle analyse ne ferait que confirmer.

     Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

OTTAWA, le

J.C.F.C.


__________________

1      Saggu-v-Canada (Minister of Citizenship and Immigration),[1994] 87 FTR 137


COUR FEDERALE DU CANADA SECTION DE PREMIERE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DE LA COUR : IMM-1128-96

INTITULE : DINAH CHEPKWONY v. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE : MONTREAL, QUEBEC DATE DE L'AUDIENCE : LE 8 AVRIL 1997 MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE DENAULT EN DATE DU 20 MAI 1997

COMPARUTIONS

ME EMILE JEAN BARAKAT POUR LA PARTIE REQUERANTE

ME MICHEL LECOURS POUR LA PARTIE INTIMEE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

ME EMILE JEAN BARAKAT POUR LA PARTIE REQUERANTE MONTREAL, QUEBEC

M. GEORGE THOMSON POUR LA PARTIE INTIMEE SOUS-PROCUREUR GENERAL DU CANADA

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