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Date : 20230614


Dossier : IMM-9157-21

Référence : 2023 CF 844

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 juin 2023

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

JENAVIVE NDIDI NWANZE

ANNE EZINNE NWANZE

PHILLIP EMEKA NWANZE

LOUIS CHINONSO NWANZE

GERALD TOBECCHUKWU NWANZE

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du 15 novembre 2021 par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a conclu que les demandeurs n’avaient pas établi de fondement objectif à leur crainte de persécution.

[2] Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

II. Le contexte

[3] Les demandeurs sont une famille de cinq personnes du Nigéria qui affirment que le chef traditionnel de leur ville, l’obuzor d’Ibusa [l’obuzor], a tenté de forcer la fille, qui était mineure à l’époque, à se marier, et les demandeurs ont refusé les demandes en mariage de l’obuzor. La fille n’est plus mineure.

[4] Le 3 février 2019, l’obuzor a communiqué avec les parents et les a informés qu’il avait l’intention de faire de leur fille sa seconde épouse (dossier certifié du tribunal [DCT], p 119). Une semaine plus tard, l’obuzor a envoyé un émissaire pour leur faire part de son intention d’épouser leur fille. Les parents ont refusé. Le 16 février 2019, le conseil des anciens a convoqué les parents à une réunion et leur a de nouveau fait part de l’intention de l’obuzor d’épouser leur fille (DCT, p 119). Lors de cette réunion, le conseil a informé les parents que l’obuzor avait prévu que le mariage aurait lieu après Pâques.

[5] Le 18 février 2019, les demandeurs ont signalé l’intention de l’obuzor d’épouser leur fille mineure à la police, mais celle-ci les a informés que cette affaire ne la concernait pas, parce que l’obuzor était l’autorité à Ibusa et qu’elle ne pouvait pas contester ses actions (DCT, p 120).

[6] Craignant les conséquences d’un refus de la demande en mariage de l’obuzor, les demandeurs se sont enfuis au Canada, où ils sont arrivés le 14 avril 2019 grâce à un visa de visiteur.

[7] Il existe des éléments de preuve au dossier qui montrent que, au 27 mai 2021, l’obuzor recherchait toujours activement la fille pour l’épouser et proposait d’offrir une récompense à quiconque pouvait l’aider à la retrouver, ainsi que sa famille.

[8] La Section de la protection des réfugiés [la SPR] a instruit la demande d’asile des demandeurs le 26 mars 2021, puis l’a rejetée le 26 avril 2021. La SPR a conclu que les membres de la famille n’avaient pas qualité de réfugié au sens de la Convention suivant l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], ni celle de personne à protéger, selon le paragraphe 97(1) de la LIPR. La SPR a conclu à l’existence d’une possibilité de refuge intérieur [PRI] à Benin City, au Nigéria.

[9] La SPR a accepté que l’élément central de la demande d’asile de la demanderesse, à savoir que l’obuzor avait l’intention d’épouser sa fille, était véridique.

III. La décision faisant l’objet du contrôle

[10] Le 15 novembre 2021, la SAR a instruit l’appel interjeté par les demandeurs à l’encontre de la décision rendue par la SPR.

[11] Le 21 octobre 2021, la SAR a avisé à la fois les demandeurs et le ministre qu’elle examinerait, en tant que nouvelle question soulevée en appel, la question de savoir si les demandes d’asile des demandeurs reposaient sur un fondement objectif. La SAR a invité les deux parties à lui présenter des observations dans un délai de 14 jours. Les parties n’ont pas présenté d’observations, et la SAR a donc tranché l’appel sans les observations des parties (décision de la SAR, au para 4).

[12] Bien que les demandeurs aient demandé la tenue d’une audience, la SAR a refusé d’en accorder une, car aucune question importante en ce qui concerne la crédibilité n’était soulevée (décision de la SAR, au para 13).

[13] La SAR a jugé que la SPR avait conclu à tort que l’obuzor ne retrouverait pas les appelants à Benin City. La SAR a toutefois conclu que cette erreur n’était pas déterminante, car les appelants n’avaient pas établi l’existence d’un fondement objectif de leur crainte de persécution (décision de la SAR, aux para 15-16).

[14] La SAR a relevé plusieurs points à l’appui de sa conclusion selon laquelle les demandeurs n’avaient pas établi l’existence d’un fondement objectif de leur crainte de persécution. La SAR s’est appuyée sur le cartable national de documentation [le CND] sur le Nigéria du 30 juin 2021, qui explique que le mariage d’enfants est moins répandu dans le Sud du pays. La SAR a conclu que les réponses de la demanderesse principale aux questions concernant les conséquences du non‑respect de la volonté de l’obuzor étaient conjecturales. En outre, la SAR a admis que l’obuzor avait des pouvoirs traditionnels et de l’influence, mais cela n’était pas suffisant pour étayer le bien‑fondé d’une crainte de persécution. Enfin, la SAR n’a pas conclu que le désir de l’obuzor de trouver les demandeurs et son offre de récompense constituaient la preuve d’une intention de nuire aux demandeurs.

A. L’admission de nouveaux éléments de preuve

[15] Lors de l’appel de la décision rendue par la SPR, les demandeurs ont soumis de nouveaux éléments de preuve à l’examen de la SAR. Celle-ci a tenu compte du paragraphe 110(4) de la LIPR et a admis les éléments de preuve suivants :

  • l’affidavit d’un ami se trouvant à Benin City, daté du 27 mai 2021;

  • des documents du Humber River Hospital en ce qui concerne l’état de santé de l’époux de la demanderesse principale.

[16] La SAR a refusé d’admettre les cartes de membre de la section canadienne de l’union pour le développement de la communauté Ibusa [Ibusa Community Development Union] des parents et des photos non datées.

[17] Les demandeurs ne contestent pas l’admission par la SAR des nouveaux éléments de preuve ni le traitement qu’elle leur a réservé dans le cadre du présent contrôle judiciaire.

IV. Les questions en litige et la norme de contrôle

[18] Bien que la demanderesse ne soulève qu’une seule question, la présente demande de contrôle judiciaire comporte les deux questions en litige suivantes :

  1. La Cour peut-elle prendre en compte le CND du 30 novembre 2021?

  2. La SAR a-t-elle conclu à tort que la crainte des demandeurs n’était pas fondée?

[19] Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (CanLII) [Vavilov].

[20] Je précise que la demanderesse a tenté de fournir de nouveaux éléments de preuve dans le cadre du présent contrôle judiciaire concernant un CND publié après la décision de la SAR. La demanderesse n’allègue aucun manquement à l’équité procédurale en ce qui concerne l’examen du CND par la SAR. Elle s’appuie plutôt sur le CND pour corroborer ses arguments sur le caractère raisonnable.

[21] La norme de la décision raisonnable est un contrôle rigoureux qui garantit que la décision est transparente, intelligible et justifiée (Vavilov, aux para 13 et 15). Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et doit être justifiée au regard de l’ensemble du droit et des faits pertinents (Vavilov, au para 105).

[22] La partie qui conteste la décision doit démontrer que les lacunes ou insuffisances reprochées ne sont pas simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision : Vavilov, au para 100.

V. Analyse

A. La demanderesse ne peut pas s’appuyer sur le CND du 30 novembre 2021

[23] Dans leur mémoire des arguments, les demandeurs se fondent sur le CND du 30 novembre 2021 sur le Nigéria comme preuve objective de leur crainte. Ils renvoient plus particulièrement aux documents suivants du CND :

  • le document 5.7, soit la réponse à la demande d’information [RDI] NGA106371.EF du 18 novembre 2019;

  • le document 12.3, soit la RDI NGA200793.F du 12 novembre 2021;

  • le document 12.2, soit la RDI NGA200792.F du 12 novembre 2021;

  • le document 10.8, soit la RDI NGA105659.EF du 14 novembre 2016.

[24] Le défendeur explique que les demandeurs ne peuvent pas se fonder sur ces documents tirés du CND du 30 novembre 2021, car celui-ci est postérieur à la décision de la SAR.

[25] Dans leur réplique, les demandeurs soutiennent que le CND est en fait antérieur à la décision de la SAR. Ils affirment que, bien que le CND ait été mis à la disposition du grand public le 30 novembre 2021, la SAR et ses commissaires auraient eu accès aux documents avant la décision du 15 novembre 2021 (réplique des demandeurs, au para 4).

[26] À l’appui de sa position, la demanderesse se fonde sur la décision Zhang c Canada (MCI), 2015 CF 1031 [Zhang], dans laquelle la Cour a statué que la SAR doit tenir compte des informations les plus récentes lorsqu’elle apprécie le risque dans une perspective prospective (au para 54).

[27] La décision Zhang n’est pas applicable en l’espèce. La question pertinente est de savoir si la SAR disposait du nouveau CND lorsqu’elle a rendu sa décision.

[28] La Cour ne dispose d’aucune preuve selon laquelle la SAR aurait eu accès aux RDI contenues dans le CND avant le 30 novembre 2021. Le CND du 30 novembre 2021 est donc postérieur à la décision de la SAR, et je ne peux pas conclure que la SAR aurait dû en tenir compte.

[29] Comme le fait remarquer le défendeur, le contrôle judiciaire d’une décision que rend un office fédéral ne doit être fondé que sur les éléments de preuve dont le décideur était saisi : Lemiecha (Tuteur d’instance) c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 1333 au para 4; Osagie c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 635 au para 8. Les demandeurs ne peuvent pas maintenant chercher à contester le raisonnement de la SAR en se fondant sur des éléments de preuve qui ne lui ont pas été présentés.

[30] La Cour ne peut donc pas examiner les documents contenus dans le CND du 30 novembre 2021. Cette conclusion ne s’applique pas au document 5.7, qui figurait dans le CND précédent, soit celui du 30 juin 2021, et qui a été explicitement cité par la SAR.

B. La crainte objective de persécution

(1) La crainte de persécution de la famille

[31] Il incombait aux demandeurs d’établir les éléments subjectif et objectif de leur crainte : Chan c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 3 RCS 593, 1995 CanLII 71 au para 74.

[32] La Cour a expliqué dans la décision Fodor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 218, au paragraphe 18, que l’élément objectif exige des demandeurs d’asile qu’ils établissent, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a un « risque raisonnable », une « possibilité raisonnable » ou une « possibilité sérieuse » qu’ils soient persécutés pour un motif prévu dans la Convention s’ils retournaient dans leur pays.

[33] Les demandeurs affirment que les motifs de la SAR sont contradictoires, parce que la SAR a conclu que les demandeurs avaient témoigné de manière crédible, mais qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve objectifs pour établir qu’ils craignaient avec raison d’être persécutés. Les demandeurs soutiennent que le raisonnement de la SPR est donc confus et inintelligible.

[34] Les éléments de preuve peuvent être jugés insuffisants s’ils ont peu de valeur probante, s’ils ne sont pas corroborés ou s’ils manquent de détails (Ferguson c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1067 aux para 26-28).

[35] Le juge Grammond a également examiné la suffisance de la preuve dans la décision Magonza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2019 CF 14 [Magonza], aux paragraphes 32 à 35. Il a expliqué la suffisance de la preuve ainsi :

[33] Le concept de suffisance équivaut également à l’exigence de corroboration : une preuve isolée peut ne pas être suffisante. Bien sûr, il n’existe pas de moyen reconnu de quantifier la crédibilité, la valeur probante et le poids. Il est donc impossible de décrire à l’avance la « quantité » de preuve qui est « suffisante ». La « suffisance » est simplement un mot qu’emploient les décideurs pour dire qu’ils ne sont pas convaincus.

[Non souligné dans l’original.]

[36] Les demandeurs avancent que, s’ils sont crédibles, alors leur témoignage est nécessairement suffisant. Essentiellement, parce qu’ils sont crédibles, la SAR aurait dû être convaincue qu’il y avait un fondement objectif.

[37] Cet argument ne peut être retenu. La Cour a souligné au paragraphe 34 de la décision Magonza que la décision quant à la suffisance de la preuve est un « jugement pratique qui doit être établi au cas par cas ». La suffisance de la preuve est une question à l’égard de laquelle les cours de révision doivent faire preuve de retenue : Magonza, au para 35, citant Perampalam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2018 CF 909 au para 31.

[38] Compte tenu de ce qui précède, les commissaires de la SAR et de la SPR sont en droit de juger les demandeurs crédibles, mais aussi de juger leur preuve insuffisante pour établir les éléments objectifs de leur demande d’asile. C’est le cas en l’espèce.

[39] La SAR a considéré que l’information contenue dans le CND, l’histoire de l’obuzor qui a enterré une personne vivante parce qu’elle lui avait désobéi, le pouvoir et l’influence politiques de l’obuzor, la crainte des demandeurs de se faire raser la tête et les récompenses financières de l’obuzor étaient insuffisants pour établir une crainte objective de persécution. Elle était en droit de considérer ces éléments de preuve comme insuffisants.

[40] Enfin, le commissaire de la SAR a apprécié la preuve des demandeurs et a expliqué pourquoi elle était insuffisante à son avis, comme l’exigeaient les circonstances.

[41] Je ne suis cependant pas convaincue que la preuve sur les conditions dans le pays ait été bien conciliée avec les conclusions de la SAR.

[42] Plus particulièrement, la demanderesse attire l’attention sur le document 5.7 du CND, où, sous le titre « Conséquences du refus d’un mariage forcé et protection offerte par l’État », il est mentionné que le refus de se marier peut avoir pour conséquences « la négligence et l’ostracisme, la violence physique et le viol ». Bien qu’elle cite expressément ce document pour étayer sa conclusion selon laquelle le mariage d’enfants est interdit par la loi, la SAR n’a jamais mentionné ou pris acte de ces conséquences lorsqu’elle a examiné la preuve objective qui corrobore le risque auquel les demandeurs sont exposés. Le silence de la SAR sur cette preuve est particulièrement problématique, car celle-ci concerne la jeune fille qui est visée par le mariage forcé.

[43] La SPR et la SAR tranchent souvent des demandes présentées par plusieurs demandeurs dans une même décision (voir les Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256; Murrizi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 802 au para 7 [Murrizi]). Cela est d’autant plus vrai lorsque la SPR joint les demandes d’asile des mineurs ou demandeurs secondaires à celle de leur mère ou de leur père : Ali c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1061). Cependant, il est clair que, si l’une des demandes d’asile des demandeurs soulève des questions distinctes, elles doivent être abordées séparément : Murrizi, au para 7; Retnem c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] ACF no 428 (CAF) aux para 5-6.

[44] À mon avis, la SPR et la SAR n’ont pas admis que la demande d’asile de la fille soulevait des considérations séparées et distinctes, notamment la violence fondée sur le sexe. En effet, la preuve présentée à la SAR indiquait qu’elle pouvait subir des conséquences telles que l’ostracisme, la négligence, la violence physique et le viol pour avoir refusé de se plier à l’exigence de l’obuzor.

[45] La SAR a jugé crédible la demande d’asile des demandeurs et a accepté qu’ils avaient sollicité l’aide de la police.

[46] Le commissaire de la SAR a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve documentaire objectifs pour établir la crainte objective que la famille éprouve, parce qu’elle a rejeté la demande en mariage. Cependant, une grande partie des éléments de preuve peut s’appliquer différemment au contexte de la fille et soulève donc des considérations séparées et distinctes.

[47] Selon la preuve au dossier, l’obuzor est une personne puissante qui exerce une influence sur les systèmes juridique et politique, la police n’intervient pas dans ses affaires et il cherche toujours activement la fille pour l’épouser de force. La SAR a admis cette preuve et a accepté que les demandeurs craignaient des conséquences néfastes, parce qu’ils avaient rejeté la demande en mariage.

[48] Compte tenu de ce qui précède, la conclusion de la SAR selon laquelle le désir de l’obuzor de trouver les demandeurs et son offre de récompense pour trouver la fille ne sont pas des éléments de preuve suffisants d’une intention de causer un préjudice à celle-ci manque à la fois de logique et de transparence. À tout le moins, il s’agit certainement de la preuve d’un effort concerté, de la part d’une personne puissante, pour forcer une jeune femme à se marier.

[49] La section 4.4.3 du CND de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada [la Commission] du 30 juin 2021 explique les conséquences du refus et les problèmes associés au mariage forcé. Elle souligne que le refus d’une jeune fille de se marier pourrait entraîner une négligence totale et un ostracisme. Il est également mentionné à la section sur la violence familiale du CND que [traduction] « les actes de violence familiale sont pour la plupart commis par l’époux ou le partenaire actuel de la personne » et que le [traduction] « viol est courant et répandu ».

[50] Je suis d’avis que le défaut de se pencher sur les conséquences personnelles pour la fille, dont les risques mentionnés dans le CND de la Commission, est une erreur qui rend déraisonnable l’ensemble de la décision.

[51] La SAR n’a pas tenu compte de la situation personnelle de la fille. Comme dans la décision Iduozee c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 38, au paragraphe 31, bien qu’il soit loisible à la SAR de s’appuyer sur les éléments de preuve documentaire pour conclure que la fille peut tenter de refuser le mariage, la possibilité pour elle de refuser n’est qu’un élément de l’analyse du risque prospectif auquel elle est exposée. Il est déraisonnable de dire qu’elle peut refuser le mariage sans subir de conséquences, alors que des éléments de preuve au dossier indiquent que de tels refus s’accompagnent de conséquences, y compris l’ostracisme et la négligence : Iduozee, au para 31.

[52] En résumé, la SAR n’a pas tenu compte de la preuve du risque associé au mariage forcé lui-même ni des conséquences qui peuvent découler d’un refus, et ne s’est intéressée qu’aux risques encourus par les parents en cas de refus. La SAR n’a pas examiné le risque de persécution distinct de la fille séparément de la demande d’asile de la famille, même si la preuve s’applique différemment et soulève des considérations distinctes.

[53] Le décideur doit prendre en considération la preuve versée au dossier et la trame factuelle générale qui a une incidence sur sa décision; le caractère raisonnable d’une décision peut être compromis si le décideur s’est fondamentalement mépris sur la preuve qui lui a été soumise ou n’en a pas tenu compte : Vavilov, au para 126.

[54] Je suis convaincue que la SAR n’a pas tenu compte de la preuve dont elle disposait. La décision est donc déraisonnable et ne peut pas être maintenue.

VI. Conclusion

[55] Pour les motifs qui précèdent, la demande sera accueillie.

[56] La décision est annulée, et l’affaire sera renvoyée à un autre commissaire de la Section d’appel des réfugiés pour qu’il rende une nouvelle décision.

[57] Aucune question grave de portée générale à certifier n’a été proposée, et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-9157-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande d’autorisation de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision est annulée, et l’affaire est renvoyée à un autre commissaire de la Section d’appel des réfugiés pour qu’il rende une nouvelle décision.

  3. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« E. Susan Elliott »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-9157-21

 

INTITULÉ :

JENAVIVE NDIDI NWANZE, ANNE EZINNE NWANZE, PHILLIP EMEKA NWANZE, LOUIS CHINONSO NWANZE, GERALD TOBECCHUKWU NWANZE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 FÉVRIER 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

LE 14 JUIN 2023

 

COMPARUTIONS :

Oltion Toro

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Margherita Braccio

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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