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Date: 20230607


Dossier: T-1185-21

Référence : 2023 CF 795

ENTRE:

JOHN ROCK ET CHRISTELLE ROCK

demandeurs

et

LE CONSEIL DES INNUS DE PESSAMIT, GÉRALD HERVIEUX, JEAN-NOËL RIVERIN ET MARIELLE VACHON

défendeurs

MOTIFS DE LA TAXATION

AUDREY BLANCHET, Officière taxatrice

[1] Le 27 juillet 2021, les demandeurs John Rock et Christelle Rock ont déposé un avis de demande de contrôle judiciaire visant l’invalidation de l’élection de trois (3) conseillers élus au Conseil des Innus de Pessamit [le Conseil] ainsi que le refus dudit Conseil de déclencher des élections partielles.

[2] En date du 16 mai 2022, la Cour a rendu une ordonnance [Ordonnance] accueillant avec dépens la requête en radiation d’affidavits présentée par les défendeurs. Enfin, dans un Jugement et Motifs rendu le 17 mai 2022 [Jugement], la Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire des demandeurs, avec dépens en faveur des défendeurs.

[3] Le 14 juin 2022, les défendeurs ont initié le processus de taxation des dépens par le dépôt d’un mémoire de frais réclamant aux demandeurs la somme de 16 289,82 $. Le 16 novembre 2022, une directive fut émise quant aux dates de dépôt des documents pour la taxation des dépens. Ainsi, les documents suivants ont été déposés par les parties en vue de la présente taxation: le 16 décembre 2022, les défendeurs ont déposé des représentations écrites au soutien du mémoire de frais; le 23 décembre 2022, les demandeurs ont déposé des représentations écrites en réponse au mémoire de frais; le 22 février 2023, les défendeurs ont déposé une réplique.

[4] Les présents motifs disposent donc de la question de la taxation des dépens en vertu de l’Ordonnance et du Jugement, le tout en conformité avec la partie 11 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [Règles] et du Tarif B. En l’absence d’indication de la Cour, les dépens seront taxés conformément à la colonne III du tableau du tarif B (Règle 407).

I. Question préliminaire

A. La détermination du niveau des dépens

[5] Dans leurs représentations écrites, les défendeurs conviennent que le mémoire de frais doit être taxé conformément à la colonne III du tableau du Tarif B, tel que l’énonce la Règle 407. Toutefois, bien que la colonne III prévoit une gamme d’unités disponible pour la plupart des services à taxer, les défendeurs prétendent que la limite supérieure de la fourchette d’unités de la colonne III devrait leur être accordée considérant les facteurs énoncés au paragraphe 400(3) des Règles [Facteurs], plus précisément en raison : a) du résultat de l’instance, en ce que les défendeurs ont obtenu gain de cause tant sur le fond du litige qu’au stade interlocutoire; g) de la charge de travail importante accomplie en raison du comportement des demandeurs et i) de la conduite des demandeurs qui a eu pour effet de prolonger inutilement la durée de l’instance. Sur ce dernier critère, les défendeurs ont formulé des arguments pouvant être résumés comme suit (Représentations écrites des défendeurs, paras 36-48) :

  • -Les demandeurs ont renoncé à contester l’élection des membres du Conseil lors de l’audience sur la demande en contrôle judiciaire, forçant les défendeurs à présenter inutilement des arguments juridiques qui se sont avérés superflus.

  • -Les défendeurs ont dû présenter une requête en radiation d’affidavits puisque certains paragraphes des affidavits des demandeurs étaient inadmissibles.

  • -Les demandeurs ont présenté un nouvel argument juridique dans le mémoire des faits et du droit déposé le 11 janvier 2022, obligeant les défendeurs à présenter une requête pour dépôt d’un affidavit complémentaire en vertu de la Règle 312.

  • -Les demandeurs ont présenté de nouveaux arguments juridiques et motifs de contestations au soutien de leur dossier de réponse du 19 avril 2022, obligeant les défendeurs à préparer un mémoire des faits et du droit complémentaire en réponse à ces nouveaux motifs.

  • -Les demandeurs ont omis de demander la transmission de documents telle que le permet la Règle 317. Ce faisant, les demandeurs ont présenté une demande de contrôle judiciaire sans prendre les démarches nécessaires pour soutenir leur prétention.

[6] En réponse aux représentations écrites des défendeurs, les demandeurs affirment d’abord que « le présent litige justifie une adjudication particulière des dépens en raison de son intérêt public » (alinéa 400(3)h) des Règles), tout en précisant que ceux-ci n’auraient pu retirer aucun bénéfice personnel de la présente instance (Représentations écrites des demandeurs, paras 1 et 3). Selon les demandeurs, le litige portait sur une question nouvelle suivant laquelle la Cour a la discrétion de ne pas accorder de dépens. Plus loin dans leurs représentations écrites, ils soutiennent que l’inégalité des forces entre les parties en raison de la disproportion des ressources financières devrait être considérée dans l’évaluation des dépens. En définitive, les demandeurs prétendent que « l’échelle inférieure de la colonne III du Tarif B devrait être utilisée pour tous les items demandés » [Souligné dans l’original.] (Représentations écrites des demandeurs, para 17).

[7] En réplique, les défendeurs réitèrent que les dépens leur ont déjà été adjugés par la Cour et que « [l]a présente étape vise donc uniquement à déterminer la taxation des dépens » (Réplique des défendeurs, para 2). Puisque je souscris aux arguments des défendeurs sur ce point, il convient de reproduire ici un extrait pertinent de la décision Pelletier c Canada (Procureur général), 2006 CAF 418, [Pelletier] :

[7] (…) De par la Règle 405, un officier taxateur « taxe » (« assesses ») les dépens, ce qui suppose que des dépens aient été accordés. Il le fait, c’est la Règle 406 qui le dit, à la demande de « la partie qui a droit aux dépens », ce qui suppose, là encore, qu’une ordonnance adjugeant les dépens ait été prononcée en faveur de cette partie. Il taxe les dépens, c’est la Règle 407 qui le dit, en conformité avec la colonne III du tableau du Tarif B, et ce « sauf ordonnance contraire de la Cour ». Il peut tenir compte, en vertu de la Règle 409, « des facteurs visés au paragraphe 400(3) lors de la taxation des dépens ». Bref, la fonction de l’officier taxateur en est une, non pas d’adjudication, mais d’évaluation des dépens. Il ne lui appartient pas d’aller outre, ou à l’encontre de, l’adjudication déjà prononcée par le juge. Et s’il reçoit de ce dernier une directive émise en vertu de la Règle 403, il doit s’y conformer. [Non souligné dans l’original]

[8] Quant à la question de l’intérêt public, les défendeurs maintiennent que les demandeurs avaient plutôt un intérêt personnel dans l’issue du présent litige, notamment en raison du retrait, lors de l’audition de la demande de contrôle judiciaire, de la question touchant à l’interprétation du Code électoral concernant les élections du Conseil de bande de Betsiamites. Ils précisent d’ailleurs que ni le Jugement ni l’Ordonnance ne font mention de la question de l’intérêt public. À cet effet, les défendeurs citent avec justesse les propos de l’officier taxateur dans la décision Williams (IT Essentials) c Cisco Systems, Inc, 2020 CAF 173 [Williams], au paragraphe 19 :

Comme je le mentionne plus haut, il n’était pas indiqué, dans l’ordonnance rendue par la Cour le 25 novembre 2019, que la question de l’intérêt public avait été soulevée dans l’acte de procédure de l’appelant ou qu’elle avait été prise en compte par la Cour dans l’adjudication de dépens à l’intimée. […]

[9] Également, dans la décision Johnson v Bell Canada, 2009 FC 811, [Johnson], au paragraphe 3, l’officier taxateur précise qu’en l’absence d’indication de la Cour dans les motifs de son jugement à l’effet que des questions en litige ont été traitées au nom ou dans l’intérêt public, un officier taxateur ne détient pas la juridiction pour considérer ce facteur dans la détermination du niveau des dépens.

[10] Ainsi, à la lumière des décisions Williams et Johnson, et en tenant compte du fait que le Jugement et l’Ordonnance sont tous deux muets sur la notion d’intérêt public, le facteur énoncé à l’alinéa 400(3)h) ne sera pas pris en compte dans l’évaluation des dépens.

[11] En ce qui concerne le déséquilibre de ressources financières entre des parties, argument auquel s’opposent les défendeurs, la Cour s’est déjà prononcée à l’effet qu’il ne s’agit pas d’un facteur pertinent en matière de taxation des dépens (Leuthold c Société Radio-canada, 2014 CAF 174, au para 12). En effet, « [e]n matière d’octroi de dépens, ni la capacité de payer ni la difficulté de recouvrer ne devrait être un facteur déterminant » (Nike Canada Ltd et al c M et Mme Untel et al, [1999] A.C.F. no 1018, au para 11).

[12] En réponse à la prétention des défendeurs selon laquelle les Facteurs a), g) et i) militent en faveur d’une taxation des dépens selon le haut de l’échelle de la colonne III du tableau du Tarif B, les demandeurs répliquent que « ce n’est que lorsqu’une partie a un comportement répréhensible devant la Cour que l’échelle supérieure est utilisée à l’encontre de cette partie » (Représentations écrites des demandeurs, para 16). Malheureusement, cet argument faillit. Au contraire, en tant qu’officière taxatrice, je dois déterminer le nombre d’unités pouvant être accordé selon l’entièreté de la gamme d’unités prévu à la colonne III (Règle 407; Hoffman-La Roche Limited c Apotex Inc, 2013 CF 1265, au para 8). De plus, les tribunaux ont rappelé à maintes reprises que « chaque article est taxable en fonction de ses propres circonstances et il n'est pas nécessaire d'utiliser le même nombre d'unités pour chaque service rendu » (Starlight c Canada, 2001 CFPI 999, au para 7). Par conséquent, au moment de déterminer le nombre d’unités à allouer pour chacun des services à taxer, je devrai considérer chaque article séparément conjointement avec les circonstances propres à la présente affaire (Bujnowski v The Queen, 2010 FCA 49, au para 9; Ligue des droits de la personne de B’nai Brith Canada c Canada, 2012 CAF 61, au para 15). À cette même occasion, j’entends considérer les Facteurs énumérés par les défendeurs précédemment soit a) le résultat de l’instance, g) la charge de travail et i) la conduite d’une partie qui a eu pour effet de prolonger inutilement la durée de l’instance, et tous autres Facteurs applicables aux faits en l’espèce, le tout en application du pouvoir discrétionnaire qui m’est conféré suivant la Règle 409.

II. Services à taxer

[13] Les défendeurs réclament la somme de 16 160,00 $ pour des services à taxer.

A. Article 2 – Préparation et dépôt de toutes les défenses, réponses, demandes reconventionnelles ou dossiers et documents des [défendeurs].

[14] Les défendeurs réclament sept (7) unités au titre de l’article 2 pour la préparation et le dépôt de toutes les défenses, réponses, demandes reconventionnelles ou dossiers et documents des demandeurs. Le mémoire de frais et les représentations écrites des défendeurs sont toutefois muets sur la nature exacte de cette réclamation. Dans leurs représentations écrites en réponse, les demandeurs soutiennent que « l’item 2 ne peut en aucun cas s’appliquer aux requêtes pour la mise en place d’un échéancier, pour la tenue d’une conférence de gestion par les requérants, ainsi que pour toute autre requête interlocutoire » (Représentations écrites des demandeurs, para 25). Après examen du dossier de cour et des Inscriptions Enregistrées, je constate que la présente réclamation ne porte pas sur une quelconque requête, conférence et/ou échéancier, comme le soutiennent les demandeurs, mais plutôt sur la préparation et le dépôt du mémoire des faits et du droit des défendeurs déposé en date du 10 février 2022. Un mémoire des faits et du droit complémentaire a également été déposé par les défendeurs en date du 20 avril 2022, en réponse au mémoire complémentaire des demandeurs.

[15] Compte tenu de ce qui précède, il convient donc de déterminer le nombre d’unités à allouer au terme de l’article 2 puisque la colonne III du tableau du Tarif B permet l’allocation de 4 à 7 unités. Aux fins de détermination de cette réclamation, j’ai tenu compte des Facteurs suivants : a) le résultat de l’instance, c) l’importance et la complexité des questions en litige,
g) la charge de travail, i) la conduite d’une partie qui a eu pour effet de prolonger inutilement la durée de l’instance.

[16] D’abord, je constate que : a) les défendeurs ont obtenu gain de cause et c) les questions en litige étaient d’une importance et d’une complexité modérée. Je suis également d’avis qu’en renonçant à contester l’élection des membres du Conseil au moment de l’audition et en présentant un argumentaire qui a évolué au fil du temps, les demandeurs ont occasionné aux défendeurs une charge de travail importante, voire additionnelle, en plus de prolonger inutilement la durée du litige. Plus précisément, ces agissements ont entraîné les défendeurs à (1) présenter en vain dix (10) pages d’arguments juridiques au soutien de leur mémoire des faits et du droit; (2) présenter une requête pour dépôt d’un affidavit complémentaire en vertu de la Règle 312; et (3) préparer un mémoire des faits et du droit complémentaire en réponse aux nouveaux motifs présentés au soutien du dossier de réponse des demandeurs.

[17] Ainsi, en considération des Facteurs énumérés précédemment, des représentations écrites des parties, du dossier de cour, des Règles et de la jurisprudence pertinente, je suis d’avis que l’allocation de sept (7) unités au titre de l’article 2 est justifiée.

B. Article 4 – Préparation et dépôt d’une requête non contestée, y compris tous les documents.

[18] Quatre (4) unités sont réclamées en vertu de l’article 4 pour la préparation et le dépôt d’une requête visant le dépôt d’un affidavit complémentaire en conformité avec la Règle 312, le tout en date du 10 février 2022. Les demandeurs soutiennent, avec raison, que l’octroi des dépens ne peut être alloué puisque ladite requête a été accordée par la Cour suivant l’absence de contestations des demandeurs, sans qu’elle n’ait toutefois statué sur les dépens afférents à cette requête (Représentations écrites des demandeurs, paras 28 et 29; Directive verbale du 19 avril 2022 (St-Louis, J.)). En tant qu’officière taxatrice, je ne détiens pas la juridiction nécessaire pour adjuger les dépens. Mon rôle se limite à taxer les dépens lorsque ceux-ci ont d’abord été adjugés par la Cour. (Pelletier précitée et Règle 405). Dans ces circonstances, la réclamation au titre de l’article 4 doit être rejetée.

C. Article 5 – Préparation et dépôt d’une requête contestée, y compris les documents et les réponses s’y rapportant.

[19] Les défendeurs réclament sept (7) unités pour la préparation et le dépôt d’une requête en radiation d’affidavits. Cette requête fut contestée par les demandeurs et accueillie avec dépens en date du 16 mai 2022. Les demandeurs soutiennent que seules trois (3) unités devraient être allouées aux défendeurs pour ces services. En application du paragraphe 400(3) des Règles, il convient d’analyser la présente réclamation en fonction des facteurs suivants : a) les défendeurs ont eu gain de cause, c) les questions en litige étaient d’une importance et d’une complexité modérée et g) la procédure a nécessité une charge de travail importante. En effet, après examen de ladite procédure, je note que le dossier de requête contient 463 pages et 15 autorités. Il est sans équivoque qu’un temps appréciable a été consacré à la préparation de cet acte de procédure. Au surplus, cette requête a dû être présentée en raison du fait que certains paragraphes des affidavits des demandeurs étaient inadmissibles, ce qui a eu pour effet de prolonger la durée de l’instance (alinéa 400(3)h) des Règles). Considérant les facteurs énumérés précédemment, je suis d’avis que l’allocation de sept (7) unités est justifiée.

D. Article 6 – Comparution lors d’une requête, pour chaque heure.

[20] Aux termes de l’article 6, les défendeurs réclament six (6) unités représentant trois (3) unités par heure pour un total de deux (2) heures pour la comparution de leur procureur lors de l’audition de la requête en radiation d’affidavits. Après examen du dossier de cour, des Inscriptions Enregistrées et du procès-verbal du greffier, il appert que l’audition de cette requête fût entendue en amont de l’audition de la demande de contrôle judiciaire le 21 avril 2022, et ce, pour une durée de 50 minutes. J’estime qu’un temps additionnel de 10 minutes pour permettre aux procureurs de s’installer en vue de l’audition est raisonnable (Nova-Biorubber Green Technologies, Inc c Technologies du développement durable Canada, 2021 CF 102 [Nova-Biorubber], au para 21). Il convient donc d’allouer trois (3) unités par heure pour la comparution lors de cette requête, le tout pour un total de trois (3) unités.

E. Article 10 – Préparation à la conférence préparatoire, y compris le mémoire.

[21] Les défendeurs réclament 12 unités aux termes de l’article 10 pour la préparation aux conférences de gestion de l’instance respectivement tenues les 13 et 20 avril 2022, à raison de six (6) unités par conférence. En premier lieu, les demandeurs soutiennent que les défendeurs n’ont produit aucun mémoire en préparation de ces conférences, « ce qui réduit le nombre d’unités à accorder » (Représentations écrites des demandeurs, para 34). En effet, en application de l’alinéa 400(3)g) des Règles, la charge de travail accompli en préparation de ces conférences doit être considérée dans la détermination des unités à allouer.

[22] En outre, les demandeurs prétendent qu’aucuns dépens n’ont été accordés lors de ces conférences. Sur ce point, je ne peux souscrire aux arguments des demandeurs puisque les dépens afférents aux conférences sont compris dans les dépens adjugés sur le fond du litige et non en fonction d’un jugement interlocutoire (Boshra c Canada (Association des employés professionnels), 2011 CAF 278 au para 20). Il existe cependant des exceptions à ce principe lorsque les conférences portent sur des requêtes interlocutoires. D’ailleurs, dans la décision Simpson Strong-Tie Co v Peak Innovations Inc, 2012 FC 63 au paragraphe 30, l’officier taxateur précise que la principale distinction entre les requêtes et les conférences en tant que processus interlocutoire est de savoir si le travail faisait partie de la préparation d’une requête au sens de l’article 5 par opposition au travail faisant partie du processus global de gestion de l’instance menée par la Cour, dont une partie comprend invariablement la mise au rôle des requêtes. En l’espèce, mon examen des procès-verbaux des conférences des 13 et 20 avril 2022 dressés par le greffier de cette Cour, révèle que, bien que lesdites conférences ont effleuré la question des requêtes, elles ont essentiellement porté sur des questions générales de gestion de l’instance. Ainsi, puisque des dépens ont été adjugés aux défendeurs par jugement définitif, ces derniers sont en droit de réclamer les services à taxer relatifs à ces conférences.

[23] En troisième lieu, les demandeurs font valoir que les mêmes questions ont été abordées lors desdites conférences, « ce qui fait en sorte que les dépens devraient être limités à une (1) seule de ces conférences afin d’éviter les dédoublements » (Représentations écrites des demandeurs, para 37). Bien que je sois d’avis que chaque audition nécessite un temps de préparation distinct indépendamment du fait que certaines questions puissent avoir été abordées par le passé, cet argument des demandeurs, de même que l’absence de dépôt d’un mémoire tel que mentionné précédemment, militent en faveur d’une allocation d’unités situées à l’extrémité inférieure de la colonne III du tableau du Tarif B, et ce, en raison de la charge de travail accompli par les défendeurs (alinéa 400(3)g) des Règles). Ainsi, trois (3) unités par conférence sont allouées, pour un total de six (6) unités.

F. Article 11 – Présence à la conférence préparatoire, pour chaque heure.

[24] Quant à la présence du procureur des défendeurs lors des conférences des 13 et 20 avril 2022, les défendeurs réclament six (6) unités représentant trois (3) unités par heure à raison d’une (1) heure par conférence. D’après les procès-verbaux dressés par le greffier de cette Cour, la première conférence a duré 45 minutes alors que la seconde a duré 1 heure 5 minutes. Je suis d’avis qu’en tenant compte d’un délai raisonnable pour permettre aux procureurs de s’installer en vue des conférences (Nova-Biorubber précitée), la réclamation totale de deux (2) heures est raisonnable. Quant au nombre d’unités, la colonne III du tableau du Tarif B prévoit l’octroi de 1 à 3 unités par heure. Étant donné que les conférences étaient d’une complexité habituelle et que le niveau par défaut des dépens se situe au milieu de la colonne III du tableau du Tarif B, j’estime raisonnable d’allouer deux (2) unités par heure pour un total de quatre (4) unités (Allergan Inc c Sandoz Canada Inc, 2021 CF 186 au para 25).

G. Article 13 a) – Honoraires d’avocat : préparation de l’instruction ou de l’audience, qu’elles aient lieu ou non, y compris la correspondance, la préparation des témoins, la délivrance de subpoena et autres services non spécifiés dans le présent tarif;

[25] Les défendeurs réclament cinq (5) unités pour la préparation de l’instruction. Aux termes de l’article 13 a) du tableau du Tarif B, le nombre d’unités pouvant être alloué en vertu de la colonne III est de 2 à 5 unités. Aucune représentation écrite n’est toutefois offerte au soutien de cette réclamation justifiant l’allocation d’unités situées à l’extrémité supérieure de la colonne III. Après examen du dossier de Cour et des Inscriptions Enregistrées, je constate que les défendeurs n’ont pas assigné de témoins et donc, qu’il n’y a pas eu de préparation à cet effet ou encore de délivrance de subpoena. En outre, je suis d’avis que la renonciation des demandeurs à contester l’élection n’a aucune incidence sur la détermination du niveau des dépens à allouer pour la préparation de l’instruction puisque cette renonciation est survenue en début d’audition et non en amont de celle-ci. L’évaluation n’est pas faite rétrospectivement, mais plutôt à l’époque où le travail a été accompli afin d’assurer une représentation prudente du client (Carlile v Canada (Minister of National Revenue - MNR), [1997] FCJ No 885, para 5). En me fondant sur Allergan précitée et considérant qu’il s’agit d’une affaire d’une complexité habituelle, il y a lieu, en l’espèce, d’accorder trois (3) unités.

H. Article 13 b) – Honoraires d’avocat : préparation de l’instruction ou de l’audience, pour chaque jour de présence à la Cour après le premier jour.

[26] Au terme de l’article 13 b), les défendeurs réclament trois (3) unités pour la préparation de l’instruction lors de la seconde journée d’audition. D’emblée, les demandeurs prétendent qu’aucune unité ne devrait être allouée puisque le procureur des défendeurs n’a été présent qu’une demi-journée. Toutefois, « [s]i des dépens étaient accordés […] ils devraient être limités à deux (2) unités » (Représentations écrites des demandeurs, para 45). Je partage l’opinion des demandeurs à l’effet que l’octroi de deux (2) unités est justifié vu la durée de la seconde journée d’audition. Ainsi, deux (2) unités sont allouées aux défendeurs en vertu de l’article 13 b).

I. Article 14 a) – Honoraires d’avocat : pour le premier avocat, pour chaque heure de présence à la Cour;

[27] Trente (30) unités sont réclamées sous l’article 14 a), lesquelles équivalent à 10 heures multipliées par trois (3) unités pour la présence à la Cour du procureur des défendeurs lors de l’audience du 21 avril 2022. Les demandeurs avancent que « sur les 10 heures de présence réclamées en vertu de l’article 14 a), les [défendeurs] demandent déjà que des dépens pour deux (2) heures leur soient attribués pour l’audience de leur requête en radiation d’affidavits en vertu de l’article 6, qui a eu lieu […] le même jour que l’audience sur le fond » (Représentations écrites des demandeurs, para 47). Sur ce point, les demandeurs ont raison. Il appert du procès-verbal du greffier, que l’audience de la demande de contrôle judiciaire, exclusion faite de l’audition de la requête, fût d’une durée 8 heures 23 minutes. En considération du fait que l’audition s’est tenue sur plus d’une journée et en application de la décision Nova-Biorubber (précitée), il convient donc d’indemniser les défendeurs pour une durée totale de 9 heures. Puisque le nombre d’unités réclamées sous la colonne III du tableau du Tarif B n’est pas contesté par les demandeurs et que l’octroi de trois (3) unités par heure semble justifié en l’espèce, un total de 27 unités est alloué au titre de l’article 14 a).

J. Article 14 b) – Honoraires d’avocat : pour le second avocat, lorsque la Cour l’ordonne : 50 % du montant calculé selon l’alinéa a).

[28] Dans leur mémoire de frais, les défendeurs réclament 15 unités pour les honoraires professionnels de leur second procureur afin d'assister à l’audience du 21 avril 2022. La disposition de l’article 14 b) édicte que les honoraires sont accordés « lorsque la Cour l’ordonne ». En application du paragraphe 5.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F-7, « [l]a Cour fédérale se compose du juge en chef, appelé juge en chef de la Cour fédérale, qui en est le président, du juge en chef adjoint, appelé juge en chef adjoint de la Cour fédérale et de trente-neuf autres juges ». Ainsi, en tant qu’officière taxatrice, je ne détiens pas la juridiction nécessaire afin d’accorder les frais prévus aux termes de cet article (Double Diamond Distribution Ltd v Crocs Canada, Inc, 2021 FCA 47, au para 16; Delizia Limited v Sunridge Gold Corp, 2018 FCA 158, au para 7 (non publiée, dossier A-119-16); Ade Olumide v Conservative Party of Canada, 2016 FCA 168, au para 14 (non publiée, dossier A-301-15)). Puisque le Jugement n’a pas expressément accordé ces frais, la réclamation est donc rejetée.

K. Article 26 – Taxation des frais.

[29] Au titre de l’article 26, soit pour les services effectués pour la préparation de la présente taxation des frais, les défendeurs réclament six (6) unités. Les demandeurs soutiennent quant à eux que « le nombre d’unités allouées devrait être de deux (2) car la taxation des présents frais ne comporte aucune difficulté » (Représentations écrites des demandeurs, para 55). En réalité, rien ne saurait être plus loin de la vérité. Rappelons que les parties ont toutes deux déposé de longues représentations écrites appuyées de jurisprudence et portant à la fois sur la détermination du niveau des frais applicables, l’adjudication particulière des dépens et la légitimité des services à taxer réclamés.

[30] En considération de la charge de travail requise par les défendeurs au stade de la taxation des dépens et du nombre de réclamations présentées (alinéa 400(3)g) des Règles), je suis d’avis que l’octroi de six (6) unités est tout à fait justifié en l’espèce.

III. Débours

A. Frais d’huissier

[31] Dans leur mémoire de frais, les défendeurs réclament la somme de 129,82 $ pour la signification de procédure par huissier. Les documents déposés par les défendeurs ne fournissent toutefois aucune précision sur la teneur de ces débours. Je constate d’ailleurs qu’aucun affidavit de débours ni quelconque élément de preuve n’a été déposé au soutien de cette réclamation.

[32] À cet effet, le paragraphe 1(4) du Tarif B des Règles établit ce qui suit quant au fardeau de preuve applicable aux débours :

Preuve

(4) À l’exception des droits payés au greffe, aucun débours n’est taxé ou accepté aux termes du présent tarif à moins qu’il ne soit raisonnable et que la preuve qu’il a été engagé par la partie ou est payable par elle n’est fournie par affidavit ou par l’avocat qui comparaît à la taxation.

Evidence of disbursements

(4) No disbursement, other than fees paid to the Registry, shall be assessed or allowed under this Tariff unless it is reasonable and it is established by affidavit or by the solicitor appearing on the assessment that the disbursement was made or is payable by the party.

[33] En sus du paragraphe 1(4) du Tarif B des Règles, la jurisprudence a également établi qu’en matière de taxation des débours, la partie qui a gain de cause peut réclamer les débours qui sont raisonnables et nécessaires au litige (Merck & Co c Apotex inc, 2006 CF 631, au para 3). Or, en l’espèce, la preuve que ces débours étaient raisonnables et nécessaires à la conduite du dossier et qu’ils ont bel et bien été engagés par les défendeurs ne m’a pas été présentée. Malgré un examen exhaustif des procédures déposées au dossier de la Cour, je ne suis pas en mesure de constater que des frais d’huissier ont été engagés pour la signification d’une quelconque procédure dans le cadre de ce litige. Cette réclamation est donc rejetée.

IV. Conclusion

[34] Le mémoire de frais des défendeurs est taxé et alloué au montant de 10 400 $. Un certificat de taxation sera émis pour cette somme.

« Audrey Blanchet »

Officière taxatrice

Ottawa (Ontario)

Le 7 juin 2023


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1185-21

 

INTITULÉ :

JOHN ROCK ET CHRISTELLE ROCK c LE CONSEIL DES INNUS DE PESSAMIT, GÉRALD HERVIEUX, JEAN-NOËL RIVERIN ET MARIELLE VACHON

 

TAXATION DES DÉPENS SUR DOSSIER EXAMINÉ À OTTAWA (ONTARIO) SANS COMPARUTION DES PARTIES.

MOTIFS DE LA TAXATION PAR :

Audrey BLANCHET, Officière taxatrice

DATE DES MOTIFS :

7 JUIN 2023

REPRÉSENTATIONS ÉCRITES PAR :

Me François Boulianne

Pour LES DEMANDEURS

Me Marie-Christine Gagnon

Pour LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

François Boulianne

Québec (Québec)

Pour les demandEURS

Gowling WLG (Canada)

S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Marie-Christine Gagnon

Ottawa (Ontario)

Pour lES DÉFENDEURS

 

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