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Date : 20230516


Dossier : IMM-8890-22

Référence : 2023 CF 687

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 16 mai 2023

En présence de monsieur le juge Mosley

ENTRE :

GURPREET SINGH GILL

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du 12 janvier 2022 par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé la conclusion de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] selon laquelle le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[2] Pour les motifs qui suivent, la demande sera rejetée.

II. Faits

  1. Contexte factuel

[3] Le demandeur, âgé de 42 ans, est un citoyen de l’Inde. Il est né dans un petit village du Pendjab. Il ne compte que quelques années de scolarité officielle et se dit [traduction] « lent à comprendre ». Lorsqu’il vivait en Inde, il travaillait à la ferme de sa famille. Il est célibataire, sans enfant. Son père est décédé, son unique frère a immigré au Canada en septembre 2015 et sa mère est venue pour la première fois au Canada, munie d’un visa de visiteur, en 2017.

[4] Le demandeur affirme que ses oncles paternels sont [traduction] « très riches » et qu’ils entretiennent des [traduction] « liens étroits avec la police et les politiciens », qu’ils l’ont harcelé afin de prendre possession de la terre de son père et qu’ils l’ont agressé physiquement à de multiples reprises. Il soutient que la dernière fois qu’ils l’ont battu remonte à janvier 2018. Il s’est rendu au poste de police à de multiples occasions afin de porter plainte contre ses oncles, mais la police n’a jamais agi.

[5] Les oncles ont pris possession de la terre du demandeur en décembre 2017. Le demandeur a sollicité l’aide de la police, qui ne l’aurait pas aidé en raison des liens que celle-ci entretient avec ses oncles. Le demandeur affirme que ses oncles ont menacé de le tuer s’il tentait de reprendre possession de la terre.

[6] Alors que le demandeur était au poste de police, un agent a menacé de porter de fausses accusations contre lui s’il ne cessait pas de se plaindre au sujet de ses oncles. Le demandeur estime qu’il ne peut vivre en sécurité nulle part en Inde, car il croit que la police pourra le trouver n’importe où si ses oncles en font la demande.

[7] Le demandeur est arrivé au Canada le 6 avril 2018, muni d’un visa de résident temporaire délivré en novembre 2017. En mai 2019, il a demandé l’asile au Canada.

  1. Décision de la SPR

[8] Dans une décision du 12 janvier 2022, la SPR a conclu que le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger.

[9] Pendant l’audience de la SPR, le conseil du demandeur a demandé qu’un représentant désigné soit commis d’office à ce dernier, au titre du paragraphe 167(2) de la LIPR, car le demandeur avait de la difficulté à répondre à des questions simples. Le demandeur n’a présenté au tribunal aucune évaluation psychologique officielle, aucun diagnostic, ni aucune preuve d’expert indiquant la nature et l’étendue de son incapacité mentale. Le tribunal a noté que le demandeur semblait comprendre la nature de la procédure et il était convaincu que le demandeur démontrait une compréhension des concepts de réfugié au sens de la Convention et de personne à protéger. Le tribunal a jugé que le demandeur avait de la difficulté à répondre à certaines questions, mais que ce dernier y répondait quand il était incité à le faire et que son conseil s’assurait de façon très active de la compréhension de son client. Par conséquent, le tribunal a conclu qu’il n’était pas justifié de nommer un représentant désigné.

[10] Le tribunal a jugé que le demandeur était crédible et disait la vérité. Cependant, il a souligné que le demandeur était souvent incapable de répondre à des questions de base concernant sa demande d’asile, que son témoignage était difficile à comprendre et qu’il réitérait souvent que ses oncles l’avaient battu et qu’il était lent à comprendre. Pour cette raison, le tribunal a demandé à entendre le frère du demandeur afin que ce dernier corrobore les allégations. Se fondant sur les deux témoignages, le tribunal a reconnu que le demandeur était en conflit avec ses oncles paternels en raison d’un différend foncier et qu’ils avaient été violents physiquement à son endroit. Le tribunal a conclu que les oncles contrôlaient maintenant la terre en question. En outre, le tribunal n’était pas convaincu que le demandeur ne disposait pas d’une possibilité de refuge intérieur [PRI] en Inde, même s’il a reconnu que le demandeur pourrait être exposé à un certain risque s’il devait retourner chez lui au Pendjab.

[11] Le tribunal a évalué la demande d’asile sur le fondement du paragraphe 97(1) de la LIPR et a conclu qu’il n’existait pas de lien entre les allégations du demandeur et l’un des motifs prévus dans la Convention sur les réfugiés. Bien qu’il ait fait remarquer que le demandeur pouvait être considéré comme membre d’un groupe social en raison de sa maladie mentale, le tribunal a conclu qu’il était difficile de savoir si les problèmes de santé mentale allégués du demandeur étaient attribuables à des problèmes psychologiques ou à ses capacités intellectuelles, car il ne disposait d’aucun élément de preuve objectif indiquant la nature ou l’étendue de ces problèmes. Par conséquent, le tribunal n’a pas été en mesure de conclure que le demandeur avait un problème santé qui l’exposerait à un préjudice constituant de la persécution.

[12] Le tribunal a conclu que la question déterminante était l’existence d’une PRI à Mumbai ou à Delhi, et il a appliqué le critère à deux volets énoncé dans l’arrêt Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 (CA).

[13] En ce qui a trait au premier volet du critère, le tribunal a examiné la question de savoir si les éléments de preuve montraient que les agents de préjudice avaient la motivation de poursuivre le demandeur dans l’une des villes proposées comme PRI et si ce dernier y serait exposé à un nouveau risque. Le tribunal a conclu que la preuve ne permettait pas de démontrer que les oncles du demandeur le recherchaient toujours étant donné que ceux-ci avaient désormais le contrôle du bien en litige. En l’absence d’autres détails, les témoignages du demandeur et de son frère n’ont pas permis d’établir adéquatement que les oncles de ces derniers seraient motivés à causer un préjudice au demandeur dans un autre endroit. Le demandeur a également indiqué qu’il craignait d’être persécuté par la police et qu’il était d’avis que celle-ci pourrait le retrouver n’importe où en Inde si ses oncles en faisaient la demande. Comme le tribunal avait déjà conclu que ses oncles n’étaient pas motivés à se lancer à la poursuite du demandeur, il a jugé qu’ils n’auraient aucune raison d’ordonner à la police de le faire. Par conséquent, le tribunal a conclu que le demandeur n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que ses oncles ou la police étaient assez motivés pour le retrouver dans les endroits proposés comme PRI et lui causer un préjudice.

[14] Le tribunal s’est également demandé si les problèmes de santé mentale ou problèmes liés aux capacités intellectuelles du demandeur, que celui-ci a lui-même décrits, pouvaient l’exposer à de la persécution ou à un risque au sens de l’article 97 dans les endroits proposés comme PRI. Compte tenu des éléments de preuve objectifs sur la situation dans le pays qui démontrent que des services en santé mentale sont accessibles en Inde, et en l’absence de preuve quant à un état particulier dont le demandeur pourrait souffrir, le tribunal n’a pu conclure qu’il existait une possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté pour ce motif à l’un ou l’autre des endroits proposés comme PRI.

[15] En ce qui concerne le second volet du critère, le tribunal a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la vie ou la sécurité du demandeur ne serait pas mise en péril lorsqu’il se rendrait à l’un ou l’autre des endroits proposés comme PRI ou s’y installerait, et qu’il ne serait pas déraisonnable de s’attendre à ce que le demandeur déménage dans l’une de ces villes. Le demandeur a déclaré qu’il aurait de la difficulté à trouver un emploi et qu’il lui serait très difficile de s’établir dans l’une ou l’autre des villes sans obtenir d’aide. Le tribunal a reconnu qu’il serait difficile pour le demandeur de se réinstaller à l’intérieur du pays, mais il a fait remarquer que le demandeur avait vécu de façon indépendante pendant un certain temps après 2017. Le tribunal n’a pu conclure que le demandeur ne pourrait pas effectuer un travail semblable à celui qu’il faisait au Canada et au Pendjab. Compte tenu du fait que le demandeur se définit comme un sikh hindou, le tribunal a fait remarquer que, d’après des éléments de preuve figurant dans le cartable national de documentation, les sikhs vivent en paix en Inde et la majorité d’entre eux ne subissent pas de discrimination ou de violence sociétales. Enfin, le tribunal a conclu que la preuve ne permettait pas d’établir que le demandeur souffrait d’un problème psychologique qui mettrait en péril sa vie et sa sécurité dans les endroits proposés comme PRI.

  1. Décision faisant l’objet du contrôle

[16] La SAR a rejeté l’appel interjeté par le demandeur dans une décision du 12 août 2022.

[17] En appel, le demandeur a affirmé qu’il subirait un préjudice indu à Mumbai ou à Delhi en raison de ses problèmes de santé mentale et problèmes liés à ses capacités intellectuelles, et que les personnes éprouvant de tels problèmes faisaient l’objet de discrimination et étaient exposées à un manque de traitements et à de graves difficultés au moment de trouver un emploi et un logement, ce qui rendrait déraisonnable son déménagement à l’un ou l’autre des endroits proposés comme PRI. La SAR a examiné une nouvelle question à trancher en appel et a invité le demandeur à présenter des observations concernant le risque de préjudice auquel il serait exposé s’il retournait dans son village du Pendjab, sans tenter de récupérer sa terre. Le demandeur a répondu que son principal risque n’était pas attribuable à la terre, mais plutôt à l’absence de traitement, à la discrimination et à la stigmatisation auxquelles il serait exposé, sans le soutien de sa famille, en raison de son état de santé.

[18] La SAR a tiré deux conclusions principales : 1) le demandeur ne serait pas exposé à une possibilité sérieuse de persécution en raison du différend foncier s’il retournait dans sa ville natale, et 2) le demandeur n’a pas établi qu’il avait d’importants problèmes de santé mentale ou problèmes liés à ses capacités intellectuelles.

[19] En ce qui concerne la première conclusion, la SAR n’a pas souscrit aux témoignages du demandeur et de son frère selon lesquels le demandeur serait toujours en danger. La SAR a jugé que, étant donné que le différend était entièrement attribuable à la résistance du demandeur à la prise de possession de sa terre par ses oncles, s’il retournait en Inde, ses oncles n’auraient vraisemblablement pas de raison de le poursuivre s’il ne tentait pas de récupérer sa terre.

[20] La SAR a conclu qu’il est attendu des demandeurs d’asile qu’ils opèrent des choix raisonnables pour se soustraire au risque de préjudice, dans la mesure où de tels choix ne les privent pas de leur capacité générale de gagner leur vie. Ces choix comprennent le fait d’exiger des demandeurs qu’ils renoncent à un héritage familial ou à une terre s’ils n’en dépendent pas pour toucher un revenu de base et si une telle mesure pourrait les libérer de tout risque éventuel de préjudice : Sanchez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 99; Malik c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 955 [Malik]; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 595 [Singh]. Selon la SAR, il s’agissait d’un cas où le demandeur devrait renoncer à sa terre pour être à l’abri de tout risque de préjudice futur. La SAR a conclu que le demandeur n’avait pas établi que ses oncles le poursuivraient même s’il ne tentait pas de récupérer sa terre en cas de retour en Inde aujourd’hui.

[21] Pour ce qui est de la deuxième conclusion, la SAR a convenu avec la SPR qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir que le demandeur avait d’importants problèmes de santé mentale ou problèmes liés à ses capacités intellectuelles. La SAR a souligné que le demandeur n’avait pas traité directement de la question de la suffisance de la preuve à cet égard, mais s’était plutôt concentré sur la persécution à laquelle des personnes dans une situation du genre étaient exposées en Inde, et qu’il n’avait présenté aucun diagnostic officiel ni aucun élément de preuve psychologique à l’appui de ces problèmes allégués. La SAR a également mentionné que, bien que le demandeur ait eu de la difficulté à répondre à certaines questions, il avait souvent été en mesure d’y répondre lorsque les questions étaient répétées, qu’il avait témoigné avec un interprète et qu’il n’avait que huit ans de scolarité officielle. Par conséquent, la SAR a jugé que la difficulté du demandeur à répondre aux questions pouvait être attribuable à de nombreux facteurs différents, et que, en l’absence d’autres éléments de preuve, le témoignage du demandeur à l’audience ne lui permettait pas de conclure qu’il avait d’importants problèmes de santé mentale ou problèmes liés à ses capacités intellectuelles. La SAR a aussi fait remarquer que le frère du demandeur avait dit durant son témoignage que le demandeur avait eu de la difficulté à s’occuper de lui-même ou à travailler seul, mais le demandeur avait déjà travaillé dans une ferme et comme peintre, et il avait également vécu seul pendant un certain temps en 2017 lorsque des membres de sa famille avaient déménagé au Canada.

[22] La SAR a reconnu les obstacles au traitement en Inde, ainsi que la stigmatisation et la discrimination auxquelles les personnes handicapées font face. Cependant, la SAR a jugé qu’il était difficile de savoir si le demandeur avait besoin d’un traitement continu, car il n’avait présenté aucun élément de preuve à cet effet. Il n’était pas non plus clair avec quelle déficience le demandeur vivait, de sorte qu’il était difficile d’évaluer sa situation en cas de retour en Inde. Le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve au sujet d’une quelconque déficience ou d’un quelconque problème officiel lié à ses capacités intellectuelles, des traitements dont il avait besoin et de leur incidence sur sa vie, mis à part le fait qu’il lui était plus difficile de trouver un emploi. La SAR a conclu que le retour en Inde pourrait être difficile, mais que le demandeur n’avait pas établi que le traitement ou la discrimination auxquels il pourrait être exposé équivalaient à de la persécution.

[23] Comme la SAR a jugé que le demandeur ne serait pas exposé à une possibilité sérieuse de persécution en raison du différend foncier ou en raison de ses problèmes de santé mentale ou de sa déficience en cas de retour en Inde, et qu’il pouvait retourner dans sa ville natale en toute sécurité, elle a conclu qu’il n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger.

III. Questions en litige et norme de contrôle

[24] La seule question soulevée en l’espèce est de savoir si la décision de la SAR selon laquelle le demandeur n’a pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger est raisonnable.

[25] Les parties et moi-même convenons que la norme de contrôle applicable à la décision de la SAR est celle de la décision raisonnable.

IV. Analyse

  1. Observations du demandeur

[26] Le demandeur fait valoir que la SAR a commis une erreur de droit et qu’elle a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, et ce, de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait.

[27] Le demandeur fait valoir que, même s’il n’a pas fourni de documents concernant son état psychologique et intellectuel, il y avait des éléments de preuve à ce sujet, à savoir un témoignage sous serment, et la SPR a reconnu que son témoignage était crédible. Il soutient donc que la SAR a commis une erreur en ne prêtant aucune attention à ses problèmes et en les rejetant dans leur intégralité.

[28] Le demandeur a également fait valoir auprès de la SAR qu’il n’avait pas d’autres parents en Inde sur qui il pourrait compter pour obtenir de l’aide, qu’il serait laissé à lui-même et que la stigmatisation et la discrimination associées aux personnes souffrant de problèmes de santé mentale étaient pires dans les régions rurales. Il soutient que la SAR n’a pas reconnu ce facteur dans sa décision et a commis une erreur susceptible de contrôle.

  1. Observations du défendeur

[29] Le défendeur soutient que les analyses de la SAR sur la capacité du demandeur de retourner en Inde en toute sécurité et le manque d’éléments de preuve concernant les capacités intellectuelles de ce dernier sont intelligibles, transparentes et justifiables au regard du droit. Il soutient que le demandeur n’a pas démontré l’existence d’une erreur susceptible de contrôle et que ce dernier ne souscrit tout simplement pas à la conclusion de la SAR concernant l’absence de risque prospectif et ses capacités intellectuelles.

[30] Le défendeur fait valoir que la SAR a pour rôle de corriger les erreurs commises par la SPR et est limitée par le dossier dont elle dispose. Une décision de la SAR n’est pas déraisonnable du simple fait que celle‑ci n’a pas examiné chaque question examinée par la SPR; la SAR est réputée avoir pris en compte la décision de la SPR dans son ensemble : Cruz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 22 au para 32. La SAR a procédé à un examen attentif de tous les aspects de la décision de la SPR et a effectué sa propre analyse du dossier : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93 au para 103.

[31] Le défendeur soutient qu’il est évident que la SAR a procédé à un examen indépendant de la preuve, car elle a fourni des motifs différents pour rejeter l’appel et elle a conclu que le demandeur pouvait retourner dans son village d’origine. La SAR a invoqué deux affaires récentes qui portaient sur des questions similaires (Malik, au para 25, et Singh, au para 16) et dans lesquelles la Cour avait rejeté les demandes de contrôle judiciaire au motif que le demandeur ne courrait plus de risque s’il renonçait à son héritage, dans l’affaire Malik, et que les demandeurs ne seraient plus exposés à un risque s’il vendait la terre en litige, dans l’affaire Singh. Il était raisonnable de la part de la SAR de conclure qu’il n’y avait pas de risque prospectif et que le demandeur n’aurait pas de problèmes s’il retournait dans son village puisque ses oncles étaient déjà en possession de la terre.

[32] En outre, le défendeur fait remarquer que, dans les observations du demandeur en appel, celui-ci ne traitait pas de la terre, mais faisait plutôt valoir que son principal risque était la persécution à laquelle il serait exposé en raison de sa santé mentale et de ses capacités intellectuelles.

[33] En réponse à l’affirmation du demandeur selon laquelle la SAR n’a pas accordé le poids approprié au témoignage de son frère, le défendeur fait valoir que la difficulté tient au fait que le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve objectif indiquant un trouble de santé mentale ou une déficience intellectuelle. Il incombait au demandeur de prouver son allégation selon laquelle il avait d’importants problèmes de santé mentale ou d’importantes limitations intellectuelles au point où il serait stigmatisé ou exposé à de la discrimination à son retour en Inde. Il n’a fourni aucun élément de preuve objectif, même s’il était représenté par un conseil à l’audience de la SPR et qu’il a eu la possibilité de fournir des observations à la SAR à ce sujet.

  1. Analyse

[34] Je suis sensible à la situation du demandeur, mais il m’est impossible de conclure que la SAR a commis une erreur et que la présente affaire devrait être renvoyée à un autre commissaire de la SAR pour nouvel examen.

[35] Bien que la SPR ait reconnu que les témoignages du demandeur et de son frère étaient véridiques et crédibles, elle n’était pas tenue de considérer que ces éléments de preuve permettaient d’établir que le demandeur souffrait de problèmes de santé mentale ou d’une déficience. Elle n’a pas rejeté les éléments de preuve comme le prétend le demandeur. Il ressort plutôt d’une simple lecture de la décision de la SAR que celle-ci a tenu compte du fait que le demandeur avait éprouvé des difficultés lors de son témoignage devant la SPR et a également pris en considération les déclarations du frère concernant les capacités du demandeur.

[36] L’appel interjeté à la SAR mettait plutôt l’accent sur les problèmes de santé mentale et problèmes liés aux capacités intellectuelles. Voici ce que le demandeur a soutenu :

[Traduction]

L’appelant fait valoir que le principal risque de persécution auquel il serait exposé en Inde est attribuable non pas à sa terre, mais à ses problèmes de santé mentale et problèmes liés à ses capacités intellectuelles. Comme il est décrit dans ses observations initiales en appel, l’appelant soutient que l’accès à des services de santé mentale est sérieusement limité et que les mauvais traitements réservés aux personnes ayant des problèmes de santé mentale en Inde équivalent à de la persécution. […]

L’appelant serait laissé à lui-même avec ses problèmes de santé mentale dans une région rurale, sans l’aide professionnelle et médicale dont il a besoin. Il serait une cible de choix pour des mauvais traitements et de la persécution compte tenu de ses problèmes de santé mentale et de sa déficience intellectuelle.

[37] Vu le manque d’éléments de preuve à l’appui, il était raisonnable de la part de la SAR de conclure que la preuve ne permettait pas d’établir que le demandeur serait persécuté en raison des problèmes de santé mentale ou de la déficience intellectuelle dont il pouvait souffrir. Le demandeur affirme que l’accès limité aux ressources et aux services lui causerait un préjudice en Inde, mais il n’a présenté aucun élément de preuve démontrant qu’il a besoin d’un traitement précis, qu’il suit actuellement un tel traitement ou qu’il bénéficie d’une aide ou de services médicaux particuliers au Canada. Il n’a présenté aucun diagnostic officiel ni aucune évaluation psychologique de la part d’un professionnel de la santé.

[38] Il incombait au demandeur de présenter des éléments de preuve suffisants et crédibles démontrant ses problèmes de santé mentale et sa déficience et expliquant comment cela entraînerait de la persécution en Inde, ce qu’il n’a pas fait. Il ne suffisait pas pour le demandeur d’affirmer qu’il est « lent » pour s’acquitter de ce fardeau.

[39] Comme l’a déclaré la SAR aux paragraphes 20 et 22 des motifs faisant l’objet du présent contrôle, « il est difficile de savoir si l’appelant a besoin d’un traitement continu. Il n’a présenté aucun élément de preuve montrant que c’est le cas. Il n’est pas non plus clair avec quelle invalidité l’appelant vit, et il est donc difficile d’évaluer sa situation en cas de retour en Inde. […] L’appelant n’a présenté aucun élément de preuve au sujet d’une quelconque déficience ou d’un quelconque problème officiel lié à ses capacités intellectuelles, des traitements dont il a besoin et de leur incidence sur sa vie, mis à part le fait qu’il lui est plus difficile de trouver un emploi. »

V. Conclusion

[40] À la lumière du dossier dont dispose la Cour, je ne puis conclure que la décision de la SAR est déraisonnable. Par conséquent, la présente demande doit être rejetée. Aucune question grave de portée générale n’a été proposée aux fins de certification.

[41] Je ne peux clore la présente affaire sans faire observer que d’autres recours pourraient être envisagés avant que le demandeur soit tenu de retourner en Inde. Bien que la demande d’asile ne respecte pas la norme requise, la LIPR confère au ministre un pouvoir discrétionnaire qu’il peut exercer dans les cas qui le justifient. Il n’appartient pas à la Cour de déterminer si le cas présent le justifie.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-8890-22

LA COUR STATUE que la demande est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée.

« Richard G. Mosley »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-8890-22

INTITULÉ :

GURPREET SINGH GILL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 AVRIL 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :

LE 16 MAI 2023

COMPARUTIONS :

Aman Sandhu

POUR LE DEMANDEUR

Edward Burnet

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sandhu Law Office

Surrey (Colombie-Britannique)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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