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Date : 20230530


Dossier : IMM-5730-22

Référence : 2023 CF 754

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 30 mai 2023

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

CHERLY DAYANA MEJIA SUAZO

ANDREE FERNANDO MEJIA SUAZO

JONATHAN ALEJANDRO MEJIA SUAZO

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Une fois terminée la présentation des observations formulées par les demandeurs, et en dépit des efforts déployés par leur avocat, j’ai fait savoir que la présente demande ne pouvait être accueillie. Voici les motifs de ma décision.

[2] La Cour est saisie de la demande de contrôle judiciaire visant la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. La SPR a conclu que deux des demandeurs, soit Cherly Dayana Mejia Suazo et son fils d’âge mineur, Jonathan Alejandro, avaient une possibilité de refuge intérieur [PRI] viable au Honduras, leur pays d’origine. Le troisième demandeur, Andree Fernando, fils cadet de Mme Mejia Suazo, n’a pas établi une possibilité sérieuse de persécution pour un motif prévu dans la Convention, ou une menace à sa vie ou un risque de peines cruelles et inusitées aux États-Unis, son pays de naissance et de nationalité.

[3] La seule question en litige concerne le caractère raisonnable de la conclusion relative à la PRI.

[4] La SPR a désigné Roatán, île hondurienne accessible uniquement par avion ou par traversier et située à 192 kilomètres de Villanueva, en tant que PRI. La SPR a appliqué le critère à deux volets pour établir la viabilité de la PRI : les demandeurs seraient-ils exposés, à Roatán, à une possibilité sérieuse de persécution ou de risque, conformément au paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27; et serait-il objectivement déraisonnable dans les circonstances que les demandeurs y déménagent?

[5] La SPR a conclu que Mme Mejia Suazo avait établi un lien avec un motif prévu dans la Convention en tant que femme craignant la violence fondée sur le sexe et la violence familiale. La SPR a reconnu que l’agent de persécution avait la motivation nécessaire pour retrouver Mme Mejia Suazo et ses fils. Elle n’a toutefois pas jugé qu’il avait les moyens de les retrouver.

[6] La SPR a rejeté l’argument selon lequel l’agent de persécution ferait jouer ses contacts pour retrouver Mme Mejia Suazo, concluant qu’il n’avait pas de relations avec des policiers corrompus ou le gang Barrio 18. Subsidiairement, dans l’éventualité où ses conclusions quant aux relations de l’agent de persécution avec le gang Barrio 18 étaient infirmées, la SPR s’est demandé si l’agent de persécution aurait les moyens de retrouver Mme Mejia Suazo. La SPR a conclu que le résultat serait le même puisqu’il n’y avait pas de preuve objective qu’un quelconque gang était présent ou exerçait une influence à Roatán. Elle a fondé cette conclusion sur des constatations selon lesquelles les gangs comme le Barrio 18 constituaient « un phénomène urbain qui n’existe pas dans toutes les parties du pays ».

[7] En ce qui concerne le second volet du critère relatif à l’analyse de la PRI, Mme Mejia Suazo a concédé à la SPR qu’elle pourrait trouver du travail à Roatán et que rien ne s’opposait à ce que ses enfants fréquentent l’école ou obtiennent des services de santé dans cette ville. La Cour fait remarquer que cette concession a été faite malgré le diagnostic de cancer du cerveau de Jonathan et les traitements que ce dernier recevait au Canada.

[8] La SPR a conclu que Roatán constituait une PRI raisonnable dans les circonstances et que les demandeurs n’avaient pas réfuté cette conclusion.

[9] Les demandeurs prétendent que la décision est déraisonnable parce que la SPR n’a pas pris en compte le profil de Jonathan, lequel, estiment-ils, l’expose au risque d’être recruté par les gangs en raison de son âge et de sa situation personnelle.

[10] Ils ont concédé d’emblée que cette allégation de risque n’avait pas été présentée devant la SPR et qu’elle était soulevée pour la première fois dans la présente demande.

[11] J’accepte l’observation des demandeurs selon laquelle, lorsqu’il y a une preuve quant à un facteur de risque, la SPR est tenue de l’analyser même si le risque en question n’a pas été soulevé. Ainsi, il convient de déterminer s’il y avait une preuve au dossier selon laquelle Jonathan était exposé au risque d’être recruté par les gangs à l’endroit que la SPR a désigné comme PRI.

[12] Je suis disposé à reconnaître que les éléments de preuve contenus dans le cartable national de documentation que la SPR a examiné établissent que les jeunes hommes, et particulièrement ceux qui sont issus de familles sans père, sont exposés au risque d’être recrutés par les gangs au Honduras. Cependant, bien qu’il y ait une preuve abondante quant à l’activité des gangs au Honduras continental, comme l’a souligné la SPR dans sa décision, la preuve établit que les gangs ne sont pas actifs à Roatán :

[…] je conclus que les gangs en général (et le Barrio 18 en particulier) constituent un phénomène urbain qui n’existe pas dans toutes les parties du pays, et que le [cartable national de documentation] sur le Honduras n’établit pas selon la prépondérance des probabilités que le gang est présent ou a de l’influence à Roatán.

[13] En dépit des efforts déployés par l’avocat pour me convaincre du contraire, il était raisonnablement loisible à la SPR de tirer cette conclusion au vu du dossier, et les demandeurs n’ont pas relevé la moindre preuve convaincante démontrant le contraire.

[14] Pour ces motifs, la présente demande doit être rejetée. Aucune question n’a été proposée aux fins de certification, et l’affaire n’en soulève aucune.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-5730-22

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit : La présente demande est rejetée et aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5730-22

 

INTITULÉ :

CHERLY DAYANA MEJIA SUAZO, ANDREE FERNANDO MEJIA SUAZO, JONATHAN ALEJANDRO MEJIA SUAZO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 MAI 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 30 MAI 2023

 

COMPARUTIONS :

Luke McRae

POUR LES DEMANDEURS

 

Giancarlo Volpe

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bondy Immigration Law

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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