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Date : 20230523


Dossier : IMM-2794-22

Référence : 2023 CF 719

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 23 mai 2023

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

AFZAL RAJA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Afzal Raja, sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 14 mars 2022 par laquelle un agent des visas (l’« agent ») d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (« IRCC ») a rejeté sa demande de permis de travail présentée au titre du Programme de mobilité internationale (« PMI »).

[2] L’agent n’était pas convaincu que le demandeur quitterait le Canada à la fin de son séjour, comme l’exige le paragraphe 200(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le « RIPR »), en raison de l’objet de sa visite et de ses antécédents de voyage.

[3] Le demandeur soutient que l’agent a manqué à son obligation d’équité procédurale à plusieurs égards et qu’il a rendu une décision déraisonnable qui justifie l’intervention de la Cour.

[4] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de l’agent est raisonnable. Le demandeur n’a pas soulevé d’erreur susceptible de contrôle ni de manquement à l’équité procédurale dans la décision. La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

II. Faits

A. Demandeur

[5] Le demandeur est un citoyen de l’Iran âgé de 67 ans.

[6] De 1973 à 1990, le demandeur a travaillé comme directeur adjoint dans un restaurant en Iran. En 1990, il a hérité du restaurant pakistanais de son père à Abadan, en Iran. Au cours des 30 dernières années, il a été l’unique propriétaire et gestionnaire de ce restaurant.

[7] Le demandeur prétend que, le 9 juin 2020, il a constitué « Pakistan Restaurant Incorporated » en tant que personne morale en Ontario.

[8] Le 22 juin 2021, le demandeur a présenté une demande de permis de travail en tant qu’entrepreneur ou travailleur autonome cherchant à exploiter une entreprise au Canada au titre du code de dispense de l’étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) C11 du PMI. Dans les demandes présentées au titre de ce code de dispense, IRCC évalue si le travail de l’étranger crée des débouchés ou des avantages sociaux, culturels ou économiques importants pour les Canadiens, conformément à l’alinéa 205a) du RIPR.

[9] Dans sa demande de permis de travail, le demandeur a exprimé son intention d’ouvrir un restaurant pakistanais à Georgina, en Ontario, et d’embaucher sept employés à temps plein pour exploiter le restaurant lorsqu’il retournera en Iran. Il a présenté des documents à l’appui, notamment des relevés bancaires, un plan d’affaires, des statuts constitutifs et des documents relatifs à l’actionnariat.

B. Décision faisant l’objet du contrôle

[10] Dans une décision datée du 14 mars 2022, l’agent a rejeté la demande de permis de travail du demandeur. La décision est en grande partie contenue dans les notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas (le « SMGC »), qui font partie des motifs de la décision.

[11] Les notes consignées dans le SMGC indiquent ce qui suit :

[traduction]
L’emploi envisagé par le demandeur au Canada ne semble pas raisonnable compte tenu de ce qui suit :

Le demandeur a présenté une demande de permis de travail au titre du code de dispense C11 de l’EIMT (intérêts canadiens, avantage important).

Le plan d’affaires prévoit l’ouverture d’un restaurant pakistanais à Georgina, en Ontario, une petite collectivité d’environ 45 000 habitants. L’emplacement physique du restaurant n’a pas encore été trouvé. L’analyse de rentabilisation présente des estimations élevées quant au chiffre d’affaires, mais compte tenu de la forte concurrence dans l’industrie de la restauration et des frais généraux et coûts salariaux importants, il est difficile de savoir si ces projections sont réalistes.

Les statuts constitutifs indiquent qu’il pourrait y avoir jusqu’à sept administrateurs, mais le demandeur ne figure pas parmi les administrateurs actuels. Les statuts indiquent également qu’il n’y a aucune limite quant au nombre d’actions, mais ils ne fournissent pas de détails sur la propriété actuelle des actions. Par conséquent, il n’est pas possible d’évaluer le pourcentage de participation du demandeur.

Les antécédents de voyage du demandeur ne sont pas suffisants pour constituer un facteur favorable dans mon évaluation.

Après avoir soupesé les facteurs à prendre en considération dans la présente demande, je ne suis pas convaincu que le demandeur quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

Pour les motifs qui précèdent, je rejetterai la présente demande.

III. Question préliminaire

[12] Les parties ne s’entendent pas quant à savoir si le demandeur a tenté de présenter à la Cour, en contrôle judiciaire, de nouveaux éléments de preuve qui n’avaient pas été présentés à l’agent. Le mémoire des arguments du demandeur contient un tableau énumérant différentes demandes de visa que l’avocat de celui-ci a remplies et les dates auxquelles elles ont été approuvées. Le demandeur a fourni ces renseignements pour étayer son allégation selon laquelle un délai déraisonnable s’était écoulé avant qu’une décision soit rendue à l’égard de sa demande de permis de travail.

[13] Le défendeur soutient que cette preuve est inadmissible parce qu’elle n’est pas étayée par un affidavit et qu’elle ne respecte pas le principe général selon lequel un contrôle judiciaire se limite à la preuve dont disposait le décideur administratif. Le défendeur demande donc que cette portion du mémoire des arguments du demandeur soit radiée.

[14] Le demandeur soutient qu’il n’a pas tenté de présenter de nouveaux éléments de preuve à la Cour. Il affirme qu’il [traduction] « a simplement fourni une courte liste de certains des permis de travail qui lui avaient déjà été octroyés » et que, ce faisant, il voulait démontrer que son attente légitime à obtenir une décision en temps opportun à l’égard de sa demande de permis de travail n’avait pas été respectée, donnant ainsi lieu à une violation de son droit à l’équité.

[15] Je conviens avec le défendeur que l’inclusion, par le demandeur, de nouveaux renseignements dans son mémoire des arguments constitue une tentative de présenter de nouveaux éléments de preuve à la Cour en contrôle judiciaire. Puisque l’agent ne disposait pas de ces mêmes renseignements pour rendre sa décision, ces renseignements sont inopportuns et inadmissibles à ce stade-ci. Par conséquent, la Cour ne tiendra pas compte de cet élément de preuve pour apprécier le caractère raisonnable et l’équité procédurale de la décision.

IV. Questions en litige et norme de contrôle applicable

[16] Bien que le demandeur ait soulevé de nombreuses questions dans le contexte de l’allégation plus large selon laquelle la décision de l’agent était inéquitable sur le plan procédural, je juge que les questions peuvent être formulées de la façon suivante :

  1. La décision de l’agent est-elle raisonnable?

  2. Y a-t-il eu manquement à l’équité procédurale?

[17] La norme de contrôle qui s’applique à la décision de l’agent est celle de la décision raisonnable, en conformité avec les paragraphes 16 et 17 de l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] de la Cour suprême du Canada. La question relative à l’équité procédurale doit, quant à elle, être examinée selon la norme de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [« Chemin de fer Canadien Pacifique »] aux para 37-56; Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35).

[18] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est empreint de retenue, mais demeure rigoureux (Vavilov, aux para 12-13, 75, 85). La cour de révision doit établir si la décision faisant l’objet du contrôle est transparente, intelligible et justifiée, notamment en ce qui concerne le résultat obtenu et le raisonnement suivi (Vavilov, au para 15). Une décision raisonnable dans son ensemble est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). La question de savoir si une décision est raisonnable dépend du contexte administratif en cause, du dossier dont disposait le décideur et de l’incidence de la décision sur ceux qui en subissent les conséquences (Vavilov, aux para 88-90, 94, 133-135).

[19] Pour qu’une décision soit jugée déraisonnable, le demandeur doit démontrer qu’elle comporte des lacunes qui sont suffisamment capitales ou importantes (Vavilov, au para 100). Les erreurs que comporte une décision, ou les réserves qu’elle suscite, ne justifient pas toutes une intervention. La cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur et, à moins de circonstances exceptionnelles, elle ne doit pas modifier les conclusions de fait de celui-ci (Vavilov, au para 125). Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision, ni constituer une « erreur mineure » (Vavilov, au para 100; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Mason, 2021 CAF 156 au para 36).

[20] La norme de la décision correcte, en revanche, est une norme de contrôle qui ne commande aucune retenue. La cour appelée à statuer sur une question d’équité procédurale doit essentiellement se demander si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances, y compris les facteurs énumérés aux paragraphes 21 à 28 de l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée, au para 54).

V. Analyse

[21] Le demandeur soutient que la décision de l’agent est inéquitable sur le plan procédural pour plusieurs raisons : 1) IRCC a employé l’outil de traitement Chinook pour évaluer la demande; 2) l’agent n’a fourni des motifs qu’après qu’il eut présenté une demande de motifs au titre de l’article 9 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22; 3) un long délai s’est écoulé avant que la décision soit rendue; 4) il allègue une crainte raisonnable de partialité. Le demandeur soutient aussi que la décision de l’agent est déraisonnable parce que les conclusions ne concordent pas avec la preuve qu’il a présentée.

[22] Le défendeur fait valoir que la décision de l’agent est à la fois raisonnable et équitable sur le plan procédural. Je suis d’accord. À mon avis, malgré les allégations nombreuses et détaillées du demandeur, celui-ci n’a pas soulevé d’erreur susceptible de contrôle ni de manquement à l’équité procédurale dans la décision de l’agent, laquelle est étayée par la preuve et la jurisprudence.

A. Caractère raisonnable

[23] Le demandeur soutient que les motifs de l’agent sont arbitraires, en ce sens qu’ils ne concordent pas avec la preuve présentée et que rien dans le dossier ne donne à penser que l’objectif qu’il visait en venant au Canada allait au-delà d’une visite temporaire pour démarrer son entreprise en Ontario, comme il l’avait mentionné dans sa demande. Par exemple, l’agent a conclu qu’il n’avait pas encore trouvé d’emplacement pour le restaurant, mais il soutient qu’il a fourni une preuve indiquant qu’il avait signé une entente de représentation de l’acheteur pour permettre la recherche d’un local commercial pour l’entreprise. Il affirme que cela montre que l’agent n’a pas correctement apprécié l’ensemble de la preuve pour rendre sa décision.

[24] Le demandeur fait valoir que l’agent a évalué sa demande de permis de travail en se fondant sur des critères non pertinents et superflus, mais il ne précise pas lesquels. Il fait aussi valoir que le fait qu’IRCC se soit appuyé sur Chinook, un outil visant à accroître l’efficacité employé pour organiser les renseignements relatifs aux demandeurs de résidence temporaire, compromet le caractère raisonnable de la décision de l’agent.

[25] Le défendeur soutient que la décision de l’agent de rejeter la demande de permis de travail du demandeur est raisonnable. Il fait valoir que l’agent a rendu sa décision en se fondant sur plusieurs critères pertinents, dont le caractère raisonnable de l’analyse de rentabilisation présentée par le demandeur compte tenu des estimations élevées quant au chiffre d’affaires, de la forte concurrence et des coûts importants dans l’industrie de la restauration, ainsi que le fait qu’aucun emplacement physique n’avait été trouvé pour le restaurant et que celui-ci devait ouvrir dans une petite collectivité. Il soutient que la brièveté des motifs ne signifie pas qu’ils sont déraisonnables, et que les motifs de l’agent justifient de façon précise la décision en fonction de la preuve disponible. Selon lui, il incombait en fin de compte au demandeur de fournir une preuve suffisante pour démontrer qu’il apporterait un avantage important au titre de l’alinéa 205a) du RIPR et qu’il avait l’intention de quitter le Canada à la fin de sa période de séjour, et l’agent a raisonnablement conclu que le demandeur ne l’avait pas fait.

[26] Je suis d’accord avec le défendeur. Je conclus que le demandeur n’a pas soulevé d’erreur susceptible de contrôle dans la décision de l’agent. Les observations présentées par le demandeur sur ce point reviennent à demander à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve dont disposait l’agent, ce qui n’est pas le rôle de la Cour dans le cadre d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Vavilov, au para 125). Je ne suis pas d’avis que les motifs de l’agent démontrent qu’il n’a pas tenu compte des éléments de preuve principaux ou qu’il ne s’est pas attaqué aux questions clés soulevées par le demandeur. Par exemple, l’entente de représentation de l’acheteur présentée comme preuve par le demandeur ne contredit pas la conclusion de l’agent selon laquelle un emplacement n’avait pas été trouvé.

[27] Bien que le demandeur souligne, à juste titre, que les statuts constitutifs de son entreprise le désignent comme administrateur, contrairement à la conclusion de l’agent, il est raisonnable que ce dernier soit parvenu à la conclusion que les statuts constitutifs et les éléments de preuve connexes ne contenaient pas de renseignements suffisants pour établir le pourcentage de participation du demandeur. Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que cette erreur mineure relevée dans les motifs de l’agent ne démontre pas qu’il n’a pas tenu compte de la preuve et qu’elle ne compromet pas le caractère raisonnable de la décision dans son ensemble, d’autant plus que l’agent n’a pas fondé sa décision sur ce seul facteur.

B. Équité procédurale

(1) Recours à l’outil de traitement Chinook

[28] Le demandeur soutient que le recours, par l’agent, à l’outil de traitement Chinook pour évaluer la demande est inéquitable sur le plan procédural. Il affirme que le recours à l’outil, qui, selon lui, est capable d’extraire des renseignements du SMGC pour de nombreuses demandes à la fois et de générer des notes sur ces demandes en [traduction] « beaucoup moins de temps » qu’il n’en faudrait pour examiner une demande autrement, a donné lieu à une évaluation incorrecte de sa demande de permis de travail.

[29] Le défendeur soutient que le recours, par IRCC, à l’outil Chinook pour améliorer l’efficacité du traitement d’un volume important de demandes de résidence temporaire ne constitue pas un manquement à l’équité procédurale dans le cas du demandeur. Il fait remarquer que le demandeur n’a renvoyé à aucun élément de preuve pour appuyer l’allégation selon laquelle le recours, par l’agent, à l’outil Chinook avait entraîné l’omission d’un facteur important dans l’évaluation de sa demande ou l’avait privé du droit de faire valoir sa cause. Il soutient que, par ses observations, le demandeur ne fait guère plus que s’opposer à l’emploi de cet outil par IRCC.

[30] Je suis d’accord avec le défendeur. Même s’il était loisible au demandeur de soulever les façons dont l’outil de traitement Chinook avait donné lieu à un manquement à l’équité procédurale dans l’évaluation de sa demande par l’agent, il n’a fourni aucune preuve d’un tel manquement. De plus, j’aimerais faire remarquer que l’outil Chinook n’a pas pour but de traiter et d’évaluer des éléments de preuve ou de rendre des décisions concernant des demandes, et le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve contredisant cette affirmation ou démontrant que l’outil compromet l’équité du processus décisionnel.

(2) Article 9, demande de motifs

[31] Le demandeur soutient que le fait qu’il ait dû présenter une demande de motifs au titre de l’article 9 pour que l’agent fournisse les motifs de sa décision constitue un manquement à l’équité procédurale.

[32] Le défendeur fait valoir que cet argument est contraire à la jurisprudence établie, selon laquelle il n’est pas obligatoire pour le demandeur de recevoir les notes consignées dans le SMGC au même moment que la lettre de refus; les notes peuvent être reçues une fois la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire présentée (Veryamani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1268 au para 30).

[33] Je suis d’accord avec le défendeur. Il est habituel, dans le cadre du processus d’évaluation des demandes de visa, que des notes distinctes soient consignées dans le SMGC pour une décision. Le demandeur n’a pas démontré en quoi ce processus donnait lieu à un manquement à l’équité procédurale. Cet argument est donc dénué de fondement.

(3) Délai écoulé avant qu’une décision soit rendue

[34] Le demandeur soutient que le délai de traitement normal pour les demandes de permis de travail de cette nature, qui, selon lui, relèvent de la Stratégie en matière de compétences mondiales (« SCM »), est de deux semaines si le demandeur répond à certaines exigences. Il affirme qu’il répondait à ces exigences et qu’il s’attendait donc légitimement à ce que sa demande de permis de travail soit traitée dans ce délai, mais il n’a reçu la décision que plus de huit mois plus tard. Il prétend que l’atteinte à son attente légitime équivaut à un manquement à l’équité procédurale.

[35] Le défendeur soutient que le retard dans le traitement de la demande de permis de travail du demandeur ne suffit pas pour conclure qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale. Il fait remarquer que même un retard important n’est pas, à lui seul, suffisant pour établir des circonstances inhabituelles, démontrer un manquement à l’équité procédurale ou mettre en cause les intérêts de la justice.

[36] Je suis d’accord avec le défendeur. Le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve autre que la page du site Web d’IRCC qui indique un délai de traitement de deux semaines pour étayer son allégation selon laquelle une atteinte à son attente légitime équivalait à un manquement à l’équité procédurale. Plus précisément, la Cour ne dispose d’aucun élément qui démontre que la pratique ou la conduite de l’agent qui auraient suscité une attente raisonnable quant à la procédure à suivre étaient « claires, nettes et explicites » (Nshogoza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1211 au para 39, citant Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 au para 95; Dhaliwal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1344 au para 19).

[37] Le site Web d’IRCC qui, selon le demandeur, établit qu’il était admissible à un délai de traitement de deux semaines au titre de la SCM et constitue le fondement de son attente légitime, indique également que la pandémie de COVID-19 et l’augmentation du volume de demandes de résidence temporaire continuent à avoir des répercussions sur les délais de traitement des demandes présentées au titre de la SCM. Le site Web indique explicitement ce qui suit : « Il faudra probablement plus de 2 semaines pour traiter [une] demande [...] soumise dans le cadre [de la] SCM. » Je ne suis pas d’avis que le demandeur avait une attente légitime en l’espèce, et la divulgation explicite par IRCC des retards possibles confirme que l’attente du demandeur n’était pas légitime et fait en sorte qu’un délai supérieur à deux semaines n’était pas déraisonnable.

[38] Le demandeur n’a pas non plus présenté d’éléments de preuve ou d’observations à l’appui de l’allégation selon laquelle le délai écoulé avant que la décision soit rendue était déraisonnable ou que ce délai lui avait occasionné un préjudice (Blencoe c Colombie-Britannique (Commission des droits de la personne), 2000 CSC 44 au para 160).

(4) Crainte raisonnable de partialité

[39] Le demandeur soutient que le rejet de sa demande de permis de travail en raison de l’objectif de sa visite et de ses antécédents de voyage donne lieu à une crainte raisonnable de partialité, étant donné que la preuve montre qu’il a voyagé à destination et en provenance de l’Iran.

[40] Le défendeur soutient que la preuve n’est pas suffisante pour démontrer que la décision de l’agent soulève une crainte raisonnable de partialité. Il fait d’abord valoir que l’agent a conclu que les antécédents de voyage du demandeur ne pouvaient pas être considérés comme un facteur, et non qu’ils constituaient un facteur défavorable. Il fait aussi valoir que la conclusion selon laquelle une décision soulève une crainte raisonnable de partialité exige un seuil de preuve élevé, auquel le demandeur n’a pas satisfait.

[41] Je conviens avec le défendeur que la décision ne soulève pas de crainte raisonnable de partialité. Le critère à appliquer pour tirer une telle conclusion consiste à se demander « [si] une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique[, conclurait que l’agent a, consciemment ou non, rendu une décision juste » (Committee for Justice and Liberty c L’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369 aux pp 394-395; R c S (RD), [1997] 3 RCS 484 au para 31). Une telle conclusion « ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations » et elle doit être étayée « par des preuves concrètes qui font ressortir un comportement dérogatoire à la norme » (Sharma c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 381 [« Sharma »] au para 27, citant Arthur c Canada (Canada (Procureur Général)), 2001 CAF 223 au para 8; Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 30 [« Kaur »] au para 12).

[42] Le demandeur n’a pas présenté une preuve suffisante pour satisfaire au seuil élevé permettant de conclure que la décision de l’agent soulève une crainte raisonnable de partialité. La Cour ne peut pas tirer une conclusion qui « met en cause l’intégrité personnelle du décideur » en l’absence de preuve, sur le seul fondement de soupçons (Kaur, au para 13; Sharma, au para 30).

VI. Conclusion

[43] La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Compte tenu de la preuve disponible, la décision de l’agent est raisonnable et équitable sur le plan procédural. Aucune question à certifier n’a été soulevée, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-2794-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Shirzad A. »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2794-22

 

INTITULÉ :

AFZAL RAJA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er mars 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

Le 23 mai 2023

 

COMPARUTIONS :

Afshin Yazdani

 

Pour le demandeur

 

Idorenyin Udoh-Orok

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

YLG Professional Corporation

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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