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Date : 20230529


Dossier : IMM-4460-22

Référence : 2023 CF 742

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 mai 2023

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

GURMUKH SINGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le présent contrôle porte sur la décision d’un agent du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada [l’agent], qui a rejeté la demande de résidence présentée par le demandeur à partir du Canada au titre du programme Voie d’accès à la résidence permanente des travailleurs de la santé : Exécution du programme COVID-19 [le programme Voie d’accès]. Le programme a été créé en tant que politique d’intérêt public temporaire pour permettre aux demandeurs d’asile admissibles de demander la résidence permanente s’ils ont offert des soins directs aux patients pendant la pandémie de COVID-19.

[2] Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que M. Singh n’avait pas démontré que la décision était déraisonnable. L’agent a justifié sa décision et a raisonnablement estimé, sur la foi du dossier, qu’il ne pouvait pas conclure que le demandeur remplissait les critères pour obtenir la résidence permanente dans le cadre du programme Voie d’accès.

[3] M. Singh, qui est citoyen de l’Inde, avait une demande d’asile en instance lorsqu’il a présenté une demande au titre du programme Voie d’accès. Il a déclaré dans sa demande qu’il était employé à temps partiel en tant qu’aide au maintien à domicile chez Langar Seva Meal & Support Services [Langar Seva], où il a travaillé 174 heures du 4 mai 2020 au 20 juillet 2020, et que ses principales tâches consistaient à fournir des soins et de l’accompagnement, à prodiguer des soins au chevet et des soins d’hygiène, à effectuer des tâches de routine liées à la santé et à offrir des services d’entretien ménager. Il a aussi précisé qu’il était aide à domicile à temps plein chez Nurses & Caregivers Canada [Nurses & Caregivers] depuis le 2 novembre 2020 et que ses principales tâches étaient semblables à celles qu’il effectuait chez Langar Seva.

[4] L’agent a téléphoné chez Langar Seva pour confirmer l’emploi de M. Singh le 28 mars 2022. Pendant cet appel, il a appris que les employés ne fournissaient pas de soins directs aux patients pendant la pandémie, mais que les livreurs de repas appelaient plutôt les clients pour organiser une livraison sans contact. L’appel a permis de confirmer que ces restrictions étaient en vigueur depuis mars 2020.

[5] Une lettre d’équité procédurale a été envoyée à M. Singh le 28 mars 2022. Dans cette lettre, l’agent a fait savoir qu’il avait été établi que Langar Seva n’était pas une organisation de soins de santé et que, pour cette raison, il estimait que M. Singh n’avait pas exercé une profession désignée comme l’exige le programme Voie d’accès et qu’il avait peut-être présenté les faits sous un faux jour.

[6] Le 12 avril 2022, le directeur de Langar Seva a écrit une lettre à l’agent dans laquelle il indiquait M. Singh s’était vu offrir un emploi rémunéré à temps partiel de travailleur en santé communautaire pour fournir des soins de santé et des services de soutien directs à Onkar Singh, qui est atteint de déficiences physiques et qui est aveugle au sens de la loi. La lettre précisait que, même si l’administrateur avait répondu [traduction] « nous livrons des repas gratuits, mais nous n’offrons pas de soins à domicile à l’heure actuelle », Langar Seva n’acceptait pas de nouveaux clients pour la prestation de services de soutien et de soins à domicile pendant la pandémie, mais s’occupait de ses clients existants.

[7] Le représentant de M. Singh a répondu à la lettre d’équité procédurale le 15 avril 2022 et a réitéré que même si Langar Seva n’acceptait pas de nouveaux clients pour les services de soutien et les soins à domicile pendant la pandémie, l’entreprise s’occupait de ses clients existants.


 

[8] Malgré ces réponses, l’agent a rejeté la demande, puisqu’il n’était pas convaincu que M. Singh avait effectué un travail rémunéré dans une profession désignée admissible au titre de la politique d’intérêt public pendant 120 heures entre le 13 mars 2020 et le 14 août 2020 chez Langar Seva pour les raisons suivantes :

  • Lors de l’appel téléphonique passé le 28 mars 2022 chez Langar Seva, l’agent a appris que les employés ne fournissaient pas de soins directs aux patients pendant la pandémie et il lui a été confirmé que ces restrictions étaient en vigueur depuis mars 2020.

  • Le 3 mai 2022, le site Web de Langar Seva mentionnait que les services offerts comprenaient la livraison de repas à la porte et des visites de courtoisie.

  • Les tâches confiées à M. Singh, qui sont énumérées dans la lettre d’emploi datée du 10 février 2021, supposaient une formation et une expérience en santé communautaire, et les éléments de preuve ne mentionnent pas que le demandeur avait suivi une telle formation ou fait de telles études.

  • Les lettres de recommandation des clients à qui M. Singh affirme avoir fourni des soins directs à domicile sont de nature similaire et font état de tâches qui n’entrent pas dans la gamme de services offerts par l’entreprise d’après son site Web. Pour cette raison, l’agent a conclu qu’il ne pouvait pas vérifier la crédibilité de ces lettres.

  • Des divergences ont été relevées entre la lettre du directeur de Langar Seva datée du 10 février 2021 et sa lettre datée du 26 avril 2022 et peu d’explications ont été fournies pour expliquer les changements intervenus dans les fonctions. Selon la dernière lettre, le demandeur travaillait auprès d’un seul client, tandis que la première lettre mentionnait que M. Singh avait commencé à travailler en tant qu’aide de maintien à domicile (CNP 4412) au sein de l’entreprise le 4 mai 2020 jusqu’au 20 juillet 2020, et ses tâches étaient décrites dans les termes suivants :

[traduction]

  • -Apporter une aide directe aux patients dans leurs activités quotidiennes, comme le bain, l’hygiène buccale et l’habillement, vider les bassins hygiéniques, préparer les plateaux-repas et nourrir les patients ou les aider à se nourrir.

  • -Lever, tourner et installer les patients, les aider à se déplacer et à faire leurs exercices, comme marcher et effectuer divers mouvements actifs, et les accompagner à des activités sociales.

  • -Garder les lieux propres et sains pour les patients, effectuer des tâches ménagères de base comme changer le lit, tenir la chambre du patient en ordre, etc., de même que maintenir les stocks de fournitures.

- Assurer des soins et tenir compagnie au patient, avoir des comportements chaleureux avec les personnes âgées, qui n’ont pas de soutien de leur famille et peu d’occasions de sortir de leur solitude et de leur isolement. [Non souligné dans l’original.]

La Cour fait remarquer qu’il y a une autre lettre de Langar Seva datée du 10 février 2021 avec l’en-tête [traduction] « Certificat de bénévolat de Gurmukh Singh » qui décrit son rôle en tant que bénévole œuvrant à la préparation des repas et [traduction] « offrant des soins et de la compagnie aux clients ».

  • Même si Langar Seva a affirmé qu’elle offrait des services de soutien à ses clients existants, l’agent a estimé qu’il était raisonnable que les restrictions en matière de sécurité s’appliquent à tous, qu’il s’agisse de clients nouveaux ou existants, et que la description des services ne corresponde pas à ce qu’indiquait le site Web.

  • Selon la lettre de remerciements de Sonia Sidhu, députée, en date du 16 mars 2021, M. Singh [traduction] « s’est dévoué sans compter en tant que bénévole de soutien en santé » [non souligné dans l’original].

  • Les différents talons de chèque de paye de Langar Seva ne portaient pas de numéro de chèque, et peu d’éléments corroborants, comme des relevés bancaires, ont été produits pour démontrer que M. Singh était effectivement rémunéré pour les tâches effectuées et ne faisait pas uniquement office de bénévole.

[9] En ce qui concerne Nurses & Caregivers, l’agent n’a pas pu conclure que M. Singh y a travaillé pour les raisons qui suivent :

  • Les talons de chèque de paye de Nurses & Caregivers ont la même présentation matérielle que ceux de Langar Seva et ne portaient pas de numéro de chèque.

  • Le premier talon de chèque de Nurses & Caregivers indique que la première période de paye commençait le 26 octobre 2020, tandis que la lettre d’emploi mentionne que M. Singh a été embauché le 2 novembre 2020.

  • M. Singh a produit deux copies de ses T4 relatifs à son emploi chez Nurses & Caregivers (1294550 Ontario Inc.) ayant des polices de caractères et des couleurs différentes. Sur l’un des T4, aucune adresse n’est inscrite dans la section de l’employeur. Sur le second T4, c’est l’adresse personnelle de M. Singh qui figurait comme l’adresse de l’employeur.

  • D’après une recherche en ligne, l’entreprise « 1294550 Ontario Inc. » semble être enregistrée au nom du Clarkridge Career Institute. L’adresse figurant sur la lettre d’emploi de Nurses & Caregivers mène également au Clarkridge Career Institute.

  • Nurses & Caregiversa une présence limitée sur le Web. Le demandeur a présenté peu de preuves permettant d’établir si l’entreprise était un établissement de soins ou si elle offrait des services à domicile par le biais de sous-traitants. Aucune autre information n’était fournie quant aux endroits où M. Singh a exercé ses fonctions.

[10] La seule question en litige soulevée par la présente demande est celle de savoir si la décision de l’agent est raisonnable. Par ailleurs, je constate que des préoccupations qui semblent concerner l’équité procédurale ont été soulevées, mais il n’y a pas d’allégation spécifique d’un manquement à cet égard. M. Singh affirme que l’agent ne lui a pas donné l’occasion de dissiper les préoccupations relatives à son emploi chez Nurses & Caregivers, mais qu’il s’est appuyé sur une recherche à partir de sources ouvertes plutôt que sur les preuves qu’il avait soumises.

[11] Même si la question n’a pas été soulevée expressément dans le mémoire, et que, pour cette raison, le défendeur n’a pas pu y répondre, je l’ai aussi examinée dans l’analyse qui suit.

[12] Je n’aborderai que les allégations relatives au caractère déraisonnable qui semblent les plus importantes; j’ai toutefois aussi pris en compte les autres allégations et je n’ai relevé aucun élément susceptible d’influer sur la décision que j’ai rendue.

[13] Le demandeur soutient que l’agent n’explique pas le pourquoi et le comment de sa décision de privilégier l’information provenant d’un appel téléphonique avec une personne [traduction] « non identifiée » plutôt que l’information fournie par le directeur de l’organisation qui avait inscrit son numéro de téléphone cellulaire direct dans les lettres. M. Singh souligne que cela est contraire à la décision Rong c Canada (Citoyenneté et Immigration) 2013 CF 364 [Rong], dans laquelle la Cour avait estimé qu’une agente des visas avait commis une erreur en n’expliquant pas pourquoi elle avait privilégié un processus de vérification téléphonique plutôt que les documents présentés par la demanderesse à l’appui de son expérience de travail. Le demandeur prétend que les circonstances de la décision Rong sont analogues aux faits de l’espèce, puisque l’agent a clairement privilégié les informations obtenues lors d’un appel téléphonique avec une personne [traduction] « non identifiée » et l’information figurant sur un site Web pouvant ne plus être à jour par rapport à l’information fournie directement par le directeur de Langar Seva.

[14] M. Singh conteste aussi les préoccupations de l’agent concernant les talons de chèque de paye présentés à l’appui de son emploi chez Langar Seva. Il affirme qu’il ne voit pas en quoi l’absence de [traduction] « numéros de chèque » rendrait ces documents entièrement illégitimes et, par conséquent, indignes d’intérêt. Il soutient qu’il n’est pas acquis que les talons de chèque de paye portent un numéro de chèque. De plus, les relevés bancaires ne font pas partie des documents à produire à titre de preuve d’emploi. Par conséquent, il prétend que l’agent a eu tort d’appliquer ses propres connaissances quant à la façon dont les employés sont payés au lieu d’expliquer de façon raisonnable les raisons pour lesquelles les talons de chèque de paye ont été jugés insuffisants.


 

[15] Il affirme que l’agent n’a pas apprécié raisonnablement les preuves relatives à l’emploi qu’il a occupé chez Nurses & Caregivers. Plus précisément, il soutient que l’appréciation effectuée par l’agent de ses talons de chèque de paye fait problème à deux égards. En premier lieu, même si l’agent souligne que les talons ont la même présentation matérielle que les talons de chèque de paye de Langar Seva, l’agent n’a pas tenu compte du fait que les talons de chèque de paye, comme chacun sait, peuvent être produits par un logiciel selon un gabarit. Par conséquent, l’agent a eu tort de conclure que tous les employeurs doivent avoir des talons de chèque de paye différents les uns des autres. En deuxième lieu, même si l’agent mentionne que le premier talon de chèque de paye porte sur une période de paye commençant le 26 octobre 2020, tandis que le demandeur est entré en fonction le 2 novembre 2020, il a omis de tenir compte du fait que les talons de chèque de paye sont émis selon les périodes de paye normales de l’employeur et que ces périodes ne sont pas modifiées suivant la date d’entrée en fonction des employés.

[16] Enfin, le demandeur affirme que l’agent n’a pas analysé dans ses motifs les éléments de preuve qui contredisaient ses conclusions et cite la décision Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 1 CF 53, au para 7 [Cepeda-Gutierrez].

[17] L’observation selon laquelle l’agent n’explique pas les raisons pour lesquelles il a privilégié certains éléments par rapport à d’autres n’est pas fondée. L’agent souligne qu’il y avait des divergences entre la lettre du directeur de Langar Seva datée du 12 avril 2022 et la lettre datée du 10 février 2021 et que peu d’explications avaient été fournies au sujet des changements dans les tâches effectuées. De plus, il mentionne que les services énumérés dans les lettres d’emploi ne correspondent pas à ceux qui figurent sur le site Web de Langar Seva ou qui ont été confirmés par un appel téléphonique chez l’entreprise. Qui plus est, il est précisé que l’information figurant sur le site Web étaye ce qui a été confirmé lors de l’appel téléphonique de vérification. L’agent a raisonnablement privilégié la preuve obtenue lors de l’appel téléphonique de vérification et sur le site Web de l’entreprise pour ces raisons.

[18] Je conviens avec le défendeur que les faits de la décision Rong se distinguent de ceux dont la Cour est actuellement saisie. Dans la décision Rong, l’agente avait envoyé à la demanderesse une lettre d’équité procédurale faisant état des divergences entre une conversation avec l’employeur et avec la demanderesse. En réponse à la lettre d’équité procédurale, la demanderesse avait fourni une déclaration personnelle dans laquelle elle avait répondu aux doutes de l’agente quant aux divergences, une lettre notariée signée par le représentant juridique de l’entreprise qui corroborait l’information contenue dans la déclaration personnelle et indiquait que la personne avec laquelle l’agente s’était entretenue ne connaissait pas la plupart des employés faisant partie du personnel administratif de l’entreprise, le permis d’exploitation de l’entreprise et les feuilles de paye de l’entreprise, qui mentionnaient le nom de la demanderesse. La Cour avait estimé que l’agente avait commis une erreur en n’expliquant pas pourquoi elle avait privilégié une conversation avec le réceptionniste par rapport à l’information fournie par la demanderesse et son employeur en réponse à la lettre d’équité procédurale et en insistant sur des incohérences mineures qui étaient expliquées de façon raisonnable et cohérente dans les documents fournis.

[19] Dans la présente affaire, la lettre du directeur de Langar Seva datée du 12 avril 2022 indique que l’agent s’est entretenu avec l’administrateur du bureau lors de l’appel téléphonique de vérification. Je conviens qu’un administrateur, comparativement à un réceptionniste comme dans l’affaire Rong, est présumé savoir quels services sont fournis et de quelle façon ils le sont. De plus, l’agent en l’espèce ne semble pas avoir un esprit étroit comme l’agente dans la décision Rong, puisqu’il a consulté le site Web de l’entreprise le 3 mai 2022. C’était après avoir reçu la réponse de M. Singh à la lettre d’équité procédurale le 26 avril 2022. L’agent a conclu que le site Web contenait de l’information correspondant à celle obtenue lors de l’appel téléphonique de vérification. Autrement dit, en consultant une source indépendante après avoir reçu la réponse à la lettre d’équité procédurale, l’agent a démontré qu’il n’avait pas un esprit étroit. En fait, il a tout simplement privilégié les preuves qui étaient corroborées par deux sources indépendantes par rapport à celles du directeur, qui a fourni dans sa lettre du 12 avril 2022 des preuves différentes de celles figurant dans la lettre datée du 10 février 2021. La préférence de l’agent dans l’attribution du poids ne constitue pas une erreur susceptible de contrôle.

[20] Je conclus également que l’agent n’a pas eu tort de souligner l’absence de numéros de chèque sur les talons de chèque de paye de Langar Seva. Cette préoccupation doit être examinée à la lumière des preuves selon lesquelles M. Singh était bénévole chez Langar Seva et non pas un employé. En faisant ressortir l’absence de numéros de chèque et de relevés bancaires, l’agent appréciait le caractère suffisant de la preuve et il a conclu qu’il n’était pas convaincu que M. Singh effectuait un travail rémunéré dans une profession désignée admissible au titre de la politique d’intérêt public. Les relevés bancaires ou talons de chèque de paye ne sont pas nécessaires dans tous les cas; il incombe toutefois au demandeur de démontrer qu’il remplit les exigences relatives au programme Voie d’accès. Étant donné les préoccupations relatives aux preuves dont l’agent était saisi quant à la question de savoir si le demandeur était un employé rémunéré, l’agent a eu raison de prendre en compte ces éléments.

[21] M. Singh soutient que l’appréciation effectuée par l’agent de ses talons de chèque de paye de Nurses & Caregivers fait problème. En premier lieu, l’agent a émis des doutes quant à la présentation matérielle des talons de chèque de paye, puisque les documents avaient la même présentation matérielle que ceux de Langar Seva, mais il a omis de tenir compte du fait que les talons peuvent être produits par un logiciel. En second lieu, l’agent relève une différence entre la période de paye sur le premier talon de chèque et la date d’entrée en fonction du demandeur, mais il n’a pas tenu compte du fait que les talons de chèque sont établis en fonction des périodes de paye des employeurs.

[22] En dépit du fait que l’agent aurait certainement pu prendre en compte les facteurs mentionnés par M. Singh dans la présente demande, il n’appartient pas à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur, à moins de circonstances exceptionnelles : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 125 [Vavilov]. Comme le souligne le défendeur, les préoccupations relatives aux talons de chèque de paye ont été examinées avec les preuves selon lesquelles l’un des feuillets T4 de Nurses & Caregivers indiquait l’adresse personnelle du demandeur comme l’adresse de l’employeur, et le fait que la société à numéro inscrite sur les feuillets T4 qui ont été produits renvoie à une autre société ayant pour nom Clarkridge Career Institute. Étant donné que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable, que celle-ci commande la retenue à l’égard des conclusions de fait à moins de circonstances exceptionnelles, et qu’aucune circonstance exceptionnelle n’a été soulevée, je ne peux pas conclure que l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle à cet égard.

[23] Je ne souscris pas à l’affirmation selon laquelle l’agent n’a pas expliqué pourquoi il n’avait pas pu conclure que le demandeur avait travaillé chez Nurses & Caregivers et qu’il avait effectué les tâches énumérées dans sa lettre d’emploi. L’agent avait des réserves quant au caractère suffisant des preuves présentées pour étayer l’allégation selon laquelle M. Singh remplissait les critères applicables au programme Voie d’accès. Il a expressément renvoyé à un manque de preuves : [traduction] « Je conclus qu’il n’y a pas suffisamment de preuves étayant l’emploi du demandeur avec l’entreprise, les raisons pour lesquelles l’entreprise est répertoriée en tant qu’institut professionnel, ainsi que le lieu où le demandeur a effectué les tâches énumérées dans la lettre d’emploi ou la période en question » et « [j]e ne suis pas non plus en mesure de confirmer si le demandeur effectuait un travail rémunéré pendant la période en question ». L’agent a tiré cette conclusion après avoir émis des réserves au sujet des talons de chèque de paye de Nurses & Caregivers et des feuillets T4 comme il est mentionné précédemment, ainsi qu’après s’être demandé si Nurses & Caregivers était un établissement de soins ou une entreprise offrant des services à domicile par le biais de sous-traitants, et où le demandeur avait effectué les tâches décrites dans sa lettre d’emploi. Là encore, je ne puis conclure que la conclusion de l’officier n’est pas justifiée ou est par ailleurs déraisonnable.


 

[24] Enfin, j’estime que le demandeur n’a pas démontré que l’agent avait commis une erreur en n’appréciant pas des preuves qui contredisaient ses conclusions, ce qui va à l’encontre de la décision Cepeda-Gutierrez. Surtout, M. Singh n’a pas mis en évidence les preuves figurant au dossier que l’agent aurait négligées et, pour cette raison, il ne s’est pas acquitté de son fardeau de démontrer que la décision est déraisonnable : voir l’arrêt Vavilov au para 100.

[25] Même si M. Singh n’a pas expressément soulevé de question d’équité procédurale, il n’en a pas moins affirmé que l’agent ne lui avait pas donné la possibilité de dissiper ses préoccupations concernant son emploi chez Nurses & Caregivers ainsi qu’il l’avait fait pour ses préoccupations concernant son emploi chez Langar Seva. Il est sous-entendu que l’agent estimait que M. Singh avait présenté sous un faux jour sa relation avec Nurses & Caregivers. Ce n’est pas le cas. Les préoccupations de l’agent portaient expressément sur le caractère suffisant des preuves relatives à son emploi. L’agent a écrit ce qui suit :

[traduction]
D’après une recherche effectuée en ligne, l’entreprise « 1294550 Ontario Inc. » semble être enregistrée au nom du Clarkridge Career Institute, à Brampton. Il ressort d’une recherche sur Google que l’adresse figurant sur la lettre d’emploi de Nurses & Caregivers Canada mène également au Clarkridge Career Institute. Avec les preuves dont je dispose, je ne suis pas en mesure d’établir le lien entre Nurses & Caregivers Canada et le Clarkridge Career Institute. J’estime que Nurses & Caregivers Canada a une présence limitée sur le Web. Peu de preuves ont été présentées pour établir expressément si l’entreprise était un établissement de soins ou si elle offrait des services à domicile par le biais de sous‑traitants. Aucune autre information n’a été fournie quant au lieu où le demandeur effectuait les tâches énumérées ci-dessus, à titre d’employé de Nurses & Caregivers Canada. Pour cette raison, je ne peux pas conclure que le demandeur était à l’emploi de Nurses & Caregivers Canada et qu’il a exercé les tâches énumérées ci-dessus pour Nurses & Caregivers Canada. [Non souligné dans l’original.]


 

[26] Bref, la demande présentée par M. Singh a fait l’objet d’un examen équitable. M. Singh n’a pas démontré que la décision était déraisonnable.

[27] Aucune des parties n’a proposé de question à certifier, et les présents faits n’en soulèvent aucune.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-4460-22

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit : La présente demande est rejetée et aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4460-22

 

INTITULÉ :

GURMUKH SINGH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATON

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 MAI 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 29 MAI 2023

 

COMPARUTIONS :

Gina You

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Prathima Prashad

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Matkowsky Immigration Law

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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