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Date : 20230523


Dossier : T-1395-22

Référence : 2023 CF 717

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 23 mai 2023

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

MOHAMED AHMED HASSAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La présente demande vise le contrôle judiciaire de la décision [la décision contestée] du délégué du ministre [le DM] de refuser d’attribuer la citoyenneté à M. Hassan [le demandeur] au titre du paragraphe 5(4) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C-29 [la Loi]. Le DM a conclu que le travail de M. Hassan ne constituait pas des services exceptionnels rendus au Canada justifiant l’attribution de la citoyenneté, et que ce dernier n’était pas confronté à une situation particulière et inhabituelle de détresse à laquelle seule l’attribution de la citoyenneté permettrait de remédier. Pour les motifs énoncés ci-dessous, je conclus que la décision contestée était raisonnable et que celle-ci n’est entachée d’aucune erreur susceptible de contrôle.

II. Le contexte

[2] M. Hassan est citoyen de la Somalie. Il est devenu résident permanent [RP] du Canada en 2010, en immigrant, à titre de travailleur qualifié du volet fédéral, avec sa femme et ses enfants. Sa femme et ses enfants ont depuis obtenu la citoyenneté canadienne.

[3] Au moment de sa demande de résidence permanente, M. Hassan travaillait comme gestionnaire administratif et financier pour l’UNICEF au Ghana. Après son arrivée au Canada en août 2010, M. Hassan a passé environ deux mois à postuler à des emplois au Canada afin de subvenir aux besoins de sa famille, mais il a finalement repris son emploi au sein de l’UNICEF, pour lequel il doit travailler dans différents pays dans le cadre de ses fonctions.

[4] Le 29 mars 2019, M. Hassan a présenté une demande de citoyenneté canadienne, dans laquelle il a déclaré avoir été absent du Canada pendant 1 252 jours au cours des cinq années précédant immédiatement la date de sa demande et avoir été effectivement présent au Canada pendant 574 jours. Comme M. Hassan ne satisfaisait pas à l’exigence relative à la présence effective prévue au sous-alinéa 5(1)c)(i) de la Loi, il a demandé à ce que sa demande de citoyenneté fasse l’objet d’un examen aux fins d’attribution discrétionnaire de la citoyenneté au titre du paragraphe 5(4) de la Loi.

[5] Le 10 juin 2022, le DM a rendu la décision contestée par laquelle il refusait d’attribuer la citoyenneté à M. Hassan en vertu du paragraphe 5(4) de la Loi. Le DM a souligné que le critère à respecter pour justifier l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 5(4) est strict et que M. Hassan ne satisfaisait à aucun des deux fondements lui permettant d’exercer ce pouvoir. Premièrement, le DM a conclu que M. Hassan n’avait pas démontré en quoi son travail pour l’UNICEF constituait des services exceptionnels rendus au Canada.

[6] Deuxièmement, en ce qui concerne la composante de la situation particulière et inhabituelle de détresse, le DM a conclu que M. Hassan n’avait pas réussi à démontrer que ses compétences ne seraient pas transférables dans le cadre d’un emploi qui lui permettrait de satisfaire à l’exigence de présence effective pour l’obtention de la citoyenneté canadienne. Le DM a également pris en compte l’intérêt supérieur des enfants [l’ISE], mais a conclu que M. Hassan n’avait jamais été empêché de revenir au Canada pour être avec ses enfants, et que l’ISE ne pouvait donc pas constituer le fondement d’une situation particulière et inhabituelle de détresse à laquelle seule l’attribution de la citoyenneté permettrait de remédier.

III. Analyse

[7] Le paragraphe 5(4) de la Loi est ainsi libellé : « […] le ministre a le pouvoir discrétionnaire d’attribuer la citoyenneté à toute personne afin de remédier à une situation d’apatridie ou à une situation particulière et inhabituelle de détresse ou de récompenser des services exceptionnels rendus au Canada » (non souligné dans l’original). Ainsi, dans le cadre d’une attribution discrétionnaire de la citoyenneté, il incombe aux demandeurs de démontrer que leur travail constitue des services exceptionnels rendus au Canada et qu’il mérite d’être récompensé, ou qu’ils sont confrontés à une situation particulière et inhabituelle de détresse à laquelle seule l’attribution de la citoyenneté permettrait de remédier.

[8] La Cour a conclu que le critère à respecter pour justifier l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 5(4) est strict (Tabori c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1076 au para 29 [Tabori], citant Chen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 874 au para 19).

[9] Les parties conviennent que la décision du DM est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, telle qu’elle est énoncée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov].

A. La conclusion selon laquelle les services de M. Hassan n’étaient pas d’une valeur exceptionnelle pour le Canada

[10] M. Hassan soutient que le DM a commis une erreur en ne considérant pas son travail pour l’UNICEF comme des services exceptionnels rendus au Canada. Il explique qu’il était responsable de la gestion du soutien financier et administratif des programmes humanitaires et de développement pour les populations vulnérables au Soudan, au Ghana, aux Comores, en Corée du Nord et au Vietnam, et il soutient que son travail au sein de l’UNICEF constitue des services exceptionnels rendus au Canada, car certains des programmes qu’il a aidé à mettre en œuvre sont financés par le gouvernement du Canada. Par exemple, il souligne que le programme de nutrition pour les enfants vulnérables et difficiles à joindre au Ghana a été entièrement financé par l’Agence canadienne de développement international, et que les programmes humanitaires pour les femmes et les enfants en Corée du Nord sont cofinancés par le gouvernement du Canada.

[11] M. Hassan soutient que le DM a commis une erreur en n’indiquant pas ce qui constituerait des « services exceptionnels » et en établissant de manière déraisonnable une distinction entre son cas et celui de la demanderesse dans la décision Halepota c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1196 [Halepota]. Il fait observer que, dans cette affaire, la demanderesse, Mme Halepota, travaillait pour une agence des Nations unies, le HCNUR. M. Hassan soutient qu’à la lumière de la décision rendue par la Cour rendue dans l’affaire Halepota, les personnes qui travaillent pour les Nations Unies ou pour une organisation qui y est affiliée doivent être reconnues comme des personnes rendant des services exceptionnels au Canada.

[12] Je ne peux souscrire à cet argument : il n’était pas nécessaire que le DM précise ce qui aurait constitué des services exceptionnels rendus au Canada, comme le prétend M. Hassan. En effet, dans la décision Halepota, le juge Grammond a conclu que « [m]ême si [la décideuse] n’était pas tenue de formuler un “critère” au-delà du libellé du paragraphe 5(4), elle devait expliquer quelles caractéristiques du travail de Mme Halepota faisaient en sorte qu’elle n’avait pas droit au bénéfice de cette disposition ».

[13] En outre, les faits de la présente affaire diffèrent nettement de ceux en cause dans la décision Halepota, car, dans cette dernière, la décideuse n’avait pas tenu compte des observations centrales formulées par la demanderesse quant à la valeur exceptionnelle des services qu’elle rendait, comparant de manière déraisonnable son travail au HCNUR à celui de « toute personne qui travaille pour une organisation humanitaire internationale ».

[14] Cependant, en l’espèce, le DM a pris en compte la situation personnelle de M. Hassan en examinant de manière exhaustive les responsabilités liées à son travail au sein de l’UNICEF. Dans la décision contestée qui s’avère longue et détaillée, le DM a relevé que [traduction] « les décisions d’exercer ou non le pouvoir prévu au paragraphe 5(4) de la Loi sont prises au cas par cas et qu’il incombe à M. Hassan de démontrer qu’il mérite l’attribution de la citoyenneté sur le fondement des critères prévus par la loi ».

[15] À mon avis, il était loisible au DM de tirer cette conclusion. Je ne peux pas souscrire à la prétention formulée par M. Hassan selon laquelle la Cour a reconnu dans la décision Halepota que toutes les personnes qui travaillent pour les Nations Unies ou pour une organisation qui y est affiliée doivent être reconnues comme des personnes rendant des services exceptionnels au Canada. L’acceptation de l’argument de M. Hassan signifierait que tous les employés de l’UNICEF, quelles que soient leurs fonctions, satisferaient au critère à respecter. Cela minerait l’obligation d’établir la valeur « exceptionnelle » des services rendus. Ce ne sont pas tous les employés de l’UNICEF qui satisfont à ce critère strict.

[16] De plus, la décision rendue par la décideuse dans l’affaire Halepota était incohérente, puisqu’elle avait reconnu que le travail de Mme Halepota permettait de fournir des services précieux à des groupes vulnérables de la population dans des pays défavorisés, et qu’il s’harmonisait avec le mandat d’aide humanitaire du Canada (Halepota, au para 12), mais elle avait ensuite conclu que ce travail ne constituait pas des services exceptionnels rendus au Canada aux fins du paragraphe 5(4).

[17] Le juge Grammond a relevé que, dans cette affaire, le raisonnement de la DM posait problème à plusieurs égards, et qu’il en était de même pour la justification fournie par le défendeur, à savoir que le travail pour le HCNUR, une agence des Nations Unies, à l’extérieur du Canada n’avait « aucun lien avec le Canada », étant donné qu’il s’agissait d’une organisation internationale (Halepota, au para 17). La décision rendue par la décideuse dans cette affaire et les arguments donnés à l’appui de celle-ci ont été jugés fondamentalement erronés pour diverses raisons, notamment la dévalorisation du travail de la demanderesse au motif qu’il était à vocation internationale.

[18] En revanche, en l’espèce, le DM a fait ce que la décideuse n’avait pas fait dans l’affaire Halepota, à savoir considérer précisément ce que le demandeur avait accompli pour l’organisation internationale (l’UNICEF, en l’occurrence). Le DM n’a jamais laissé entendre que les activités professionnelles menées à l’étranger pour le compte d’une organisation humanitaire internationale ne pouvaient pas être considérées comme constituant des services exceptionnels rendus au Canada.

[19] En l’espèce, le DM a simplement conclu que la nature des fonctions de M. Hassan ne satisfaisait pas au critère d’exception. Le DM a donc conclu, dans les termes suivants, que le demandeur ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombait : [traduction] « Bien qu’il semblerait que le demandeur ait travaillé pendant de nombreuses années pour l’UNICEF et qu’il se soit bien acquitté de ses fonctions et responsabilités, le demandeur n’a pas expliqué de manière raisonnable en quoi ses fonctions et responsabilités en tant qu’employé de l’UNICEF constituent des services exceptionnels rendus au Canada et les documents qu’il a fournis ne permettent pas non plus de le démontrer ».

[20] Se fondant sur ces observations, le DM a conclu que le travail de M. Hassan au sein de l’UNICEF, qui consistait principalement en la réalisation de tâches en matière de logistique et de coordination, comme en faisaient état son titre de poste et ses responsabilités, ne constituait pas des services exceptionnels rendus au Canada, même s’il s’agissait d’un travail pour le compte d’une agence des Nations Unies. Le DM a établi que le financement du gouvernement du Canada à l’UNICEF ne pouvait pas constituer le fondement sur lequel M. Hassan devrait se voir attribuer la citoyenneté canadienne sur une base discrétionnaire, parce qu’en elles-mêmes, les contributions financières en cause ne permettent pas d’établir que le travail du demandeur constitue des services exceptionnels rendus au Canada.

[21] En bref, les motifs du DM ne pâtissent pas des mêmes lacunes que celles figurant dans la décision rendue par la décideuse dans l’affaire Halepota. En l’espèce, ils sont tout à fait cohérents et « se tiennent » au regard d’une analyse de l’arrêt Vavilov. Le DM a eu raison de conclure que les fonctions de M. Hassan pour l’UNICEF à l’étranger en matière de gestion du soutien financier et administratif ne satisfaisaient pas au critère d’exception en application du paragraphe 5(4) de la Loi. En outre, il est de jurisprudence constante que le pouvoir discrétionnaire d’attribuer la citoyenneté n’est exercé en vertu de cette disposition que dans des cas très exceptionnels (Tabori, au para 30).

[22] M. Hassan s’appuie également sur la décision Lee (Re), 1997 CF (T-1443-96) [Lee], MH (Re), 1996 CF (T-1930-95) [MH] et Collier c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1511, [Collier] pour soutenir que, puisque le travail effectué par les demandeurs dans ces affaires a été reconnu comme constituant des services exceptionnels rendus au Canada, il devrait en être de même pour son travail au sein de l’UNICEF, puisque les services qu’il y rend au Canada sont comparables en valeur, [traduction] voir même supérieurs ». M. Hassan soutient que si le Canada était prêt à attribuer la citoyenneté à un athlète professionnel, comme dans les affaires Collier et MH, alors le Canada devrait lui accorder la citoyenneté au motif qu’il est un employé des Nations Unies qui aide le Canada à remplir ses objectifs humanitaires.

[23] Là encore, je ne suis pas convaincu par ces arguments. Premièrement, M. Hassan s’appuie à tort sur des décisions qui n’ont que peu de points communs d’ordre factuel ou juridique avec le présent contrôle judiciaire. Le fait d’avoir accueilli des demandes antérieures portant sur des faits différents ne lie pas la Cour dans des affaires futures portant sur des faits distincts. Chaque décision rendue au titre du paragraphe 5(4) de la Loi est prise au cas par cas, au regard de la situation personnelle du demandeur.

[24] Les décisions Collier et Lee n’appuient pas le principe selon lequel tous les joueurs de volley-ball ou tous les ingénieurs en environnement auraient droit à l’attribution discrétionnaire de la citoyenneté en vertu du paragraphe 5(4) pour des services exceptionnels rendus. De même, ces décisions ne peuvent s’appliquer à des carrières ou des emplois complètement différents.

[25] Deuxièmement, je relève que le contexte juridique dans lequel ces deux affaires s’inscrivent, alors que l’ancien régime de citoyenneté (qui comportait des critères de présence effective différents) était en vigueur, se distingue sur le plan des exigences actuelles en matière de résidence effective. Ainsi, les fondements juridiques et factuels de ces trois affaires diffèrent de ceux qui prévalent dans le dossier de M. Hassan.

B. La conclusion quant à l’absence d’une situation particulière et inhabituelle de détresse

[26] M. Hassan soulève une deuxième question, à savoir que le DM a commis une erreur en n’accordant pas le poids nécessaire aux difficultés auxquelles il serait exposé si l’attribution de sa citoyenneté était retardée, du fait qu’il aurait à quitter son travail au sein de l’UNICEF afin de satisfaire aux exigences actuelles en matière de résidence, ce qui affecterait ainsi sa famille, notamment en portant atteinte à l’intérêt supérieur de ses enfants. M. Hassan soutient que son statut de RP serait mis en péril et que, s’il le perdait, il serait renvoyé en Somalie, et qu’il ne pourrait pas voyager pendant le renouvellement de sa carte de RP.

[27] Ces arguments ne sont pas plus convaincants que ceux qu’il avait soulevés quant à la première question (relativement aux services exceptionnels rendus au Canada). L’appréciation de la composante de « situation particulière et inhabituelle de détresse » aux termes du paragraphe 5(4) de la Loi est très stricte, comme l’explique le juge Russell dans la décision Ayaz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 701 au para 50 :

Bien qu’il n’existe aucun critère fermement établi relatif aux « situation[s] particulière[s] et inhabituelle[s] de détresse » au titre du paragraphe 5(4) de la Loi, les observations suivantes du juge Walsh dans la décision Re Turcan (T‑3202, 6 octobre 1978, CFPI), qu’il a reproduites dans la décision Naber‑Sykes (Re), [1986] 3 CF 434, 4 FTR 204 (Naber‑Sykes) demeurent valides et sont un bon point de départ :

Naturellement, l’appréciation de ce qui constitue « une situation particulière et exceptionnelle de détresse » est une appréciation subjective et il se peut que cette appréciation soit différente selon qu’elle émane des juges de la citoyenneté, des juges de la Cour de céans, du Ministre ou du gouverneur en conseil. Certes, le simple fait de ne pas avoir la citoyenneté canadienne ou d’avoir à attendre plus longtemps avant de l’acquérir n’est pas en soi une situation « particulière et exceptionnelle de détresse », mais dans les cas où ce retard entraîne la séparation des familles, la perte d’un emploi, l’inutilisation de compétences professionnelles et de talents spéciaux et où le Canada est privé de citoyens désirables et hautement qualifiés, il semble qu’après avoir rejeté la demande par suite d’une interprétation nécessairement stricte et des conditions de résidence prévues par la Loi, lesquelles n’ont pu être remplies pour des raisons indépendantes de la volonté du requérant, le juge doit recommander au ministre de faire intervenir le gouverneur en conseil […]

[Non souligné dans l’original.]

[28] En ce qui concerne l’emploi du demandeur au sein de l’UNICEF, le DM a conclu que M. Hassan pouvait trouver un emploi comparable au Canada, en relevant qu’il possédait une expérience professionnelle et des compétences transférables lui permettant de s’établir sur le plan économique au Canada. M. Hassan soutient qu’en tirant cette conclusion, le DM s’est livré à des conjectures quant à sa capacité à trouver un emploi comparable.

[29] Contrairement à ce que prétend M. Hassan, le DM a apprécié de manière raisonnable sa situation. Le DM a fait part de ses réserves de la manière suivante :

[traduction]

Bien que le demandeur ait présenté quelques exemples de ses demandes d’emploi au Canada, il n’a pas fourni de documents ou de renseignements tels que des lettres de refus, indiquant que sa recherche d’emploi au Canada a échoué parce que ses compétences n’étaient pas transférables ou en raison de son âge. Au contraire, les documents et les renseignements fournis par le demandeur démontrent qu’il a repris son emploi au sein de l’UNICEF quelques mois seulement après être devenu résident permanent du Canada. Le demandeur a fait le choix délibéré et personnel de quitter le Canada et de reprendre son emploi au sein de l’UNICEF, et les difficultés qu’il a connues à la suite de cette décision n’ont pas eu d’incidence sur son statut de résident permanent au Canada.

[30] Il était loisible au DM de suivre ce raisonnement et ses conclusions ne comportent aucune erreur susceptible de contrôle. Le DM a souligné à juste titre que M. Hassan n’avait pas étayé ses allégations relatives à son incapacité à trouver du travail au Canada par des éléments de preuve. Le demandeur a choisi de continuer à travailler à l’étranger au sein de l’UNICEF, comme il le faisait avant d’immigrer au Canada.

[31] En outre, le DM a examiné les observations de M. Hassan concernant la possibilité qu’il perde son statut de résident permanent et l’impossibilité de voyager en attendant sa nouvelle carte de RP, mais il a conclu que ces affirmations reposaient sur des suppositions. M. Hassan n’a fourni aucune preuve à l’appui de son argument selon lequel le risque de perdre son statut de résident permanent justifiait l’attribution de la citoyenneté afin de remédier à une situation particulière et inhabituelle de détresse. Compte tenu de l’absence de preuve, le DM a conclu de manière raisonnable que l’exigence relative à la présence effective n’était pas contraignante au point où le demandeur devait se voir attribuer la citoyenneté (Tabori, au para 37).

[32] Le DM a également conclu que M. Hassan n’avait pas fourni de preuve à l’appui du fait qu’il serait incapable de voyager ou de travailler à l’extérieur du Canada pendant le traitement du renouvellement de sa carte de RP, en particulier parce que la preuve démontre que depuis son obtention du statut de RP en 2010, M. Hassan a été en mesure de renouveler son statut de RP à deux reprises, une fois en 2016 et une autre fois en 2021, dans les deux cas pour des considérations d’ordre humanitaire. Il a également pu voyager pendant le traitement des renouvellements de sa carte de RP en obtenant un document de voyage canadien auprès d’une ambassade canadienne pendant qu’il était à l’étranger. Il n’était donc aucunement déraisonnable pour le DM de conclure que les arguments de M. Hassan selon lesquels il ne serait pas en mesure de renouveler son statut de RP étaient de nature conjecturale.

[33] Enfin, M. Hassan soutient que l’appréciation du DM quant à son établissement et d’autres considérations d’ordre humanitaire était déraisonnable parce qu’il n’a pas accordé le poids approprié aux éléments de preuve étayant son lien avec le Canada. Toutefois, comme le DM l’a relevé, une appréciation au titre du paragraphe 5(4) de la Loi n’a pas à traiter du lien d’un demandeur avec le Canada. Une appréciation portant sur « une situation particulière et inhabituelle de détresse » au titre du paragraphe 5(4) de la Loi n’est pas équivalente à une appréciation des considérations d’ordre humanitaire au titre du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

[34] En résumé, le DM a raisonnablement conclu que M. Hassan ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer en quoi son établissement justifiait l’attribution discrétionnaire de la citoyenneté en vertu du paragraphe 5(4) de la Loi. M. Hassan n’est tout simplement pas d’accord quant au poids accordé à la preuve par le DM.

IV. Conclusion

[35] La décision contestée était raisonnable et celle-ci n’est entachée d’aucune erreur susceptible de contrôle. Les parties n’ont proposé aucune question de portée générale à certifier, et je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier T-1395-22

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question à certifier n’a été proposée, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1395-22

 

INTITULÉ :

MOHAMED AHMED HASSAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 mai 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

Le 23 mai 2023

 

COMPARUTIONS :

Nilofar Ahmadi

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Nadine Silverman

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

NK Lawyers

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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