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Date : 20230424


Dossier : T-1308-20

Référence : 2023 CF 594

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 avril 2023

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

DERMASPARK PRODUCTS INC.

POLLOGEN LTD.

demanderesses
(défenderesses reconventionnelles)

et

BINAL PATEL

BALSAM SPA, faisant affaire sous le nom de BALSAM DAY SPA

défendeurs
(demandeurs reconventionnels)

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Les défendeurs, Binal Patel et Balsam Day Spa, ont présenté une requête en procès sommaire, conformément aux articles 213 et 216 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles], dans le cadre de l’action des demanderesses pour contrefaçon de marques de commerce et violation de droits d’auteur. Dans la décision Dermaspark Products Inc v Patel, 2023 FC 388, la Cour a conclu qu’un procès sommaire était approprié, s’est penchée sur le bien-fondé de la demande et s’est prononcée en faveur des demanderesses. La Cour a rejeté la demande reconventionnelle des défendeurs.

[2] La Cour a accepté que les parties présentent des observations sur les dépens après le prononcé de son jugement. Les parties n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur les dépens et ont soumis des observations écrites, que la Cour a examinées.

I. Les observations des parties sur les dépens

[3] Les demanderesses soutiennent que le comportement des défendeurs tout au long de la procédure, notamment leur refus de conclure un règlement pour un montant bien inférieur à celui ordonné par la Cour, justifie l’adjudication de dépens en leur faveur, à l’extrémité supérieure de la colonne V du tarif B.

[4] Les demanderesses ont déposé une ébauche de mémoire de frais et ont pris en compte l’offre de règlement qui avait été faite le 7 octobre 2022, et qui pouvait être acceptée jusqu’à la date du procès. Les demanderesses ont remis à la Cour une copie de l’offre écrite de règlement. Les demanderesses font remarquer que, selon la colonne du tarif B utilisée pour le calcul des dépens, le montant se situerait entre 18 963,08 $ et 33 616,20 $. Compte tenu de l’historique du litige, tel que l’ont décrit les demanderesses, ces dernières sollicitent des défendeurs des dépens totalisant 25 000,00 $.

[5] Les défendeurs soutiennent que, bien que les demanderesses aient eu gain de cause, les dépens qu’elles sollicitent sont excessifs. Les défendeurs font remarquer que le présent litige a débuté en 2020 et qu’il y a eu plusieurs retards dans la poursuite de celui‑ci. Les défendeurs laissent entendre que la requête formelle en procès sommaire, que les deux parties ont appuyée, leur a fait perdre davantage de temps. Les défendeurs laissent également entendre que les déclarations des témoins des demanderesses lors de l’audience de la requête comportaient des informations ne faisant pas partie des actes de procédure et qu’elles les ont [traduction] « piégés ».

[6] Les défendeurs soutiennent que la Cour a accordé aux demanderesses plus que ce qui était prévu et que celles-ci ne devraient pas bénéficier d’une adjudication additionnelle de dépens considérables. Les défendeurs soutiennent qu’il n’y a pas lieu d’adjuger des dépens, notant que la conduite des demanderesses a entraîné une perte de temps.

II. Les demanderesses ont droit aux dépens

[7] La Cour a pris en considération l’historique du présent litige, qui démontre les sérieux efforts déployés par le juge responsable de la gestion de l’instance pour aider les parties à résoudre ce problème et à éviter une audience. La proposition des défendeurs, selon laquelle ils n’avaient pas à introduire une requête formelle en procès sommaire, parce que les demanderesses avaient convenu avec les défendeurs que la présente affaire devait procéder par voie de procès sommaire, est sans fondement. Lors d’une conférence de gestion de l’instance tenue le 16 septembre 2022, après la première demande d’ajournement de l’audience, initialement prévue pour le 21 septembre 2022, la Cour a informé les défendeurs que le dépôt d’une requête était nécessaire. Lors d’une conférence de gestion de l’instance convoquée le 24 janvier 2023, après une autre demande d’ajournement et de report de l’audience, la Cour a encore une fois avisé les défendeurs que le dépôt d’une requête en procès ou en jugement sommaire selon les modalités prescrites était nécessaire. À ce moment-là, la Cour ne disposait que de peu d’éléments pour trancher les questions soulevées dans le cadre d’un procès sommaire.

[8] La prétention des défendeurs selon laquelle les demanderesses ont soulevé lors de l’audience des questions qui les ont [traduction] « piégés » est également sans fondement. La référence par les témoins des demanderesses à des mesures plus larges prises pour lutter contre la contrefaçon de marques de commerce et la violation de droits d’auteur n’avait aucune incidence sur les questions dont la Cour était saisie, à savoir si les défendeurs avaient violé les droits de propriété intellectuelle des demanderesses.

A. Les principes applicables

[9] L’article 400 des Règles prévoit que la Cour dispose du pouvoir discrétionnaire d’établir si des dépens doivent être adjugés, et, dans l’affirmative, d’en déterminer le montant.

[10] Les demanderesses ont droit aux dépens La question est de savoir quel est le montant qu’il est approprié d’accorder, au titre des dépens, dans les circonstances.

[11] Les facteurs non exhaustifs énoncés au paragraphe 400(3) des Règles fournissent des indications à la Cour pour procéder à cette détermination (Francosteel Canada Inc c African Cape (L’) (CA), 2003 CAF 119, [2003] 4 CF 284. Les facteurs ne se rapportent pas exclusivement aux frais prévus par le tarif ou aux sommes globales, mais à toutes les attributions de dépens.

[12] La liste non exhaustive des facteurs inclut le résultat de l’instance, l’importance et la complexité des questions en litige, toute offre écrite de règlement, la charge de travail, la conduite d’une partie ayant eu pour effet d’abréger ou de prolonger la durée de l’instance, le caractère inapproprié, vexatoire ou inutile d’une mesure prise au cours de l’instance, et toute autre question que la Cour juge pertinente.

[13] Le résultat de l’instance a généralement un poids important, car, en règle générale, les dépens doivent suivre le sort du principal (Merck & Co, Inc c Novopharm Ltd, [1998] ACF no 1188 au para 24).

[14] Dans l’arrêt Consorzio del Prosciutto di Parma c Maple Leaf Meats Inc (CA), 2002 CAF 417, [2003] 2 CF 451, le juge Rothstein a fourni des indications concernant l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour dans l’attribution des dépens et, au paragraphe 8, il a fait remarquer ce qui suit :

[8] Une adjudication de dépens partie-partie ne constitue pas un exercice exact. Il ne s’agit que d’une estimation du montant que la Cour juge approprié à titre de contribution aux dépens avocat-client de la partie qui a obtenu gain de cause (ou, de façon inhabituelle, à ceux de la partie déboutée). En vertu de la règle 407, lorsque les parties ne cherchent pas à obtenir des dépens supplémentaires, les dépens seront taxés conformément à la colonne III du tableau du tarif B. Même lorsque l’on demande des dépens supplémentaires, la Cour, à sa discrétion, peut conclure que les dépens adjugés selon la colonne III constituent un dédommagement suffisant quant aux dépens partie-partie.

[15] Dans l’arrêt Philip Morris Products SA c Marlboro Canada Limitée, 2015 CAF 9, la juge Gauthier a fait remarquer, au paragraphe 4, l’existence d’une « tendance judiciaire à l’adjudication, autant que possible, d’une somme globale » calculée selon un pourcentage des honoraires d’avocats, en particulier dans les affaires touchant des affaires commerciales sophistiquées.

[16] Dans l’arrêt Nova Chemicals Corp c Dow Chemical Co, 2017 CAF 25, le juge Rennie a réitéré que la Cour avait le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens et de les répartir, bien que ce pouvoir ne soit pas absolu. Le juge a également noté la tendance à accorder une somme globale au titre des dépens, au lieu d’une taxation des dépens selon le tarif, ajoutant que les sommes globales peuvent être appropriées dans des affaires « où un calcul précis des dépens serait inutilement laborieux et onéreux » (aux para 11, 12). Il a ajouté, au paragraphe 15, que l’adjudication d’une somme globale au titre des dépens doit être justifiée au regard des circonstances de l’affaire et des objectifs qui sous‑tendent l’adjudication des dépens.

[17] En ce qui concerne l’adjudication d’une somme globale calculée selon un pourcentage du montant réel des frais qui ont été « raisonnablement engagés », le juge Rennie indique, au paragraphe 17, que les sommes globales correspondent généralement à un pourcentage allant de 25 % à 50 %, mais que certaines circonstances peuvent justifier un pourcentage plus ou moins élevé.

B. L’adjudication, au titre des dépens, d’une somme globale est appropriée

[18] J’ai pris en considération tous les facteurs pertinents, en particulier les faits suivants : les demanderesses ont obtenu gain de cause; elles ont présenté une offre de règlement formelle par écrit, laquelle proposait un montant bien inférieur au montant accordé par la Cour; le litige n’était pas complexe et aurait pu être résolu beaucoup plus tôt; les deux parties ont contribué dans une certaine mesure à la prolongation du litige. La réalisation d’une taxation des dépens entraînerait des délais et des coûts supplémentaires pour les deux parties. Dans ces circonstances, il est préférable d’adjuger une somme globale au titre des dépens.

[19] Comme l’indique la jurisprudence, les sommes globales adjugées au titre des dépens sont calculées selon un pourcentage allant de 25 % à 50 % des frais raisonnables encourus, mais de nombreux facteurs guident la détermination du montant approprié. Les demanderesses proposent un montant de 25 000 $, ce que la Cour interprète comme étant leur évaluation des frais raisonnables encourus. Outre les facteurs susmentionnés, la Cour a pris en compte le fait que ce montant constituerait un fardeau considérable pour la petite entreprise des demanderesses, qui s’ajoute à la charge des dommages-intérêts accordés par la Cour qu’elles devront payer. La Cour conclut qu’une somme globale de 7 500 $ est appropriée, ce qui correspond à 30 % des frais raisonnablement engagés par les demanderesses.

 


ORDONNANCE dans le dossier T-1308-20

LA COUR ORDONNE :

Les défendeurs verseront aux demanderesses la somme de 7 500 $ au titre des dépens.

« Catherine M. Kane »

Juge

Traduction certifiée conforme

C. Laroche


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1308-20

 

INTITULÉ :

DERMASPARK PRODUCTS INC, POLLOGEN LTD. c BINAL PATEL, BALSAM SPA, faisant affaire sous le nom de BALSAM DAY SPA

 

OBSERVATIONS RELATIVES AUX DÉPENS EXAMINÉES À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT À L’ORDONNANCE DE LA COUR DANS LE DOSSIER 2023 FC 388

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE KANE

 

DATE DE L’ORDONNANCE

ET DES MOTIFS :

 

LE 24 avril 2023

 

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :

Michael Chevalier

 

Pour les demanderesses

 

Alnaz I. Jiwa

 

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

PINTO LEGAL

Montréal (Québec)

 

Pour les demanderesses

 

JIWA LAW OFFICE

Scarborough (Ontario)

 

Pour les défendeurs

 

 

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