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Date : 20230421

Dossier : IMM-3001-22

Référence : 2023 CF 582

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 21 avril 2023

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

RAAKULAN SATKUNATHAS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, M. Raakulan Satkunathas, sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) du Canada a mis fin à la procédure en cours, au titre de l’alinéa 104(2)a.1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], car sa demande d’asile a été jugée irrecevable.

Contexte

[2] Le demandeur est un citoyen du Sri Lanka qui s’est enfui aux États-Unis d’Amérique [les É.-U.], où il a présenté une demande d’asile en 2019. Sa demande a été refusée le 31 janvier 2020, et un appel a été rejeté le 14 septembre 2020. Le demandeur a ensuite été placé en détention avant d’être [traduction] « libéré sous condition » en mars 2021. Il est entré au Canada le 22 avril 2021.

[3] Au point d’entrée, il a été interrogé par un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] et a mentionné avoir présenté une demande d’asile sans succès aux É.-U., comme l’attestait sa déclaration faite à cette date. D’après les notes de l’agent de l’ASFC datées du 22 avril 2021, le demandeur avait déclaré que son frère était un demandeur d’asile résidant actuellement au Canada. Dans ses notes, l’agent a mentionné qu’il était probable qu’ils soient tous deux apparentés et a donc recommandé que la demande d’asile du demandeur soit jugée recevable et soit déférée à la SPR, car le demandeur satisfaisait à une exception prévue dans l’Entente sur les tiers pays sûrs. Les notes en question ne faisaient pas mention du rejet de la demande d’asile du demandeur aux É.-U. D’après les notes du délégué du ministre rédigées à la même date, l’agent a présenté le dossier, rapporté les renseignements précédents et conclu, sur la foi de ces renseignements, que le demandeur tombait sous le coup d’une exception prévue dans l’Entente sur les tiers pays sûrs. Estimant également que le demandeur n’était visé par aucun des motifs d’irrecevabilité prévus au paragraphe 101(1) de la LIPR, le délégué du ministre a donc conclu que la demande d’asile était recevable et pouvait être déférée à la SPR.

[4] Le 10 juin 2021, le demandeur a soumis son formulaire Fondement de la demande d’asile [le formulaire FDA] ainsi que son exposé circonstancié.

[5] Le 2 juillet 2021, le demandeur a reçu une lettre du Centre intégré d’analyse des demandes d’asile [le CIADA] concernant la communication de documents. Cette lettre expliquait que les documents joints avaient été envoyés à la SPR pour qu’elle en tienne compte dans l’examen de sa demande d’asile. Une [traduction] « liste de vérification à l’intention de la CISR » était jointe à la lettre et décrivait les documents examinés ainsi que le contenu des documents à communiquer, lesquels comprenaient notamment la déclaration, les notes de l’agent qui avait traité la demande, les notes du délégué du ministre ainsi qu’un rapport sur les renseignements biométriques daté du 28 juin 2021, lequel mentionnait l’entrée du demandeur aux É.-U.

[6] Le 17 janvier 2022, la SPR a avisé le demandeur par écrit, conformément à l’alinéa 28(1)c) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256 [les Règles de la SPR], que sa demande d’asile pourrait, selon elle, être visée par les alinéas 101(1)a) à e) ou 104c) ou d) de la LIPR et donc être irrecevable. En particulier, la SPR précisait qu’avant de présenter une demande d’asile au Canada, le demandeur avait présenté une demande d’asile dans un autre pays, comme l’attestait son formulaire de l’annexe A (rempli au point d’entrée). La SPR a envoyé une autre lettre à la même date pour confirmer qu’elle avait bien reçu le formulaire FDA du demandeur et pour demander des renseignements supplémentaires concernant le rejet de sa demande d’asile aux É.-U., dont il était fait mention dans les renseignements fournis lorsque sa demande avait été déférée.

[7] Le 27 janvier 2022, un représentant du ministre à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] a pris acte de l’avis envoyé par la SPR conformément à l’article 28 des Règles de la SPR et a laissé savoir que le ministre attendait que lui soient communiqués des renseignements biométriques afin de confirmer que le demandeur avait présenté une demande d’asile dans un pays autre que le Canada, ajoutant qu’il répondrait une fois les résultats reçus. Dans une lettre datée du 24 février 2022, adressée à la SPR et à l’avocate du demandeur, le représentant du ministre a indiqué qu’il avait reçu confirmation, en conformité avec un accord ou une entente d’échange de renseignements conclu entre le Canada et les autorités américaines, que le demandeur avait présenté une demande d’asile aux É.-U. Par conséquent, la demande d’asile que le demandeur avait présentée au Canada a été renvoyée au bureau réceptionnaire initial afin qu’il évalue à nouveau si elle était recevable et si elle pouvait être instruite par la SPR. Le représentant du ministre a indiqué qu’une fois le réexamen effectué, un avis sur la recevabilité de la demande d’asile serait envoyé au demandeur et à la SPR conformément aux paragraphes 104(1) et 104(2) de la LIPR.

[8] Le 10 mars 2022, l’ASFC a répondu par écrit à la demande d’asile présentée par le demandeur au Canada en déclarant qu’elle avait conclu, après l’avoir examinée, que la demande était irrecevable et ne pouvait être déférée à la SPR en application des alinéas 104(1)a.1) ou 101(1)c.1) de la LIPR. Ces dispositions étaient reproduites dans la lettre. La lettre en question précisait que le ministre s’était appuyé sur les renseignements, obtenus conformément à un accord d’échange de renseignements conclu avec les É.-U., qui confirmaient que le demandeur avait déposé dans ce pays une demande d’asile, dont le ministre avait obtenu copie. Le ministre était convaincu pour ces motifs que la demande d’asile présentée par le demandeur au Canada était irrecevable et ne pouvait être déférée à la SPR. Un « avis d’irrecevabilité de la demande d’asile en application du 104(1) et 104(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés », daté du 10 mars 2022, était joint à la lettre.

[9] Le 17 mars 2022, la SPR a informé le demandeur par écrit que l’ASFC l’avait avisée qu’elle ne pouvait pas statuer sur la demande d’asile, jugée irrecevable. La SPR a déclaré ce qui suit :

[traduction]
Conformément à l’alinéa 104(2)a.1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, il est mis fin à la procédure en cours devant la SPR relativement à votre demande d’asile. Cela signifie que le dossier relatif à votre demande d’asile sera fermé et que votre demande ne donnera lieu à aucune autre procédure.

[10] Cette décision fait l’objet de la demande de contrôle judiciaire.

Dispositions législatives applicables

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

Irrecevabilité

101 (1) La demande est irrecevable dans les cas suivants :

[...]

c.1) confirmation, en conformité avec un accord ou une entente conclus par le Canada et un autre pays permettant l’échange de renseignements pour l’administration et le contrôle d’application des lois de ces pays en matière de citoyenneté et d’immigration, d’une demande d’asile antérieure faite par la personne à cet autre pays avant sa demande d’asile faite au Canada;

[…]

Avis sur la recevabilité de la demande d’asile

104 (1) L’agent donne un avis portant, en ce qui touche une demande d’asile dont la Section de la protection des réfugiés est saisie ou dans le cas visé aux alinéas a.1) ou d) dont la Section de la protection des réfugiés ou la Section d’appel des réfugiés sont ou ont été saisies, que :

a) il y a eu constat d’irrecevabilité au titre des alinéas 101(1)a) à e), exception faite de l’alinéa 101(1)c.1);

a.1) il y a eu constat d’irrecevabilité au titre de l’alinéa 101(1)c.1);

b) il y a eu constat d’irrecevabilité au seul titre de l’alinéa 101(1)f);

c) la demande n’étant pas recevable par ailleurs, la recevabilité résulte, directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait;

d) la demande n’est pas la première reçue par un agent.

Classement et nullité

(2) L’avis a pour effet, s’il est donné au titre :

a) des alinéas (1)a), b) ou c), de mettre fin à l’affaire en cours devant la Section de la protection des réfugiés;

a.1) de l’alinéa (1)a.1), de mettre fin à l’affaire en cours devant la Section de la protection des réfugiés ou, s’agissant d’un appel du demandeur d’asile, la Section d’appel des réfugiés;

b) de l’alinéa (1)d), de mettre fin à l’affaire en cours et d’annuler toute décision ne portant pas sur la demande initiale.

Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256

Avis de la possibilité d’une interdiction de territoire ou d’irrecevabilité

28 (1) La Section, sans délai, avise par écrit le ministre et lui transmet tout renseignement pertinent si elle croit, selon le cas :

[...]

c) que la demande d’asile pourrait être irrecevable en raison de l’article 101 ou des alinéas 104(1)c) ou d) de la Loi.

Communication au demandeur d’asile

(2) La Section transmet au demandeur d’asile une copie de tout avis ou renseignement que la Section a transmis au ministre.

Continuation des procédures

(3) Si le ministre n’avise pas la Section, dans un délai de vingt jours suivant la réception de l’avis visé au paragraphe (1), qu’il y a sursis à l’étude de la demande d’asile en vertu des alinéas 103(1)a) ou b) de la Loi ou qu’il est mis fin à l’affaire en cours en vertu de l’article 104 de la Loi, la Section peut continuer les procédures.

Question en litige et norme de contrôle

[11] Le demandeur fait valoir que la seule question à trancher est celle de savoir si la SPR a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il devait être mis fin aux procédures relatives à sa demande d’asile, car elle a tiré des conclusions de fait erronées sans tenir compte de la preuve dont elle était dûment saisie. Il ajoute que la décision était déraisonnable compte tenu de la preuve soumise à la SPR. Malgré cette observation, les arguments du demandeur concernent une prétendue atteinte à l’équité procédurale. Celui-ci affirme en particulier qu’il s’attendait légitimement à être informé des doutes du décideur. Lorsqu’il a comparu devant moi, le demandeur a déclaré que la norme de contrôle applicable était celle de la décision correcte.

[12] Lorsqu’une cour de révision doit effectuer le contrôle d’une décision de la SPR, c’est la norme de contrôle de la décision raisonnable qui s’applique (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 23, 25).

[13] Les questions d’équité procédurale sont soumises à la norme de la décision correcte (voir : Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 [Khela] au para 79; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43). Dans l’arrêt Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’exercice de révision requis est particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte – bien qu’imparfaitement –, même si, à proprement parler, aucune norme de contrôle ne s’applique aux questions d’équité procédurale. La Cour est plutôt appelée à décider si la procédure était équitable, vu les circonstances.

Analyse

[14] Le demandeur soutient que, lorsqu’il a été interrogé par l’ASFC au point d’entrée, il a mentionné qu’il avait demandé l’asile sans succès aux É.-U., ce qu’il a également indiqué à ce moment-là dans son formulaire de l’annexe A. L’ASFC n’a toutefois pas décelé de problème et l’a autorisé à entrer au Canada, puis elle a déféré sa demande d’asile à la SPR. En outre, bien qu’il ait ensuite soumis son formulaire FDA le 10 juin 2021 et le rapport biométrique le 28 juin 2021, lesquels mentionnaient tous deux son séjour aux É.-U., le demandeur n’a pas été informé que la demande d’asile soumise dans ce pays posait problème. Cela [traduction] « a accentué son attente légitime » selon laquelle sa demande était en cours de traitement et il serait convoqué à une audience.

[15] Le demandeur soutient que ce n’est que le 17 janvier 2022 que la SPR l’a informé que sa demande était irrecevable en raison de la demande antérieure qu’il avait faite aux É.-U., et que cela était déraisonnable, car l’ASFC et la SPR étaient au courant de cette demande antérieure. En outre, le rapport biométrique était daté du 28 juin 2021 et donc, pendant sept mois avant que la SPR ne mette fin à la procédure, il avait raisonnablement présumé que sa demande d’asile suivait son cours. En bref, il affirme avoir été informé de l’irrecevabilité de sa demande après un délai de dix mois et fait valoir que rien ne justifiait de ne pas l’avoir avisé en juin 2021, au moment du dépôt du rapport biométrique. Il soutient que cela [traduction] « a enfreint [ses] droits procéduraux, en particulier l'attente légitime qu'il avait d'être informé des doutes du décideur et de voir sa demande traitée sans retard injustifié ».

[16] Les observations du demandeur ne sont pas fondées.

[17] Premièrement, les observations écrites du demandeur ne portent pas sur le paragraphe 104(1) de la LIPR. Cette disposition autorise expressément l’agent à « donne[r] un avis portant, en ce qui touche une demande d’asile dont la Section de la protection des réfugiés est saisie ou dans le cas visé aux alinéas a.1) ou d) dont la Section de la protection des réfugiés ou la Section d’appel des réfugiés sont ou ont été saisies, que […] il y a eu constat » d’irrecevabilité de la demande. Autrement dit, même si l’ASFC aurait dû constater, au titre de l’alinéa 101(1)c.1), que la demande d’asile du demandeur était irrecevable au point d’entrée, et qu’elle n’aurait pas dû la déférer initialement à la SPR, cela ne confère pas au demandeur un droit à une audience sur le fond de sa demande d’asile.

[18] Les Règles de la SPR prévoient une procédure suivant laquelle la SPR doit aviser le ministre et le demandeur si elle croit que la demande d’asile pourrait être irrecevable en raison de l’article 101 ou des alinéas 104c) ou d) de la LIPR. Comme le révèlent les faits de l’affaire exposés plus haut, la SPR a suivi cette procédure, ce que le demandeur ne conteste pas. Le représentant du ministre a obtenu confirmation des autorités américaines que le demandeur avait présenté une demande d’asile aux É.-U., et a renvoyé l’affaire à l’ASFC pour un nouvel examen. Une fois ce nouvel examen terminé, la SPR a avisé le demandeur qu’elle mettait fin à la procédure de demande d’asile pour cause d’irrecevabilité. Je ne relève aucune erreur dans cette façon de faire. La SPR n’a pas non plus rendu de [traduction] « décision erronée », comme le fait valoir le demandeur.

[19] Deuxièmement, compte tenu de cette procédure prévue par la loi, le demandeur ne pouvait raisonnablement pas s’attendre légitimement à ce que sa demande d’asile soit traitée alors que la SPR l’avait jugée irrecevable. De plus, la date à laquelle la SPR est parvenue à cette conclusion n’est pas pertinente au regard du paragraphe 104(1) de la LIPR, lequel prévoit expressément que la SPR peut donner un avis, en ce qui touche une demande d’asile dont elle est saisie, si elle croit que la demande est irrecevable. La loi ne prévoit donc aucune restriction temporelle pour la simple raison qu’une demande d’asile est déférée à la SPR et que son traitement se poursuit en vue de la tenue d’une audience. L’avis en question peut effectivement être donné après que la SPR ou la SAR a rendu une décision à l’égard de la demande en cause (art 101(1)c.1) et 104(1)a.1) de la LIPR).

[20] Dans l’arrêt dela Fuente c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 186, invoqué par le défendeur, la Cour d’appel fédérale a examiné deux questions certifiées, dont la première était de savoir si la doctrine de l’attente légitime pouvait servir à écarter l’application de l’article 190 de la LIPR. La Cour a répondu par la négative :

[19] On peut décider d’entrée de jeu le point soulevé par la première question. L’article 190 de la LIPR est clair et sans équivoque. Il dispose que, si une demande a été présentée et qu’aucune décision n’a été prise au 28 juin 2002, alors la LIPR s’applique sans condition. La doctrine de l’attente légitime est un principe procédural qui a pour source la common law. Il ne produit donc pas de droits formels et ne peut pas servir à contredire l’intention clairement exprimée du législateur (Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Lidder, [1992] 2 C.F. 621 (C.A.), aux pages 624, 625 et 632).

[20] D’ailleurs, les indications données à l’intimée étaient exactes sur le plan factuel. L’argument qu’elle avance est que les fonctionnaires avaient l’obligation formelle de l’avertir, elle ainsi que son mari, que la nouvelle loi risquait d’influer sur le statut de son mari. L’imposition d’une telle obligation n’a aucun fondement en droit.

[21] Je répondrais donc par la négative à la première question certifiée.

[21] Le même principe s’applique en l’espèce. Le demandeur ne peut éviter l’application de l’article 104 de la LIPR en s’appuyant sur la doctrine de l’attente légitime.

[22] Le demandeur concède d’ailleurs dans ses propres observations que la doctrine de l’attente légitime, qu’il invoque, ne crée pas de droits formels (citant Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 au para 26; Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.-B.), [1991] 2 RCS 525 à la p 557; voir aussi Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 au para 97; Bell Canada c British Columbia Broadband Association, 2020 CAF 140 au para 118; Canada (Procureur général) c Honey Fashions Ltd, 2020 CAF 64 au para 50).

[23] Lorsqu’elle a comparu devant moi, l’avocate du demandeur a également reconnu que l’issue était inévitable, compte tenu du régime législatif. La demande du demandeur sera jugée irrecevable. Malgré cela, la réparation demandée est le renvoi de l’affaire devant la SPR – non pas dans le but d’obtenir une décision différente – mais pour gagner du temps au Canada de manière à ce que le demandeur puisse intenter d’autres recours dans l’espoir d’être autorisé à rester ici, par exemple en demandant une évaluation des risques avant renvoi. Cela revient à ignorer le rôle de la Cour lors d’un contrôle judiciaire, lequel consiste à vérifier que la décision faisant l’objet du contrôle respecte la primauté du droit (Khela, au para 37; Vavilov, aux para 2, 82; Gomes c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 506 au para 27). Si une décision est raisonnable et qu’elle est équitable sur le plan procédural, la Cour ne fera pas droit au contrôle judiciaire.

[24] À mon avis, même si l’ASFC a eu tort initialement de conclure que la demande d’asile du demandeur était recevable et qu’elle pouvait être déférée à la SPR, cette erreur est sans importance et ne peut affecter l’issue, étant donné que les alinéas 104(1)a.1), 104 (2)a.1) et 101(1)a.1) de la LIPR autorisent la SPR à mettre fin à la demande d’asile du demandeur pour cause d’irrecevabilité. En outre, quand bien même une erreur aurait été initialement commise par l’ASFC, il serait contraire à l’objet du régime législatif de la LIRP que la SPR procède à l’instruction de la demande d’asile du demandeur en sachant que cette demande était irrecevable parce qu’il avait déjà présenté une demande d’asile aux É.-U. (voir, par exemple, Shaka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 798 aux para 52-53).

[25] Enfin, en ce qui concerne l’affirmation du demandeur selon laquelle il y a eu manquement à l’équité procédurale en raison du retard pour l’informer de l’irrecevabilité de sa demande, je ferais remarquer que le demandeur n’a pas non plus démontré en quoi le supposé retard de dix mois lui a porté préjudice, que ce retard était excessif et qu’il lui a directement causé un préjudice important (voir Law Society of Saskatchewan c Abrametz, 2022 CSC 29 au para 43).

Conclusion

[26] Pour les motifs qui précèdent, j’estime que la procédure suivie par la SPR était conforme au régime législatif. La doctrine de l’attente légitime ne s’applique pas dans les circonstances. Le demandeur n’a pas non plus établi que le prétendu retard pour l’aviser de l’irrecevabilité de sa demande lui a causé le moindre préjudice, et compte tenu des faits et du régime législatif sous-jacent, l’issue était inévitable. La décision était correcte et raisonnable.


JUGEMENT dans le dossier IMM-3001-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. Aucune ordonnance n’est rendue quant aux dépens;

  3. Aucune partie n’a proposé de question de portée générale à certifier et aucune ne se pose.

« Cecily Y. Strickland »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3001-22

 

INTITULÉ :

RAAKULAN SATKUNATHAS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 AVRIL 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 21 avril 2023

 

COMPARUTIONS :

Alaa Abu-Hijleh

 

POUR Le demandeur

 

Prathima Prashad

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blanshay Law

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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