Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20230412


Dossier : IMM-1903-22

Référence : 2023 CF 524

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 12 avril 2023

En présence de madame la juge Go

ENTRE :

VICTOR EMEKA OKONKWO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, M. Victor Emeka Okonkwo, est un citoyen du Nigéria. Il a rencontré son épouse actuelle au Nigéria et ils ont eu deux enfants dans ce pays avant qu’il ne parte pour la Pologne en 2006. En Pologne, le demandeur a rencontré une Canadienne qui l’a parrainé au Canada, où ils se sont mariés et ont eu des triplets. Le demandeur n’a pas divulgué l’existence de ses deux enfants nés au Nigéria dans sa demande de résidence permanente. Il s’est séparé de son épouse canadienne en 2010.

[2] Le demandeur s’est marié avec son épouse actuelle en 2013 et a déposé en 2016 une demande de parrainage d’un époux afin de la faire venir Canada avec leurs deux enfants. La première demande de parrainage a été refusée en 2016. L’appel interjeté par le demandeur devant la Section d’appel de l’immigration [la SAI] a été rejeté en 2019, la SAI ayant conclu que le mariage n’était pas authentique ou qu’il visait un objectif d’immigration [la décision de 2019].

[3] Le demandeur a soumis une deuxième demande de parrainage en décembre 2019, laquelle a été refusée en octobre 2021, l’agent des visas n’ayant pas été convaincu que le mariage était authentique. Le demandeur a interjeté appel du second refus devant la SAI [le second appel].

[4] La question de fond dont était saisie la SAI dans le cadre du second appel était de savoir si le mariage du demandeur avec son épouse était authentique ou s’il visait principalement l’acquisition d’un statut sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], selon le critère disjonctif énoncé au paragraphe 4(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 : voir l’annexe A.

[5] Après avoir examiné la nouvelle preuve et les observations présentées par le demandeur, la SAI a rejeté son second appel sans tenir d’audience dans une décision datée de février 2022, aux motifs que la doctrine de l’autorité de la chose jugée trouvait à s’appliquer [la décision contestée].

[6] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision contestée. Pour les motifs qui suivent, je rejetterai la demande.

II. Questions en litige et norme de contrôle

[7] Les questions soulevées par le demandeur peuvent être résumées en ces termes :

  1. La SAI a-t-elle appliqué de manière déraisonnable le principe de l’autorité de la chose jugée lorsqu’elle a conclu que la nouvelle preuve que le demandeur avait soumise n’attestait pas une circonstance spéciale justifiant de faire exception à l’application de ce principe?

  2. Subsidiairement, l’intérêt de la justice et de la réunification des familles aurait-il dû peser en faveur du demandeur pour des motifs d’équité?

[8] Les parties conviennent que le fond de la décision, en ce qui touche les conclusions de la SAI sur l’applicabilité du principe de l’autorité de la chose jugée, est assujetti à la norme de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65; voir aussi Kamara c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1117 [Kamara] au para 19.

[9] Le demandeur semble laisser entendre que l’interprétation et l’application par la SAI du droit devaient être assujetties à la norme de la décision correcte, alors qu’il invoque lui-même la décision Kamara. Je note que cette décision confirme que l’application du droit régissant l’autorité de la chose jugée est assujettie à la norme de la décision raisonnable, attendu qu’elle suppose l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire : au para 19.

[10] La norme de la décision raisonnable est une norme de contrôle empreinte de déférence, mais rigoureuse : Vavilov, aux para 12-13. La cour de révision doit établir si la décision faisant l’objet du contrôle, y compris son raisonnement et son résultat, est transparente, intelligible et justifiée : Vavilov, au para 15. Une décision raisonnable est fondée sur une analyse rationnelle et intrinsèquement cohérente, et se justifie au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, au para 85. La question de savoir si une décision est raisonnable dépend du contexte administratif en cause, du dossier dont dispose le décideur, et des répercussions de la décision sur ceux qui en subissent les conséquences : Vavilov, aux para 88-90, 94 et 133-135.

[11] Pour qu’une décision soit jugée déraisonnable, le demandeur doit démontrer que la décision comporte une lacune suffisamment capitale ou importante : Vavilov, au para 100. Ce ne sont pas toutes les erreurs relevées dans une décision ni toutes les réserves qu’elle suscite qui justifieront une intervention. La cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur et de modifier ses conclusions de fait à moins de circonstances exceptionnelles : Vavilov, au para 125. Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision, ou constituer une « erreur mineure » : Vavilov, au para 100.

III. Analyse

A. Le critère relatif à l’autorité de la chose jugée dans le contexte des appels liés au parrainage d’un époux

[12] Comme l’a confirmé la Cour suprême du Canada [la CSC] au paragraphe 25 de l’arrêt Danyluk c Ainsworth Technologies Inc, 2001 CSC 44 [Danyluk], les trois conditions préalables à remplir pour conclure à l’applicabilité du principe de l’autorité de la chose jugée sont les suivantes : 1) la même question doit avoir été décidée; 2) la décision antérieure doit être finale; et 3) les parties à l’instance actuelle doivent être les mêmes que celles auxquelles s’appliquait la décision antérieure.

[13] Une fois les trois conditions préalables remplies, le décideur doit se demander s’il existe des circonstances spéciales justifiant de ne pas appliquer la doctrine de l’autorité de la chose jugée, par exemple s’il existe de nouveaux éléments de preuve déterminants : Saskatoon Credit Union Ltd v Central Park Enterprises Ltd, 1988 CanLII 2941 (BCSC) [Saskatoon Credit Union] à la p. 438; Kaloti c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 365 (C.A.) [Kaloti] aux para 8-9.

[14] Dans la décision Kamara, la Cour a formulé en ces termes la deuxième partie du critère : « [l]e décideur doit ensuite examiner si l’application de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ou du principe de l’autorité de la chose jugée causerait une injustice » : au para 15, citant Rahman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1321 au para 20 et Danyluk, au para 67.

B. L’application par la SAI du principe de la chose jugée était raisonnable.

i. La conclusion de la SAI selon laquelle les trois conditions préalables à l’application du principe de la chose jugée ont été remplies était raisonnable.

[15] Dans la décision de 2019, la SAI a écarté la preuve présentée par le demandeur établissant des communications soutenues et deux visites au Nigéria, cette preuve ayant été minée par le manque de connaissances de son épouse à son sujet.

[16] Tentant de corriger les lacunes de la première demande de parrainage, le demandeur a soumis les nouveaux éléments de preuve suivants durant le second appel : un test d’ADN établissant qu’il est le père de ses deux enfants nés au Nigéria; des relevés téléphoniques à son nom attestant qu’il a fait de courts appels à un numéro non identifié en 2019; et la preuve d’un voyage qu’il a effectué au Nigéria en 2019.

[17] La SAI a invité le demandeur et le représentant du ministre à présenter des observations écrites sur l’application du principe de la chose jugée, ce qu’ils ont fait.

[18] Dans la décision contestée, la SAI énonce les trois conditions préalables à l’application du principe de la chose jugée, telles que je les ai résumées au paragraphe 12 ci-dessus. La SAI a conclu que ces trois conditions préalables avaient été remplies, puisque la question de savoir si le demandeur vivait une relation authentique ne visant pas une fin d’immigration demeurait la même que dans la décision de 2019. En outre, cette décision était finale, car elle n’avait pas été contestée judiciairement devant notre Cour, et les parties étaient identiques.

[19] Bien que le demandeur reconnaisse que la décision de 2019 était finale et que les parties étaient les mêmes, il fait valoir que les questions dont était saisie la SAI n’étaient pas les mêmes que dans la décision de 2019. Il fonde cet argument sur l’hypothèse voulant que la nouvelle preuve attestant un engagement continu et établissant sa paternité soulève de [traduction] « nouvelles questions » que la SAI était tenue d’évaluer.

[20] À mon avis, l’argument du demandeur est réfuté par la jurisprudence qu’il invoque lui-même : voir Kamara, aux para 23-26 et Sami c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 539 [Sami] au para 45. Ces décisions confirment que l’existence de nouveaux éléments de preuve doit être évaluée à l’aune du volet du critère qui concerne les circonstances spéciales. Par ailleurs, comme le fait remarquer le défendeur, le demandeur a reconnu dans les observations écrites qu’il a présentées à la SAI que le principe de la chose jugée trouvait à s’appliquer. Par conséquent, je rejette cet argument.

ii. L’évaluation par la SAI de la nouvelle preuve au regard de l’exception des circonstances spéciales était raisonnable.

[21] Le demandeur soutient ensuite que la SAI a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que les nouveaux éléments soumis ne constituaient pas une nouvelle preuve déterminante justifiant de faire exception à l’application du principe de la chose jugée.

[22] Dans son second appel, le demandeur a fourni des observations détaillées dans lesquelles il dressait un parallèle entre son cas et les affaires Kamara et Sami et faisait valoir que le fait qu’ils étaient mariés depuis plus de huit ans (de 2013 à 2021) au moment du second appel en matière de parrainage constituait un motif valide de réévaluer l’authenticité du mariage.

[23] Comme l’a fait remarquer la SAI, la deuxième étape de l’analyse suppose d’exercer un pouvoir discrétionnaire et il faut se demander s’il existe des circonstances spéciales justifiant de faire exception à l’application du principe de la chose jugée : Kamara, au para 19; Sami, au para 67.

[24] La SAI a reconnu que la preuve d’un engagement ultérieur, notamment attesté par le temps écoulé, pouvait constituer une nouvelle preuve décisive établissant que le mariage était authentique lorsqu’il a été contracté : Sami, au para 78. Cependant, elle a établi une distinction avec la décision Kamara, car onze années s’étaient écoulées dans cette affaire depuis le rejet de la demande de parrainage antérieure, par opposition aux deux années écoulées depuis la décision de 2019 dans l’affaire qui nous occupe. La SAI a également fait remarquer que le mariage qui durait depuis six ans au moment de la décision de 2019 avait déjà été jugé comme un facteur à l’appui de l’appel, mais il n’avait toutefois pas été jugé déterminant. Elle a aussi précisé que la nouvelle preuve était plus détaillée dans l’affaire Kamara; une preuve de nombreuses visites entre les époux, des photographies du temps qu’ils avaient passé ensemble et des reçus de transferts d’argent ayant notamment été déposés : au para 10.

[25] La SAI a également établi une distinction avec l’affaire Sami, car seule l’authenticité du mariage était en cause dans cette affaire, alors que la décision de 2019 portait également sur l’objet principal du mariage.

[26] Dans le cadre de son analyse visant à déterminer s’il existait des circonstances spéciales justifiant de faire exception à l’application du principe de la chose jugée, la SAI s’est demandé si la nouvelle preuve était composée de nouveaux éléments décisifs qui étaient « pour ainsi dire déterminants dans l’affaire » : Ping c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1121 [Ping] au para 23.

[27] La SAI s’est fondée sur la décision Ping, dans laquelle la Cour affirme que la barre pour conclure que de nouveaux éléments de preuve sont décisifs est très haute, et que la nouvelle preuve ne doit pas simplement viser à « appuyer l’authenticité du mariage » : au para 22. La SAI a également invoqué la décision Vo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 230 [Vo], dans laquelle un appel antérieur en matière de parrainage avait aussi été rejeté pour des motifs liés à la fois à l’authenticité et à l’objet du mariage. Dans cette décision, la Cour avait confirmé la décision de la SAI selon laquelle le principe de la chose jugée s’appliquait, après avoir conclu que même si la nouvelle preuve pouvait raisonnablement appuyer l’authenticité du mariage, elle n’étayait pas l’objet du mariage de manière à justifier l’exception des circonstances spéciales : au para 47.

[28] Enfin, la SAI a cité la décision Sidhu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 443 [Sidhu], qui établissait également une distinction avec l’affaire Sami au motif que la demande initiale avait été refusée pour une raison seulement – l’authenticité du mariage : au para 27. Dans la décision Sidhu, la Cour cite aussi Basanti c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1068, pour faire remarquer que si l’intention des parties est en cause, il est difficile d’affirmer si de nouveaux éléments de preuve supplémentaires seraient « déterminants dans l’affaire » : Sidhu, au para 28.

[29] Le demandeur soutient que la SAI a déraisonnablement établi une distinction entre la présente affaire et les affaires Kamara et Sami et qu’il était injustifié de sa part de préférer les décisions Vo et Ping. Il note par exemple que dans l’affaire Vo, l’enfant était né après le rejet du premier appel, alors que dans l’affaire Kamara et en l’espèce, la naissance des enfants était antérieure à la première demande de parrainage.

[30] Le demandeur reproche aussi à la SAI de s’être appuyée sur sa conclusion selon laquelle la nouvelle preuve soumise était du même type que celle qui avait été jugée non déterminante dans la décision de 2019. Il fait valoir qu’« il est possible de tenir compte de nouveaux éléments, même si le même type de preuve a été présenté lors du premier appel », surtout lorsque la nouvelle preuve atteste l’« engagement au fil du temps » à l’égard du mariage : Sami, aux para 78-79. Le demandeur affirme qu’en l’espèce, la nouvelle preuve établissait un tel engagement au fil du temps, et note que le mariage dans l’afaire Sami n’avait duré que sept ans alors que le sien durait depuis huit ans.

[31] Pour les motifs qui suivent, j’estime que les arguments du demandeur ne sont pas fondés.

[32] Premièrement, je conviens avec le défendeur que la SAI a raisonnablement appliqué les principes juridiques et la jurisprudence entourant le principe de la chose jugée pour parvenir à la décision contestée. Même si le demandeur a tenté par ailleurs lors du contrôle judiciaire de comparer son cas à ceux des affaires Kamara et Sami, le défendeur fait valoir, et je suis d’accord avec lui, que la SAI a raisonnablement conclu que la durée du mariage ne constituait pas une circonstance spéciale dans la présente affaire, puisque seulement deux années s’étaient écoulées depuis la décision de 2019, dans laquelle le mariage qui datait alors de six ans n’avait pas été jugé déterminant. Je note que dans l’affaire Sami, la première décision de la SAI datait de 2007, et la seconde décision visée par le contrôle judiciaire remontait à 2011, quatre années s’étaient donc écoulées entre les deux appels : aux para 3-4.

[33] Deuxièmement, j’estime que la présente affaire ressemble davantage aux situations qui prévalaient dans les affaires Ping, Sidhu et Basanti, dans lesquelles la nouvelle preuve n’avait pas dissipé les réserves fondamentales que la SAI avait soulevées dans sa décision précédente. En l’espèce, les problèmes soulevés dans la décision de 2019 concernaient principalement l’absence de connaissance qu’avait l’épouse du demandeur à l’égard des antécédents et de la vie personnelle de ce dernier, les témoignages contradictoires quant à la façon dont le couple s’était retrouvé, et la preuve liée à la date et au lieu où le demandeur avait fait sa demande en mariage. La SAI avait également des doutes quant à savoir si le mariage visait principalement à aider les enfants du demandeur à obtenir un statut au Canada. La nouvelle preuve soumise par le demandeur n’a dissipé aucun de ces doutes.

[34] Même si je reconnais que la SAI peut, dans le cadre de sa décision, accepter des éléments de preuve attestant un « engagement au fil du temps » à l’égard du mariage, selon les paragraphes 78 à 79 de la décision Sami, la nouvelle preuve doit encore, suivant le critère rigoureux, être décisive pour justifier de ne pas appliquer la doctrine de la chose jugée : Kaloti, aux para 8-9; Ping, au para 23.

[35] Cela m’amène au troisième motif pour lequel je rejette les observations du demandeur : j’estime en effet que la SAI a raisonnablement évalué la nouvelle preuve et conclu qu’elle ne satisfaisait pas au critère rigoureux. En ce qui concerne la preuve génétique, la décision de 2019 ne remettait pas en cause la paternité du demandeur à l’égard de ses enfants nés au Nigéria. S’agissant des relevés téléphoniques attestant qu’il avait appelé un numéro non identifié, il était raisonnable de la part de la SAI de conclure qu’un tel élément ne constituait pas la preuve d’un engagement continu. Pour ce qui est du voyage que le demandeur a effectué au Nigéria en 2019, je conviens que la SAI s’est livrée à des conjectures lorsqu’elle a estimé qu’il pouvait avoir rendu visite à ses enfants plutôt qu’à son épouse. Cependant, je conviens aussi qu’il était en fin de compte loisible à la SAI de conclure qu’une visite au Nigéria était insuffisante pour l’emporter sur les conclusions déterminantes tirées dans la décision de 2019 concernant l’absence de connaissances de l’épouse et l’intention qui animait le demandeur lorsqu’il s’est marié.

[36] En somme, il revenait au demandeur de soumettre de nouveaux éléments de preuve de nature à répondre aux préoccupations suscitées dans la décision de 2019, ou encore de nature à changer l’analyse de la SAI datant de 2019 de façon importante : Vo, au para 41. Il ne l’a tout simplement pas fait.

[37] La SAI a évalué la nouvelle preuve soumise par le demandeur, tenu compte aussi du temps écoulé depuis la décision de 2019, et raisonnablement conclu que ces facteurs n’étaient « pour ainsi dire [pas] déterminants dans l’affaire » : Ping, au para 23. Je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle dans son analyse.

C. La SAI n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle s’est demandée si l’application du principe de la chose jugée entraînerait une injustice.

[38] Si la Cour refusait de conclure que la nouvelle preuve rend inapplicable le principe de la chose jugée, le demandeur soutient subsidiairement que l’intérêt de la justice et de la réunification des familles devrait peser en sa faveur et en faveur de sa famille. Il s’appuie sur l’objectif de réunification des familles énoncé à l’alinéa 3(1)d) de la LIPR pour faire valoir que sa famille mérite de vivre dans le cadre chaleureux d’une famille unifiée, les enfants vivant avec des parents séparés depuis 2006. Il avait présenté des observations semblables à la SAI durant le second appel, invoquant des motifs d’ordre humanitaire.

[39] Le demandeur invoque la décision Kamara, dans laquelle la Cour a confirmé que le fait de fire obstacle à la réunification de la famille constitue un risque d’injustice que la SAI doit prendre en considération lorsqu’elle exerce son pouvoir discrétionnaire dans le cadre du nouvel examen d’une conclusion antérieure à propos de l’authenticité d’un mariage : aux para 22-23, citant Sami, au para 42. Le demandeur fait valoir qu’en l’espèce, la SAI n’a pas raisonnablement examiné ses observations concernant l’intérêt de la réunification de la famille au titre de la LIPR et l’intérêt supérieur de la justice. Il soutient à ce titre que le refus de la SAI d’instruire l’appel sur le fond constitue un manquement à l’équité procédurale et que la décision contestée doit être infirmée : Cardinal c Directeur de l’Établissement Kent, [1985] 2 RCS 643 aux para 23-24.

[40] Je suis sensible à la situation du demandeur, ainsi qu’au fait qu’il est séparé de son épouse et ses deux enfants depuis longtemps. Je note toutefois que la séparation familiale découle en partie de sa décision de ne pas divulguer dans sa demande de résidence permanente l’existence de ses enfants nés au Nigéria.

[41] Compte tenu de l’absence d’éléments de preuve déterminants de nature à de dissiper les doutes qu’avait soulevés la SAI dans la décision de 2019, j’estime qu’il était raisonnable pour le tribunal de ne pas examiner les circonstances d’ordre humanitaire qui pourraient découler de la présente affaire.

IV. Conclusion

[42] La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[43] Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM-1903-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Avvy Yao-Yao Go »

Juge


ANNEXE A

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227
Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227

Mauvaise foi

Bad faith

4 (1) Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une personne si le mariage ou la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux, selon le cas :

4 (1) For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner or a conjugal partner of a person if the marriage, common-law partnership or conjugal partnership

a) visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi;

(a) was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act; or

b) n’est pas authentique.

(b) is not genuine.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1903-22

 

INTITULÉ :

VICTOR EMCKA OKONKWO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 mars 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE GO

 

DATE DES MOTIFS :

LE 12 avril 2023

 

COMPARUTIONS :

Henry Igbinoba

 

POUR Le demandeur

 

Monmi Goswami

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Henry Igbinoba

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.