Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20230406


Dossier : IMM-6576-21

Référence : 2023 CF 493

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 avril 2023

En présence de monsieur le juge Henry S. Brown

ENTRE :

MESUE NGOME EBONGOLE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Nature de l’affaire

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 28 juillet 2021 à Vancouver, en Colombie-Britannique, au sujet d’un examen des risques avant renvoi [l’ERAR], par laquelle un agent principal a conclu que le demandeur ne serait pas exposé au risque d’être persécuté ni au risque d’être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il devait retourner au Cameroun.

II. Faits

[2] Le demandeur est âgé de 42 ans et est citoyen du Cameroun. Il est arrivé au Canada en mars 2015 et a présenté une demande d’asile.

[3] Le demandeur affirme qu’il est devenu membre du Conseil national du sud Cameroun [le CNSC] en juin 2006. Le demandeur affirme que, depuis, il a été [traduction] « détenu, arrêté et torturé » à cause de ses opinions politiques et des activités auxquelles il a participé pour soutenir la libération des Camerounais anglophones du joug du régime francophone du Cameroun. Le demandeur explique qu’il s’est caché en octobre 2014 après avoir manqué à son engagement de ne pas participer aux activités du CNSC. Il ferait aussi l’objet d’un mandat d’arrestation.

[4] Le 26 juin 2015, la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a rejeté la demande d’asile du demandeur, car elle avait des réserves au sujet des documents frauduleux qu’il avait déposés, de sa crédibilité, de sa crainte subjective, vu le délai déraisonnable qui s’était écoulé avant son départ, et de son identité en tant que membre du CNSC. La SPR n’a pas cru que le demandeur d’asile ait jamais été détenu à cause de son engagement politique ou qu’il serait exposé à un risque pour ce motif.

[5] La Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé ces conclusions le 13 octobre 2015. Plus précisément, la SAR a fait observer que les allégations du demandeur portant sur son arrestation passée, sa détention et sa recherche continue par la police n’étaient pas crédibles. Le demandeur a affirmé que la SPR avait accordé une trop grande importance aux fautes d’orthographe, mais la SAR a estimé que les erreurs étaient importantes et nombreuses et a conclu que les documents que la SPR avait jugés frauduleux [traduction] « diff[érai]ent de l’échantillon à un point tel qu’il ne [pouvait] pas s’agir de documents authentiques ».

III. La décision faisant l’objet du contrôle

[6] Le demandeur a déposé ses documents trop tard pour qu’ils soient examinés par la SAR. Cela dit, l’agent a admis et examiné trois affidavits de personnes du Cameroun. En résumé, les affidavits indiquaient que les fautes d’orthographe et de grammaire sont fréquentes dans les documents officiels produits par le gouvernement du pays. Les déposants ont également présenté des exemples de documents officiels du gouvernement comportant de telles erreurs. La SPR et la SAR ont conclu que certains documents étaient frauduleux parce qu’ils présentaient des différences substantielles par rapport à la preuve objective, notamment en raison des fautes d’orthographe.

[7] D’après l’agent, les nouveaux documents présentés, qui sont des documents délivrés par d’autres autorités à d’autres personnes, n’étaient pas suffisants pour mettre en doute les conclusions de la SPR et de la SAR selon lesquelles les documents du client lui-même n’étaient pas authentiques. L’agent n’était pas convaincu que les nouveaux éléments de preuve contredisaient les conclusions de la SPR et de la SAR. L’agent n’était pas non plus convaincu qu’ils mettaient en doute les conclusions selon lesquelles le prétendu mandat d’arrestation était frauduleux.

[8] Le demandeur a aussi présenté d’autres documents à l’agent responsable de l’ERAR, notamment la demande d’asile en instance du père du demandeur au Ghana, des lettres et affidavits supplémentaires, une liste d’inscription du CNSC et un affidavit personnel décrivant les activités politiques auxquelles il aurait participé au Canada.

[9] Tout d’abord, l’agent a conclu que la demande d’asile du père du demandeur ne permettait pas de tirer une conclusion quelconque au sujet de la demande d’asile du demandeur ou des allégations qui y figurent. Selon l’agent, les éléments de preuve ne permettaient pas non plus de corroborer les allégations du demandeur dans la présente affaire.

[10] Ensuite, en ce qui concerne les lettres et les affidavits supplémentaires, l’agent a conclu qu’aucun des éléments de preuve ne permettait d’établir que le demandeur appartenait au CNSC ou que les autorités continuaient de s’intéresser au demandeur en particulier, encore aujourd’hui. De plus, l’agent a fait remarquer que peu d’éléments de preuve permettaient d’étayer l’affirmation du demandeur selon laquelle des soldats ont interrogé sa mère lorsqu’ils se sont rendus au domicile familial en avril 2020.

[11] En outre, l’agent a attribué peu de valeur probante à la liste d’inscription du CNSC déposée par le demandeur. L’agent a décrit la liste comme un tableur comportant quatre colonnes, dont une numérotée de 1 à 564 et les autres présentant les noms, genres et dates d’inscription. L’agent a souligné le fait que la liste n’était pas accompagnée de documents corroborants qui auraient pu permettre d’évaluer son origine ou sa source.

[12] Enfin, l’agent a examiné les documents concernant les activités du demandeur au Canada, mais a jugé que les éléments de preuve ne permettaient pas de conclure que le gouvernement du Cameroun avait été mis au courant des activités du demandeur au Canada ou qu’il s’intéresserait au demandeur pour ce motif.

[13] En fin de compte, l’agent a conclu que le demandeur n’était pas exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution pour les motifs prévus dans la Convention, et qu’il n’était pas exposé au risque d’être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

IV. Questions en litige

[14] Le demandeur soulève les questions suivantes :

  1. L’agent a-t-il apprécié les nouveaux éléments de preuve du demandeur?

  2. L’agent a-t-il commis une erreur en décidant de ne pas tenir d’audience?

[15] Le défendeur soulève les questions suivantes :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable?

  2. 2.La décision de l’agent chargé de l’ERAR est-elle raisonnable?

[16] En tout respect, la principale question à trancher dans la présente demande est celle de savoir si la décision de l’agent est raisonnable.

V. Norme de contrôle

[17] La norme de contrôle applicable pour évaluer la décision de l’agent est celle de la décision raisonnable.

A. Caractère raisonnable

[18] Dans l’arrêt Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67, rendu par la Cour suprême du Canada en même temps que l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], le juge Rowe, s’exprimant au nom de la majorité, a expliqué les attributs que doit présenter une décision raisonnable et les exigences imposées à la cour de révision qui procède au contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable :

[31] La décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, par. 85). Par conséquent, lorsqu’elle procède au contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, « une cour de révision doit d’abord examiner les motifs donnés avec “une attention respectueuse”, et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à [l]a conclusion » (Vavilov, par. 84, citant Dunsmuir, par. 48). Les motifs devraient être interprétés de façon globale et contextuelle afin de comprendre « le fondement sur lequel repose la décision » (Vavilov, par. 97, citant Newfoundland Nurses).

[32] La cour de révision devrait se demander si la décision dans son ensemble est raisonnable : « …ce qui est raisonnable dans un cas donné dépend toujours des contraintes juridiques et factuelles propres au contexte de la décision particulière sous examen » (Vavilov, par. 90). Elle doit se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, par. 99, citant Dunsmuir, par. 47 et 74, et Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 R.C.S. 5, par. 13).

[33] Lors d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, « [i]l incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable » (Vavilov, par. 100). La partie qui conteste la décision doit convaincre la cour de justice que « la lacune ou la déficience [invoquée] […] est suffisamment capitale ou importante pour rendre [la décision] déraisonnable » (Vavilov, par. 100).

[Non souligné dans l’original.]

[19] Cela dit, la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Vavilov, indique clairement que, à moins de « circonstances exceptionnelles », le rôle de la Cour n’est pas d’apprécier à nouveau la preuve. Il n’existe aucune circonstance exceptionnelle en l’espèce. La Cour suprême du Canada donne les instructions suivantes :

[125] Il est acquis que le décideur administratif peut apprécier et évaluer la preuve qui lui est soumise et qu’à moins de circonstances exceptionnelles, les cours de révision ne modifient pas ses conclusions de fait. Les cours de révision doivent également s’abstenir « d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur » : CCDP, par. 55; voir également Khosa, par. 64; Dr Q, par. 41‑42. D’ailleurs, bon nombre des mêmes raisons qui justifient la déférence d’une cour d’appel à l’égard des conclusions de fait tirées par une juridiction inférieure, dont la nécessité d’assurer l’efficacité judiciaire, l’importance de préserver la certitude et la confiance du public et la position avantageuse qu’occupe le décideur de première instance, s’appliquent également dans le contexte du contrôle judiciaire : voir Housen, par. 15‑18; Dr Q, par. 38; Dunsmuir, par. 53.

[Non souligné dans l’original.]

[20] De plus, la Cour d’appel fédérale a récemment conclu, dans l’arrêt Doyle c Canada (Procureur général), 2021 CAF 237, que le rôle de notre Cour n’est pas d’apprécier à nouveau la preuve :

[3] La Cour fédérale avait tout à fait raison d’agir ainsi. Selon ce régime législatif, le décideur administratif, en l’espèce le directeur, examine seul les éléments de preuve, tranche les questions d’admissibilité et d’importance à accorder à la preuve, détermine si des inférences doivent en être tirées, et rend une décision. Lorsqu’elle effectue le contrôle judiciaire de la décision du directeur en appliquant la norme de la décision raisonnable, la cour de révision, en l’espèce la Cour fédérale, peut intervenir uniquement si le directeur a commis des erreurs fondamentales dans son examen des faits, qui minent l’acceptabilité de la décision. Soupeser à nouveau les éléments de preuve ou les remettre en question ne fait pas partie de son rôle. S’en tenant à son rôle, la Cour fédérale n’a relevé aucune erreur fondamentale.

[4] En appel, l’appelant nous invite essentiellement dans ses observations écrites et faites de vive voix à soupeser à nouveau les éléments de preuve et à les remettre en question. Nous déclinons cette invitation.

[Non souligné dans l’original.]

B. Équité procédurale

[21] Les questions d’équité procédurale doivent être examinées selon la norme de la décision correcte : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, le juge Binnie au para 43. Cela dit, je souligne que, au paragraphe 69 de l’arrêt Bergeron c Canada (Procureur général), 2015 CAF 160, la Cour d’appel fédérale, sous la plume du juge Stratas, affirme qu’il peut être de mise d’appliquer la norme de la décision correcte « "en se montrant respectueux [des] choix [du décideur]" et en faisant preuve d’un "degré de retenue" : Ré:Sonne c Conseil du secteur du conditionnement physique du Canada, 2014 CAF 48, 455 NR 87, au paragraphe 42. » Voir cependant l’arrêt Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [le juge Rennie]. À cet égard, je souligne aussi que la Cour d’appel fédérale a conclu dans un arrêt récent que le contrôle judiciaire des questions d’équité procédurale s’effectuait selon la norme de la décision correcte : voir l’arrêt Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196, le juge de Montigny (les juges Near et LeBlanc y ayant souscrit) :

[35] Ni l’arrêt Vavilov ni, à ce sujet, l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, n’ont abordé la question de la norme applicable pour déterminer si le décideur a respecté l’obligation d’équité procédurale. Dans ces circonstances, je préfère m’en remettre à l’abondante jurisprudence, de la Cour suprême et de notre Cour, selon laquelle la norme de contrôle concernant l’équité procédurale demeure celle de la décision correcte […]

[22] Je comprends également, selon les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov, au paragraphe 23, que la norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte :

[23] Lorsqu’une cour examine une décision administrative sur le fond (c.‑à‑d. le contrôle judiciaire d’une mesure administrative qui ne comporte pas d’examen d’un manquement à la justice naturelle ou à l’obligation d’équité procédurale), la norme de contrôle qu’elle applique doit refléter l’intention du législateur sur le rôle de la cour de révision, sauf dans les cas où la primauté du droit empêche de donner effet à cette intention. L’analyse a donc comme point de départ une présomption selon laquelle le législateur a voulu que la norme de contrôle applicable soit celle de la décision raisonnable.

[Non souligné dans l’original.]

[23] Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 50, la Cour suprême du Canada explique ce qui est attendu d’une cour de révision qui procède au contrôle d’une décision selon la norme de la décision correcte :

[50] […] La cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur; elle entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle décide si elle est d’accord ou non avec la conclusion du décideur. En cas de désaccord, elle substitue sa propre conclusion et rend la décision qui s’impose. La cour de révision doit se demander dès le départ si la décision du tribunal administratif était la bonne.

VI. Analyse

A. L’appréciation des nouveaux éléments de preuve

[24] Le demandeur affirme que l’agent n’a pas procédé à une évaluation indépendante des nouveaux éléments de preuve présentés, mais qu’il a plutôt fait preuve de retenue envers les conclusions relatives à la crédibilité tirées par la SPR et la SAR. Le demandeur affirme que l’agent n’a pas fourni de motifs pour rejeter la demande d’asile présentée par le père du demandeur au Ghana que le demandeur avait produite en preuve. Le demandeur est d’avis que l’explication limitée que l’agent a fournie n’est pas raisonnable quant à la raison pour laquelle la demande d’asile ne suffit pas.

[25] Cependant, tel qu’il est mentionné précédemment, la Cour ne procède généralement pas à une nouvelle appréciation et évaluation des éléments de preuve, comme le sollicite le demandeur dans cette observation. De plus, la prémisse du demandeur selon laquelle la demande d’asile présentée au Ghana par le père du demandeur n’a pas été appréciée est tout simplement inexacte, comme je le montre dans mon résumé ci-dessus.

[26] De même, le demandeur conteste la conclusion de l’agent selon laquelle une lettre de la mère du demandeur [traduction] « n’explique pas la nature, la portée ou l’étendue des prétendues interactions avec la police ». Le demandeur est d’avis que la lettre décrivait [traduction] « clairement » les menaces sérieuses proférées par la police en raison de son appartenance au CNSC. Il s’agit d’une question de poids que la Cour ne réexaminera pas.

[27] Le demandeur affirme que l’agent n’a pas consulté une lettre de la sœur du demandeur. Le demandeur souligne que l’agent n’a fourni ni analyse ni motif expliquant en quoi le contenu de la lettre ne contredit pas les conclusions de la SAR et de la SPR. Le demandeur conteste également la réserve de l’agent au sujet de la date à laquelle le certificat médical de sa sœur a été obtenu et fait remarquer qu’il est courant qu’un certificat soit produit après un incident. Le demandeur souligne que l’agent n’a pas non plus fourni de motifs à ce sujet. En tout respect, le demandeur demande encore une fois que la lettre et les éléments de preuve médicale fassent l’objet d’une nouvelle appréciation. De plus, il est bien établi que les agents d’ERAR ne sont pas tenus de traiter de tous les détails de chaque observation.

[28] Le demandeur présente des observations semblables pour les autres lettres et l’affidavit; il souligne que l’agent n’y fait aucun renvoi et que, par conséquent, ils n’ont pas été adéquatement évalués. Bien que je convienne que l’agent n’a pas examiné chaque document, il n’était pas tenu de le faire.

[29] Le demandeur soutient également que les conclusions de l’agent au sujet de la liste d’inscription du CNSC constituaient une mauvaise interprétation de la preuve. L’agent a déclaré que l’origine et la source de la liste n’étaient pas précisées, et le demandeur affirme qu’il a fourni ces détails dans son affidavit. Cependant, dans cet affidavit, le demandeur indique que la copie de la liste a été endommagée par l’eau, car elle est conservée à un endroit difficilement accessible (dans ce cas, près des animaux). De façon plus générale, cette observation montre une confusion entre la notion de crédibilité et celle de caractère suffisant. À mon avis, il était raisonnable de la part de l’agent d’exiger ces détails supplémentaires pour apprécier le poids et le caractère suffisant de cet élément de preuve.

[30] S’appuyant sur des affidavits indiquant que de telles erreurs sont courantes, le demandeur soutient que les conclusions tirées par la SPR et la SAR au sujet des documents frauduleux étaient déraisonnables. Le demandeur cite la décision Efosi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 580, de la Cour rendue par le juge Annis, qui n’est toutefois pas applicable dans la présente affaire. Comme il est mentionné précédemment, la SPR et la SAR ont toutes deux conclu que les documents étaient frauduleux en raison des différences importantes constatées par rapport à la preuve objective, notamment les fautes d’orthographe.

[31] Le demandeur affirme également que l’agent a simplement fait preuve de retenue à l’égard des conclusions de la SAR et de la SPR. Cette observation n’est pas fondée. Tout d’abord, l’agent chargé de l’ERAR doit faire preuve de retenue à l’égard des décisions de la SPR et de la SAR, car elles servent de cadre à l’agent pour déterminer si des éléments de preuve nouveaux ou non pris en compte établissent l’existence d’un risque. L’agent responsable de l’ERAR n’est pas tenu de reformuler les conclusions de l’un ou l’autre des tribunaux et peut choisir de les faire siennes. Lorsque les conclusions sont adoptées, elles deviennent les motifs de l’agent responsable de l’ERAR et doivent être évaluées comme telles.

[32] Dans la présente affaire, je conviens avec le défendeur que les nouveaux éléments de preuve sont tout simplement insuffisants pour mettre en doute les conclusions de la SPR et de la SAR et établir que le demandeur est exposé à un risque. L’agent est présumé avoir examiné chaque nouvel élément de preuve et, en l’espèce, il a choisi d’expliquer en détail pourquoi il a accordé peu de valeur probante, voire aucune, à chaque document pour établir les allégations du demandeur. Il n’a commis aucune erreur déraisonnable ou susceptible de contrôle dans cet examen.

[33] Il m’est demandé de soupeser et d’apprécier à nouveau les éléments de preuve et les conclusions relatives à la demande d’asile du père du demandeur ainsi que les lettres déposées par la mère et la sœur de ce dernier, qui soulèvent simplement la question du caractère suffisant, mais je refuse de le faire. Il en va de même pour la liste d’inscription du CNSC et l’affidavit du membre qui accompagnait celle-ci. Lors de son examen et de son évaluation des éléments de preuve documentaire, l’agent a conclu que ceux-ci fournissaient peu d’informations sur les personnes qui menacent le demandeur, l’objectif des menaces et le risque auquel il est exposé.

B. Audience

[34] Le demandeur a demandé la tenue d’une audience au titre de l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. Le demandeur soutient que l’agent n’a pas justifié pourquoi aucune audience n’a été tenue. Le demandeur cite la décision Avril c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1512, de la Cour dans laquelle la juge Kane a déclaré ce qui suit :

[37] Mme Avril n’a pas prétendu que l’agent a commis une erreur en ne tenant pas d’audience. Elle a reconnu que l’agent a fondé ses conclusions sur l’insuffisance d’éléments de preuve dignes de foi et que les conclusions tirées quant à la crédibilité avaient trait à la preuve produite par des tiers. Elle a admis que les conclusions tirées quant à la crédibilité des documents ne correspondent pas exactement aux critères à satisfaire pour examiner si la tenue d’une audience est requise, conformément à l’alinéa 113b) de la Loi et à l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227.

[35] Cependant, le défendeur fait observer que, tel qu’il est établi par la jurisprudence, les agents responsables de l’ERAR peuvent soupeser les éléments de preuve dont ils disposent et tirer des conclusions relatives à la valeur probante et au caractère suffisant sans devoir tenir une audience, à moins qu’ils tirent des conclusions relatives à la crédibilité. Je suis d’avis que l’agent responsable de l’ERAR n’a tiré aucune conclusion relative à la crédibilité. Cet argument du demandeur n’a aucun fondement.

VII. Conclusion

[36] Pour les motifs qui précèdent, je ne suis pas convaincu que l’agent responsable de l’ERAR ait commis une erreur susceptible de contrôle dans sa décision. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

VIII. Question à certifier

[37] Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale à certifier, et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-6576-21

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée, qu’aucune question de portée générale n’est certifiée et qu’aucuns dépens ne sont adjugés.

« Henry S. Brown »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6576-21

 

INTITULÉ :

MESUE NGOME EBONGOLE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 4 AVRIL 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

DATE DES MOTIFS :

LE 6 AVRIL 2023

COMPARUTIONS :

Penny Yektaeian

POUR LE DEMANDEUR

Pavel Filatov

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Penny Yektaeian

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.