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     T-488-96

Entre :

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     demanderesse,

     et

     HARVEY PALMIER,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE

JOHN A. HARGRAVE

     Il s'agit d'une requête écrite de la demanderesse en vue de faire modifier un jugement par défaut, conformément à la Règle 337(6), de façon à augmenter sensiblement le montant accordé à titre de dommages-intérêts.

CONTEXTE

     Dans sa déclaration en date du 28 février 1996, Sa Majesté a réclamé le remboursement d'un montant de 45 094,37 $ aux termes de la Loi sur les paiements anticipés pour le grain des Prairies. Le 28 mai 1997, le compte courant de la Commission canadienne du blé indiquait une dette d'ouverture de 107 422,02 $ en décembre 1993, des crédits élevés au cours des années écoulées entre-temps, des frais d'intérêt, un solde de 15 140,43 $ et des intérêts quotidiens de 2,58 $.

     Le 29 mai 1997, la Cour a rendu un jugement par défaut condamnant le défendeur à payer un montant de 15 140,01 $ et les frais. Sa Majesté a souligné avec raison que le montant indiqué dans le jugement de la Cour était erroné et qu'il faudrait le remplacer par un montant de 15 143,01 $, compte tenu du solde figurant au compte courant et une journée d'intérêts au 29 mai 1997. Le 20 juin 1997, la Cour a rendu un jugement modifié afin de corriger une erreur mathématique de 3 $, comme le permet clairement la Règle 337(6) :

         Dans les jugements, les erreurs de rédaction ou autres erreurs d'écriture ou omissions accidentelles peuvent toujours être corrigées par la Cour sans procéder par voie d'appel.         

     Par l'entremise de la Commission canadienne du blé, Sa Majesté demande maintenant une modification supplémentaire, soit un jugement au montant de 27 598,38 $, en raison des rajustements apportés au registre des paiements. Différents montants totalisant environ 12 000 $, qui avaient initialement été portés au crédit du compte de M. Palmier en avril 1997, ont été retirés. Le plus récent compte rendu indique que ces retraits ont eu lieu en avril 1997. Apparemment, le personnel du service juridique de la Commission canadienne du blé s'est fondé sur un ensemble de registres qui étaient à jour le 28 mai 1997 et qui étaient certifiés conformes dans la demande de jugement par défaut. Cependant, le système informatique de la Commission canadienne du blé renferme d'autres données qui, d'après la sortie imprimée de l'ordinateur, représentent des montants qui ont été transférés ailleurs en avril 1997 ou, selon la plus récente preuve par affidavit, des rajustements qui ont été faits quelque temps après le 29 mai 1997.

ANALYSE

     Cette dernière question a été portée à mon attention pour la première fois à la mi-juillet. Sachant que, comme la Cour l'a dit dans l'arrêt Labrie c. Les Uniformes Town & Country Inc. (1992), 141 N.R. 159 (C.A.F.), un jugement devenu définitif peut faire l'objet d'un nouvel examen seulement s'il n'est pas en accord avec les motifs ou que l'on a négligé accidentellement de traiter d'une question (Règle 337(5)), si des erreurs de rédaction ou d'écriture ont été commises (Règle 337(6)) ou si des faits sont survenus postérieurement à ce jugement ou ont été découverts par la suite (Règle 1733), j'ai invité l'avocate de la Commission canadienne du blé à me soumettre des observations écrites afin de compléter la preuve par affidavit, qui était succincte. L'avocate n'a pas déposé d'observations dans le délai prescrit.

     Je ne crois pas que la Règle 337(5) soit pertinente, car celle-ci s'applique lorsque l'oubli est imputable à une partie et non à la Cour (Boateng c. M.E.I. (1990), 112 N.R. 318, p. 319 (C.A.F.) et Zeneca Pharma Inc. c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (1996), 66 C.P.R. (3d) 169, p. 173 (C.F. 1re inst.)). De plus, la Cour ne peut corriger l'erreur en se fondant sur la Règle 337(6), car la négligence accidentelle ou l'omission n'est pas imputable à la Cour (voir, p. ex., l'arrêt Kramer c. La Reine, [1976] 1 C.F. 242, p. 245 (C.F. 1re inst.)). Cependant, la Cour devrait interpréter la Règle 1733 de façon large et, sauf en cas de préjudice indu découlant de la correction, corriger le jugement en question lorsque la Règle s'applique (loc. cit.).

     La Règle 1733 concerne les cas où un fait nouveau est survenu après une ordonnance ou un jugement ou a été découvert par la suite (le troisième volet de la Règle ne s'applique pas). Cette règle n'est pas invoquée en l'espèce et il ne conviendrait pas non plus de trancher la requête en fonction du fait que l'avocat n'a peut-être pas cité la bonne règle, étant donné que, jusqu'à un certain point, les documents invoqués à l'appui sont ambigus et ne traitent pas des questions pertinentes. J'aimerais à nouveau citer l'arrêt Zeneca Pharma (supra), où le critère qu'il convient d'appliquer est expliqué en ces termes à la page 174 :

         Une partie qui s'appuie sur cette règle doit établir non seulement que le fait nouveau a été découvert après le jugement, mais aussi, d'une part, qu'elle n'aurait pu, en faisant preuve de diligence raisonnable, découvrir ce fait plus tôt et, d'autre part, que ce fait est d'une nature telle qu'il aurait modifié le jugement s'il avait été communiqué durant l'instance.         

     Il s'agit du critère minimum car, dans l'arrêt Re Saywack and M.E.I. (1986), 27 D.L.R. (4th) 617, la Cour d'appel fédérale examine en profondeur la Règle 1733, commente la pratique de l'ancienne Cour de chancellerie de l'Angleterre ainsi qu'une règle parallèle de l'Ontario et conclut que le critère établi dans l'arrêt Dumble v. Cobourg & Peterborough Railway Co. (1881), 29 Gr. 121 (H.C. Ont.) doit être appliqué. Selon ce critère, qui est énoncé aux pages 132 et 133 de l'arrêt Dumble et qui est fondé sur certaines décisions anglaises, la partie qui désire invoquer un nouvel élément de preuve doit d'abord démontrer qu'elle-même ou ses mandataires n'en ont été informés qu'après l'instruction et qu'ils n'auraient pu, en faisant preuve de diligence raisonnable, découvrir ce fait plus tôt et que, en deuxième lieu, il aurait probablement modifié le jugement s'il avait été communiqué durant l'instance. Un peu plus loin, toutefois, il est clairement mentionné qu'un tribunal devrait se montrer prudent afin de ne pas être entraîné dans une série de litiges répétitifs, car les parties se doivent d'abord et avant tout d'agir avec diligence raisonnable, et qu'il ne devrait pas se laisser convaincre facilement d'aller à l'encontre de la règle générale en ce qui a trait au caractère définitif que revêt le jugement une fois qu'il est prononcé.

     La requête est rejetée. Sa Majesté devra se contenter du montant du jugement, sous réserve de la possibilité de faire annuler le jugement par défaut aux termes de la Règle 1733.

                             Signé "John A. Hargrave"

                                 Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 11 août 1997

Traduction certifiée conforme             

                                 Martine Guay, LL.L.

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

INTITULÉ DE LA CAUSE :          SA MAJESTÉ LA REINE

                         c.

                         HARVEY PALMIER

No DU GREFFE :                  T-488-96

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT SANS LA COMPARUTION DES AVOCATS

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE EN DATE DU 11 AOÛT 1997

OBSERVATIONS ÉCRITES DE :

     Me Margaret Redmond          pour la demanderesse

PROCUREUR INSCRIT AU DOSSIER :

     Me George Thomson

     Sous-procureur général

     du Canada                  pour la demanderesse

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