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Date : 20230404


Dossier : IMM-3055-22

Référence : 2023 CF 476

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 4 avril 2023

En présence de madame la juge Go

ENTRE :

SURYA VIKRAM SINGH RAWAT

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Surya Vikram Singh Rawat, est un citoyen indien.

[2] Le demandeur a présenté une première demande de permis de travail ouvert à titre de conjoint à charge en janvier 2020. Sur son formulaire de demande, il a répondu « oui » à la question « [v]ous a‑t‑on déjà refusé un visa ou un permis, interdit l’entrée ou demandé de quitter le Canada ou tout autre pays ou territoire? ». Lorsqu’on lui a demandé de fournir des précisions, le demandeur a expliqué qu’il s’était déjà vu refuser un visa de visiteur au Canada en 2018.

[3] En mars 2020, le demandeur a reçu une lettre d’équité procédurale [la première lettre d’équité procédurale] dans laquelle on lui demandait d’expliquer pourquoi il n’avait pas indiqué que ses demandes de visa antérieures aux États-Unis avaient été rejetées. Sa demande a été rejetée en mai 2020 et il a été jugé interdit de territoire pour fausses déclarations au titre de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] [la décision de 2020]. Le demandeur a sollicité le contrôle judiciaire de la décision de 2020. Les parties se sont entendues et ont convenu de renvoyer l’affaire pour nouvelle décision.

[4] Le 20 novembre 2020, le demandeur a reçu une deuxième lettre d’équité procédurale [la deuxième lettre d’équité procédurale] lorsque son dossier a été réactivé. Cette lettre soulevait les mêmes préoccupations que la décision de 2020 et invitait le demandeur à présenter des observations supplémentaires. L’avocate du demandeur a présenté des documents et des observations supplémentaires datés du 17 décembre 2020 [les observations de décembre 2020]. Dans ces observations, l’avocate a notamment fait valoir que l’exception relative à l’erreur de bonne foi, qui s’applique aux fausses déclarations au sens de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, devrait s’appliquer à la situation du demandeur.

[5] Le 26 février 2022, un agent d’immigration [l’agent] du Haut-commissariat du Canada à New Delhi, en Inde, a rejeté la demande de permis de travail du demandeur [la décision]. L’agent a conclu que le demandeur était interdit de territoire au Canada pour fausses déclarations au titre de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR. La période d’interdiction de territoire sera de cinq ans conformément à l’alinéa 40(2)a) de la LIPR.

[6] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision. J’accueille la demande, puisque je conclus que les motifs de l’agent n’abordent pas la question de savoir si l’exception relative à l’erreur de bonne foi s’appliquait à la situation du demandeur, ce qui rend la décision déraisonnable.

II. Questions en litige et norme de contrôle

[7] Les questions fondamentales soulevées par le demandeur sont celles de savoir si la décision est raisonnable et si l’agent a manqué à son obligation en matière d’équité procédurale.

[8] À mon avis, la présente demande ne soulève aucune question d’équité procédurale, et il n’y a pas lieu de s’écarter de la norme de contrôle présumée de la décision raisonnable telle qu’elle est énoncée aux paragraphes 16 et 17 de l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]; He c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 112 au para 12.

[9] Une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » : Vavilov, au para 85. Il incombe au demandeur de démontrer le caractère déraisonnable de la décision. Lorsqu’elle infirme une décision pour ce motif, la cour de révision doit être convaincue que la décision « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » : Vavilov, au para 100.

III. Analyse

[10] Avant l’audience, j’ai invité les parties à présenter des observations exhaustives en ce qui concerne l’exception relative à l’erreur de bonne foi, qui s’applique aux fausses déclarations au sens de l’alinéa 40(1)a). Il s’agit d’un argument avancé par l’avocate du demandeur dans les observations de décembre 2020.

[11] Dans les observations de décembre 2020, l’avocate a expliqué que le demandeur avait retenu les services d’un consultant en immigration afin de remplir sa première demande de permis de travail. L’avocate a déclaré que le demandeur avait indiqué à son consultant que ses précédentes demandes de visa aux États-Unis avaient été rejetées, et qu’il lui avait expressément demandé de divulguer cette information dans sa demande. Toutefois, celui-ci ne l’a pas fait, et il n’a pas fourni au demandeur une copie de la demande pour qu’il puisse l’examiner avant qu’elle ne soit transmise.

[12] L’avocate a également expliqué que le demandeur, après avoir reçu la première lettre d’équité procédurale, avait présenté une requête aux termes de la loi sur l’accès à l’information des États-Unis afin d’obtenir des précisions relatives aux rejets de ses demandes de visa antérieures dans le but de présenter des renseignements exhaustifs dans le cadre de sa demande de permis de travail. Le demandeur a seulement obtenu une réponse à sa requête le 15 octobre 2020, soit après que la décision de 2020 eut été rendue. Dans sa réponse à la deuxième lettre d’équité procédurale, l’avocate du demandeur a joint une copie de la divulgation, qui comprenait les antécédents du demandeur en matière de visas aux États-Unis [la divulgation américaine]. La divulgation américaine confirme que le demandeur a présenté la requête aux termes de la loi sur l’accès à l’information des États-Unis le 19 mars 2020.

[13] L’avocate a ajouté que le demandeur ne savait pas que son consultant en immigration n’avait pas communiqué l’information relative à ses demandes antérieures, et qu’il n’avait jamais eu l’intention de faire de fausses déclarations, d’autant plus qu’il n’avait pas vu sa demande avant qu’elle ne soit transmise. L’avocate a affirmé que la situation unique du demandeur justifie que sa demande soit évaluée aux termes de l’exception à l’application stricte de l’article 40 de la LIPR, qui serait fondée sur les malentendus ou les erreurs commises de bonne foi. L’avocate a soutenu que l’agent commettrait une erreur s’il ne procédait pas à cette évaluation.

[14] Le dossier certifié du tribunal [le DCT] comprend un affidavit souscrit par le demandeur le 23 mars 2020, dont celui-ci croyait qu’il avait été présenté par son consultant en réponse à la première lettre d’équité procédurale. Un deuxième affidavit souscrit par le demandeur le 17 décembre 2020 figure également dans le DCT et était joint aux observations de décembre 2020.

[15] Dans l’affidavit du 23 mars 2020, le demandeur affirme qu’il a, de façon involontaire, dissimulé des renseignements concernant le rejet de ses demandes de visa antérieures aux États-Unis, et a fait remarquer qu’il ne connaissait pas les dates ou les motifs exacts relatifs à ces décisions. Il soutient que, deux jours après avoir reçu la première lettre d’équité procédurale, il a présenté une requête aux termes de la loi sur l’accès à l’information afin d’obtenir des précisions quant aux rejets de ses demandes, laquelle est décrite de façon globale dans l’affidavit.

[16] Le demandeur a expliqué ce qui suit dans son affidavit du 17 décembre 2020 :

[traduction]

11. Je confirme que le consultant en immigration m’a également conseillé d’envoyer une réponse à IRCC en réponse à la [première lettre d’équité procédurale] afin de confirmer que l’omission était attribuable à une erreur commise de bonne foi. Je confirme que je ne connais pas bien les règles en matière d’immigration au Canada et que je me suis fié aux conseils prodigués par mon consultant en immigration en croyant sincèrement qu’ils étaient exacts.

12. Je confirme que j’ai été victime des mauvais conseils prodigués par mon consultant en immigration, qui a, à mon insu, délibérément omis de mentionner que mes demandes de visas aux États-Unis avaient été rejetées alors que je lui avais expressément demandé de le faire.

[17] Les notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC], qui sont jointes à la décision, comprennent les motifs présentés par l’agent à l’appui de la décision. Après avoir passé en revue l’ensemble du processus de demande du demandeur, y compris le contenu de la deuxième lettre d’équité procédurale envoyée en novembre 2020, l’agent a conclu ce qui suit :

[traduction]

Le demandeur a répondu à la [lettre d’équité procédurale], mais il n’a pas réussi à dissiper mes doutes, puisqu’il incombe aux demandeurs de garantir l’exhaustivité et l’exactitude des renseignements présentés. À mon avis, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur n’a pas été sincère dans son formulaire de demande et n’a pas divulgué qu’il avait des antécédents en matière d’immigration aux États-Unis. Cette situation aurait pu entraîner une erreur dans l’application de la Loi et du Règlement, puisqu’un agent aurait pu être convaincu que le demandeur satisfaisait aux exigences de la Loi quant à l’existence d’un véritable motif pour vouloir séjourner au Canada de façon temporaire et qu’il respecterait les conditions d’entrée au Canada au motif qu’il avait déjà voyagé dans un pays où les conditions étaient semblables à celles au Canada. Je suis donc d’avis que le demandeur est interdit de territoire au Canada en application de l’article 40 de la Loi. La présente demande est rejetée pour des motifs fondés sur l’article 40 de la Loi […]

[18] Le demandeur s’est fondé sur le paragraphe 16 de la décision Berlin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1117 [Berlin], pour faire valoir qu’un agent devrait tenir compte des malentendus ou des erreurs de bonne foi lorsqu’il est manifeste que le demandeur était « suggestivement [sic] inconsci[ent] de cacher quelque chose ».

[19] Le demandeur soutient qu’il n’était subjectivement pas au courant qu’il avait omis de divulguer le rejet de ses demandes de visa antérieures aux États-Unis, puisqu’il avait porté cette information à l’attention de son consultant et qu’il s’attendait à ce que celui-ci la transmette. De plus, le demandeur fait remarquer qu’en réponse à la première lettre d’équité procédurale, il a effectivement sollicité une copie de son dossier d’immigration aux États-Unis, lequel a été communiqué dans son intégralité en réponse à la deuxième lettre d’équité procédurale. Le demandeur soutient qu’il a été en mesure d’établir, au moyen de la preuve présentée en réponse à la lettre d’équité procédurale, qu’il avait des motifs raisonnables de croire qu’il ne cachait aucune information. Il fait valoir que l’agent n’a pas tenu compte de l’exception relative à l’erreur de bonne foi et qu’il a commis une erreur susceptible de contrôle en agissant ainsi compte tenu de la preuve dont il était saisi.

[20] De plus, le demandeur se fonde sur la jurisprudence selon laquelle une conclusion de fausses déclarations, étant donné les lourdes conséquences qui l’accompagnent, peut uniquement être tirée dans le cas où elle s’appuie sur une « preuve claire et convaincante », pour faire valoir que le silence de l’agent en ce qui concerne sa réponse à la lettre d’équité procédurale constitue une erreur susceptible de contrôle : Borazjani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 225 au para 11, citant Xu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 784 au para 16.

[21] Pour sa part, le défendeur s’appuie fortement sur la décision Vahora c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 778 [Vahora], dans laquelle la Cour a présenté un résumé complet des principes régissant le rejet d’un permis de séjour temporaire en présence d’une conclusion relative à l’omission de divulguer les antécédents en matière d’immigration.

[22] Dans la décision Vahora, la Cour a cité le paragraphe 17 de la décision Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 368 [Wang] :

[17] L’exception à l’article 40 est restreinte et s’applique uniquement dans des circonstances véritablement extraordinaires où le demandeur croyait honnêtement et raisonnablement qu’il ne faisait pas de présentation erronée sur un fait important et qu’il était impossible pour le demandeur d’avoir connaissance de la déclaration inexacte (Masoud c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 422, aux paragraphes 33 à 37 [Masoud]; Goudarzi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 425, au paragraphe 40 [Goudarzi]). C’est-à-dire que le demandeur ignorait subjectivement qu’il dissimulait des renseignements (Medel c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 2 CF 345 (CAF) [Medel]; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh Sidhu, 2018 CF 306, au paragraphe 55 [Singh Sidhu]).

[23] Dans la décision Vahora, la Cour a également cité le paragraphe 11 de la décision Malik c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1004 [Malik], qui confirmait les deux facteurs requis afin de conclure qu’une personne a fait de fausses déclarations : 1) la personne doit avoir fait de fausses déclarations; 2) ces fausses déclarations doivent porter sur un fait important et risquer d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR.

[24] Le défendeur soutient qu’« une conclusion de fausse déclaration n’exige pas que le demandeur ait eu l’intention de tromper ou qu’il ait eu connaissance de la fausse déclaration » : Vahora, au para 31, citant Malik, au para 22. Cet argument englobe même les cas où les fausses déclarations sont « faites par une tierce partie, dont celles d’un consultant en immigration, sans que le demandeur soit mis au courant » : Malik, au para 10, citant Wang, au para 16; Ahmed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 107 [Ahmed] au para 30); voir aussi Vahora, au para 35.

[25] Après avoir appliqué la jurisprudence à la présente affaire, le défendeur fait valoir que la conclusion de fausses déclarations tirée par l’agent était raisonnable. Même si le demandeur a répondu [traduction] « oui » à la question relative au rejet de ses demandes de visa antérieures aux États-Unis, il n’a pas présenté une réponse exhaustive à cet égard.

[26] La position des parties semble refléter les deux courants jurisprudentiels existants en ce qui concerne la question des fausses déclarations au sens de l’alinéa 40(1)a), tels qu’ils ont été décrits par le juge McHaffie dans la décision Gill c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1441 [Gill] :

[18] […] D’un côté, la Cour a conclu qu’il existe effectivement deux conditions à l’existence d’une fausse déclaration faite de bonne foi : (1) que, subjectivement, la personne croit honnêtement qu’elle ne fait pas de fausse déclaration; (2) qu’objectivement, il était raisonnable, compte tenu des faits, que la personne croie qu’elle ne faisait pas de fausse déclaration.

[19] De l’autre côté, une condition supplémentaire s’est ajoutée, laquelle restreint considérablement la possibilité de recourir à cette exception, à savoir que « la connaissance [des renseignements importants] échappait à [l]a volonté [du demandeur] ».

[27] Dans la décision Gill, en dépit des deux courants jurisprudentiels, le juge McHaffie a accueilli la demande au motif que l’agent n’avait pas « tiré de conclusions quant à savoir si l’omission échappait à la volonté de M. Gill en raison d’un malentendu apparent, de sorte qu’il n’est pas possible de savoir si l’agent considérait ce point comme un élément essentiel de l’évaluation de la fausse déclaration ou de l’exception relative à l’erreur commise de bonne foi » : au para 21.

[28] Je suis arrivé à une conclusion semblable dans la décision Markar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 684 [Markar], où j’ai conclu que les motifs présentés par l’agent n’expliquaient pas pourquoi l’exception relative à l’erreur de bonne foi s’appliquait ou non dans cette affaire : au para 6.

[29] En l’espèce, comme le demandeur l’a fait remarquer, l’agent n’a pas mentionné, dans la décision et les motifs, la requête expresse par laquelle l’avocate lui a demandé d’appliquer l’exception relative à l’erreur de bonne foi, même s’il a accepté, dans ses motifs, la déclaration de l’avocate selon laquelle le demandeur avait informé son ancien consultant en immigration du fait que ses demandes antérieures de visa aux États-Unis avaient été rejetées, et qu’il lui avait demandé de divulguer cette information dans sa demande.

[30] Le défendeur cite le paragraphe 18 de la décision Alalami c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2018 CF 328 [Alalami], pour faire valoir que, contrairement à la décision Markar, l’agent dans la présente affaire n’était pas tenu d’appliquer l’exception relative à l’erreur de bonne foi puisqu’il avait conclu que le demandeur n’avait pas été sincère.

[31] Je ne suis pas convaincue. Même si l’agent a fait remarquer que le demandeur n’avait [traduction] « pas été sincère » dans son formulaire de demande, il n’a pas indiqué s’il croyait l’explication du demandeur à savoir pourquoi il n’avait pas divulgué le rejet de ses demandes de visa aux États-Unis. La présente affaire est différente de la situation dans l’affaire Alalami, où les parties avaient convenu que « la décision devrait être lue comme si elle démontre que l’agent ne croyait pas l’explication de M. Alalami selon laquelle il avait mal interprété la question sur le formulaire de demande au sujet des refus de visa comme si la question ne s’appliquait qu’au Canada » : au para 12.

[32] En l’espèce, l’agent n’a pas indiqué s’il acceptait l’explication fournie par le demandeur dans sa réponse à la lettre d’équité procédurale. La décision se résumait plutôt au fait que l’agent s’était fondé sur le fardeau qui incombait au demandeur de garantir que ses renseignements sont [traduction] « complets, exacts et précis » ainsi que de relire sa demande avant qu’elle ne soit transmise. Les motifs donnent plutôt à penser que l’agent n’a pas mis en doute la véracité de l’explication du demandeur, mais qu’il a néanmoins conclu que la décision était irrecevable.

[33] Le défendeur cherche également à établir une distinction entre la présente affaire et la décision Berlin, sur laquelle le demandeur s’est fondé. Il fait remarquer que, dans l’affidavit souscrit par le demandeur en réponse à la première lettre d’équité procédurale, celui-ci a affirmé qu’il avait sciemment omis de déclarer le rejet de ses précédentes demandes aux États-Unis, puisqu’il n’avait pas connaissance de certains détails tels que les dates pertinentes. Dans son affidavit souscrit en réponse à la deuxième lettre d’équité procédurale, le demandeur a indiqué que le consultant en immigration lui avait enjoint de déclarer que cette omission constituait une erreur de bonne foi de sa part. Le défendeur soutient que le demandeur ne peut se dédouaner de ces omissions majeures, puisqu’il était ultimement responsable du consultant qu’il avait embauché et n’avait pas présenté d’allégation relative à l’incompétence du consultant : Bhairon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 739 au para 31.

[34] Je ne vois aucune référence, dans la décision de l’agent, au fait que l’affidavit souscrit par le demandeur en réponse à la première lettre d’équité procédurale constituait le fondement de sa conclusion de fausses déclarations. Même si la décision comprenait une telle référence, les motifs n’expliquent pas pourquoi l’agent n’a pas examiné l’exception relative à l’erreur de bonne foi après avoir reçu les observations de décembre 2020 du demandeur.

[35] Le défendeur compare la présente affaire à la décision Lin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1124 [Lin], dans laquelle la Cour a confirmé la conclusion de fausses déclarations tirée par l’agent même après que la demanderesse eut expliqué que son omission était involontaire au motif qu’elle n’avait pas examiné la demande préparée par son consultant : aux para 25-26. Le défendeur fait remarquer qu’en l’espèce, l’agent a dûment affirmé, dans les notes consignées dans le SMGC, qu’il [traduction] « incombe au demandeur de garantir l’exhaustivité et l’exactitude des renseignements présentés ». Il fait remarquer que le demandeur a lui-même admis qu’il n’avait pas examiné la demande avant qu’elle ne soit envoyée pour traitement.

[36] Le défendeur soutient également qu’en apposant sa signature au formulaire Recours aux services d’un représentant, le demandeur a déclaré avoir « fourni des réponses exactes et complètes aux questions du présent formulaire et sur toute autre demande jointe (le cas échéant) », la demande jointe en l’espèce étant sa demande de permis de travail, comme c’était le cas dans la décision Lin : au para 28.

[37] Je ne suis pas d’accord. Dans la décision Lin, la demanderesse n’avait « guère expliqué l’origine de l’erreur », et l’agent n’avait pas accepté que Mme Lin ait [traduction] « juste oublié de divulguer ses antécédents de voyage » : au para 25. En l’espèce, le demandeur a expliqué pourquoi il n’avait pas présenté cette information. Il appartenait à l’agent d’établir si l’explication était suffisante pour justifier le recours à l’exception relative à l’erreur de bonne foi, ce qu’il n’a pas fait.

[38] Dans l’ensemble, je suis d’avis que, dans les faits, la présente affaire se rapproche davantage de la décision Markar que des décisions Lin et Alalami. Même dans la décision Markar, l’agent avait au moins reconnu, quoique brièvement, que le demandeur avait commis une erreur de bonne foi : au para 25. En l’espèce, l’agent n’a pas évoqué cette question, et ne s’est pas non plus demandé si l’exception pourrait s’appliquer à la situation du demandeur.

[39] Le demandeur soutient, et je suis d’accord, que la décision a des répercussions importantes sur sa situation compte tenu de la période d’interdiction de territoire au Canada d’une durée de cinq ans, pays où sa femme habite actuellement. Compte tenu de l’importance des répercussions de la décision sur le demandeur, les motifs de l’agent doivent refléter les enjeux de sa décision : Vavilov, au para 133. Dans ses motifs, l’agent n’explique pas s’il a tenu compte de l’exception relative à l’erreur de bonne foi. Par conséquent, la décision doit être rejetée.

IV. Conclusion

[40] La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

[41] Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM-3055-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

  3. Aucune question n’est certifiée.

« Avvy Yao-Yao Go »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3055-22

INTITULÉ :

SURYA VIKRAM SINGH RAWAT c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 MARS 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE GO

DATE DES MOTIFS :

LE 4 AVRIL 2023

COMPARUTIONS :

Veena G. Gupta

POUR LE DEMANDEUR

Alethea Song

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Veena G. Gupta

Nanda & Lawyers Professional Corporation

Mississauga (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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