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Date : 20230330


Dossier : IMM-3562-22

Référence : 2023 CF 452

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 30 mars 2023

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

DURGA PRASAD SUBEDI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés [la SAR], datée du 23 mars 2022 [la décision]. La SAR a confirmé la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a conclu que le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger puisqu’il disposait d’une possibilité de refuge intérieur [la PRI] à Biratnagar, au Népal.

[2] Pour les motifs qui suivent, je suis convaincue que la décision de la SAR était raisonnable, et je rejetterai la demande de contrôle judiciaire.

II. Contexte

[3] Le demandeur est un citoyen du Népal qui craint d’être persécuté par la faction maoïste Biplav du Parti communiste du Népal (les maoïstes) et par la Ligue de la jeunesse communiste (la LJC).

[4] Le demandeur prétend qu’il est pris pour cible du fait de son appartenance et de sa participation au parti du Congrès népalais et aux organisations s’y rattachant et parce qu’il a refusé de se plier à leurs demandes de soutien.

[5] Le demandeur s’est enfui au Japon en juillet 2014, où il a vécu jusqu’à son arrivée au Canada en janvier 2019. Il a par la suite présenté une demande d’asile.

[6] Le 7 juillet 2021, la SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur et conclu qu’il disposait d’une PRI valable à Biratnagar.

[7] Le demandeur a interjeté appel de la décision de la SPR devant la SAR.

III. Décision faisant l’objet du contrôle

[8] Dans l’appel devant la SAR, le demandeur a soutenu que la SPR avait commis une erreur : a) en tirant des conclusions en matière de crédibilité qui étaient indûment vagues et principalement fondées sur des considérations non pertinentes qui n’étaient pas étayées par des éléments de preuve corroborants; b) dans son analyse et ses conclusions relatives à la PRI.

[9] La SAR a mentionné qu’elle avait procédé à une évaluation indépendante de l’ensemble de la preuve, y compris l’enregistrement audio de l’audience de la SPR et les arguments du demandeur en appel.

[10] La SAR a examiné les observations du demandeur sur la crédibilité et sur la viabilité de la PRI et a finalement souscrit aux conclusions de la SPR selon lesquelles il était raisonnable et sécuritaire pour le demandeur de s’installer à Biratnagar.

IV. Questions en litige et norme de contrôle

[11] Le demandeur soulève les questions suivantes :

  1. La SAR a-t-elle commis une erreur en admettant de nouveaux éléments de preuve?

  2. La SAR a-t-elle commis une erreur en refusant de tenir une audience?

  3. La SAR a-t-elle commis une erreur dans son analyse de l’existence d’une PRI viable pour le demandeur à Biratnagar, au Népal?

[12] La Cour suprême du Canada a établi que, lorsqu’une cour procède à un contrôle judiciaire d’une décision administrative sur le fond (c.‑à‑d. à un contrôle qui ne comporte pas d’examen d’un manquement à la justice naturelle ou à l’obligation d’équité procédurale), la norme de contrôle qui est présumée s’appliquer est celle de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 23. Cette présomption peut être réfutée, mais aucune des exceptions à la présomption n’est présente en l’espèce.

[13] Une cour de révision qui applique la norme de contrôle de la décision raisonnable ne se demande pas quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur administratif. Elle ne tente pas de prendre en compte l’« éventail » des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo, et ne cherche pas à déterminer la solution « correcte » au problème : Vavilov, au para 83.

[14] Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti. La norme de la décision raisonnable exige de la cour de révision qu’elle fasse preuve de retenue envers une telle décision : Vavilov, au para 85.

[15] Le décideur administratif peut apprécier et évaluer la preuve qui lui est soumise. À moins de circonstances exceptionnelles, les cours de révision ne modifient pas ses conclusions de fait. Les cours de révision doivent également s’abstenir « d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur » : Vavilov, au para 125.

[16] Le demandeur soutient que les deux premières questions relèvent de l’équité procédurale, mais, pour les motifs exposés ci-après, je ne suis pas d’accord.

V. Analyse

A. Décision de la SAR de ne pas admettre de nouveaux éléments de preuve au titre du paragraphe 110(4) de la LIPR

[17] Le demandeur soutient que la SAR a commis une erreur en refusant d’admettre certains des nouveaux éléments de preuve qu’il a présentés.

[18] Le contexte procédural dans lequel les nouveaux éléments de preuve ont été déposés et admis ou refusés est vaste et comporte plusieurs étapes, comme je l’explique ci-après.

1) Éléments de preuve présentés avec le dossier de l’appelant

[19] Au départ, lorsqu’il a déposé son appel à la SAR, le demandeur a déclaré qu’il ne souhaitait pas s’appuyer sur de nouveaux éléments de preuve.

[20] Le demandeur a cependant présenté un affidavit, souscrit le 23 août 2021. Il n’a présenté aucune observation à la SAR quant à la façon dont les éléments de preuve contenus dans l’affidavit respectaient les critères énoncés au paragraphe 110(4) de la LIPR.

[21] La SAR a décidé d’admettre l’affidavit à titre d’argument seulement, et non à titre de nouvel élément de preuve.

2) Demande de présentation de nouveaux éléments de preuve au titre de l’article 29 des Règles de la SAR

[22] Le demandeur a présenté une demande au titre de l’article 29 des Règles de la Section d’appel des réfugiés (les Règles de la SAR) en vue de produire de nouveaux éléments de preuve après la mise en état de l’appel. Ces nouveaux éléments de preuve consistaient en neuf articles et communiqués de presse. Le demandeur a affirmé de façon générale que les articles montraient que les maoïstes Biplav continuaient de protester de façon violente même s’ils avaient conclu un accord de paix en mars 2021.

[23] La SAR a admis un seul des neuf articles déposés.

[24] La SAR a refusé d’admettre les trois premiers articles, concluant qu’ils avaient peu de pertinence ou de valeur probante, sinon aucune, relativement à la question déterminante de la PRI. Elle a mentionné que les articles portaient sur une grève nationale lancée par le Parti communiste du Népal [le PCN] mené par Chand en novembre 2021 dans le but de protester contre une hausse des prix des produits pétroliers et sur les effets de cette grève.

[25] La SAR a également refusé d’admettre les quatrième et cinquième articles et a conclu que le demandeur n’avait pas établi qu’ils avaient une quelconque pertinence ou valeur probante par rapport au risque auquel celui-ci serait exposé de la part des agents de persécution dans le lieu proposé comme PRI.

[26] Les autres articles ont été refusés parce que le demandeur n’avait présenté aucune observation sur leur pertinence ou leur valeur probante, sur le lien avec sa situation personnelle ou sur le risque auquel il serait exposé de la part des agents de persécution dans le lieu proposé comme PRI.

3) Nouveaux éléments de preuve présentés en réponse aux directives du commissaire

[27] Dans le cadre de son évaluation indépendante de la preuve, la SAR a donné des « directives du commissaire » à deux reprises et transmis au demandeur d’autres éléments de preuve documentaire en plus de l’inviter à présenter des observations en réponse.

[28] Dans la première directive, la SAR a communiqué au demandeur d’autres éléments de preuve sur les conditions dans le pays, y compris des éléments de preuve concernant les événements politiques qui ont suivi un accord de paix conclu en mars 2021 entre le gouvernement du Népal et les maoïstes Biplav (l’accord de paix), et l’a invité à présenter des observations en réponse à ces éléments de preuve.

[29] En réponse à la première directive, le demandeur a déposé un affidavit auquel il a joint 12 articles de presse à titre de pièces.

[30] L’affidavit a été admis, puisqu’il répondait aux questions relatives à la preuve soulevées par le commissaire.

[31] Parmi les 12 articles, les six premiers étaient exactement les mêmes que ceux que le demandeur avait déjà tenté de présenter au titre de l’article 29 des Règles de la SAR. La SAR a refusé de les admettre parce que le demandeur n’avait, une fois de plus, pas présenté d’observations précises sur leur pertinence et leur valeur probante en ce qui a trait au lieu proposé comme PRI.

[32] La SAR a admis les six autres articles, malgré l’absence d’observations de la part du demandeur sur leur pertinence, jugeant qu’ils étaient « à tout le moins pertinen[ts] ».

[33] La SAR a par la suite donné une seconde directive dans laquelle elle invitait le demandeur à présenter des observations concernant l’un des articles que le commissaire avait précédemment admis à titre de nouvel élément de preuve. En réponse, le demandeur a présenté huit autres articles de presse, accompagnés d’observations cette fois-ci. La SAR a admis les huit articles déposés en réponse à la seconde directive.

[34] Le demandeur soutient que la SAR a commis une erreur en refusant d’admettre huit des articles de presse qu’il a présentés, affirmant qu’ils étaient suffisamment probants en ce qui a trait à la question déterminante du risque auquel il serait exposé dans le lieu proposé comme PRI.

[35] Les observations du demandeur à cet égard ne sont pas convaincantes. Je conviens avec le défendeur qu’elles ne sont que l’expression d’un désaccord avec la SAR sur son analyse.

[36] Premièrement, la SAR a énoncé le bon critère juridique qui s’applique à l’admission de nouveaux éléments de preuve au titre du paragraphe 110(4), notamment la question de savoir si les éléments de preuve étaient nouveaux, crédibles et pertinents conformément à l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 96, [2016] 4 RCF 230.

[37] Deuxièmement, la SAR a fourni des motifs clairs pour justifier son rejet des éléments de preuve, à savoir qu’ils n’avaient pas de valeur probante en ce qui a trait au lieu proposé comme PRI. Les motifs fournis sont intelligibles, transparents et justifiés au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le tribunal était assujetti.

[38] Je souligne également que le demandeur n’a pas présenté à la SAR d’observations précises au sujet de la pertinence ou de la valeur probante des nouveaux éléments de preuve en cause. Il tente maintenant de le faire devant la Cour pour la première fois.

[39] En l’absence d’observations de la part du demandeur, la SAR a été forcée d’effectuer sa propre évaluation de la pertinence, sans que le demandeur participe à celle-ci. Après avoir examiné les motifs de la décision, je suis d’avis que la SAR a procédé à son évaluation d’une façon tout à fait raisonnable et équitable envers le demandeur.

[40] Le demandeur n’a pas énoncé de raison suffisante pour justifier que la Cour modifie les conclusions de la SAR sur la valeur probante des éléments de preuve qu’elle a refusé d’admettre.

B. Décision de la SAR de ne pas tenir d’audience au titre du paragraphe 110(6) de la LIPR

[41] Aux termes du paragraphe 110(3) de la LIPR, la SAR procède sans tenir d’audience. Le paragraphe 110(6) prévoit une exception restreinte : la SAR peut tenir une audience si de nouveaux éléments de preuve a) soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité de la personne en cause; b) sont essentiels pour la prise de la décision relative à la demande d’asile; c) à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que la demande d’asile soit accordée ou refusée, selon le cas.

[42] Le demandeur soutient que la SAR a commis une erreur en refusant de tenir une audience et affirme qu’elle a admis des éléments de preuve qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité, laquelle touchait au cœur de la demande d’asile.

[43] Plus précisément, le demandeur renvoie à son affidavit dans lequel il explique pourquoi il n’a pas pu obtenir de son épouse une lettre corroborant son récit relativement aux menaces continues, une explication que la SAR a finalement rejetée.

[44] Les motifs pour lesquels la SAR a refusé de tenir une audience sont les suivants :

L’appelant déclare dans ses observations supplémentaires qu’il demande une audience pour clarifier les questions soulevées dans les directives du commissaire et qu’une audience est justifiée au titre du paragraphe 110(6) de la LIPR, mais il ne fournit aucune observation, et encore moins des observations complètes et détaillées concernant les motifs pour lesquels une audience devrait être tenue. Selon mon évaluation, même si certaines des déclarations contenues dans l’affidavit de l’appelant se rapportent à des préoccupations relatives à la crédibilité, la plupart d’entre elles ne sont pas liées à la question déterminante de la PRI, et même celles dont il est possible d’affirmer qu’elles le sont (telles que ses déclarations expliquant pourquoi il n’a pas tenté de fournir des éléments de preuve de son épouse) ne sont pas essentielles à la décision relative à la PRI; il a eu l’occasion de fournir une explication et l’a fait, et une audience n’est pas nécessaire pour évaluer ces déclarations. L’affidavit et les documents relatifs aux conditions dans le pays admis comme nouveaux éléments de preuve ne soulèvent pas de question importante en ce qui concerne la crédibilité de l’appelant, ils ne sont pas essentiels pour la prise de décision relative à la demande d’asile et ils ne sont pas déterminants au regard de la demande d’asile. La demande d’audience est rejetée.

[45] Le défendeur soutient que les questions concernant la crédibilité que soulève l’affidavit du demandeur n’étaient pas au cœur de ses conclusions sur la viabilité de la PRI. De plus, les documents sur les conditions dans le pays qui ont été admis ne soulevaient pas de questions en ce qui concerne la crédibilité et n’étaient pas essentiels pour la prise de la décision.

[46] Je suis d’accord avec le défendeur.

[47] La SAR a expliqué dans ses motifs que, même si certains des éléments de preuve présentés par le demandeur avaient trait à sa crédibilité, en particulier en ce qui concerne la raison pour laquelle il n’a pas pu obtenir une lettre d’appui de la part de son épouse, les nouveaux éléments de preuve n’étaient pas essentiels pour l’analyse relative à la PRI ni déterminants eu égard à celle-ci.

[48] Dans une directive au demandeur datée du 28 janvier 2022, la SAR lui a donné l’occasion de répondre à ses réserves au sujet de l’absence d’éléments de preuve provenant de son épouse en lui posant les questions suivantes : [traduction] « Avez-vous tenté d’obtenir des éléments de preuve écrits de votre épouse pour étayer vos allégations, plus précisément votre témoignage selon lequel elle a été attaquée en 2017, votre témoignage concernant ses prétendus activités et déplacements depuis qu’elle est partie du Japon pour retourner au Népal, et votre témoignage concernant les contacts qu’elle a eus avec les maoïstes depuis que vous avez quitté le Népal pour vous rendre au Japon? Lui avez-vous demandé de témoigner à l’audience ou de fournir un affidavit ou une lettre? Sinon, pourquoi ne l’avez-vous pas fait? »

[49] En réponse, le demandeur a expliqué qu’il avait parlé à son ancien conseil à la SPR des incidents qu’avait vécus son épouse et que le conseil lui avait dit qu’il n’était pas nécessaire d’obtenir une lettre ou un affidavit de soutien de la part de son épouse.

[50] Dans la décision, la SAR a conclu que l’explication du demandeur concernant l’absence d’éléments de preuve corroborants n’était ni raisonnable ni crédible, parce qu’il avait été représenté par un conseil expérimenté tout au long de la procédure de la SPR. Le demandeur n’a pas non plus présenté d’éléments de preuve provenant de son ancien conseil au sujet de ce qu’il lui avait dit.

[51] Dans l’ensemble, la décision étaye la position du défendeur selon laquelle cette conclusion quant à la crédibilité n’était pas essentielle pour la prise de la décision. Les motifs de la SAR, en particulier en ce qui a trait au premier volet du critère relatif à la PRI, étaient fortement axés sur les éléments de preuve concernant la situation dans le pays, lesquels, à son avis, ne montraient pas que le demandeur serait en danger à Biratnagar.

[52] Je suis également d’avis que le seul problème de crédibilité découlait non pas des nouveaux éléments de preuve présentés par le demandeur, mais de son défaut de fournir des détails sur les menaces contre son épouse dans l’exposé circonstancié contenu dans son formulaire Fondement de la demande d’asile. Qui plus est, la SAR a donné au demandeur amplement l’occasion de répondre à cette question, et il était loisible à la SAR de conclure que sa réponse ne dissipait pas ses doutes.

[53] Enfin, la conclusion défavorable quant à la crédibilité n’était pas déterminante quant à la conclusion finale de la SAR sur la sûreté du lieu proposé comme PRI. Comme je l’explique dans la prochaine section, l’analyse de la SAR était beaucoup plus axée sur la preuve relative aux conditions dans le pays et sur le fait qu’elle n’établissait pas l’existence d’un risque de préjudice continu pour le demandeur dans l’endroit désigné comme PRI.

[54] À la lumière de tout ce qui précède, je conclus que la SAR n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle et qu’elle n’a pas manqué à l’équité procédurale en ne tenant pas d’audience au titre du paragraphe 110(6) de la LIPR.

C. Analyse de la PRI

[55] Pour déterminer s’il existe une PRI, le décideur doit appliquer le critère à deux volets établi dans les arrêts Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1991 CanLII 13517 (CAF), [1992] 1 CF 706 (CA) et Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1993 CanLII 3011 (CAF), [1994] 1 CF 589 (CA).

[56] Selon la prépondérance des probabilités, la Commission doit être convaincue qu’il n’y a pas de possibilité sérieuse que le demandeur d’asile soit persécuté dans la partie du pays où, selon elle, il existe une PRI; et les conditions dans la partie du pays censée offrir une PRI doivent être telles qu’il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur d’asile, compte tenu de toutes les circonstances, y compris celles qui lui sont propres, d’y chercher refuge.

[57] Le demandeur conteste l’analyse de la SAR au titre du premier volet et affirme que le commissaire [traduction] « n’a pas analysé les conditions dans le pays décrites dans le cartable national de documentation et par le conseil du demandeur ».

[58] Il ne fait aucun doute que les éléments de preuve sur les conditions dans le pays devant la SAR étaient partagés. Cependant, à la lumière d’un examen global du dossier dont dispose la Cour, je conclus, comme l’a fait la juge Go dans la décision Magar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1053, que la SAR a raisonnablement conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve montrant l’existence d’un réseau national de maoïstes et de membres de la LJC doté des moyens de localiser le demandeur dans le lieu proposé comme PRI.

[59] Les conclusions de la SAR au titre du premier volet du critère étaient transparentes, justifiées et rationnelles. La SAR a entre autres conclu ce qui suit :

A. Selon la prépondérance des éléments de preuve documentaire sur le pays, les maoïstes majoritaires et leurs groupes de jeunes affiliés ont cessé de proférer des menaces d’extorsion et d’envoyer des lettres d’extorsion depuis qu’ils se sont joints au processus démocratique et au gouvernement, et les actes de violence ciblant des individus ou des membres d’autres partis politiques ont considérablement diminué après la fin de la guerre civile en 2006 et sont devenus [traduction] « de plus en plus rares à titre de phénomène lié aux partis politiques » et [traduction] « sont [peu] fréquents ».

B. La documentation sur le pays décrit les maoïstes Biplav comme un groupe dissident qui s’est séparé vers la fin de 2014 ou en 2015 d’un autre groupe dissident (Baidya), lequel s’était séparé de l’ancien parti maoïste insurgé plus important, UCPN-M, en 2012.

C. Des éléments de preuve documentaire indiquent que les efforts du gouvernement pour neutraliser le groupe ont réduit ses moyens.

D. Le demandeur n’est ni un fonctionnaire, ni un dirigeant d’entreprise ou un homme d’affaires en vue; au Népal, il a surtout travaillé comme enseignant. De plus, les actes d’extorsion se sont produits « principalement à l’extérieur de Katmandou, et plus précisément dans les régions du Centre-Ouest et de l’Extrême-Ouest, avec quelques cas dans la région de l’Ouest. Le lieu proposé comme PRI se trouve dans le sud-est du Népal, à environ 550 kilomètres de route de Katmandou. Rien dans les éléments de preuve n’indique que le groupe se livrait à des actes d’extorsion à Biratnagar.

E. Les éléments de preuve ne permettent pas d’affirmer que les membres du NCP – même les membres actifs du NCP – sont actuellement exposés à un risque de persécution ou de préjudices simplement en raison de leur appartenance ou de leurs activités. La documentation objective sur le pays indique que, en général, les opposants politiques aux maoïstes ne sont pas victimes de violence, à moins qu’ils ne participent à des manifestations politiques violentes, auquel cas ils ne sont pas exposés à davantage de risques que les autres participants.

F. La SAR était d’accord avec la SPR pour dire que le demandeur n’a pas un profil politique très en vue et qu’il n’a pas établi que son profil politique fait en sorte qu’il est une cible ou l’expose à un risque sérieux de persécution au Népal. Cela est d’autant plus vrai qu’il a été absent du Népal pendant près de huit ans.

G. De l’avis de la SAR à l’égard de la preuve, l’accord de paix entre le gouvernement du Népal et les maoïstes Biplav, dans lequel ces derniers conviennent de régler toutes leurs questions politiques par le dialogue et de mener toutes leurs activités politiques de manière pacifique, réduit encore davantage le risque de préjudice ou de persécution, car il diminue le risque d’activités violentes de la part des maoïstes Biplav à l’endroit des opposants politiques et de sollicitations coercitives et/ou de violence utilisées à l’appui de leur collecte de fonds.

H. La SAR n’était pas convaincue que le demandeur avait établi que les maoïstes Biplav ont toujours la motivation de le chercher dans tout le Népal ou au lieu proposé comme PRI, surtout à la lumière de l’accord de paix.

I. La SAR n’a pas trouvé crédibles les allégations de menaces contre son épouse en mai 2021 du demandeur parce qu’elles avaient été omises de l’exposé circonstancié contenu dans son formulaire Fondement de la demande d’asile et parce qu’il n’a présenté aucun élément de preuve pour corroborer l’incident.

[60] Dans ses observations, le demandeur remet en question la plupart des conclusions de la SAR, et en particulier son analyse des répercussions de l’accord de paix du 5 mars 2021 entre le gouvernement du Népal et les maoïstes Biplav.

[61] Je ne peux conclure, comme le demandeur l’affirme, que la SAR a mal jugé l’effet de l’accord sur le risque auquel il serait exposé dans le lieu proposé comme PRI ou a trop insisté là-dessus. Au contraire, j’estime que la SAR a procédé à une évaluation très nuancée de l’accord de paix, qu’elle a pris acte de la preuve partagée sur les conditions dans le pays quant à son effet et qu’elle a reconnu que la situation « n’est pas encore stable, et [qu’]il y a des problèmes à résoudre ». En fin de compte, la SAR a conclu ce qui suit :

Dans les conditions actuelles, et à l’avenir, l’accord de paix, qui comprend la renonciation à la violence par les maoïstes Biplav, et l’absence d’éléments de preuve montrant d’importants actes de violence de leur part qui constitueraient un risque pour l’appelant depuis la mise en place de l’accord, réduit considérablement le risque que court l’appelant de subir de la violence de la part des maoïstes Biplav, ce qui, selon mon évaluation, n’était déjà pas un risque sérieux avant l’accord.

[Non souligné dans l’original.]

[62] J’estime que l’évaluation de la SAR au titre du premier volet du critère relatif à la PRI, y compris son évaluation de l’accord de paix, est raisonnable.

[63] Le reste des observations écrites et de vive voix du demandeur ne sont que l’expression d’un simple désaccord avec la SAR sur son évaluation de la preuve concernant les conditions dans le pays. Le rôle de la Cour n’est pas d’apprécier à nouveau la preuve : Vavilov, au para 125.

VI. Conclusion

[64] Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[65] Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé qu’une question grave de portée générale soit certifiée, et j’estime que les faits en l’espèce n’en soulèvent aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-3562-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande est rejetée.

  2. Il n’y a pas de question grave de portée générale à certifier.

« E. Susan Elliott »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3562-22

 

INTITULÉ :

DURGA PRASAD SUBEDI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 MARS 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

LE 30 mars 2023

 

COMPARUTIONS :

Keshab Prasad Dahal

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Laoura Christodoulides

 

POUR LE défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dahal Law Professional Corporation

Avocats

Etobicoke (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE défendeur

 

 

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