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Date : 20230329


Dossier : IMM-5158-20

Référence : 2023 CF 436

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 mars 2023

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

IMELDA ESQUEJO CARPO

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, une citoyenne des Philippines âgée de 54 ans, est infirmière de formation et a travaillé comme aide familiale résidante auprès de diverses familles depuis son arrivée au Canada en 2006.

[2] Elle sollicite le contrôle judiciaire de la décision relative à sa demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

[3] Pour les motifs qui suivent, la présente demande sera accueillie.

II. Contexte

[4] La demanderesse est arrivée au Canada en 2006 et a commencé à travailler comme aide familiale dans le cadre du Programme des aides familiaux résidants (le PAFR), maintenant supprimé. Après avoir travaillé à temps plein durant deux ans, elle a pu présenter une demande de résidence permanente, ce qu’elle a fait en inscrivant son mari et sa fille comme personnes à charge.

[5] Pendant que la demande était en cours de traitement, la relation de la demanderesse avec son époux s’est rompue. Étant donné que celui-ci ne s’est pas soumis aux examens médicaux requis, la demande a été rejetée.

[6] La demanderesse indique qu’elle est toujours séparée de son mari et qu’en tant que mère monoparentale, elle travaille sans relâche pour subvenir aux besoins de sa fille aux Philippines, qui était âgée de 16 ans au moment de la décision.

[7] Le frère de la demanderesse et sa famille, composée de quatre personnes, hébergent la fille de la demanderesse aux Philippines. Depuis sa naissance, la fille de la demanderesse souffre de cardiopathie rhumatismale et de régurgitation mitrale, ce qui nécessite un traitement et des médicaments chaque mois.

[8] La demanderesse a déjà eu un cancer. Elle prend toujours des médicaments et fait l’objet d’un suivi régulier en raison du risque élevé de récidive du cancer.

[9] Le 17 juillet 2018, la demanderesse a présenté une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Sa demande reposait sur son établissement, sur l’intérêt supérieur de sa fille et sur les difficultés auxquelles elle serait exposée aux Philippines.

[10] Le rejet de la demande a été signifié au représentant de la demanderesse dans une lettre datée du 30 juin 2020. La demanderesse n’a été informée du rejet de sa demande qu’en octobre 2020.

III. Question en litige et norme de contrôle applicable

[11] La seule question en litige est celle de savoir si l’analyse faite par l’agent des considérations d’ordre humanitaire invoquées par la demanderesse était raisonnable.

[12] Il existe une présomption selon laquelle, lorsqu’une cour contrôle une décision administrative, la norme applicable est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 16).

[13] Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et être justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti. La norme de la décision raisonnable exige de la cour de révision qu’elle fasse preuve de retenue envers une telle décision (Vavilov, au para 85).

[14] Pour qu’une décision soit jugée déraisonnable, le demandeur doit établir qu’elle comporte des lacunes ou des insuffisances qui ne sont pas simplement superficielles ou accessoires. Pour rendre la décision déraisonnable, les lacunes ou insuffisances reprochées doivent être suffisamment capitales ou importantes (Vavilov, au para 100).

IV. Analyse

A. Établissement

[15] L’agent a noté que la demanderesse se trouvait au Canada depuis 2006, mis à part quelques séjours aux Philippines. Dans le cadre de son évaluation de l’établissement de la demanderesse, l’agent a accordé un poids important au fait que celle-ci se trouvait au Canada depuis longtemps.

[16] En lien avec l’établissement, l’agent a accordé un certain poids au fait que la demanderesse a trois sœurs qui sont citoyennes canadiennes et dont elle est très proche.

[17] Toujours en lien avec l’établissement, l’agent a aussi accordé [traduction] « un certain poids » aux lettres d’appui présentées par les enfants adultes d’un couple de personnes âgées dont la demanderesse prenait soin, ainsi qu’aux deux lettres d’appui présentées par les enfants adultes d’une personne dont elle avait déjà pris soin, qui l’avaient aussi employée comme femme de ménage.

[18] Après avoir accordé un « poids important » et un « certain poids » aux éléments qui précèdent, l’agent a ensuite noté que la demanderesse avait occupé certains emplois illégalement étant donné que son permis de travail avait expiré en 2016.

[19] Comme la demanderesse avait travaillé illégalement, l’agent a conclu que son défaut de se conformer aux lois canadiennes portait atteinte à l’ensemble de son établissement.

[20] L’agent a également accordé un certain poids à la [traduction] « saine gestion financière » documentée de la demanderesse, ainsi qu’au fait qu’elle avait suivi un cours pour apprendre à mieux prendre soin des personnes âgées et des personnes handicapées et qu’elle avait terminé un programme de certificat de préposé aux services de soutien personnel. Il a, de plus, accordé un certain poids au fait que la demanderesse s’était fait des amis au Canada et qu’elle participait à la vie communautaire.

[21] Enfin, l’agent a accordé un certain poids au fait que la demanderesse avait donné de l’argent à un hôpital de la région du Grand Toronto.

[22] L’agent a terminé son analyse de l’établissement en concluant que [traduction] « dans l’ensemble, la demanderesse était bien établie au Canada ».

B. Intérêt supérieur de l’enfant

[23] La fille de la demanderesse souffre de cardiopathie rhumatismale qui nécessite des injections toutes les trois semaines, des soins médicaux et certains médicaments. La demanderesse a affirmé qu’elle était seule à payer les factures et les médicaments, ce qu’elle ne serait pas en mesure de faire si elle vivait aux Philippines et sa fille en souffrirait. Cette observation était appuyée par une lettre d’un cardiologue pédiatrique confirmant que la fille de la demanderesse souffrait de cardiopathie rhumatismale et de régurgitation mitrale sévère nécessitant des injections tous les 21 jours.

[24] L’agent a admis le diagnostic médical et le plan de traitement, mais il a conclu que rien ne prouvait que la demanderesse payait les traitements puisque les renseignements financiers de celle-ci ne montraient aucun transfert de fonds vers les Philippines. Il a conclu que la demanderesse ne payait pas les traitements de l’enfant et a donc accordé peu de poids à ce facteur dans son examen de l’intérêt supérieur de l’enfant.

[25] Rien n’indiquait que le frère de la demanderesse payait les dépenses de la fille de celle-ci. La demanderesse a mentionné clairement dans son affidavit sous serment qu’elle payait les frais médicaux de sa fille et qu’elle avait déménagé au Canada pour travailler parce qu’elle n’aurait pas eu les moyens de payer les frais si elle était restée aux Philippines.

[26] L’agent n’a pas examiné les avantages que représentait, pour l’enfant, le fait que sa mère soit au Canada. Il a plutôt procédé à une analyse des difficultés pour déterminer si l’enfant était en mesure d’aller à l’école aux Philippines. Une analyse des difficultés entremêlée à une analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant (et qu’il est impossible de distinguer) ne remplit pas l’exigence de transparence, parce que la Cour ne peut évaluer le poids respectif attribué à ces facteurs (Osun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 295 [Osun] au para 24).

[27] L’agent a conclu qu’il était dans l’intérêt supérieur de l’enfant d’être réunie avec sa mère, [traduction] « même si c’[était] aux Philippines. La réunification des familles est l’un des principaux objectifs de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. » L’agent a donc accordé un [traduction] « poids important » à une telle réunification.

[28] Le problème que pose le fait que l’agent ait accordé un poids important à la réunification de la famille est que l’alinéa 3(1)d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) prévoit « [qu’en] matière d’immigration, la présente loi a pour objet : […] d) de veiller à la réunification des familles au Canada » [non souligné dans l’original]. Il n’y a aucune ambiguïté. L’objectif reconnaît clairement l’importance de faciliter la réunification des membres de la famille qui se trouvent à l’étranger avec leurs proches au Canada.

[29] Invoquer la réunification des familles pour justifier le refus d’accorder une dispense pour considérations d’ordre humanitaire au motif qu’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant que sa mère soit expulsée vers les Philippines pour la rejoindre constitue une erreur de droit. Un agent chargé d’examiner une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire dispose du pouvoir discrétionnaire d’accorder ou non une dispense, mais ce pouvoir discrétionnaire ne lui permet pas de s’écarter des obligations que lui impose la LIPR.

[30] L’agent a commis une erreur dans l’interprétation de l’objectif de réunification des familles et il a aussi, par conséquent, commis une erreur en accordant un poids important à cette réunification.

[31] Après avoir apprécié l’ensemble de la preuve, l’agent a estimé qu’il ne pouvait pas conclure que le bien-être de l’enfant de la demanderesse serait compromis si cette dernière retournait aux Philippines.

[32] L’intérêt supérieur de l’enfant doit être « bien identifié et défini », puis examiné « avec beaucoup d’attention » eu égard à l’ensemble de la preuve. Une fois que pareil examen a été fait, il appartient à l’agent d’accorder à cet intérêt le poids qu’il mérite, à son avis, dans les circonstances de l’espèce (Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125 au para 12).

[33] L’agent n’a pas procédé à un examen de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il a plutôt procédé à une analyse des difficultés pour déterminer si l’enfant était en mesure d’aller à l’école aux Philippines. Une analyse des difficultés entremêlée à une analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant (et qu’il est impossible de distinguer) ne remplit pas l’exigence de transparence, parce que la Cour ne peut évaluer le poids respectif attribué à ces facteurs (Osun, au para 24).

[34] L’interprétation erronée faite par un décideur administratif de sa loi constitutive ne peut être prise à la légère. La Cour suprême a conclu, en ce qui concerne les décideurs administratifs qui tiennent leurs pouvoirs d’une loi, que « […] le régime législatif applicable est probablement l’aspect le plus important du contexte juridique d’une décision donnée. Le fait que les décideurs administratifs participent, avec les cours de justice, à l’élaboration du contenu précis des régimes administratifs qu’ils administrent ne devrait pas être interprété comme une licence accordée aux décideurs administratifs pour ignorer ou réécrire les lois adoptées par le Parlement et les législatures provinciales. Ainsi, bien qu’un organisme administratif puisse disposer d’un vaste pouvoir discrétionnaire lorsqu’il s’agit de prendre une décision en particulier, cette décision doit en fin de compte être conforme “à la raison d’être et à la portée du régime législatif sous lequel elle a été adoptée” » (Vavilov, au para 108).

C. Programme des aides familiaux résidants

[35] La demanderesse soutient que l’agent s’est déraisonnablement concentré sur les motifs d’interdiction de territoire et qu’il a omis de tenir compte des efforts qu’elle avait déployés pour s’établir et des circonstances particulières de son cas en tant que membre du PAFR.

[36] La demanderesse, qui a déjà survécu au cancer, a travaillé sans interruption depuis son arrivée au Canada, elle a suivi une formation de préposée aux services de soutien personnel de sa propre initiative et elle subvient aux besoins de sa fille, de son frère et de ses nièces aux Philippines. Elle soutient que l’agent a commis une erreur en concluant que ces facteurs favorables ne l’emportaient pas sur le fait qu’elle avait admis avoir travaillé sans autorisation après qu’on eut refusé de prolonger son permis de travail au-delà du 27 juin 2016. Il est important de noter que, du 7 avril 2006 au 27 juin 2016, la demanderesse avait un permis de travail valide. Cela signifie qu’au moment où elle a présenté sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, elle n’avait travaillé sans permis de travail valide que durant deux de ses douze ans passés au Canada.

[37] Le fait que la demanderesse se soit conformée aux lois canadiennes en matière d’immigration durant dix ans constitue un facteur important pour l’analyse qui suit.

[38] Il y a deux questions à examiner. Premièrement, la demanderesse peut-elle bénéficier de « [l’]approche souple et constructive » qui s’applique aux demandeurs membres du PAFR, tel qu’il a été établi par la Cour? Deuxièmement, dans son examen de l’ensemble de l’établissement de la demanderesse au Canada, l’agent s’est-il indûment concentré sur le fait que la demanderesse avait travaillé sans autorisation?

[39] La demanderesse affirme que l’agent n’a pas adopté « [l’]approche souple et constructive ». Ce principe trouve son origine dans la décision Turingan c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 1234 [Turingan], une décision dans laquelle la Cour a reconnu le rôle capital joué par les programmes d’aides familiaux au Canada et la responsabilité qui revient au gouvernement canadien de faciliter l’obtention du statut de résident permanent pour les participants de ces programmes (Santos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 360 au para 26, citant les propos tenus par le juge en chef adjoint Jerome au para 8 de Turingan) :

Après avoir analysé minutieusement le Programme concernant les employés de maison étrangers, le juge a tiré les conclusions suivantes :

[…] (ii) l’E.M.E. [Programme concernant les employés de maison étrangers] a été créé pour reconnaître que les employés de maison accomplissent des services valables, qu’ils nouent souvent des liens solides au Canada, mais qu’ils ont en général moins de chances d’obtenir le statut de résident permanent que d’autres immigrants;

(iii) le Programme a donc pour objet de permettre aux employés de maison étrangers d’obtenir plus facilement la résidence permanente, sous réserve de certaines conditions;

(iv) le Programme doit être appliqué avec souplesse et une importance particulière doit être mise sur les conseils et services de counselling poussés qui sont disponibles, afin de permettre aux requérants d’améliorer le cas échéant leurs compétences et de remplir les conditions requises par le Programme; […]

Il ressort clairement de ce passage que le programme vise à faciliter l’obtention du statut de résident permanent. Il incombe par conséquent au Ministère d’adopter une approche souple et constructive dans ses rapports avec les participants au programme. Le rôle du Ministère ne consiste pas à refuser le statut de résident permanent uniquement pour des questions de forme, mais de travailler et d’aider les participants à atteindre leur objectif qui est d’obtenir le statut de résident permanent.

[40] Comme l’a fait observer la demanderesse, cette approche souple et constructive approuvée dans la décision Turingan a été appliquée dans le contexte du PAFR dans les décisions Go c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1197 [Go], Marte c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 155 [Marte] et Jacob c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1382 [Jacob].

[41] Le défendeur soutient que les décisions Go, Marte et Jacob n’appuient pas la thèse de la demanderesse selon laquelle l’agent aurait dû adopter une approche différente pour apprécier les facteurs invoqués dans la demande sous-jacente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire simplement parce qu’elle était entrée au Canada comme membre du PAFR.

[42] Le défendeur semble établir une distinction entre une demande générale de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire et une demande de résidence permanente au titre du PAFR assortie d’une demande de dispense pour considérations d’ordre humanitaire présentée en raison du défaut de satisfaire à l’une des conditions d’admissibilité du PAFR. S’il est vrai que la décision Marte concerne le deuxième type de demande, les faits des décisions Go et Jacob sont beaucoup plus complexes et ils appuient, en réalité, l’argument de la demanderesse selon lequel l’approche souple et constructive s’applique à tous les participants du PAFR, peu importe la voie qu’ils empruntent pour obtenir un statut.

[43] Dans l’affaire Go, la demanderesse était arrivée au Canada à titre d’aide familiale résidante et elle avait présenté une demande de résidence permanente au titre du PAFR. Dans son formulaire de demande, elle avait déclaré qu’elle habitait à l’adresse résidentielle de son employeur et avait omis de dire qu’elle avait passé de nombreuses nuits dans un appartement que son église mettait à la disposition des aides familiaux résidants et des gouvernantes originaires des Philippines. L’agent a considéré la non-divulgation de cette adresse secondaire comme un objet pertinent qui aurait pu entraîner une erreur dans l’application de la LIPR. Il a donc déclaré la demanderesse interdite de territoire au titre de l’alinéa 40(1)a) pour fausses déclarations.

[44] Le défendeur soutient que les faits de l’affaire Go se distinguent de ceux de l’espèce et que la demanderesse ne peut donc pas bénéficier de l’approche établie dans la décision Turingan. Le défendeur qualifie la décision Go de [traduction] « contrôle judiciaire d’une demande de résidence permanente axé sur l’examen des exigences de résidence prévues par le PAFR ».

[45] Je ne suis pas d’accord.

[46] Au paragraphe 5 de la décision Go, le juge Harrington dit très clairement que la question était de savoir si la demanderesse pouvait ou non bénéficier de l’approche souple et constructive offerte aux aides familiaux résidants malgré de fausses déclarations :

[5] Il est important de souligner qu’il n’a pas été conclu qu’elle n’avait pas satisfait aux exigences du Programme des aides familiaux résidants. En omettant de divulguer que l’église fournissait un appartement, elle a exclu une voie d’enquête pour l’agent de traitement qui aurait pu adopter une approche souple et constructive à l’égard des conditions de logement comme l’a envisagé la Cour dans Turingan c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 1234, 72 FTR 316.

[47] La décision Go était un contrôle judiciaire d’une décision de la Section de l’immigration (la SI), fondé uniquement sur la question de l’interdiction de territoire. Après avoir comparé les diverses interprétations des exigences de résidence énoncées à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, le juge Harrington a conclu que la SI n’avait pas, dans son analyse, tenu compte des conditions de logement de la demanderesse d’une manière qui était propre au PAFR :

[14] Le lieu où une personne dort la nuit n’est que l’un des facteurs à prendre en considération. Mme Go n’avait pas sa propre chambre dans l’appartement fourni par l’église; elle n’y laissait pas ses vêtements; l’adresse postale qu’elle a indiquée dans le formulaire de demande était celle de son employeur.

[15] Il était déraisonnable pour le commissaire de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Go avait fait une présentation erronée quant à ses conditions de logement. Si la Cour pouvait conclure qu’il était raisonnable pour des juges formés de la citoyenneté d’avoir trois points de vue différents sur l’exigence de résidence prévue dans la Loi sur la citoyenneté, comment peut‑on dire que Mme Go n’a pas fourni une réponse raisonnable? Le problème repose dans la question, et non la réponse. La question ne visait pas spécifiquement le Programme des aides familiaux résidants.

[48] Bien que la décision Go soit brève et fondée sur une question discrète, je juge que l’analyse faite par le juge Harrington de l’examen des fausses déclarations en ce qui concerne précisément le statut de Mme Go en tant qu’aide familiale résidante n’est que l’un des nombreux exemples possibles de l’application de l’approche souple et constructive qui vise tous les aides familiaux résidants.

[49] En l’espèce, non seulement la demanderesse faisait partie du PAFR, mais elle satisfaisait également aux critères d’admissibilité qui lui auraient donné droit à la résidence permanente, n’eût été le défaut de son époux de se conformer à la demande d’examen médical. Compte tenu de cet état de fait, je conclus qu’il incombait à l’agent de tenir compte de l’objet du PAFR et des contributions de la demanderesse au marché du travail, elle qui a pris soin de familles au Canada alors qu’elle était séparée de la sienne. L’omission de le faire montre que l’agent a pris une décision sans prendre en considération l’ensemble de la preuve dont il disposait, ce qui constitue un motif suffisant pour conclure que la décision est déraisonnable.

V. Conclusion

[50] Compte tenu des nombreuses erreurs relevées ci-dessus, je conclus que la décision est déraisonnable. La décision sera annulée, et l’affaire sera renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

[51] Aucune question à certifier n’a été proposée et, au vu des faits de l’espèce, l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-5158-20

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La présente demande est accueillie, et la décision est annulée.

  2. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

  3. Il n’y a pas de question à certifier.

« E. Susan Elliott »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5158-20

 

INTITULÉ :

IMELDA ESQUEJO CARPO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 MARS 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

LE 29 MARS 2023

 

COMPARUTIONS :

Nicole Guthrie

 

Pour la demanderesse

 

Matthew Siddall

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Don Valley Community Legal Services

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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