Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20230327


Dossier : IMM-8150-22

Référence : 2023 CF 422

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 mars 2023

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

MOHAMMAD YOSUF WARDAK

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Nature de l’affaire

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision d’exclusion rendue le 4 août 2022 par la Section d’appel des réfugiés [la SAR] [la mesure d’exclusion]. Cette dernière a confirmé la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SPR] avait conclu que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger, au motif qu’il existait des raisons sérieuses de penser qu’il était complice de crimes contre l’humanité.

II. Faits

[2] Le demandeur est un citoyen afghan de 53 ans.

[3] Le demandeur s’est enrôlé dans l’armée afghane en 1986, lorsqu’il avait 16 ans, en tant que cadet de la brigade de la garde présidentielle [la GP] sous le régime marxiste instauré par l’Union soviétique après son invasion de l’Afghanistan. De 1987 à 1992, le demandeur a participé à le formation des nouvelles recrues pour la GP et la garde spéciale [la GS]. Il a quitté l’armée alors qu’il détenait le grade de major, après la chute du régime marxiste en 1992, en raison du climat politique instable et de la sécurité précaire. Il avait 22 ans.

[4] Finalement, les talibans ont pris le contrôle de l’Afghanistan en 1996.

[5] En 2001, après que l’OTAN a chassé les talibans, le demandeur s’est enrôlé dans les forces de sécurité nationale afghanes [les FSNA]. Il a ensuite continué à travailler avec les FSNA en tant qu’instructeur offrant de la formation de base aux soldats.

[6] En 2018, en raison du nombre croissant de menaces à la sécurité des fonctionnaires et de menaces directement adressées à sa famille par les talibans, le demandeur a obtenu le poste de représentant militaire pour l’Afghanistan et a déménagé en Belgique avec sa famille.

[7] Malgré son déménagement, le demandeur a supposé qu’il serait rappelé en Afghanistan compte tenu de l’aggravation de la situation au pays. Pour cette raison, en novembre 2019, sa famille et lui ont quitté la Belgique pour les États-Unis munis de visas qu’ils avaient obtenus auparavant. Le même mois, ils ont traversé la frontière pour se rendre au Canada et y ont demandé l’asile.

[8] Il est important de souligner que la SPR a accueilli les demandes d’asile de l’épouse et des enfants du demandeur, compte tenu de la possibilité sérieuse qu’ils soient persécutés en Afghanistan. Ils peuvent rester au Canada.

[9] La SPR a toutefois conclu que le demandeur était exclu du régime canadien de protection des réfugiés au motif qu’il existait des raisons sérieuses de penser qu’il a été complice de crimes contre l’humanité lorsqu’il était dans les forces armées afghanes à l’époque du régime marxiste instauré par l’Union soviétique entre 1986 et 1992.

[10] Si la mesure d’exclusion prise par la SPR et confirmée par la SAR est maintenue, le demandeur risque donc d’être renvoyé du Canada et de devoir retourner en Afghanistan.

III. Décision faisant l’objet du contrôle

[11] Tout au long des présents motifs, je désigne la garde présidentielle et la garde spéciale du gouvernement marxiste en place entre 1986 et 1992 sous les appellations « GP » et « GS ». La GP et la GS étaient toutes deux des organisations centrales sous l’égide des forces de sécurité de l’Afghanistan qui était alors un État marxiste. J’appelle l’entité des forces de sécurité de l’État le « K/W ».

[12] Au bout du compte, la SAR a conclu que la SPR avait débouté à bon droit le demandeur de sa demande d’asile au Canada, étant donné qu’il existait des raisons sérieuses de penser qu’il avait été complice de crimes contre l’humanité pendant son service au sein de la GP et de la GS, qui soutenaient toutes deux le K/W par leurs diverses activités.

[13] Il convient de souligner que la SAR a conclu que le demandeur n’avait pas directement commis des crimes contre l’humanité. De même, personne ne dit que le demandeur, dans le cadre de son travail d’instructeur, a enseigné des méthodes pour commettre des crimes contre l’humanité, comme la torture ou l’exécution.

A. Politique de l’organisation visant à commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité

[14] Compte tenu des divergences, des incohérences et des réponses évasives du demandeur dans son témoignage et ses éléments de preuve, la SAR a confirmé que la SPR avait raison de se fonder sur la preuve objective sur la situation dans le pays concernant la GP, la GS et le K/W, plutôt qu’au témoignage et aux éléments de preuve du demandeur.

[15] La SAR a conclu que les sévices, la torture et les exécutions extrajudiciaires dont le K/W était responsable faisaient partie de la procédure opérationnelle normale du K/W et constituaient par conséquent une politique. Elle a en outre conclu qu’il existait des raisons sérieuses de penser que la GS avait été créée pour permettre au K/W de réaliser l’objectif de l’organisation et que, par conséquent, la GS prenait part aux violations des droits de la personne et aux crimes contre l’humanité commis par l’État marxiste. Selon la SAR, si la GS réalisait cet objectif, elle faisait la promotion de la même politique que celle du K/W.

B. Statut de la GP à titre d’unité « non opérationnelle »

[16] La SAR a rejeté en totalité l’argument du demandeur selon lequel le fait que la GP était considérée comme une unité « non divisionnaire » du K/W la rendait assimilable à une unité non opérationnelle de soutien, que le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés [le HCR] n’associe pas à des violations des droits de la personne. La SAR n’a rien trouvé qui soutient objectivement cet argument. Selon la SAR, les observations du demandeur à cet égard font fi de la preuve objective, ce qui a donné lieu à des conclusions illogiques hors contexte. Plus précisément, la SAR a fait remarquer que, dans la liste des unités « non divisionnaires », il y avait plusieurs brigades blindées, brigades mécanisées, brigades parachutistes, brigades d’artillerie et brigades de commandos. La SAR a estimé qu’il était peu probable que de grands groupes de soldats dénommés de la sorte soient des unités « non opérationnelles » simplement parce qu’ils ne font pas partie de l’une des divisions énumérées et que, pour cette raison, ils sont désignés comme « non divisionnaires ».

[17] La SAR a en outre conclu que le HCR avait également répertorié plusieurs unités non opérationnelles de soutien englobant notamment l’administration, la propagande, le personnel et les télécommunications. Elle a fait remarquer que la formation des soldats et des officiers n’en faisait pas partie. Par conséquent, la SAR a rejeté l’affirmation du demandeur selon laquelle les unités non divisionnaires sont assimilables aux unités non opérationnelles. Elle a donc conclu que la GP était une unité opérationnelle créée afin de mener des opérations offensives et défensives visant à protéger le régime contre les insurrections par tous les moyens nécessaires, de sorte qu’elle faisait partie intégrante du K/W.

C. Rôle et mission de la GS

[18] De même, la SAR a rejeté l’affirmation du demandeur selon laquelle il avait rejoint la GS du fait qu’elle était non divisionnaire, c’est-à-dire non opérationnelle. Elle a jugé que cette affirmation était purement hypothétique.

[19] La SAR a également rejeté l’argument du demandeur selon lequel la GS n’avait pas participé à des crimes contre l’humanité ou à des crimes de guerre, car ce n’était pas sa politique. Selon la SAR, la GS faisait partie du K/W et avait l’obligation de promouvoir la politique brutale de l’organisation marxiste, de sorte que cette politique devenait également la sienne.

[20] De plus, après avoir évalué un nombre important de renseignements de sources ouvertes provenant des Nations Unies, du Conseil de l’Union européenne, de Human Rights Watch, d’Amnistie internationale, de diverses organisations non gouvernementales, de revues universitaires et de médias, qui décrivaient les violations des droits de la personne commises par les membres de la GP et de la GS, la SAR a conclu qu’il y avait des raisons sérieuses de penser que la GS avait commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité et qu’elle était coupable de violations des droits de la personne.

[21] La SAR a aussi souligné que le demandeur avait admis être vaguement au courant de possibles violations des droits de la personne par la GS, mais d’aucun cas précis.

[22] Quoi qu’il en soit, à l’issue de son propre examen, la SAR a conclu que la GP et la GS étaient des composantes opérationnelles importantes du K/W et que leur culpabilité pour les crimes contre l’humanité découlait non pas d’une simple affiliation ou association, mais d’une participation active à la politique de l’organisation de sécurité de l’État K/W consistant à commettre des crimes contre l’humanité.

D. Complicité

(1) Caractère volontaire

[23] En appliquant la notion de complicité axée sur la contribution énoncée dans l’arrêt Ezokola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CSC 40, la SAR a confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle la contribution du demandeur était volontaire.

[24] Le demandeur ne conteste pas cette conclusion.

(2) Connaissance

[25] De même, la SAR a conclu qu’il était peu probable que des officiers hauts gradés, comme le demandeur (un major), n’aient pas eu connaissance des violations des droits de la personne commises autour d’eux. Plus précisément, la SAR a renvoyé à un rapport des Nations Unies dans lequel il était indiqué que les méthodes brutales employées par le K/W étaient bien connues en Afghanistan et à l’extérieur du pays. Selon la SAR, il est inconcevable qu’à l’époque, une personne travaillant au sein de ces services, c’est-à-dire la GP et la GS, n’ait pas été au fait des graves violations des droits de la personne qui étaient commises. Elle a conclu que la SPR avait conclu à juste titre qu’il y avait des raisons sérieuses de penser que le demandeur était au courant des violations des droits de la personne et des crimes contre l’humanité perpétrés par le K/W, en vue de servir les fins brutales de l’organisation marxiste, ou qu’il avait fait preuve d’aveuglement volontaire à cet égard.

[26] Le demandeur n’a pas contesté cette conclusion.

(3) Contribution importante

[27] La SAR renvoie à la décision Canada (Citoyenneté et de l’Immigration) c Zamora, [2007] DSI no 3 (QL), où la Section de l’immigration [la SI] a conclu qu’un instructeur (à l’instar du demandeur) avait soutenu les visées criminelles de l’État, notamment les crimes contre l’humanité, et y avait participé :

[71] […] Les soldats qu’il entraînait devenaient, grâce à lui, aptes à joindre les rangs de l’armée et à contribuer à la réalisation des objectifs militaires qui, comme nous l’avons vu, reposaient sur la perpétration de crimes contre l’humanité. Par conséquent, même s’il s’est contenté de former de nouvelles recrues, M. Zamora a soutenu les visées criminelles de l’armée et a, par le fait même, partagé les objectifs des officiers supérieurs et du gouvernement.

[28] La SAR a rejeté l’argument du demandeur selon lequel la preuve du ministre repose sur la supposition qu’il a entraîné ses cadets d’une manière contraire au droit international. Elle a souligné que le contenu de la formation n’était pas en cause, car personne n’a laissé entendre que le demandeur avait enseigné des méthodes pour commettre des crimes contre l’humanité, comme la torture ou l’exécution. La SAR a plutôt estimé qu’il existait des raisons sérieuses de penser que bon nombre de ces cadets mettaient ensuite en pratique leur formation pour se défendre contre les insurgés et commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité dans l’exercice de leurs fonctions militaires. Par conséquent, selon la SAR, bien que la contribution du demandeur ait peut-être été indirecte, elle était importante au sein des services de sécurité de l’État qui exécutaient leur mission.

[29] Pour résumer, la SAR a estimé que la SPR avait conclu à juste titre que le demandeur avait largement contribué à la réalisation des objectifs criminels du K/W, car il s’agissait bien plus que d’une simple association ou d’un acquiescement passif, puisqu’il était chargé de former les officiers et soldats qui commettaient des crimes contre l’humanité.

IV. Questions en litige

[30] Le demandeur soulève les questions suivantes :

  • 1)Quelle est la portée du droit en matière de crimes contre l’humanité?

  • 2)La SAR a-t-elle commis une erreur en concluant que la brigade de la garde présidentielle, la garde spéciale ou nationale et l’armée nationale afghane avaient pris part aux violations des droits de la personne du K/W?

  • 3)Le demandeur a-t-il été complice de crimes contre l’humanité?

  • 4)La décision de la SAR était-elle raisonnable?

[31] Pour sa part, le défendeur soulève les questions suivantes :

  • 1)La SAR a-t-elle mal compris le rôle de la GP et de la GS au sein du K/W ou a-t-elle commis une erreur en jugeant le demandeur coupable par association en raison de son appartenance à la GP et à la GS?

  • 2)La conclusion selon laquelle le demandeur était complice de crimes contre l’humanité était-elle raisonnable?

  • 3)La politique d’un État ou d’une organisation est-elle une condition obligatoire pour que la Cour puisse conclure à la complicité à des crimes de guerre ou à des crimes contre l’humanité?

[32] La question consiste à savoir si la décision de la SAR est raisonnable.

V. Norme de contrôle

[33] La norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Dans l’arrêt Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67, rendu en même temps que l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] de la Cour suprême du Canada, les juges majoritaires, sous la plume du juge Rowe, expliquent les attributs que doit présenter une décision raisonnable et les exigences que doit respecter la cour de révision qui procède au contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable :

[31] La décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, par. 85). Par conséquent, lorsqu’elle procède au contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, « une cour de révision doit d’abord examiner les motifs donnés avec “une attention respectueuse”, et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à [l]a conclusion » (Vavilov, par. 84, citant Dunsmuir, par. 48). Les motifs devraient être interprétés de façon globale et contextuelle afin de comprendre « le fondement sur lequel repose la décision » (Vavilov, par. 97, citant Newfoundland Nurses).

[32] La cour de révision devrait se demander si la décision dans son ensemble est raisonnable : « ... ce qui est raisonnable dans un cas donné dépend toujours des contraintes juridiques et factuelles propres au contexte de la décision particulière sous examen » (Vavilov, par. 90). Elle doit se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, par. 99, citant Dunsmuir, par. 47 et 74, et Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 R.C.S. 5, par. 13).

[33] Lors d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, « [i]l incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable » (Vavilov, par. 100). La partie qui conteste la décision doit convaincre la cour de justice que « la lacune ou la déficience [invoquée] [...] est suffisamment capitale ou importante pour rendre [la décision] déraisonnable » (Vavilov, par. 100).

[Non souligné dans l’original.]

[34] Cela dit, la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov indique clairement que le rôle de notre Cour n’est pas d’apprécier à nouveau la preuve, à moins de « circonstances exceptionnelles ». Aucune circonstance de ce type n’existe en l’espèce. La Cour suprême du Canada donne les instructions suivantes :

[125] Il est acquis que le décideur administratif peut apprécier et évaluer la preuve qui lui est soumise et qu’à moins de circonstances exceptionnelles, les cours de révision ne modifient pas ses conclusions de fait. Les cours de révision doivent également s’abstenir « d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur » : CCDP, par. 55; voir également Khosa, par. 64; Dr Q, par. 41-42. D’ailleurs, bon nombre des mêmes raisons qui justifient la déférence d’une cour d’appel à l’égard des conclusions de fait tirées par une juridiction inférieure, dont la nécessité d’assurer l’efficacité judiciaire, l’importance de préserver la certitude et la confiance du public et la position avantageuse qu’occupe le décideur de première instance, s’appliquent également dans le contexte du contrôle judiciaire : voir Housen, par. 15-18; Dr Q, par. 38; Dunsmuir, par. 53.

[Non souligné dans l’original.]

[35] En outre, dans l’arrêt Doyle c Canada (Procureur général), 2021 CAF 237, la Cour d’appel fédérale conclut que le rôle de notre Cour n’est pas de soupeser et d’évaluer à nouveau les éléments de preuve et de les remettre en question :

[3] La Cour fédérale avait tout à fait raison d’agir ainsi. Selon ce régime législatif, le décideur administratif, en l’espèce le directeur, examine seul les éléments de preuve, tranche les questions d’admissibilité et d’importance à accorder à la preuve, détermine si des inférences doivent en être tirées, et rend une décision. Lorsqu’elle effectue le contrôle judiciaire de la décision du directeur en appliquant la norme de la décision raisonnable, la cour de révision, en l’espèce la Cour fédérale, peut intervenir uniquement si le directeur a commis des erreurs fondamentales dans son examen des faits, qui minent l’acceptabilité de la décision. Soupeser à nouveau les éléments de preuve ou les remettre en question ne fait pas partie de son rôle. S’en tenant à son rôle, la Cour fédérale n’a relevé aucune erreur fondamentale.

[4] En appel, l’appelant nous invite essentiellement dans ses observations écrites et faites de vive voix à soupeser à nouveau les éléments de preuve et à les remettre en question. Nous déclinons cette invitation.

[Non souligné dans l’original.]

VI. Analyse

A. Contexte

[36] Avant d’examiner les arguments des parties, je donnerai un aperçu du droit régissant l’article 1Fa) de la Convention relative au statut des réfugiés, qui précise notamment que ses dispositions « ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser [...] [q]u’elles ont commis [...] un crime contre l’humanité » :

Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

a) Qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes; [...]

[37] L’article 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] repose sur ce principe : les personnes à l’égard desquelles il existe des raisons sérieuses de penser qu’elles ont commis des crimes contre l’humanité ne peuvent avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger :

Exclusion par application de la Convention sur les réfugiés

98 La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

Exclusion — Refugee Convention

98 A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

[38] Comme le demandeur le fait remarquer, dans l’arrêt Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, la Cour suprême du Canada a conclu qu’un acte criminel n’est considéré comme un crime contre l’humanité que lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) un acte prohibé énuméré a été commis;

b) l’acte a été commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique;

c) l’attaque était dirigée contre une population civile ou un groupe identifiable;

d) l’auteur de l’acte prohibé était au courant de l’attaque ou a couru le risque que son acte s’inscrive dans le cadre de cette attaque.

[39] De plus, la responsabilité criminelle dont il est question à l’article 1Fa) de la Convention ne se limite pas à l’auteur d’un crime. La complicité constitue le principal point de discorde dans l’application de cette disposition. Dans l’arrêt Ezokola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CSC 40, la Cour suprême du Canada établit un critère à trois volets selon lequel la complicité doit être volontaire, significative et consciente :

J. Resserrement du critère appliqué au Canada en matière de complicité

[84] Compte tenu de ce qui précède, il devient nécessaire de clarifier la notion de complicité aux fins de l’application de l’art. 1Fa). Pour refuser l’asile à un demandeur sur le fondement de cette disposition, il doit exister des raisons sérieuses de penser qu’il a volontairement contribué de manière significative et consciente aux crimes ou au dessein criminel d’une organisation.

[85] Nous examinons chacune des caractéristiques clés de cette notion de complicité axée sur la contribution. Il s’agit à notre avis de conditions propres à empêcher un décideur d’élargir la notion indûment et de conclure à la complicité d’une personne pour simple association ou acquiescement passif.

(1) Caractère volontaire de la contribution aux crimes ou au dessein criminel

[86] Il va sans dire que la contribution au crime ou au dessein criminel doit être volontaire. Cette caractéristique n’est pas contestée en l’espèce, mais on peut aisément concevoir le cas d’un individu qui aurait été complice d’un crime de guerre sans avoir vraiment eu le choix d’y participer. Pour déterminer le caractère volontaire ou non d’une contribution, le décideur doit par exemple tenir compte du mode de recrutement de l’organisation et des possibilités de quitter celle-ci. L’exigence du caractère volontaire permet au demandeur d’invoquer la contrainte, un moyen de défense effectivement reconnu en droit pénal international coutumier, ainsi qu’à l’art. 31(1)d) du Statut de Rome : Cassese’s International Criminal Law, p. 215-216.

(2) Contribution significative aux crimes ou au dessein criminel

[87] Selon nous, la simple association devient complicité coupable aux fins de l’art. 1Fa) lorsqu’une personne apporte une contribution significative aux crimes ou au dessein criminel d’un groupe. Comme l’affirme le lord juge Brown dans J.S., l’existence du lien requis entre la personne et le comportement criminel du groupe n’exige pas que la contribution de l’accusé [traduction] « vise la perpétration de crimes identifiables précis »; elle peut viser un « dessein commun plus large, comme la réalisation de l’objectif d’une organisation par tous les moyens nécessaires, y compris la commission de crimes de guerre » : par. 38. Cette interprétation de l’art. 1Fa) s’accorde avec la reconnaissance par le droit pénal international de la participation collective et indirecte aux crimes en question, ainsi qu’avec le par. 21(2) du Code criminel du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-46, qui impute une responsabilité pénale à quiconque prête son concours à la réalisation d’une fin commune illégale.

[88] Étant donné que toute forme ou presque de contribution apportée à un groupe peut être considérée comme favorisant la réalisation de son dessein criminel, le degré de contribution doit être soupesé avec soin. L’exigence voulant que la contribution soit significative se révèle cruciale afin d’éviter un élargissement déraisonnable de la notion de participation criminelle en droit pénal international.

(3) La contribution consciente aux crimes ou au dessein criminel

[89] Pour être complice de crimes gouvernementaux, un fonctionnaire doit être au courant de leur perpétration ou du dessein criminel du gouvernement et savoir que son comportement facilitera la perpétration des crimes ou la réalisation du dessein criminel.

[90] Nous estimons que cette approche est conforme au type de mens rea exigé à l’art. 30 du Statut de Rome. L’article 30(1) dispose en effet que « nul n’est pénalement responsable et ne peut être puni à raison d’un crime relevant de la compétence de la [CPI] que si l’élément matériel du crime est commis avec intention et connaissance ». L’article 30(2)a) précise qu’il y a intention chez une personne lorsqu’elle « entend adopter [l]e comportement ». En ce qui concerne les conséquences, l’art. 30(2)b) exige que la personne « entend[e] causer cette conséquence ou [soit] consciente que celle‑ci adviendra dans le cours normal des événements ». Suivant l’art. 30(3), il y a connaissance lorsqu’une « personne est consciente qu’une circonstance existe ou qu’une conséquence adviendra dans le cours normal des événements ».

(4) L’application du critère

[91] L’existence de raisons sérieuses de penser qu’une personne a commis des crimes internationaux dépend des faits de chaque affaire. Dès lors, pour déterminer si les actes d’un individu correspondent à l’actus reus et à la mens rea exigés pour qu’il y ait complicité, plusieurs considérations peuvent se révéler utiles. L’énumération qui suit rassemble celles retenues par les tribunaux canadiens et britanniques, de même que par la CPI. Elle permet de baliser l’analyse visant à déterminer si une personne a ou non volontairement apporté une contribution significative et consciente à un crime ou à un dessein criminel :

(i) la taille et la nature de l’organisation;

(ii) la section de l’organisation à laquelle le demandeur d’asile était le plus directement associé;

(iii) les fonctions et les activités du demandeur d’asile au sein de l’organisation;

(iv) le poste ou le grade du demandeur d’asile au sein de l’organisation;

(v) la durée de l’appartenance du demandeur d’asile à l’organisation (surtout après qu’il a pris connaissance de ses crimes ou de son dessein criminel);

(vi) le mode de recrutement du demandeur d’asile et la possibilité qu’il a eue ou non de quitter l’organisation.

Voir Ryivuze, par. 38; J.S., par. 30; Mbarushimana, décision relative à la confirmation des charges, par. 284.

[Souligné dans l’original.]

B. Observations des parties et analyse

(1) La GP et la GS ont-elles participé à des crimes contre l’humanité?

[40] Le demandeur prétend que la SAR a commis une erreur en concluant que la GP et la GS prenaient part à des activités s’inscrivant dans un plan visant à commettre des crimes contre l’humanité. Il fait valoir qu’aucun élément de preuve direct ne démontre que la GP ou la GS participaient à ces actes. Le demandeur estime que la SAR a confondu la preuve avec celle liée au K/W et a conclu que toute personne ou tout groupe associé au K/W est coupable, par simple association, de crimes contre l’humanité. Plus précisément, le demandeur soutient qu’il n’existe aucune preuve objective démontrant que la GP ou la GS avaient une politique ou un plan visant à commettre des crimes contre l’humanité. En outre, le demandeur rappelle que ces unités sont considérées comme non divisionnaires et fait précisément remarquer qu’elles ont été créées pour faire respecter la discipline et maintenir un équilibre au sein des différentes sections de l’armée. Sur ce point, il affirme que la SAR n’a pas examiné l’intégralité de la liste figurant dans le rapport du HCR concernant les unités non opérationnelles de soutien. Il fait remarquer que la liste comportait des « cadres et des membres du personnel », c’est‑à‑dire des personnes qui forment du personnel.

[41] À cet égard, les conclusions de la SAR sont, à mon humble avis, soit des conclusions de fait, soit des conclusions où les faits dominent largement. La SAR est parvenue à ces conclusions après avoir apprécié la preuve et en avoir tiré des inférences. Comme je le mentionne plus haut, tant la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov que la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Doyle ont décidé qu’il n’appartenait pas à notre Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire d’apprécier à nouveau la preuve ou de remettre en question la SAR à cet égard, à moins de circonstances exceptionnelles. En l’espèce, aucune circonstance exceptionnelle ne s’applique. Cela dit, je renvoie ci‑après à ces conclusions.

[42] Le demandeur soutient aussi que son témoignage aurait dû être retenu au lieu de la preuve objective concernant la situation dans le pays sur laquelle la SPR et la SAR se sont appuyées. Il fait valoir que son témoignage était sincère et juste et que rien dans le dossier du défendeur ou dans le raisonnement de la SAR n’indique le contraire. N’en déplaise au demandeur, je ne puis souscrire à cet aspect de son argument, car il est sans fondement. La SPR, qui a entendu le témoignage du demandeur, a jugé que ses déclarations comportaient des divergences, des incohérences et des réponses évasives qui minaient [traduction] « son témoignage relatif à ses connaissances du lien entre la GP, la GS et le K/W, qui étaient des organisations contrôlées par le KGB soviétique et animées d’un dessein circonscrit et brutal visant à maintenir à tout prix le régime marxiste, et de leur rôle ». Au terme de son propre examen, la SAR a aussi fait remarquer que le témoignage concernant la GP et la GS manquait de franchise et a souscrit à « l’impression de la SPR quant au fait que M. W n’a[vait] pas été tout à fait franc dans son témoignage sur les activités de ces entités. Selon [elle], il n’[était] pas surprenant que M. W ait hésité à admettre qu’il en savait davantage au sujet des sinistres activités décrites dans la preuve objective ».

[43] La SPR et la SAR ont jugé ces divergences, ces incohérences et ces réponses évasives si préoccupantes qu’elles ont accordé davantage de poids à la preuve objective sur la situation dans le pays concernant les activités des différentes entités examinées, plutôt qu’au témoignage du demandeur. Il était tout à fait raisonnable de la part de la SAR de parvenir à cette conclusion. Il est d’ailleurs bien établi que ces conclusions, que la SAR a jugées correctes après son examen indépendant, ressortissent à l’expertise de la SPR. Je ne suis pas convaincu que l’évaluation de la SAR sur ce point comporte une erreur susceptible de contrôle. Les contraintes juridiques à cet égard sont résumées dans la décision Khakimov c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 18, au paragraphe 23 :

[…] Pour commencer, la SPR a un vaste pouvoir discrétionnaire qui lui permet de retenir certains éléments de preuve plutôt que d’autres, et de déterminer le poids à accorder à ceux qu’elle retient : Medarovik c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 61, au paragraphe 16; Pushpanathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 867, au paragraphe 68. La Cour d’appel fédérale a statué que les conclusions de fait et les conclusions sur la crédibilité constituaient l’essentiel de l’expertise de la SPR : Giron c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 143 NR 238 (CAF). La SPR est reconnue en tant que tribunal spécialisé à l’égard des revendications du statut de réfugié et elle est statutairement autorisée à appliquer sa spécialisation : Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 805, au paragraphe 10. Et dans l’arrêt Siad c Canada (Secrétaire d’État), [1997] 1 CF 608, au paragraphe 24 (CAF), la Cour d’appel fédérale a indiqué que la SPR :

[…] se trouve dans une situation unique pour apprécier la crédibilité d’un demandeur du statut de réfugié. Les décisions quant à la crédibilité, qui constituent « l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits » doivent recevoir une déférence considérable à l’occasion d’un contrôle judiciaire, et elles ne sauraient être infirmées à moins qu’elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve.

[44] De plus, à cet égard, le demandeur souhaite que la Cour réexamine et remette en question les conclusions de la SAR et, dans une certaine mesure, de la SPR. Or, comme le dit la Cour d’appel fédérale, cet exercice ne fait partie du rôle de notre Cour dans le cadre du contrôle judiciaire, à moins de circonstances exceptionnelles qui ne s’appliquent pas en l’espèce.

[45] Le demandeur affirme également que, conformément à l’arrêt Maldonado c Le ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1980] 2 CF 302 (CAF), dans les cas où le défendeur n’a présenté aucune preuve qui contredisait sa déclaration selon laquelle il ne participait pas à des combats et jouait un rôle « protocolaire », son argument devrait être retenu.

[46] N’en déplaise au demandeur, cette présomption est évidemment réfutée et ne s’applique pas non plus, compte tenu des conclusions concernant le manque de franchise tirées par la SAR et des divergences, incohérences et réponses évasives constatées par la SPR.

[47] Le demandeur soutient que la SAR a eu tort de conclure que la GP était une organisation dont la politique était de commettre des crimes contre l’humanité. Il présente des arguments similaires en ce qui concerne le rôle et les activités de la GS, en invoquant l’absence générale de preuve établissant l’existence d’une politique ou d’un plan favorable aux sévices.

[48] En tout respect, je ne puis retenir ces arguments. À mon humble avis, la SAR a raisonnablement appliqué les contraintes juridiques aux éléments de preuve dont elle disposait.

[49] La SAR a examiné la preuve objective sur la situation dans le pays ainsi que le dossier et a conclu que la politique organisationnelle du K/W était de commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Fait important, la SAR a rejeté l’argument du demandeur selon lequel la GP était simplement une unité non opérationnelle ou de soutien et a conclu que le rôle de la GS ne se limitait pas à resserrer la discipline au sein du K/W. Sur cette question, le différend portait sur l’article du HCR concernant les unités « non opérationnelles » et l’article d’opinion de M. Antonio Giustozzi invoqué par le demandeur. Après un examen indépendant de ces deux articles, la SAR a raisonnablement conclu que la GP et la GS n’étaient pas comprises dans la liste du HCR. Il n’appartient pas à la Cour d’apprécier à nouveau les faits qui sous-tendent ces conclusions, et je décline l’invitation du demandeur à cet égard.

[50] Plus précisément, la SAR a également conclu que le rôle de la GS, qui comprenait le contrôle politique et consistait à réprimer l’insubordination et la mutinerie, allait au-delà de la « discipline ».

(2) Complicité

[51] Pour trancher la question de la complicité du demandeur, le décideur doit apprécier les éléments de preuve et tirer des inférences à la lumière des contraintes juridiques ou, au mieux, tirer une conclusion largement fondée sur les faits, là encore à la lumière des contraintes juridiques. Je ne suis pas convaincu de la nécessité de réexaminer ou de remettre en question les conclusions de la SAR, surtout en l’absence de circonstances exceptionnelles.

a) Sa contribution était-elle volontaire?

[52] Cela dit, je suis d’avis que la SAR a raisonnablement conclu que la contribution du demandeur aux activités de la GP et de la GS était volontaire, ce que le demandeur n’a pas contesté.

b) Sa participation était-elle consciente?

[53] La SAR a aussi raisonnablement conclu que la participation du demandeur au sein de ces organisations était consciente, ce que le demandeur n’a pas non plus contesté. Elle conclut notamment :

[35] Selon la SPR, il n’était pas crédible que M. W n’ait pas été au courant du fait qui était notoire partout au pays selon lequel le K/W commettait en toute impunité des violations des droits de la personne au nom du régime. La SPR a souligné que M. W avait formé des recrues près du centre de détention du K/W à Kaboul, siège de la direction responsable de l’élimination des groupes antigouvernementaux et de dizaines d’exécutions extrajudiciaires commises à la suite de la tentative de coup d’État de mars 1990. Le tribunal a mis en doute l’affirmation de M. W selon laquelle il n’était pas au courant des mauvais traitements soutenus, vu sa proximité du lieu où ils étaient commis.

[36] Dans son mémoire, le demandeur ne conteste pas la conclusion qui précède, et je conviens qu’il est peu probable qu’un haut gradé comme M. W n’ait pas eu connaissance des violations des droits de la personne commises près de lui. Selon le rapport des Nations Unies, les méthodes brutales utilisées par le K/W étaient bien connues en Afghanistan et à l’extérieur du pays, de sorte qu’il est inconcevable qu’une personne travaillant au sein de ces services, peu importe le niveau de son poste, n’ait pas été au fait des graves violations des droits de la personne qui étaient commises.

[37] Les agents du K/W employaient des méthodes de torture tout bonnement dignes du Moyen Âge, notamment l’application de fers rouges, la mutilation génitale, l’extraction des ongles, l’application de décharges électriques, les brûlures de cigarettes, la noyade, le viol, la privation de sommeil et la suspension à des crochets fixés au plafond. Tous les moyens possibles, peu importe leur degré de cruauté, étaient autorisés dans le cadre de la lutte pour la préservation du régime marxiste.

[38] Selon les estimations, jusqu’à 50 000 Afghans ont perdu la vie, la plupart sous la torture pratiquée par les services de sécurité. Ni les officiers ni les sous-officiers ne pouvaient exercer leurs fonctions au sein du K/W s’ils n’étaient pas disposés à prendre part aux violations systématiques des droits de la personne commises par les organisations en question, ce qui donne à penser qu’ils étaient tous actifs au sein des sinistres sections du K/W impliquées dans ces violations.

[39] La SPR a eu raison de conclure qu’il y avait des raisons sérieuses de penser que M. W était au courant des violations des droits de la personne commises par le K/W dans la poursuite des fins brutales de l’organisation ou qu’il avait fait preuve d’aveuglement volontaire à l’égard de ces violations.

c) Sa participation était-elle importante?

[54] Fait à noter, et là encore suivant la démarche énoncée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Ezokola, la SAR a analysé la participation du demandeur et l’a jugée importante. Après avoir procédé à un examen indépendant du dossier, elle conclut :

[40] La SPR a examiné la question de savoir si la contribution de M. W aux fins brutales du K/W était significative, et elle a jugé que ses actes – la formation de soldats – constituaient une contribution importante à la réalisation continue de l’objectif du K/W, soit la préservation et le maintien à tout prix d’un régime brutal. Le tribunal a estimé qu’il y avait des raisons sérieuses de penser que la formation d’officiers et de soldats en vue de prévenir les tentatives de coup d’État avait contribué de façon significative à la réalisation des fins brutales du K/W.

[41] La Cour fédérale s’est penchée sur l’argument selon lequel M. W n’était qu’un formateur et n’avait donc pas été mêlé aux violations des droits de la personne commises par l’organisation aux fins brutales. Dans l’affaire Zamora, elle a conclu que le demandeur avait formé des soldats qui « devenaient [...] aptes à joindre les rangs de l’armée et à contribuer à la réalisation des objectifs militaires qui [...] reposaient sur la perpétration de crimes contre l’humanité », et que, même « s’il s’est contenté de former de nouvelles recrues [il] a soutenu les visées criminelles de l’armée et a, par le fait même, partagé les objectifs des officiers supérieurs et du gouvernement ».

[42] Selon une autre source objective, le K/W mettait à l’épreuve la loyauté et la combativité de ses officiers nouvellement recrutés en les obligeant à espionner leur famille, à arrêter et à torturer des amis et des connaissances, et à éliminer des ennemis réels ou présumés du régime marxiste.

[43] Selon le mémoire [du demandeur], l’argument du ministre repose sur la supposition que M. [W] entraînait ses cadets d’une manière qui contrevenait au droit international. Je ne conviens pas que la teneur de la formation posait problème, car personne n’a laissé entendre que M. W enseignait des méthodes de torture ou d’exécution. Cependant, il y a des raisons sérieuses de penser que bon nombre de ces cadets mettaient ensuite en pratique leur formation pour assurer une défense contre les insurgés et commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité dans le cadre de leurs fonctions militaires. Le K/W était connu pour les mauvais traitements qu’il infligeait aux civils qu’il percevait comme des opposants au régime, et il y a des raisons sérieuses de penser que M. W a formé bon nombre des personnes qui ont commis ces crimes. Sa contribution a peut-être été indirecte, mais j’estime qu’elle a joué un rôle significatif pour ce qui est d’aider le K/W à exécuter son mandat.

[44] J’estime que la SPR a eu raison de conclure que M. W avait contribué à la réalisation du dessein criminel du K/W d’une façon significative qui allait au‑delà de la simple association ou de l’acquiescement passif, car il était responsable de la formation d’officiers et de soldats qui ont commis des crimes contre l’humanité.

[55] Dans ces circonstances, j’estime qu’il était raisonnable pour la SAR de conclure que la GP et la GS faisaient partie intégrante des forces de sécurité du gouvernement marxiste imposé par l’Union soviétique et que toutes deux contribuaient donc à leur politique de violations des droits de la personne et de crimes contre l’humanité.

[56] Je rejette l’affirmation du demandeur selon laquelle il ne pouvait pas être complice si la GP ou la GS ne commettait pas directement des crimes contre l’humanité ou n’avait pas cette politique. La question ou le critère à appliquer en l’espèce n’est pas de savoir si le demandeur a directement commis des crimes contre l’humanité. La Cour est appelée à conclure, au vu de la preuve, s’il existe « des raisons sérieuses de penser » que le demandeur était complice de crimes contre l’humanité. La SPR et la SAR ont raisonnablement conclu que le demandeur était complice.

[57] De plus, l’argument du demandeur selon lequel ni la GP ni la GS n’avaient une politique visant à commettre des crimes contre l’humanité n’est pas fondé. C’est plutôt l’inverse : il a été jugé que les deux avaient cette politique. En l’espèce, le demandeur souhaite que la Cour apprécie à nouveau les éléments de preuve et les témoignages dans leur ensemble, notamment les siens. Or, comme je le mentionne plus haut, cet exercice ne relève pas de la Cour dans le cadre du contrôle judiciaire.

[58] De manière plus générale, le demandeur soutient que, selon la décision Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Verbanov, 2021 CF 507 [Verbanov] de notre Cour, rendue par mon collègue le juge Grammond, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998, RTNU, vol 2187, no I-3854 [le Statut de Rome], entré en vigueur le 17 juillet 1998, s’applique à l’espèce. Il avance cet argument en partie parce que la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, LC 2000, c 24 renvoie expressément au Statut de Rome en ce qui concerne la définition des crimes contre l’humanité, et l’incorpore dans le droit canadien.

[59] Plus précisément, le demandeur affirme que l’exigence figurant dans le Statut de Rome selon laquelle il doit y avoir une politique en ce qui a trait aux crimes contre l’humanité doit s’appliquer en l’espèce. Aux termes de l’article 7 du Statut de Rome, la personne concernée doit faire partie d’une organisation qui a une politique ayant pour but de commettre des crimes contre l’humanité. De l’avis du demandeur, le défendeur doit donc prouver que la GP ou la GS suivaient un plan visant à violer les droits de la personne.

[60] Cet argument est dénué de fondement pour plusieurs raisons.

[61] Premièrement, et comme je le mentionne plus haut, la SAR a procédé à son propre examen et a conclu qu’il existait une telle politique au sein de la GP, de la GS et du K/W. Même si le demandeur ne souscrit pas à ces conclusions, il ne peut soutenir qu’aucune conclusion n’a été tirée quant à savoir si une telle politique était en vigueur. Plus précisément, sur cette question essentielle, la SAR a conclu que le K/W, la GP et la GS avaient comme politique de commettre des crimes contre l’humanité. Après son examen indépendant des éléments de preuve « abondants » concernant notamment les sévices, la torture et les exécutions extrajudiciaires, la SAR a conclu ce qui suit :

[15] Dans son mémoire, [le défendeur] soutient qu’il ne fait aucun doute que l’organisation aux fins limitées et brutales connue sous le nom de K/W avait pour politique de commettre des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre puisque son but était d’éliminer les activités antigouvernementales par tous les moyens nécessaires, y compris en commettant des crimes de ce genre. J’ai examiné les éléments de preuve abondants concernant les sévices, la torture et les exécutions extrajudiciaires dont le K/W s’était rendu responsable au cours de ces années, et je conviens avec le ministre que de telles tactiques faisaient manifestement partie de la procédure normale du K/W, et qu’elles constituent donc une politique.

[16] Selon le mémoire [du demandeur], les organisations particulières auxquelles M. W a appartenu, soit la GP et la GS, n’avaient pas une politique du genre de celle mentionnée ci-dessus. La question ici est de savoir dans quelle mesure la GP et la GS faisaient partie du K/W et contribuaient à la poursuite de la politique globalement brutale du K/W. Selon la preuve objective, l’importance de la police secrète du K/W a été particulièrement mise en évidence en 1988, lorsque la GS, nouvelle entité composée des meilleures troupes et dotée du meilleur équipement, a été placée sous le contrôle du service du renseignement. Au début de 1989, la création de la GS a permis d’accroître davantage l’effectif de 30 000 membres de la police secrète du K/W.

[17] Je conclus qu’il y a des raisons sérieuses de penser que la GS a assurément été créée pour contribuer à la réalisation de l’objectif de l’organisation brutale que constituait le K/W, et qu’elle a donc été impliquée dans la perpétration par le K/W de violations des droits de la personne. Selon moi, dans la mesure où la GS poursuivait cet objectif, elle faisait la promotion de la même politique que le groupe K/W, organisation dont elle faisait partie et à laquelle elle était assujettie.

[62] Deuxièmement, selon la jurisprudence établie jusqu’à maintenant, je ne suis pas convaincu que le Statut de Rome régisse la situation en l’espèce. Le Statut de Rome est entré en vigueur en 1998. Bien que celui‑ci ait été appliqué dans la décision Verbanov, cette décision portait sur des activités qui ont eu lieu entre 2007 et 2011, bien après l’entrée en vigueur du Statut de Rome et son introduction dans le droit canadien. En revanche, les activités du demandeur en l’espèce ont eu lieu entre 1987 et 1992, soit de dix à quinze ans avant l’entrée en vigueur du Statut de Rome et de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Selon moi, la décision Verbanov n’exige pas que le Statut de Rome s’applique rétroactivement ou rétrospectivement. Voir, par exemple, le paragraphe 26 :

[26] Il convient de noter que la Loi sur les crimes contre l’humanité n’invalide pas le critère à quatre volets établi dans l’arrêt Mugesera, dans la mesure où celui-ci est conforme au droit international en vigueur. En effet, on constate que le critère est encore appliqué dans des décisions récentes en matière d’interdiction de territoire en application de l’article 35(1)a) de la LIPR : voir, notamment les décisions Niyungeko c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 820, et Carrasco Varela c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 436, [2009] 1 RCF 605. Cependant, relativement aux actes commis après 1998, toute disparité entre le droit coutumier et le Statut de Rome doit être résolue en faveur de ce dernier.

[Non souligné dans l’original.]

[63] Troisièmement, dans l’arrêt Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 RCS 100 [Mugesera], la Cour suprême du Canada a indiqué qu’un crime pouvait constituer un crime contre l’humanité même s’il n’était pas commis conformément à une politique. Les faits dans l’affaire Mugesera se sont produits en 1992, également bien avant l’entrée en vigueur du Statut de Rome. Comme je le fais remarquer plus haut, et quoi qu’il en soit, les conclusions de la SAR selon lesquelles les entités en l’espèce ont adopté des politiques de crimes contre l’humanité sont raisonnables.

(3) Possible renvoi du Canada

[64] La Cour est consciente que, s’il est renvoyé en Afghanistan, le demandeur pourrait être exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution, y compris la mort aux mains des talibans, étant donné qu’il a collaboré avec des groupes alliés pendant la guerre contre le terrorisme menée en Afghanistan entre 2001 et 2018, et puisqu’il a aussi travaillé pour le gouvernement marxiste imposé par l’Union soviétique entre 1986 et 1992, ce qui a servi de fondement à la mesure d’exclusion en l’espèce.

[65] Le demandeur sollicite une plus grande protection procédurale à cet égard. Cependant, en tout respect, je ne peux conclure qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale ou aux règles de justice naturelle en l’espèce.

[66] Le demandeur soutient en outre que, s’il ne peut obtenir l’asile en raison de crimes contre l’humanité, il ne pourra bénéficier d’une dispense pour motifs d’ordre humanitaire, d’un examen des risques avant renvoi, ni d’autres mesures comme celles prévues à l’article 42 de la LIPR.

[67] Le défendeur affirme que cette question ne devrait pas être examinée :

[traduction]

Le 16 mars, la Cour a donné la directive orale suivante :

« La Cour souhaite savoir si le demandeur peut bénéficier d’une dispense pour motifs d’ordre humanitaire, d’un examen des risques avant renvoi, d’une dispense fondée sur l’intérêt national ou de toute autre mesure s’il n’obtient pas gain de cause ».

Le ministre est d’avis que la Cour ne devrait pas tenir compte de cette question lorsqu’elle examine si la décision de la Section d’appel des réfugiés (la SAR) est raisonnable. Comme la Cour le sait, dans le cadre de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, elle doit examiner si la décision de la SAR concernant la conclusion au sujet de l’article 1Fa) de la Convention est raisonnable. Par conséquent, il n’est pas pertinent et il est prématuré à ce stade d’examiner les procédures de renvoi ou les recours offerts au demandeur.

Cela dit, et compte tenu de la directive orale de la Cour, si la demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée, son exclusion du régime de protection des réfugiés au titre de l’article 1Fa) de la Convention et de l’article 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi) n’autorisera que la prise de mesures temporaires :

 Permis de séjour temporaire (PST) : si la demande de contrôle judiciaire est rejetée, le demandeur ne pourra pas demander de PST pendant une période de 12 mois, après quoi il pourra présenter une demande de PST afin d’obtenir un statut temporaire au Canada.

 Examen des risques avant renvoi (ERAR) : aux termes de l’alinéa 112(3)c) de la Loi, la demande ne sera examinée que sur la base des motifs suivants prévus à l’article 97 de la Loi : risque de torture, menace à sa vie ou risque de traitements ou peines cruels et inusités. Une décision favorable ne donnerait lieu qu’à un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi, et non à l’octroi du statut de personne protégée (c.-à-d. qu’elle ne lui conférerait pas le statut de résident permanent). Ainsi, le Canada est en mesure de se conformer à l’esprit de la Convention, qui exclut les personnes qui ne sont pas dignes d’une protection, tout en faisant respecter le principe de non-refoulement.

 Une demande de report du renvoi peut également être présentée si/lorsque le renvoi est prévu. Dans le cadre de cette procédure, le demandeur aura la possibilité de soulever toute question ou préoccupation qu’il pourrait avoir à l’égard du renvoi.

En clair, l’exclusion prévue à l’article 1Fa) de la Convention fait en sorte que le demandeur ne peut présenter une demande de statut de résident permanent pour considérations d’intérêt public ou d’ordre humanitaire. À l’heure actuelle, le paragraphe 25.2(1) de la LIPR ne prévoit aucun motif d’intérêt public qui permettrait un examen de ce type au vu des faits de l’affaire. De plus, depuis le 20 juin 2013, aucune dispense au titre des articles 34, 35 ou 37 de la LIPR ne peut être accordée pour des demandes fondées sur des considérations d’ordre humanitaire.

De même, si le demandeur est exclu aux termes de l’article 1Fa) de la Convention, il ne pourra demander au ministre de la Sécurité publique une « dispense ministérielle » (c’est-à-dire une déclaration de dispense au titre du paragraphe 42.1(1) de la Loi : Voyageurs – Guide de demande de déclaration de dispense visée au paragraphe 42.1(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (cbsa-asfc.gc.ca). Par ailleurs, le sursis temporaire à l’exécution de la mesure de renvoi ne s’applique pas aux personnes exclues au titre de l’article 1Fa) de la Convention.

[68] Le demandeur a soulevé cette question en l’espèce. Bien que je conclue à l’absence de manquement à l’équité procédurale, cette question demeure pertinente, car elle est en litige. Je fais donc les observations suivantes.

[69] D’abord, notre Cour conclut que la SAR a rendu une décision raisonnable en confirmant que la SPR avait conclu à juste titre qu’il existait « des raisons sérieuses de penser » que le demandeur a été complice de crimes contre l’humanité lorsqu’il a travaillé pour la GP et la GS en Afghanistan entre 1986 et 1992, à l’époque où le gouvernement marxiste imposé par l’Union soviétique était au pouvoir.

[70] Il est à noter, toutefois, que la SAR a conclu que le demandeur n’avait pas personnellement commis des crimes contre l’humanité. De plus, personne ne laisse entendre que le demandeur a enseigné des méthodes pour commettre des crimes contre l’humanité, comme la torture ou l’exécution, lorsqu’il a travaillé pour la GP ou la GS.

[71] Il est à noter aussi qu’après la victoire de l’OTAN (dont le Canada est un membre fondateur) sur le gouvernement des talibans (qui remplaçait l’État marxiste), le demandeur a travaillé pour les forces de sécurité nationale afghanes en entraînant ses soldats, puis en tant que représentant militaire de 2001 à 2019, année où sa famille et lui ont quitté l’Afghanistan pour finalement s’installer au Canada.

[72] On sait que les talibans ont repris le pouvoir en Afghanistan en 2020. Il est de notoriété publique que plusieurs milliers de personnes en provenance de l’Afghanistan ont trouvé refuge au Canada, dont la femme et les enfants du demandeur à qui la SPR a accordé le statut de réfugiés, puisqu’ils étaient exposés à plus qu’une simple possibilité de persécution en Afghanistan.

[73] Le demandeur n’a toutefois pas obtenu ce statut, en raison de son travail entre 1986 et 1992.

[74] Il ne fait aucun doute que le demandeur a servi le gouvernement afghan soutenu par l’OTAN pendant près de 20 ans, entre 2001 et 2019.

[75] Toutefois, je ne peux tenir compte de son service au sein du gouvernement afghan soutenu par l’OTAN, car ce fait n’est pas en cause en l’espèce.

[76] Je refuse de rendre une décision ou de formuler des commentaires sur cette question. La retenue judiciaire s’impose, car il vaut mieux laisser au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté et à ses collègues qui agissent conformément aux lois pertinentes le soin de déterminer quelle réparation, le cas échéant, le demandeur peut obtenir.

VII. Conclusion

[77] Compte tenu de ce qui précède, la présente demande sera rejetée.

VIII. Question certifiée

[78] Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale, et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-8150-22

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire, ne certifie aucune question de portée générale et n’adjuge aucuns dépens.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, jurilinguiste


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-8150-22

 

INTITULÉ :

MOHAMMAD YOSUF WARDAK c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 MARS 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

DATE DES MOTIFS :

LE 27 MARS 2023

COMPARUTIONS :

Paul Dineen

POUR LE DEMANDEUR

Rachel Hepburn Craig

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chapnick and Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.