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Date : 20230324

Dossier : IMM-3261-21

Référence : 2023 CF 412

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 24 mars 2023

En présence de monsieur le juge Andrew D. Little

ENTRE :

KULWINDER KAUR

GURKIRAT SINGH

RAJVIR SINGH

JASLEEN SINGH

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS CORRIGÉS

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par un agent principal au titre du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Mme Kaur a présenté une demande de résidence permanente au Canada dans laquelle elle sollicitait une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire. Dans une décision rendue le 29 avril 2021, l’agent a rejeté la demande.

[2] Mme Kaur a soutenu que la décision de l’agent devait être annulée au motif qu’elle était déraisonnable selon les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 RCS 653 [Vavilov].

[3] Pour les motifs qui suivent, la présente demande sera accueillie, et l’affaire sera renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

I. Contexte et faits à l’origine de la demande

[4] Les quatre demandeurs sont une famille composée des deux parents et de leurs deux enfants. Mme Kaur et son époux, M. Singh, sont nés en Inde et sont des citoyens de l’Italie, où ils ont commencé à vivre en 2001 et en 1995 respectivement. Leurs deux enfants, J et R, sont nés en Italie et sont également citoyens italiens.

[5] Les demandeurs vivent à Surrey, en Colombie-Britannique. Ils vivent avec le frère de Mme Kaur et la famille de celui-ci, ainsi qu’avec les parents de Mme Kaur.

[6] En novembre 2015, Mme Kaur et ses enfants sont arrivés au Canada en tant que visiteurs. En janvier 2016, M. Singh les a rejoints en tant que visiteur. Mme Kaur a obtenu un permis de travail valide pour deux ans, soit d’avril 2016 à avril 2018, et elle a travaillé dans une ferme durant cette période. En avril 2018, elle a obtenu un permis d’études, lequel était valide jusqu’en août 2019. Pendant que Mme Kaur faisait ses études, M. Singh a obtenu un permis de travail ouvert en tant qu’époux d’une étudiante. Mme Kaur a toutefois souffert de problèmes de santé et n’a pas été en mesure de terminer ses études. Une prolongation de son permis d’études lui a été refusée. La demanderesse et sa famille ont par la suite rétabli leur statut de visiteurs au Canada. En mars 2020, M. Singh a obtenu un permis de travail valide jusqu’en mars 2021. À compter de mars 2020, il a travaillé pour subvenir aux besoins de la famille.

[7] En novembre 2020, la demanderesse et sa famille ont présenté une demande de résidence permanente depuis le Canada dans laquelle ils sollicitaient une dispense pour considérations d’ordre humanitaire au titre de l’article 25 de la LIPR. La demande était fondée sur les difficultés qu’ils subiraient s’ils devaient retourner en Italie, sur l’intérêt supérieur des deux enfants et sur leurs liens personnels avec le Canada.

[8] Dans une lettre adressée à Mme Kaur datée du 29 avril 2021 et dans des motifs écrits datés du 26 avril 2021, l’agent a rejeté la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

II. Analyse

A. Norme de contrôle applicable

[9] La norme de contrôle qui s’applique à la décision de l’agent est celle de la décision raisonnable, telle qu’elle est exposée dans l’arrêt Vavilov. Il incombe aux demandeurs de démontrer le caractère déraisonnable de la décision (Vavilov, aux para 75, 100).

[10] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable consiste en une évaluation empreinte de déférence et rigoureuse qui vise à établir si une décision administrative est transparente, intelligible et justifiée (Vavilov, aux para 12-13, 15). Les motifs du décideur, qui doivent être interprétés de façon globale et contextuelle et être lus en corrélation avec le dossier dont était saisi le décideur, sont le point de départ du contrôle. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, particulièrement aux para 85, 91-97, 103, 105-106, 194; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67, [2019] 4 RCS 900 aux para 2, 28-33, 61).

B. La décision de l’agent était-elle déraisonnable?

[11] En l’espèce, les demandeurs ont démontré que la décision de l’agent était déraisonnable, principalement parce que celui-ci n’a pas, dans ses motifs, pris en compte ni analysé l’intérêt supérieur des enfants comme l’exigent les normes juridiques applicables.

[12] Lorsqu’il examine une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, l’agent doit toujours être réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur des enfants. Cet intérêt doit être bien identifié et défini, puis examiné avec beaucoup d’attention eu égard à l’ensemble de la preuve. Voir Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, [2015] 3 RCS 909 [Kanthasamy] aux para 35, 38-40; Hawthorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475, [2003] 2 CF 555 [Hawthorne] aux para 5, 10; Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, [2002] 4 CF 358 aux para 12-13, 31; Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 [Baker] au para 75; Ganaden c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 325 [Ganaden] au para 9; Mebrahtom c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 821 [Mebrahtom] aux para 7-8, 14. Il faut attribuer à l’intérêt supérieur des enfants un poids considérable et le considérer comme un facteur important dans l’analyse des considérations d’ordre humanitaire, bien qu’il ne détermine pas nécessairement l’issue d’une telle demande (Kanthasamy, au para 41; Hawthorne, au para 2).

[13] Une décision rendue au titre du paragraphe 25(1) de la LIPR sera jugée déraisonnable si l’intérêt supérieur de l’enfant qu’elle touche n’est pas suffisamment pris en compte (Kanthasamy, au para 39, renvoyant à Baker, au para 75).

[14] Les demandeurs ont soutenu que la décision de l’agent ne respectait pas cette norme juridique applicable à l’examen de l’intérêt supérieur d’un enfant, notamment parce que l’agent n’a pas expressément identifié, défini et analysé l’intérêt supérieur des enfants, qu’il n’a pas procédé à une analyse des difficultés et qu’il n’a pas correctement tenu compte des répercussions sur les études des enfants qu’aurait un retour en Italie, où il leur faudrait réapprendre la langue et s’adapter à un système d’éducation très différent de celui de la Colombie-Britannique. Le défendeur a fait valoir que la décision était raisonnable : l’agent a raisonnablement examiné les questions liées à l’intérêt supérieur des enfants, et les motifs répondaient dans l’ensemble à la preuve présentée par les demandeurs, à qui il incombait d’établir que des considérations d’ordre humanitaire justifiaient l’octroi d’une dispense au titre du paragraphe 25(1) de la LIPR.

[15] Pour les motifs qui suivent, je conviens que la décision doit être annulée. Les présents motifs porteront sur trois points.

[16] Premièrement, l’intérêt supérieur des enfants n’était pas bien identifié et défini dans les motifs de l’agent. Essentiellement, l’agent a omis de définir et d’apprécier l’intérêt supérieur des enfants et il s’est plutôt attaché à écarter les difficultés qu’ils subiraient s’ils devaient retourner en Italie.

[17] Selon l’appréciation de l’intérêt supérieur des enfants faite par l’agent, peu d’éléments de preuve permettaient de conclure que les enfants seraient [traduction] « incapables de s’adapter de nouveau » au système d’éducation italien, et que cette adaptation, y compris la nécessité de réapprendre la langue dans laquelle ils avaient commencé leurs études, [traduction] « ne serait pas qu’une perturbation temporaire ». L’agent n’a pas exposé ni apprécié de façon manifeste la preuve ou l’argument concernant les raisons pour lesquelles il était dans l’intérêt supérieur des enfants de rester au Canada pour poursuivre leurs études.

[18] De même, en analysant les considérations familiales, l’agent n’a relevé que peu d’éléments de preuve lui permettant de conclure que le bien-être des enfants serait [traduction] « compromis » si la famille était tenue de quitter le Canada et de présenter une demande de résidence permanente depuis l’étranger. L’agent a reconnu que [traduction] « la séparation physique entraînerait un certain degré de perturbation », mais il a conclu que les demandeurs n’avaient pas présenté [traduction] « une preuve convaincante » permettant d’établir que leurs [traduction] « liens familiaux ne pourraient pas être maintenus d’une manière significative, que ce soit par écrit au moyen de lettres et de courriels, ou en utilisant la technologie d’appel vidéo ou d’autres moyens de correspondance ». En l’espèce, l’agent s’est une fois de plus concentré sur les effets préjudiciables ou les difficultés que subiraient les enfants, sans analyser ce qui était dans leur intérêt supérieur.

[19] Dans la section [traduction] « Analyse » de son appréciation de l’intérêt supérieur des enfants, l’agent a reconnu que les demandeurs se trouvaient au Canada depuis environ six ans et il a déclaré ce qui suit :

[traduction]

[Ils ont] inévitablement atteint un degré d’établissement et d’intégration sur les plans social, familial et scolaire qui n’est pas inattendu, mais qui n’est pas moins important. Cependant, peu d’éléments de preuve me permettent de conclure que les enfants seraient incapables de réintégrer la société, la culture ou le milieu scolaire en Italie, où ils ont vécu respectivement durant 12 et 8 ans, ni que leur état de santé, leur éducation, leur sécurité ou leur bien-être seraient compromis s’ils devaient retourner dans ce pays. Bien que je sois sensible à la question de l’unité familiale, les [demandeurs] n’ont pas démontré de façon convaincante que les liens familiaux existant entre les enfants et leurs grands-parents, leur tante, leur oncle et leurs cousins ne pourraient pas être maintenus de manière significative au moyen d’une correspondance écrite ou numérique, d’appels vidéo et téléphoniques, ou d’autres moyens de communication. Bien que l’intérêt supérieur des enfants mérite un examen minutieux et important, je ne vois pas vraiment de raison d’accorder plus qu’un poids modeste aux facteurs invoqués.

[20] Le défendeur a soutenu que ce passage démontrait que l’agent avait dûment examiné l’intérêt supérieur des enfants. Je ne suis pas d’accord. Ce passage montre une fois de plus l’accent mis par l’agent sur les effets préjudiciables qu’aurait un retour en Italie sur les enfants ainsi que sur les difficultés qu’ils subiraient, plutôt que sur ce qui était dans leur intérêt supérieur. Il ne suffit pas de seulement mentionner que l’intérêt supérieur des enfants doit ou devrait faire l’objet d’un examen minutieux et important; l’analyse doit également traduire et mettre en œuvre cette norme (Kanthasamy, au para 39; Hawthorne, au para 2).

[21] Il est vrai que les difficultés auxquelles seraient exposés les demandeurs, y compris les enfants, étaient pertinentes dans le cadre de l’analyse des considérations d’ordre humanitaire, et qu’il était approprié pour l’agent d’en tenir compte dans son analyse de l’intérêt supérieur des enfants. Dans certains cas, les observations des demandeurs peuvent porter uniquement sur les difficultés auxquelles ils seraient exposés advenant un retour dans un autre pays. En l’espèce, les observations écrites et la preuve présentées par les demandeurs à l’appui de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire portaient à la fois sur le fait qu’il était dans l’intérêt supérieur des enfants de rester en Colombie-Britannique et sur les difficultés qu’ils pourraient subir advenant leur retour en Italie. L’erreur a été d’axer l’analyse sur les difficultés au détriment de l’intérêt supérieur – en mettant l’accent sur les effets préjudiciables qu’aurait un retour en Italie sans faire mention des effets bénéfiques qu’aurait, en contrepartie, le fait de rester au Canada. Comme l’a déjà déclaré la Cour, l’absence de difficultés ne peut se substituer validement à une analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant (Sheorattan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1366 au para 34, renvoyant à Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1633 au para 30; Teweldemedhn c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 36 au para 34; Patousia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 876 aux para 53-56).

[22] Pour reprendre les propos tenus par le juge McHaffie dans la décision Mebrahtom, l’agent devait, pour rendre sa décision, « appréci[er] la situation dans laquelle les enfants seraient en Italie, [la] compar[er] à celle de la famille si elle restait au Canada et [prendre] en considération les conséquences sur les enfants » (Mebrahtom, au para 16). En l’espèce, dans son analyse, l’agent n’a pas comparé adéquatement le fait de retourner en Italie et le fait de rester au Canada, et il n’a donc pas identifié, défini ou exposé l’intérêt supérieur des enfants. Rien dans la preuve ou les observations écrites des demandeurs sur les considérations d’ordre humanitaire ne permettait de conclure que seules les difficultés liées à un retour en Italie étaient pertinentes ou soulevées dans la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

[23] Cette analyse démontre que l’agent n’a pas examiné l’intérêt supérieur des enfants conformément aux exigences juridiques énoncées dans la jurisprudence et au paragraphe 25(1) de la LIPR. L’importance de l’intérêt supérieur des enfants dans l’analyse des considérations d’ordre humanitaire de même que les lacunes contenues dans l’analyse de l’agent suffisent à la Cour pour annuler la décision et renvoyer l’affaire à un autre agent pour nouvelle décision (Vavilov, aux para 99-101; Ganaden, au para 17).

[24] Deuxièmement, les demandeurs ont contesté la conclusion de l’agent selon laquelle la preuve ne suffisait pas à établir que les relations existant entre les enfants et leurs grands-parents, leur tante, leur oncle et leurs cousins ne pourraient pas être maintenues grâce à d’autres moyens de communication, y compris la correspondance écrite ou numérique, les appels vidéo et les appels téléphoniques. Les demandeurs font valoir « [qu’il] y a une différence factuelle importante entre le fait de vivre ensemble ainsi que de partager la vie quotidienne et une visite occasionnelle » (citant Yu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 956 au para 30 et Epstein c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1201 au para 16).

[25] Ce raisonnement portant sur la technologie et les autres moyens de communication figure à la fois dans les sections [traduction] « Considérations familiales » et « Analyse » de l’examen de l’intérêt supérieur des enfants, et semble être formulé de façon passe-partout.

[26] J’ai exposé mon point de vue dans la décision Martinez Mendez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 816, au paragraphe 39 (point de vue qui, à mon avis, est conforme aux déclarations du juge LeBlanc dans Epstein et du juge Shore dans Yu) :

Les déclarations concernant le recours à la technologie pour maintenir une relation doivent tenir compte de la situation particulière des personnes visées. Par exemple, le recours à la technologie pour maintenir une relation d’amitié entre deux adultes est bien différent du recours à la technologie par un parent et son enfant pour maintenir une relation significative. Des réserves peuvent être soulevées si les motifs ne reflètent pas la situation particulière des personnes touchées, notamment l’intérêt supérieur d’un enfant.

Voir aussi Dhaliwal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1270 au para 27.

[27] En l’espèce, les enfants vivaient dans la même maison que leurs grands-parents et leur tante, leur oncle et leurs cousins. Le dossier contenait des éléments de preuve provenant de chacun des enfants, de leurs parents, de leurs grands-parents, ainsi que de leur tante et leur oncle au sujet des liens qui s’étaient forgés au cours des années précédentes entre les membres de la famille vivant sous le même toit. Les formulations apparemment passe-partout employées pour parler de la technologie et des communications dans les motifs (à deux reprises) ne tenaient pas compte des relations que les enfants entretenaient au quotidien avec toutes ces personnes (en particulier leurs grands-parents) depuis plusieurs années, ne témoignaient d’aucune sensibilité à l’égard de la preuve relative à ces relations, et n’expliquaient en rien comment ces relations pourraient prétendument être maintenues grâce à ces autres moyens de communication. À mon avis, d’autres explications allant au-delà des déclarations passe-partout étaient nécessaires dans les circonstances avant de tirer une conclusion sur cette question.

[28] Troisièmement, à l’audience devant la Cour, les demandeurs ont vigoureusement contesté le fait que l’agent se soit appuyé sur le « super visa » ou le parrainage comme solutions de rechange pour immigrer au Canada, ce qui leur permettrait de séjourner au Canada durant de longues périodes, préservant ainsi l’unité familiale en Colombie-Britannique. Les demandeurs ont fait valoir que cette proposition était tout simplement erronée : aucun d’eux n’était admissible à un super visa ou au parrainage. Le défendeur a répliqué que l’admissibilité possible des demandeurs à un super visa ou au parrainage n’était pas au cœur de l’analyse des considérations d’ordre humanitaire faite par l’agent.

[29] L’agent a fait mention de la possibilité d’obtenir un super visa à deux reprises. Il en a fait mention une fois au cours de son examen de l’intérêt supérieur des enfants, à l’issue duquel il a conclu qu’il ne disposait pas d’une [traduction] « preuve convaincante démontrant que le rejet de la présente demande aurait pour effet de séparer [Mme Kaur] de sa famille pour une période prolongée ou de façon permanente, étant donné qu’elle aurait la possibilité d’être parrainée ou d’obtenir un super visa et que son inadmissibilité autoproclamée n’a pas été évaluée de façon convaincante ». De plus, la possibilité d’obtenir un super visa a été soulevée dans la section [traduction] « Établissement au Canada » des motifs de l’agent. Celui-ci a conclu que les demandeurs n’avaient pas démontré qu’ils seraient inadmissibles à un super visa ou incapables d’en obtenir un, ce qui constitue l’un des aspects de l’analyse portant sur la séparation de la famille élargie.

[30] La preuve présentée à l’appui de la présente demande est insuffisante pour parvenir à une conclusion quant au caractère raisonnable des conclusions de l’agent au sujet du parrainage. En ce qui concerne le super visa, je conviens avec les demandeurs que le raisonnement de l’agent soulève des doutes quant aux faits (Mme Kaur ne pouvait même pas présenter une demande) et à la jurisprudence de la Cour (voir Akinkugbe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 819 aux para 12-15; Antoun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 612 [Antoun] au para 13; Bernabe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 295 aux para 4, 33, citant Rocha c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 84 au para 31 et Greene c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 18 aux para 9-10; et mes motifs dans Polinovskaia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 696 au para 28). Toutefois, à la lecture de l’analyse de l’agent en l’espèce, je ne puis conclure que celui-ci s’est reposé sur le super visa d’une manière qui soit suffisamment importante pour rendre la décision déraisonnable (Vavilov, au para 100). Il s’agit plutôt d’un facteur qui contribue à la conclusion générale selon laquelle la décision est déraisonnable (Antoun, au para 13).

C. Réparation

[31] Je suis conscient que les deux enfants étaient des adolescents au moment de la décision faisant l’objet du contrôle et que l’aîné (R) a maintenant plus de 18 ans. Ce dernier fait pourrait être pertinent à l’égard de la décision de la Cour quant à une réparation convenable. Cependant, le défendeur n’a pas soulevé ce point et, de toute façon, je ne crois pas qu’il ait une incidence importante sur l’issue de la présente affaire, car J n’a pas encore 18 ans.

[32] La réparation convenable consiste donc à annuler la décision et à renvoyer l’affaire pour nouvelle décision.

III. Conclusion

[33] Pour les motifs qui précèdent, la demande sera accueillie. La décision relative à la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire sera annulée, et l’affaire sera renvoyée pour nouvelle décision.

[34] Aucune des parties n’a proposé de question à certifier aux fins d’un appel, et aucune ne sera énoncée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-3261-21

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande est accueillie. La décision de l’agent est annulée, et la demande de résidence permanente dans laquelle les demandeurs sollicitaient une dispense au titre de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision. Les demandeurs sont autorisés à mettre à jour ou à compléter leur preuve et leurs observations avant la nouvelle décision.

  2. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel au titre de l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

En blanc

« Andrew D. Little »

En blanc

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3261-21

INTITULÉ :

KULWINDER KAUR, GURKIRAT SINGH, RAJVIR SINGH, JASLEEN SINGH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 SEPTEMBRE 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE A. D. LITTLE

DATE DES MOTIFS :

LE 24 MARS 2023

COMPARUTIONS :

David Orman

Pour les demandeurs

Melissa Mathieu

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David Orman

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurS

Melissa Mathieu

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeuR

 

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