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Date : 20051012

Dossier : IMM-2007-05

Référence : 2005 CF 1387

Montréal (Québec), le 12 octobre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE de MONTIGNY

ENTRE :

LAURENT NDUWIMANA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE de MONTIGNY

[1]                Le demandeur, citoyen du Burundi, demande le contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la « Section » ). Dans une décision rendue le 4 mars 2005, la Section concluait qu'il n'était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger, aux termes des articles 96 et 97 de la Loisur l'immigration et la protection des réfugiés.

[2]                Le demandeur soutient qu'il aurait été arrêté puis détenu pendant quatorze (14) mois, soit d'octobre 2002 à décembre 2003. Cette détention résulterait du conflit entre le gouvernement de transition en place au Burundi et le principal groupe armé au pays, soit le Conseil national pour la défense de la démocratie - Force pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD).

[3]                Le demandeur aurait été soupçonné d'être membre de ce groupe, du fait qu'il avait visité un professeur qui, lui, était membre de ce parti. Or, il soutient avoir toujours été apolitique, notamment parce qu'il était d'origine mixte tutsie et hutue.

[4]                La Section a rejeté sa revendication au motif qu'il ne s'était pas déchargé de son fardeau de preuve. On a estimé que son témoignage était confus, contradictoire et très évasif. Malgré le fait que le demandeur a étudié quatre ans dans deux universités au Burundi, il a été incapable d'identifier avec précision quels individus, groupes ou partis politiques tutsis ou hutus pourraient vouloir le cibler. Tout au plus a-t-il dit qu'il s'agissait de connaissances, sans autres détails. La Section a également mis en doute son récit du fait de sa méconnaissance de tout l'appareil politique et social de son pays, et notamment de l'accord de paix et de réconciliation signé entre le CNDD-FDD et le gouvernement de transition en octobre 2003. Enfin, on lui a reproché de ne pas avoir demandé la protection dès son arrivée aux États-Unis, où il a transité pendant une journée avant son arrivée au Canada.

[5]                Malgré les représentations fort habiles de Me Sloan, j'estime que l'intervention de cette Cour ne serait pas justifiée dans les circonstances. Je note au passage que les griefs formulés par Me Sloan à l'encontre de la Section, de la Commission et du régime législatif mis en place pour le traitement des demandes de réfugiés, relèvent davantage de l'opportunité politique que du droit et seraient par conséquent plus appropriés dans un autre forum.

[6]                En supposant même que la Section ait pu errer sur certains aspects secondaires de la revendication, cela n'entacherait pas ses conclusions sur la crédibilité du demandeur, qui sont au coeur de sa décision. Il se peut bien, en effet, que l'on ne puisse tirer aucune conclusion défavorable du fait que le demandeur semblait peu au fait de la situation politique et sociale de son pays; cela tendrait au contraire à confirmer son peu d'intérêt pour ce genre de questions et son désir de conserver sa neutralité.

[7]                Il en va de même du fait qu'il n'ait pas revendiqué le statut de réfugié dès son arrivée aux États-Unis. Il est vrai que le défaut de revendiquer la protection d'un pays tiers à la première occasion possible est un élément à prendre en considération dans l'évaluation de la crédibilité de la crainte subjective du revendicateur. Mais ici, l'explication du demandeur était tout à fait raisonnable : sa destination finale avait toujours été le Canada, étant donné sa maîtrise du français, et il n'était donc passé par les États-Unis que pour se rendre immédiatement au Canada.

[8]                Mais encore une fois, ce n'est pas sur ces deux éléments que repose d'abord et avant tout la décision. Ce qui semble avoir davantage retenu l'attention de la Section, c'est l'incapacité du demandeur de fournir des réponses claires à des questions pourtant reliées au fondement même de sa crainte de persécution. C'est parce qu'il était incapable de préciser l'identité de ceux qui sollicitaient son adhésion que la Section a douté de son témoignage.

[9]                À ce chapitre, il est bien établi que la Section jouit d'un net avantage sur cette Cour dans la mesure où le demandeur a témoigné devant elle. Elle était certainement mieux placé pour apprécier la crédibilité et la plausibilité de son témoignage, et c'est la raison pour laquelle il ne serait pas approprié d'intervenir à moins que les inférences tirées par la Section soient manifestement déraisonnables (Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, (1993) 160 N.R. 315).

[10]            Après avoir relu la transcription de l'audience devant la Section, j'en suis arrivé à la conclusion que cette dernière n'avait pas commis une erreur révisable dans son appréciation du témoignage livré par le demandeur.

[11]            Je ne saurais mettre un terme à ces motifs sans traiter brièvement des allégations d'incompétence ou de négligence formulées par le procureur du demandeur à l'encontre du conseiller juridique du demandeur devant la Section. On a allégué que ce dernier aurait dû déposer en preuve des photographies du demandeur en prison, et qu'il n'avait pas bien représenté le demandeur en ne le questionnant pas durant l'audition sur son emprisonnement.

[12]            De telles allégations sont graves et doivent être considérées avec beaucoup de circonspection. La jurisprudence de cette Cour est claire à l'effet que de telles accusations doivent être accompagnées d'une explication de l'avocat mis en cause ou d'une plainte au Barreau (Nunez c. M.C.I., (2000) 189 FTR 147, au par. 19 (C.F.); Geza c. M.C.I., (2004) 257 FTR 114 (C.F.); Sathasivam c. M.C.I., [2004] ACF no 541 (Q.L.); (C.F.); Mutinda c. M.C.I., [2004] ACF no 429 (C.F.) (Q.L.)).

[13]            Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Les parties n'ont formulé aucune question à certifier, et la Cour n'estime pas opportun de référer une question à la Cour d'appel fédérale.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNEque la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                               « Yves de Montigny »

JUGE


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-2007-05

INTITULÉ :                                       Laurent Nduwimana c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 11 octobre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : Le juge de Montigny

DATE DES MOTIFS :                       Le 12 octobre 2005

COMPARUTIONS:

Me William Sloan

POUR LE DEMANDEUR

Me Daniel Latulippe

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me William Sloan

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

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