Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20230127


Dossier : IMM-10117-22

Référence : 2023 CF 133

Ottawa (Ontario), le 27 janvier 2023

En présence de la juge adjointe Mireille Tabib

ENTRE :

SIMRANJIT SINGH

demandeur

et

MINISTÈRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1] Le demandeur présente, par écrit, une requête formelle visant la prorogation du délai pour signifier et déposer son dossier. Le défendeur s’y oppose.

[2] Les facteurs que la Cour peut prendre en considération et soupeser afin de déterminer si l’intérêt de la justice serait servi par l’octroi d’une prorogation sont bien connus. Ils sont les suivants :

  1. Existe-t-il une justification raisonnable pour l’ensemble du délai?

  2. Le demandeur a-t-il maintenu une intention constante de poursuivre le litige?

  3. Le défendeur subirait-il préjudice de la prorogation?

  4. La cause mérite-elle d’être entendue?

(Voir, entre autres, Canada (Procureur général) c Hennelly (1999) 244 NR 399 et Lesly c Canada (MCI) 2018 FC 272.)

[3] Le dossier du demandeur devait être signifié et produit au plus tard le 16 novembre 2022. La requête formelle dont je suis saisie n’a été déposée que le 8 décembre 2022.

[4] Le demandeur prétend avoir signifié son dossier du défendeur les 28 et 29 novembre 2022. La preuve au dossier ne soutient cependant pas cette affirmation. Le demandeur prétend aussi avoir contacté le défendeur afin de lui demander de consentir à la prorogation du délai le 28 novembre 2022. Bien que la preuve au dossier ne soutienne pas non plus cette affirmation, le défendeur, au paragraphe 18 de ses représentations écrites en réponse, semble admettre avoir reçu une demande informelle de prorogation pour la première fois à cette date.

[5] La preuve au dossier établit aussi les faits suivants : une confusion a eu lieu au sein du cabinet des procureurs du demandeur lors de l’assignation des dossiers pour le mois de novembre 2022. En raison du fait que le cabinet traitait deux dossiers avec un nom semblable, un collègue a erronément cru que le présent dossier avait été assigné à un autre avocat. L’erreur a été découverte « après le retour de Me Istvanffy ». Les affidavits déposés en soutien de la requête ne précisent toutefois pas la date du retour de Me Istvanffy. L’affirmation dans l’avis de requête et dans les représentations écrites à l’effet que ce retour a eu lieu le 21 novembre 2022 n’est donc pas appuyée par la preuve.

[6] Ainsi, la preuve établit à la satisfaction de la Cour qu’il y a bel et bien eu confusion au cabinet des procureurs du demandeur quant à la personne qui serait chargée de préparer le dossier du demandeur. La Cour est satisfaite qu’il s’agit là d’une erreur de bonne foi, qui justifierait un certain retard.

[7] Là où la preuve fait défaut, c’est en ce qui concerne la justification pour la durée complète du retard. La Cour n’est pas en mesure de déterminer la date à laquelle l’erreur a effectivement été découverte, et n’est donc pas en mesure de conclure que le demandeur a bel et bien fait preuve de diligence afin de remédier au défaut dès la découverte de l’erreur.

[8] En effet, même s’il fallait accepter que l’erreur a été découverte le 21 novembre 2022 et que le dossier a été signifié le 28 novembre 2022, il n’en reste pas moins que le demandeur a déraisonnablement tardé à aviser le défendeur de la situation et à requérir son consentement à une prorogation. Le délai de dix jours entre la signification du dossier et le dépôt de la requête formelle en prorogation est de plus excessif et non-justifié. L’argument voulant que la charge de travail de l’avocat ne lui ait pas permis d’agir plus tôt ne peut être retenu. Un avocat ou un cabinet qui accepte trop de dossiers pour pouvoir répondre adéquatement à un imprévu ne fait pas preuve de prévoyance raisonnable.

[9] Pour ce qui est de l’intention constante de poursuivre la demande, la preuve au dossier ne semble pas appuyer le témoignage de Mme Vasquez, secrétaire-réceptionniste, à l’effet que le demandeur a souvent appelé au cabinet pour faire le suivi de son dossier. La Cour présume que le procureur a avisé son client des échéances procédurales au moment d’accepter de le représenter, y compris de l’échéance du 16 novembre 2022. Le passage de cette échéance sans avoir eu de nouvelles de son avocat aurait dû provoquer une interrogation de la part du client, qui aurait permis aux avocats de réaliser leur erreur. Or, l’erreur est demeurée inconnue jusqu’à ce que les procureurs entreprennent une révision générale des dossiers.

[10] Finalement, au chef du mérite de la demande, le dossier de requête ne fait qu’affirmer platement, dans les représentations écrites, que le demandeur invoque « de graves manquements quant à l’évaluation de la preuve ayant été soumise aux autorités de même que d’importantes erreurs quant à l’évaluation des faits et de graves erreurs de droit en ce qu’elle invoque que le Tribunal aurait arbitrairement rejeté certains éléments de preuve pourtant fort probants. » Cette affirmation gratuite est dépourvue de précisions et n’est appuyée d’aucun document qui aurait permis à la Cour de se satisfaire de son bien-fondé.

[11] En bref, la Cour croit que les procureurs du demandeur ont commis une erreur de bonne foi qui aura provoqué le dépassement des délais prévus pour la signification et le dépôt du dossier du demandeur. Cependant, ayant commis cette erreur, ni le demandeur ni ses procureurs n’ont fait preuve de diligence ou d’empressement à rectifier le défaut. Ils semblent plutôt avoir agi avec une certaine complaisance, comme si l’existence d’une justification raisonnable au défaut initial les relevaient de leur responsabilité d’agir promptement par la suite. Or, c’est l’ensemble du délai que doit justifier le demandeur, y compris tout délai à demander une prorogation. Ce délai, qui est aussi important qu’injustifié dans les circonstances, ne démontre pas une intention constante de poursuivre le litige. Le demandeur n’ayant pas, non plus, satisfait la Cour que la demande mérite d’être entendue, la Cour conclut qu’il n’est pas de l’intérêt de la justice d’accorder la prorogation.

 


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

  1. La requête est rejetée.

« Mireille Tabib »

Juge adjointe

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM-10117-22

 

INTITULÉ :

SIMRANJIT SINGH c MINISTÈRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

REQUÊTE CONSIDÉRÉE SANS COMPARUTION

DATE DE L’AUDIENCE :

REQUÊTE CONSIDÉRÉE SANS COMPARUTION

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

LA JUGE ADJOINTE TABIB

 

DATE DES MOTIFS :

LE 26 janvier 2023

 

COMPARUTIONS :

ME MIGUEL MENDEZ

 

Pour le demandeur

 

ME CHANTAL CHATMAJIAN

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Étude légale STEWART-ISTVANFFY

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

Ministère de la Justice Canada (Procureur général du Canada)

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.