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     T-388-96 et T-793-96

     OTTAWA (ONTARIO), LE MARDI 19 AOÛT 1997

     EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

E n t r e :

     GLAXO WELLCOME INC.,

     et

     THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED,

     requérantes,

     et

     MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE

     ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL

     et

     APOTEX INC.,

    

     intimés.

     ORDONNANCE

     Pour les motifs exposés dans mes motifs d'ordonnance, les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

     " Max M. Teitelbaum "

                                         J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme     

                                 Martine Guay, LL. L.

     T-388-96 et T-793-96

E n t r e :

     GLAXO WELLCOME INC.,

     et

     THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED,

     requérantes,

     et

     MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE

     ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL

     et

     APOTEX INC.,

    

     intimés.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

GENÈSE DE L'INSTANCE

     Les demandes de contrôle judiciaire dont la Cour est saisie concernent toutes les deux le médicament acyclovir. Les requérantes sollicitent le prononcé d'ordonnances en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, du 12 mars 1993 (le Règlement). Les requérantes demandent à la Cour d'interdire à l'intimé, le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (le ministre), de délivrer des avis de conformité à l'intimée Apotex (Apotex).

     Les présentes instances n'ont pas été jointes formellement, mais elles ont été instruites en même temps. J'ai donc rédigé une seule série de motifs détaillés, étant donné que les faits et les questions en litige sont étroitement liés.


LES FAITS

     Le débat tourne essentiellement autour des critères applicables en matière de délivrance d'avis de conformité. Pour situer le débat dans son contexte, j'expliquerai brièvement l'importance et la signification des avis de conformité avant d'analyser les questions en litige et les règles de droit applicables. Le ministre délivre un avis de conformité, lequel autorise officiellement la vente d'un médicament, après que le fabricant de ce médicament a rempli deux conditions. La première condition concerne la sécurité et l'efficacité générales du médicament (voir l'article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870). La seconde condition concerne la non-contrefaçon par le fabricant du médicament de certains brevets incorporés dans le médicament. Cette seconde condition plutôt inattendue qui se rapporte au brevet a été créée après que des changements eurent été apportés au régime d'octroi de licences obligatoires1. Auparavant, le fabricant de médicaments génériques qui détenait une licence obligatoire pouvait obtenir du breveté la fourniture sous licence d'une certaine quantité d'un médicament breveté. La procédure de délivrance de l'avis de conformité ne se préoccupait alors pas de questions de contrefaçon de brevet. Toutefois, par suite de l'abolition du régime d'octroi de licences obligatoires décrétée par la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, 1993, ch. 2, (la Loi sur les brevets), le régime d'obtention d'un avis de conformité a également été modifié. Les fabricants de médicaments génériques qui cherchent à obtenir un avis de conformité doivent maintenant déposer ce qu'on appelle un avis d'allégation, conformément à l'article 5 du Règlement.

     L'article 5 du Règlement dispose :

     5.      (1) Lorsqu'une personne dépose ou, avant la date d'entrée en vigueur du présent règlement, a déposé une demande d'avis de conformité à l'égard d'une drogue et souhaite comparer cette drogue à une drogue qui a été commercialisée au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré à la première personne et à l'égard duquel une liste de brevets a été soumise ou qu'elle souhaite faire un renvoi à la drogue citée en second lieu, elle doit indiquer sur sa demande, à l'égard de chaque brevet énuméré dans la liste :         
             a) soit une déclaration portant qu'elle accepte que l'avis de conformité ne sera pas délivré avant l'expiration du brevet;                 
             b) soit une allégation portant que, selon le cas :                 
                 (i) la déclaration faite par la première personne aux termes de l'alinéa 4(2)b) est fausse,         
                 (ii) le brevet est expiré,         
                 (iii) le brevet n'est pas valide,         
                 (iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité.         
         (2) Lorsque, après le dépôt par la seconde personne d'une demande d'avis de conformité mais avant la délivrance de cet avis, une liste de brevets est soumise ou modifiée aux termes du paragraphe 4(5) à l'égard d'un brevet, la seconde personne doit modifier la demande pour y inclure, à l'égard de ce brevet, la déclaration ou l'allégation exigée par le paragraphe (1).         
         (3) Lorsqu'une personne fait une allégation visée à l'alinéa (1)b) ou au paragraphe (2), elle doit :         
             a) fournir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde;                 
             b) signifier un avis d'allégation à la première personne et une preuve de cette signification au ministre.                 

     De fait, aux termes du paragraphe 5(3) du Règlement, dans un " avis d'allégation ", le fabricant du médicament générique, " la seconde personne ", indique qu'il respecte les brevets incorporés dans le médicament qu'il fabrique. Aux termes de l'article 4 du Règlement , le propriétaire du brevet ou le titulaire d'une licence, habituellement le fabricant d'un médicament d'origine comme les requérantes, soumet une liste des brevets qui comportent des revendications pour le médicament en soi ou des revendications pour l'utilisation du médicament2. Aux termes de l'article 3 du Règlement, le ministre inscrit les listes de brevets dans un registre public appelé " registre des brevets ".

     Les requérantes sont propriétaires ou titulaires de licences de quatre brevets relatifs à l'acyclovir, le médicament en litige dans les présentes instances. Il s'agit des brevets nos 1 172 169 (le brevet 169), 1 062 257 (le brevet 257), 1 096 863 (le brevet 863) et 1 096 864 (le brevet 864). Le brevet 169 porte sur le médicament acyclovir sur la forme particulière de crème ou d'onguent topiques. Le brevet 257 concerne des revendications plus générales pour le médicament. Les brevets 863 et 984 concernent tous les deux des revendications portant sur les méthodes et les procédés de fabrication de l'acyclovir lui-même (le brevet 863) et ses intermédiaires (le brevet 864).

     Dans les présentes instances, Apotex, un fabricant de médicaments génériques, a envoyé deux avis d'allégation aux requérantes. Le premier avis d'allégation est daté du 4 janvier 1996. Apotex y alléguait qu'en fabriquant et en vendant des comprimés d'acyclovir, elle ne contreferait pas les brevets 257, 863 et 864, parce qu'elle avait l'intention de se procurer de l'acyclovir auprès de la Medichem Inc., une compagnie qui détient une licence obligatoire relativement à l'acyclovir3. Le 19 février 1996, dans l'action T-388-96 (l'instance no 388), les requérantes ont répondu à l'avis d'allégation d'Apotex en envoyant un avis de requête introductif d'instance en contrôle judiciaire.

     Apotex a réagi rapidement à l'envoi par les requérantes de leur avis de requête introductif d'instance et de leur avis de requête modifié dans l'instance no 388. En effet, le surlendemain, le 21 février 1996, Apotex a envoyé un second avis d'allégation aux requérantes. Ce nouvel avis d'allégation concernait lui aussi le médicament acyclovir en comprimés, mais cette fois-ci, Apotex n'a expressément mentionné que les brevets 863 et 864. Apotex affirmait qu'elle ne contreferait pas ces brevets, parce que les brevets ne comportaient aucune revendication pour le médicament acyclovir ou pour son utilisation. Le 4 avril 1996, dans l'action T-793-96 (l'instance no 793), les requérantes ont envoyé un second avis de requête introductif d'instance en réponse à l'avis d'allégation envoyé par Apotex le 21 février 1996.

QUESTIONS EN LITIGE

     C'est aux requérantes qu'il incombe d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que les allégations de non-contrefaçon formulées par Apotex dans ses avis d'allégation du 4 janvier et du 21 février 1996 ne sont pas justifiées (voir la décision Eli Lilly and Co. c. Novopharm Ltd., (1995), 60 C.P.R. (3d) 417, à la p. 430).

     Il y a deux questions préalables auxquelles il faut d'abord répondre au sujet de la justification des avis d'allégation. La première concerne l'expiration et la pertinence de certains des brevets des requérantes. La seconde porte sur la question de savoir si un fabricant de médicaments doit mentionner dans son avis d'allégation tous les brevets qui sont inscrits au registre des brevets relativement à un médicament déterminé.

ANALYSE

     I. Expiration et pertinence des brevets

     Pour simplifier l'analyse de ces questions, j'ai décidé de suivre l'exemple de l'avocat d'Apotex et d'examiner systématiquement les brevets mentionnés dans les deux avis d'allégation d'Apotex. La première question qui se pose est celle de savoir si les réparations sollicitées par les requérantes sont devenues sans objet parce que leurs brevets sont expirés ou ne sont pas pertinents.

     (i) Les brevets visés par l'instance no 388

         Dans l'instance no 388, les requérantes sollicitent le prononcé d'une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité tant que les brevets 257, 863 et 864 ne seront pas expirés. Or, Apotex mentionne ces brevets précis dans son avis d'allégation du 4 janvier 1996.         
     a) Le brevet 257         
         Je tiens à préciser, d'entrée de jeu, que je ne vois pas l'utilité de prononcer une ordonnance de ne pas faire dans l'instance no 388. En effet, les brevets en litige sont expirés ou comportent des revendications qui échappent à l'application du Règlement. Par exemple, le brevet 257 est expiré depuis le 11 septembre 1996. Néanmoins, les requérantes soutiennent que la Cour devrait tirer une conclusion déclaratoire malgré l'expiration du brevet 257. Elles affirment également que la date à retenir pour apprécier la validité de l'allégation de non-contrefaçon est la date à laquelle l'avis d'allégation a été envoyé ou la date qui suit de 45 jours cette date (voir le jugement Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, (1996), 65 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.), (Merck Frosst, (T-1306-93)).         
         En toute déférence, je ne puis être d'accord avec l'une ou l'autre de ces prétentions. En premier lieu, aux termes du paragraphe 6(1) du Règlement, les requérantes peuvent uniquement " demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité avant l'expiration de un ou plusieurs des brevets visés par une allégation " (mots non mis en gras dans l'original). Ce serait le comble de la futilité si la Cour devait interdire au ministre de délivrer un avis de conformité sur la base d'un brevet expiré. Sur la question de la futilité, voici ce que déclare le juge Nadon dans le jugement Merck Frosst Canada Inc. et al. c. Le ministre et al., nos du greffe T-304-96, T-306-96 et T-386-96, 13 juin 1997 (Merck Frosst, (T-304-96)), à la p. 22 : [TRADUCTION] " De toute évidence, le fabricant de médicaments génériques ne saurait violer un brevet qui est expiré ".         
         Qui plus est, en ce qui concerne le second élément relatif au moment auquel l'allégation de non-contrefaçon est formulée, voici ce que le juge Muldoon a récemment déclaré dans le jugement Merck Frosst Canada Inc. et Merck & Co. Inc. c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, Genpharm Inc. et Yamanouchi Pharmaceutical Co. Ltd., T-1312-96, 27 mai 1997 (ci-après appelé Yamanouchi)4, à la p. 18 : [TRADUCTION] " la justification des allégations n'est pas figée dans le temps ". Pour en arriver à cette conclusion, le juge Muldoon a analysé le jugement Merck Frosst (T-1306-93), supra, relativement à une autre question que celle de la date à retenir pour évaluer un avis d'allégation. Le juge Muldoon a établi une distinction entre les faits de l'affaire Merck Frosst (T-1306-93) et l'affaire dont il était saisi et a statué, à la p. 2, que le moment optimal pour apprécier la justification de l'allégation est celui de l'audience. Le juge Nadon a tout récemment cité et approuvé le raisonnement du juge Muldoon dans le jugement Merck Frosst (T-304-96), supra.         
         Je souscris également à la conclusion à laquelle le juge Muldoon en est venu dans l'affaire Yamanouchi, supra. En d'autres termes, la Cour ne peut fermer les yeux sur le fait que le brevet 257 est expiré. Le moment pertinent pour évaluer les allégations de non-contrefaçon d'Apotex est celui de la date de l'audience. Le brevet 257 est venu à expiration quelque huit mois avant que l'affaire ne soit entendue par la Cour en avril 1997. Ainsi que l'avocat des requérantes l'a lui-même reconnu au cours du débat, ces affaires ont progressé assez rapidement par rapport aux demandes de réparation présentées en vertu du Règlement, qui se déroulent souvent très lentement et laborieusement. D'ailleurs, il semble que les parties aient reconnu la validité douteuse du brevet 257 même avant son expiration, le 11 septembre 1996, ou qu'elles en aient été informées. Dans son dossier de demande du 29 août 1996, Apotex a accepté le fait qu'aucun avis de conformité ne pouvait être délivré avant le 12 septembre 1996, le lendemain de l'expiration du brevet 257.         
     b) Les brevets 863 et 864         
         Quant aux brevets 863 et 864, les requérantes ont elles-mêmes reconnu que ni l'un ni l'autre ne comporte de revendications visées par le Règlement. Au paragraphe 2 de leur premier avis de requête introductif d'instance daté du 19 février 1996, et au paragraphe 2 de leur avis final de requête modifié de nouveau du 3 juillet 1996, les requérantes déclarent :         
         [TRADUCTION]                 
         La Wellcome Foundation est également propriétaire des brevets canadiens nos 1 096 863 et 1 096 864, qui ont tous les deux été octroyés le 3 mars 1981. Le premier comporte des revendications pour les méthodes et procédés de fabrication du médicament acyclovir, alors que le second comporte des revendications pour les intermédiaires utilisés pour fabriquer le médicament acyclovir. Les requérantes n'ont pas l'intention d'invoquer ces deux brevets dans la présente instance.                 
         (Mots non mis en gras dans l'original.)                 
         Le passage mis en gras, " les requérantes n'ont pas l'intention d'invoquer [...] " au paragraphe 2 des avis de requête des requérantes a fait l'objet d'un débat entre les parties et de commentaires de la part du tribunal. Les requérantes soutenaient que ces mots avaient été inclus dans le premier avis de requête introductif d'instance daté du 19 février 1996 en raison d'un oubli administratif sans force obligatoire. En revanche, Apotex soutient que les requérantes ont fait un aveu qui devrait leur être opposable parce qu'il est conforme aux règles de droit concernant l'absence de pertinence de ce type de brevet portant sur des procédés ou des intermédiaires.         
         Par souci de clarté, j'aborde maintenant sous forme abrégée le différend entourant l'inclusion ou la suppression du passage " les requérantes n'ont pas l'intention d'invoquer [...] ". Le 20 février 1996, le lendemain de la délivrance du premier avis de requête introductif d'instance, les requérantes ont envoyé un avis modifié de requête introductif d'instance dans lequel le passage " les requérantes n'ont pas l'intention d'invoquer [...] " avait été supprimé. Les requérantes ont par la suite demandé l'autorisation de déposer et de signifier un avis de requête introductif d'instance modifié de nouveau. Toutefois, au cours de l'audience qui s'est déroulée devant le juge Rouleau de la Section de première instance de la Cour fédérale, les objections formulées par Apotex au sujet de la validité de la suppression du passage contenu au paragraphe 2 sont devenues un point litigieux. Les requérantes affirment qu'elles ont demandé au juge Rouleau de valider la suppression du passage. Toutefois, dans son ordonnance du 11 juin 1996, le juge Rouleau a qualifié différemment la requête. Il a déclaré : [TRADUCTION] " la requête présentée oralement en vue d'ajouter au paragraphe 2 une clause qui figurait dans l'avis de requête introductif d'instance original est par la présente rejetée " (mots non mis en gras dans l'original). À mon avis, les deux formulations " valider une suppression ou refuser un ajout " reviennent au même.         
         Les requérantes ont néanmoins demandé au juge Rouleau de réexaminer son ordonnance du 11 juin 1996 et de valider expressément la suppression. Dans l'avis de requête qu'elles ont déposé au soutien de leur requête, les requérantes ont soutenu que le juge Rouleau avait négligé ou accidentellement omis de traiter de certaines modifications mutuellement convenues par les parties et de la validation expresse de la suppression. Aux termes de l'ordonnance qu'il a prononcée le 28 juin 1996, le juge Rouleau a modifié les termes de son ordonnance du 11 juin. Il a autorisé les modifications supplémentaires mutuellement convenues par les parties. Il a toutefois conclu qu'il n'avait pas négligé ou accidentellement omis de traiter des modifications apportées à l'avis de requête introductif d'instance modifié déposé le 20 février 1996. Les requérantes ont vraisemblablement interprété cette ordonnance comme si elle signifiait que le juge Rouleau avait implicitement refusé de valider la suppression du passage contenu dans l'avis de requête introductif d'instance modifié déposé le 20 février 1996. On peut toutefois soutenir que le juge Rouleau déclarait simplement dans son ordonnance du 28 juin 1996 qu'il n'avait pas négligé de traiter des questions, parce qu'il les avait déjà abordées sous une forme différente ou en les qualifiant différemment en refusant l'ajout de ce passage. Toutefois, parce qu'elles n'avaient pas le pouvoir exprès de sanctionner la suppression du passage du paragraphe 2 de l'avis de requête introductif d'instance original, les requérantes ont envoyé le 3 juillet 1996 un avis introductif d'instance final dans lequel le passage figure intégralement. L'ordonnance prononcée le 28 juin 1996 par le juge Rouleau n'a pas été portée en appel. Les requérantes et la Cour sont par conséquent liées par le contenu de l'avis de requête original envoyé le 3 juillet 1996.         
         Les requérantes ont, dans l'instance no 388, par conséquent expressément reconnu dans leur avis de requête introductif d'instance qu'elles n'invoqueront pas les brevets 863 et 864. Force m'est donc de conclure qu'il serait de peu d'utilité pour la Cour de prononcer une ordonnance de ne pas faire sur le fondement de brevets que les requérantes elles-mêmes n'invoquent pas. Compte tenu de ce fait, la Cour ne prendra aucune mesure en vue d'interdire au ministre de délivrer un avis de conformité à Apotex tant que les brevets 863 et 864 ne seront pas expirés.         
         Mais ce qui est encore plus important, même en faisant abstraction de la déclaration explicite contenue dans l'avis de requête introductif d'instance, c'est que les requérantes ne pourraient pas invoquer les brevets 863 et 864. En effet, les brevets 863 et 864 décrivent des méthodes et des procédés de fabrication de l'acyclovir et de ses intermédiaires. Dans le jugement Deprenyl Research Ltd. c. Apotex Inc. (1994), 55 C.P.R. (3d) 171 (C.F. 1re inst.), confirmé à (1995), 60 C.P.R. (3d) 501 (C.A.F.), la Cour a statué que ce type de brevet portant sur des méthodes ou des procédés ne faisait pas partie du genre de brevets visés par les mots " médicament ou utilisation du médicament " au paragraphe 4(2) du Règlement . Dans le jugement Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc. (1995), 63 C.P.R. (3d) 245 (C.F. 1re inst.), confirmé à (1996), 68 C.P.R. (3d) 126 (C.A.F.), la Cour est en arrivée à une conclusion analogue dans le cas d'intermédiaires, qui correspondent au type de revendications que comporte le brevet 864 en l'espèce. Ainsi, suivant Apotex, les requérantes ont déclaré dans leur avis de requête introductif d'instance initial qu'elles n'invoqueraient pas les brevets 863 et 864 dans les présentes instances parce qu'elles ne pouvaient pas, en droit, invoquer ce type de brevet. Je suis du même avis. Il est évident que ces brevets portant sur des procédés et sur des intermédiaires échappent à l'application du Règlement. D'ailleurs, dans l'affaire Merck Frosst (T-304-96), supra, la question soumise à la Cour était celle de savoir si le ministre pouvait unilatéralement expurger le registre des brevets de ce genre de brevet de procédé. La Cour a statué que le ministre pouvait et devait agir de la sorte.         
         De plus, dans l'avis d'allégation en litige dans l'instance no 793, Apotex a fait expressément remarquer que les brevets 863 et 864 [TRADUCTION] " ne comportent aucune revendication pour le médicament (l'acyclovir) lui-même ou pour l'utilisation du médicament " (page 165 du dossier de la demande des requérantes dans l'instance no 793). Toutefois, les requérantes font maintenant valoir que la Cour doit accepter l'avis d'allégation de l'instance no 388 tel quel et qu'elle ne peut pas y interpoler ce qu'Apotex aurait pu ou aurait dû y déclarer à la première occasion. En revanche, Apotex soutient que la portée des brevets qui tombent sous le coup du Règlement est une question de compétence. L'article 5 du Règlement précise les allégations qui peuvent être formulées dans le contexte d'un avis d'allégation, mais ne vise pas expressément les allégations de non-contrefaçon fondées sur la compétence que la Cour possède en vertu du Règlement. Ainsi, suivant Apotex, il n'est pas nécessaire de formuler une telle allégation dans l'avis d'allégation lui-même, mais on peut la soulever en tout temps à titre de moyen de défense.         
         J'accepte l'argument d'Apotex suivant lequel la Cour ne devrait pas prononcer une ordonnance de ne pas faire relativement aux brevets dont les revendications ne tombent pas sous le coup du Règlement. Ainsi que le juge Nadon l'a déclaré aux pages 19 et 20 du jugement Merck Frosst (T-304-96), supra, [TRADUCTION] " la question de savoir si les revendications pures portant sur un procédé tombent sous le coup du Règlement a déjà été décidée [...] un brevet qui porte exclusivement sur un procédé ne confère aucun droit au titulaire du brevet dans le contexte du Règlement " (mots non mis en gras dans l'original). Bien que j'hésite aussi à permettre aux parties de transformer la procédure d'avis d'allégation en une série apparemment interminable d'avis révisés, Apotex insiste pour dire qu'elle a envoyé le second avis d'allégation relatif aux brevets 863 et 864 uniquement [TRADUCTION] " par mesure de précaution " (paragraphe 14, page 20, dossier des intimés dans l'instance no 388). L'envoi du second avis d'allégation d'Apotex ou ses tentatives de formuler une allégation globale de non-contrefaçon en ce qui concerne les brevets 863 et 864 comportent toutefois des conséquences. Après tout, le second avis d'allégation n'est qu'un autre morceau de papier utilisé destiné à " tout bousiller " et à ralentir le processus d'approbation en vue de la délivrance d'un avis de conformité, l'objectif ultime d'Apotex.         
         Dans ces conditions, la Cour doit aller au-delà du contenu de l'avis d'allégation et décider si elle doit prononcer une ordonnance de ne pas faire sur le fondement des brevets 863 et 864. Il serait absurde que la Cour soit obligée d'attendre l'expiration de ces brevets pour prononcer une telle ordonnance, alors que les requérantes elles-mêmes reconnaissent que les brevets 863 et 864 ne tombent pas sous le coup du Règlement. Je suis convaincu que la Cour ne doit pas prononcer d'ordonnance de ne pas faire au sujet des brevets 863 et 864, parce que ces brevets, qui portent sur un procédé ou sur une méthode, n'ont aucune incidence sur le médicament ou l'utilisation du médicament acyclovir au sens du Règlement. Qui plus est, ainsi qu'il a déjà été précisé, le brevet 257 cité par les requérantes dans leur demande de réparation est déjà expiré. Je conclus donc que l'instance no 388 devrait être rejetée.         
         Toutefois, dans l'instance no 388, les requérantes soulèvent également la question de la validité des dispositions prises par Apotex avec Medichem pour se procurer de l'acyclovir. Apotex affirme dans son avis d'allégation du 4 janvier 1996 qu'elle ne contreferait pas les brevets 257, 863 et 864 parce qu'elle pourrait obtenir le médicament utilisé pour fabriquer l'acyclovir de Medichem, une compagnie qui détient une licence obligatoire à l'égard de l'acyclovir. Suivant les requérantes, les dispositions prises par Medichem et Apotex au sujet de la fourniture de l'acyclovir constitue de fait une sous-licence ou une cession par Medichem de sa licence obligatoire à Apotex. Les requérantes soutiennent qu'Apotex agirait comme tête dirigeante dans son entente de fourniture conclue avec Medichem, une compagnie avec laquelle elle entretient des liens étroits. En réalité, les requérantes soutiennent qu'Apotex ne peut exciper de sa licence obligatoire pour prétendre qu'elle ne contreferait pas les brevets alors que cette licence a été implicitement transformée en sous-licence.         
         Les requérantes soutiennent que les faits des présentes espèces sont analogues à ceux de plusieurs affaires liées entre elles que la Cour d'appel fédérale a entendues (voir les arrêts Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc. (1996), 66 C.P.R. (3d) 329 (C.A.F.), Eli Lilly and Co. c. Novopharm Ltd. (1996), 67 C.P.R. (3d) 377 et Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1996), 67 C.P.R. (3d) 455 (les arrêts de la Cour d'appel)5. Dans les arrêts de la Cour d'appel fédérale, le débat portait sur la validité d'une entente écrite intervenue entre Apotex et Novopharm, un autre fabricant de médicaments génériques. Apotex et Novopharm avaient convenu de se procurer l'une et l'autre un médicament breveté en vertu de leur licence obligatoire respective. La Cour d'appel a statué que cette entente écrite constituait en fait une sous-licence de la licence obligatoire.         
         Je suis toutefois convaincu qu'il n'est pas nécessaire que j'examine en profondeur les moyens invoqués par les requérantes au sujet de la question de la licence obligatoire. Pour les motifs déjà exposés, à savoir l'expiration et l'absence de pertinence des brevets dans l'instance no 388, le prononcé d'une ordonnance de ne pas faire valable jusqu'à l'expiration des brevets 257, 863 et 864 ne constitue pas une réparation viable.         
         En tout état de cause, je ne suis pas convaincu que les arrêts de la Cour d'appel tranchent de façon définitive la question des dispositions prises par Apotex et Medichem. Ainsi que l'avocat d'Apotex l'a fait remarquer, la licence obligatoire de Medichem a été délivrée en décembre 1991 et prévoit implicitement des opérations avec lien de dépendance (page 161 du dossier des requérantes dans l'instance no 388). L'alinéa 1a) de la licence obligatoire précise les taux de redevance applicables aux " opérations sans lien de dépendance ". L'alinéa 3b) prévoit toutefois un taux différent lorsqu'il s'agit de calculer la redevance à verser lorsque l'opération ne tombe pas sous le coup de l'alinéa 1a) ou du [TRADUCTION] " contexte des opérations sans lien de dépendance ". La licence obligatoire elle-même ne prévoit pas d'incompatibilité entre les opérations avec lien de dépendance et l'interdiction d'accorder des sous-licences. Medichem peut-elle faire le commerce de l'acyclovir avec Apotex dans le cadre d'une relation comportant un lien de dépendance sans nécessairement violer l'interdiction d'accorder une sous-licence qui est formulée au paragraphe 12 de la même licence obligatoire? Bien que je ne sois pas disposé à tirer de conclusions au sujet de l'analogie qui existerait entre les arrêts de la Cour d'appel fédérale et les dispositions prises par Medichem et Apotex, il vaut la peine de signaler le contenu de la licence obligatoire et les différences significatives6.         
     (ii) Les brevets dans l'instance no 793         
         Ainsi qu'il a déjà été précisé, dans l'instance no 793, Apotex mentionne le brevet 863 et le brevet 864 dans son avis d'allégation du 21 février 1996. Apotex a déclaré qu'elle ne contreferait pas ces brevets parce que ceux-ci ne comportent aucune revendication pour le médicament lui-même ou son utilisation. Toutefois, dans l'instance no 793, les requérantes sollicitent le prononcé d'une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité non seulement tant que les brevets 863 et 864 ne seront pas expirés, mais aussi en ce qui concerne les quatre brevets qui sont inscrits à leur nom dans le registre des brevets en ce qui concerne l'acyclovir, à savoir les brevets 169, 257, 863 et 864.         
         Les requérantes mentionnent les quatre brevets parce qu'elles font valoir que le Règlement oblige Apotex à formuler une allégation spécifique pour chacun des brevets inscrits au registre des brevets relativement à un médicament donné. Dans l'avis d'allégation du 4 janvier 1996, Apotex ne mentionne pas le brevet 169, mais uniquement les brevets 257, 863 et 864. Dans son second avis d'allégation du 21 février 1996, elle ne mentionne pas non plus le brevet 169. J'ai en conséquence examiné le brevet 169, le seul qui n'a pas encore été analysé dans les présents motifs, sous la rubrique de la deuxième question, celle de savoir s'il faut mentionner chacun des brevets qui se trouve dans le registre des brevets.         
     II. Mention de chaque brevet         
     (i) Le brevet 169         
         Pour étayer leur prétention qu'un fabricant de médicaments génériques comme Apotex doit indiquer chacun des brevets inscrits au registre des brevets au sujet d'un médicament, les requérantes invoquent le libellé du paragraphe 5(1) du Règlement. Le paragraphe 5(1) dispose que la " seconde personne ", en d'autres termes la personne qui rédige l'avis d'allégation, doit formuler " sur sa demande, à l'égard de chaque brevet énuméré dans la liste [de brevets] [...] " (mots non mis en gras dans l'original) une déclaration ou une allégation déterminée. Ainsi que je l'ai fait remarquer dans la partie introductive dans laquelle est exposée la procédure à suivre pour obtenir la délivrance d'un avis de conformité, la " première personne ", ou le titulaire du brevet ou d'une licence, d'habitude un fabricant de médicaments génériques comme les requérantes, soumet une liste de brevets au ministre conformément à l'article 4 du Règlement . Le ministre inscrit les listes de brevets dans le registre des brevets. Les requérantes soutiennent que l'avis d'allégation envoyé le 21 février 1996 par les requérantes était entaché d'un vice de procédure, étant donné qu'il ne mentionne pas le brevet 169 et ce, malgré le fait que ce brevet figurait au registre des brevets à l'égard de l'acyclovir. Suivant les requérantes, si un brevet figure au registre des brevets mais qu'il n'en est fait manifestement aucune mention dans l'avis d'allégation, le ministre est laissé dans l'ignorance au sujet de l'état du brevet. Les requérantes soutiennent essentiellement qu'Apotex fait échec à l'économie du régime réglementaire en imposant au ministre la charge de " passer au peigne fin " l'avis d'allégation et le registre des brevets.         
         Je suis toutefois convaincu que les requérantes ont mal interprété en l'espèce le contenu du registre des brevets en ce qui concerne l'acyclovir. Il semblent également qu'elles aient sous-estimé la perspicacité du ministre. Le paragraphe 5(1) du Règlement renferme effectivement le mot " chaque ", mais c'est de " chaque brevet énuméré dans la liste [des brevets] " dont il est question. Aux termes du Règlement , Apotex est uniquement tenue de formuler une allégation au sujet de chaque brevet inscrit sur une liste de brevets en ce qui concerne la forme particulière du médicament pour lequel elle demande un avis de conformité. De fait, la liste de brevets est la pierre d'assise du registre des brevets, qui est le document public que le ministre tient en vertu de l'article 3 du Règlement.         
         Pour ce qui est des listes de brevets relatifs à l'acyclovir, il est incontestable que les requérantes devaient soumettre une liste distincte pour chaque produit pharmaceutique ou forme d'acyclovir incorporé dans le médicament (pages 152 à 157 du dossier des requérantes dans l'instance no 793). Sur le formulaire de demande préimprimé qu'elles devaient remplir pour soumettre une liste de brevets, les requérantes devaient préciser le (ou la) " médicament/substance actif(ve) ", le " mode d'administration " (buccale ou topique), la " forme posologique pharmaceutique " et la " concentration à l'unité ". Ainsi, dans le cas de l'acyclovir administré par voie buccale sous forme de comprimés de 200 mg, les requérantes mentionnent les brevets 257, 863 et 864. Il est important de noter que les requérantes n'ont pas mentionné le brevet 169 sur cette liste de brevets. Les requérantes n'ont pas mentionné le brevet 169 parce qu'il comporte des revendications pour le médicament acyclovir administré par voie topique . Les requérantes ont produit des listes distinctes de brevets pour l'acyclovir administré par voie buccale sous forme de capsules ou de comprimés, mais pour tous les modes d'administration buccale, le brevet 169 n'est pas indiqué sur la liste de brevets. Les requérantes ont mentionné le brevet 169 uniquement dans la liste distincte de brevets relative à l'acyclovir administré par voie topique sous forme de crème d'une concentration de 50 mg.         
         Fait encore plus important à signaler, ces différences entre les listes de brevets ressortent au vu du registre des brevets lui-même (pages 167 et 168 du dossier des requérantes dans l'instance no 793). Le registre des brevets classe les renseignements fournis dans les listes de brevets en colonnes portant des intitulés comme " médicament ", " concentration ", " l'unité " et " brevet(s) ". Dans le cas de l'acyclovir, on trouve huit inscriptions sous la rubrique " médicament ". Chacune concerne une concentration différente (500 mg, 200 mg, etc.) ou une unité différente (" COMP. ", " CAP. "). Dans le cas de sept de ces inscriptions, qui concernent toutes le mode d'administration buccale, il n'y a que trois brevets qui sont énumérés ou qui sont liés au médicament acyclovir (les brevets 257, 863 et 864). En d'autres termes, le brevet 169 n'est pas indiqué pour ce qui est de ces formes du médicament. Seule la dernière inscription relative à l'acyclovir administré par voie buccale mentionne le brevet 169. Et cette inscription figure à part des huit inscriptions précédentes, étant donné qu'on parle de l'" acyclovir 1 " (non souligné dans l'original) et qu'il s'agit de l'acyclovir administré par voie topique, et non par voie buccale.         
         Au vu du registre des brevets, je suis convaincu qu'Apotex n'était pas tenue de mentionner le brevet 169 dans son avis d'allégation du 21 février 1996. Dans les cas qui nous occupent, dans les deux avis d'allégation, Apotex a expressément déclaré qu'elle se proposait de fabriquer [TRADUCTION] " des comprimés de 200 mg, 400 mg et 800 mg d'Acyclovir " (mot non souligné dans l'original) (pages 163 et 165 du dossier des requérantes dans l'instance no 793). Apotex n'a pas présenté de demande en vue d'obtenir un avis de conformité pour l'acyclovir sous forme de solution ou d'onguent crémeux topiques et, en l'absence d'une telle demande, elle ne pouvait pas fabriquer ces formes d'acyclovir. Il serait en conséquence étrange que la Cour doive prononcer une ordonnance de ne pas faire fondée sur un brevet qui n'est pas visé par la forme proposée du médicament et cela ne ferait qu'embrouiller la question.         
         Apotex a bel et bien présenté une demande d'avis de conformité pour diverses concentrations de comprimés d'acyclovir. Toutefois, ainsi qu'il a déjà été précisé, il ressort à l'évidence du registre des brevets que le brevet 169 ne vise que la fabrication d'acyclovir sous forme de crème ou d'onguent topiques. Étant donné que le ministre doit, aux termes de l'article 3 du Règlement, tenir le registre des brevets, il en connaît bien les complexités et peut s'en servir pour évaluer l'avis d'allégation d'Apotex portant sur les comprimés d'acyclovir en vue de délivrer un avis de conformité. Dans le jugement Merck Frosst (T-304-96), supra, le juge Nadon a statué, à la page 26, que le ministre n'est pas un " simple pion sur l'échiquier ".         
         De plus, les requérantes n'ont pas réussi à citer de décision obligeant à mentionner chacun des brevets figurant au registre des brevets, peu importe la formulation proposée. Le Règlement et le registre des brevets lui-même doivent être interprétés et appliqués en fonction du but qu'ils visent. Si chaque brevet devait être mentionné, peu importe le contenu ou l'importance du brevet inscrit au registre des brevets, l'avis d'allégation ne serait qu'une formule creuse qui aurait peu, sinon rien, à voir avec la forme proposée effective du médicament. Quelle serait l'utilité pratique de mentionner le brevet 169, qui ne concerne que la formule topique, lorsqu'on cherche à fabriquer la forme buccale du médicament?         
         Il est par ailleurs curieux de constater que, dans leur avis de requête, les requérantes n'ont reproché à Apotex de ne pas avoir mentionné le brevet 169 que dans l'instance no 793 ultérieure, à savoir la demande de contrôle judiciaire expressément déclenchée par le second avis d'allégation du 21 février 1996. Toutefois, au cours du débat, les requérantes se sont données beaucoup de mal pour soutenir que les moyens qu'elles invoquaient au sujet du brevet 169 valaient également pour les instances nos 388 et 793. Néanmoins, je suis fort étonné de constater que les requérantes se sont converties plutôt tardivement au principe que chaque brevet doit être mentionné dans l'avis d'allégation. L'adhésion tardive des requérantes à cet argument ébranle quelque peu sa valeur et son importance. Il est vrai que le second avis d'allégation du 21 février 1996 ne mentionnait pas expressément non plus le brevet 257. Ainsi que je l'ai déjà déclaré, tout le débat entourant le brevet 257 est devenu théorique, étant donné que ce brevet a expiré en septembre 1996.         

     En conclusion, pour ce qui est de l'instance no 793, je conclus que l'allégation de non-contrefaçon contenue dans l'avis d'allégation du 21 février 1996 était justifiée. Il est de jurisprudence constante que les revendications portant sur un procédé ou un intermédiaire ne constituent pas des revendications pour le médicament en soi ou pour l'utilisation du médicament au sens du Règlement. Le " défaut " ostensible d'Apotex de mentionner le brevet 169 n'a aucun rapport avec la question des allégations justifiées de non-contrefaçon.


DISPOSITIF

     Pour ces motifs, les demandes présentées dans les instances nos 388 et 793 sont rejetées.

     " Max M. Teitelbaum "

                                         J.C.F.C.

OTTAWA

Le 19 août 1997.

Traduction certifiée conforme     

                                     Martine Guay, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-388-96 et T-793-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      GLAXO WELLCOME INC. et al.
                     c.
                     MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE
                     ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL et al.
LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :      9 AVRIL 1997

MOTIFS DU JUGEMENT prononcés par le juge Teitelbaum le 19 août 1997

ONT COMPARU :

     Me Patrick Kierans                  pour les requérantes
     Me Leigh Crestohl
     Me Harry Radomski                  pour l'intimée Apotex Inc.

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     Ogilvy Renault                  pour les requérantes
     Montréal (Québec)
     Goodman, Phillips & Vineberg          pour l'intimée Apotex Inc.         
     Toronto (Ontario)
     Me George Thomson                  pour l'intimé, le ministre         
     Sous-procureur général du Canada          de la Santé nationale et
     Ottawa (Ontario)                  du Bien-être social
__________________

     1      Margaret Smith, Patent Protection for Pharmaceutical Products, (Ottawa, Service de recherche de la bibliothèque du Parlement, 1994), à la p. 4.

2      Les paragraphes 4(1) et 4(2) sont ainsi libellés :
     4.(1) La personne qui dépose ou qui, avant la date d'entrée en vigueur du présent règlement, a déposé une demande d'avis de conformité à l'égard d'une drogue qui contient un médicament ou a obtenu un tel avis peut soumettre au ministre une liste de brevets.
     (2) La liste de brevets visée au paragraphe (1) doit faire l'objet d'une attestation de la personne quant à son exactitude et doit contenir les éléments suivants :
         a) tout brevet canadien dont la personne est propriétaire ou à l'égard duquel elle détient une licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire en vue de l'inclure dans la liste et qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament et qui souhaite l'inclure dans la liste;
         b) une déclaration portant qu'à l'égard de chaque brevet, la personne qui demande l'avis de conformité en est le propriétaire, en détient la licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire en vue de l'inclure dans la liste; [...]

3      Aux termes de la Loi sur les brevets, les licences obligatoires octroyées avant le 20 décembre 1991 et qui n'étaient pas expirées au 15 février 1993 sont toujours valides " sauf si elles ont par ailleurs été violées " comme si les dispositions législatives relatives à l'octroi de licences obligatoires n'avaient pas été abrogées.

4      Appel déposé le 19 juin 1997 dans le dossier A-450-97.

5      L'autorisation de former un pourvoi devant la Cour suprême a été accordée le 6 février 1997 relativement à ces arrêts de la Cour d'appel.

6      L'entente écrite qu'Apotex avait conclue avec Novopharm dans les arrêts de la Cour d'appel fédérale avait été signée en novembre 1992. Les dispositions générales de l'entente reconnaissaient expressément que la fin prochaine du régime d'octroi de licences obligatoires était à l'origine de l'entente. Par contraste, les dispositions prises par Medichem et Apotex au sujet de la fourniture de l'acyclovir n'ont pas été officialisées par écrit et existent vraisemblablement indépendamment des événements précis à l'origine de l'entente intervenue entre Apotex et Novopharm. La licence obligatoire de Medichem fait elle-même suite à la décision par laquelle le commissaire des brevets a précisé que les requérantes, qui fabriquent le médicament d'origine, est tenue de fournir à Medichem une licence pour les brevets 257, 863 et 864.

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