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Date : 20230228


Dossier : T-1794-21

Référence : 2023 CF 278

Ottawa (Ontario), le 28 février 2023

En présence de l’honorable juge Pamel

ENTRE :

MATTIO BERTONE

demandeur

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, M. Bertone, demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 27 octobre 2021 par l’agente principale de la division des allègements pour les contribuables [représentante du ministre] à l’Agence du revenu du Canada [ARC], par laquelle la représentante du ministre a accueilli partiellement la demande d’allègement de M. Bertone en vertu du pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 220 (3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl) [Loi].

[2] Je suis d’avis que la demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée. L’argument de M. Bertone est essentiellement basé sur l’idée que la décision serait incohérente puisqu’un élément de sa demande d’allègement a été approuvé et les autres non, alors que les circonstances exceptionnelles invoquées à l’appui de sa demande, soit son illettrisme et le mauvais travail de sa comptable, s’appliquaient de la même manière à chacun d’eux. Cet argument est contrecarré par les explications du ministre du Revenu national [ministre] selon lesquelles sa représentante a considéré que la situation de M. Bertone constituait une justification satisfaisante lorsque ses erreurs concernaient des notions fiscales complexes, mais pas lorsqu’elles relevaient de notions simples dont il aurait dû avoir connaissance. Dans l’ensemble, les arguments de M. Bertone ne parviennent pas à me convaincre qu’il ne savait pas que sa situation fiscale était problématique, ni qu’il a fait preuve de diligence pour résoudre cette situation. Conséquemment, je ne peux conclure qu’il était déraisonnable pour la représentante du ministre d’user de son pouvoir discrétionnaire comme elle l’a fait.

II. Contexte

[3] M. Bertone est entrepreneur depuis plus de 30 ans. Il a notamment été tenu de payer des acomptes provisionnels pour les années d’imposition 2003, 2005 et 2006. Il a effectué des paiements partiels en 2003 et aucun paiement n’a été reçu pour 2005 et 2006. Jusqu’en 2006, M. Bertone a retenu les services d’un comptable, M. Ubaldo Pietrantonio, dans l’exploitation de son entreprise. À partir de 2007, M. Bertone a confié ses affaires à la fille de son comptable, Mme Diana Pietrantonio.

[4] Pour les besoins de la présente demande, il convient de mentionner que les dates précises auxquelles M. Pietrantonio a transféré le dossier de M. Bertone à sa fille ont fait l’objet de nouvelles observations à l’audience par l’avocat de M. Bertone. Cependant, comme je le lui ai clairement indiqué, à défaut d’avoir présenté cette nouvelle version des faits au moyen d’un affidavit et puisque, de toute façon, cette information n’était pas devant la représentante du ministre lorsque celle-ci a pris sa décision, il n’en sera pas tenu compte dans la présente décision.

[5] M. Bertone a remis ses déclarations en retard à l’ARC de manière récurrente, soit pour les années d’imposition 2002, 2003, 2006 à 2009 et 2012. Le 24 juillet 2008, dans le cadre de mesures de recouvrement prises par l’ARC, un agent de recouvrement a rencontré personnellement M. Bertone, en présence de sa fille, afin de l’aviser que sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2007 n’avait pas été produite. M. Bertone a ensuite été avisé qu’il se trouvait en défaut par lettres envoyées à son domicile en juillet 2008, janvier 2009 et mars 2009 – la déclaration pour l’année 2007 a finalement été produite avec 367 jours de retard, soit le 17 juin 2009. De plus, M. Bertone devait faire des paiements d’acomptes provisionnels pour les années 2003 et 2005 à 2008. Le seul paiement reçu à ce titre a été effectué en 2003, d’un montant de 3 449 $, alors que le paiement exigé était de 5 050 $, tandis que deux paiements effectués en 2007 et 2008 étaient sans provision.

[6] Des discussions ont eu lieu avec les services de recouvrement pour que soient conclues des ententes de paiement à plusieurs reprises, mais elles n’ont pas abouti. Quelques paiements ont été reçus, mais le solde demeure impayé à ce jour.

[7] Le 19 décembre 2011, des avis de nouvelle cotisation ont été émis pour les années d’imposition 2007 à 2009 et, de même, le 22 décembre 2014, des avis de nouvelle cotisation ont été émis pour les années d’imposition 2008 et 2009 à la suite d’une opposition déposée par M. Bertone. Les soldes à payer pour ces trois années ont alors été établis à 64 846,45 $, 8 314,14 $ et 4 161,80 $ respectivement. Le 20 février 2015, le relevé de compte produit par l’ARC (T7D) établissait la dette fiscale de M. Bertone à 77 962,21 $.

[8] Le 3 juillet 2015, M. Bertone a fait une première demande d’allègement à l’ARC pour les années d’imposition 2007 à 2009, laquelle a donné lieu, le 23 novembre 2015, à un allègement partiel des intérêts en raison du délai de traitement de sa demande. Près de quatre ans plus tard, le 5 septembre 2019, par le biais de ses nouveaux représentants, M. Bertone a déposé une deuxième demande d’allègement, laquelle a été partiellement accordée le 10 décembre 2020, encore une fois en raison du délai de traitement de sa demande.

[9] Le 14 janvier 2021, M. Bertone a déposé un avis de demande au greffe de la Cour dans le dossier T-105-21, dont il s’est désisté le 6 avril 2021. Le ministre a ensuite effectué un troisième examen de la demande d’allègement de M. Bertone, lequel fait l’objet du présent litige. Le 19 mai 2021, M. Bertone a présenté ses observations dans le cadre du troisième examen, lesquelles énonçaient ceci : (a) son niveau de littératie se situe sous le seuil de l’autonomie; (b) il a fait confiance à Mme Pietrantonio comme il avait fait confiance à son père pendant près de 40 ans, mais celle-ci a consciemment produit ses déclarations fiscales de manière erronée et aurait copié sa signature à au moins deux reprises; (c) il serait injuste que celui-ci subisse les erreurs de sa comptable; et (d) les pénalités imposées n’avaient pas lieu d’être puisqu’il avait toujours payé sa juste part d’impôts à l’État et avait toujours respecté ses ententes de paiement.

III. Décision contestée

[10] La décision de la représentante du ministre révisait une décision antérieure du 10 décembre 2020 qui rejetait la deuxième demande d’allègement de M. Bertone. La demande d’allègement en question concernait (1) la pénalité pour production tardive et production tardive répétée (2) les intérêts sur acomptes provisionnels, et (3) les intérêts sur arriérés qui avaient été imposés à M. Bertone.

[11] La représentante du ministre a annulé les intérêts sur arriérés appliqués aux années d’imposition 2007, 2008 et 2009 depuis la date d’échéance, mais seulement jusqu’au 22 décembre 2014, date où la division des appels de l’ARC a réglé l’opposition de M. Bertone. Elle a conclu qu’il était raisonnable de croire que M. Bertone n’était pas en mesure de reconnaître les erreurs et inexactitudes figurant dans ses déclarations de revenus malgré le fait qu’il connaissait ces revenus, en raison de son illettrisme qui était présent durant la période concernée. Elle a déterminé que M. Bertone avait fait confiance à sa nouvelle représentante, mais que celle-ci n’avait pas agi avec la diligence requise. Toutefois, étant donné que les montants dus avaient été clairement communiqués à M. Bertone dans le nouvel avis de cotisation de décembre 2014, il n’y avait aucune raison pour l’ARC de renoncer à faire courir les intérêts à partir de cette date.

[12] La représentante du ministre a par ailleurs noté que le statut d’octogénaire et d’analphabète fonctionnel de M. Bertone avait été considéré, mais que son âge n’était pas la cause de son manquement à ses obligations fiscales plus de douze ans auparavant, et que son illettrisme avait été pris en compte dans la période mentionnée ci-haut.

[13] La représentante du ministre a, cependant, maintenu les pénalités pour production tardive puisqu’elle était d’avis que, malgré le faible niveau de littératie de M. Bertone, il était au fait des dates d’échéance de production, lesquelles n’avaient pas changé au cours des années, indépendamment de la personne qui s’occupait de préparer ses déclarations. La représentante du ministre a également maintenu les intérêts sur les acomptes provisionnels puisque M. Bertone avait été avisé chaque année de son obligation de faire des versements, et qu’aucun paiement d’acompte provisionnel n’avait été reçu pour les années 2007 à 2009.

[14] Comme il est indiqué plus haut, la représentante du ministre a de plus maintenu les intérêts sur arriérés courant à compter du 22 décembre 2014 pour les années 2007 à 2009 puisque, bien qu’elle ait reconnu les difficultés éprouvées par M. Bertone en raison de son illettrisme, les montants établis à la suite du règlement de son opposition représentaient des soldes dus et à payer. La représentante du ministre a retenu que M. Bertone avait été avisé du solde de sa dette fiscale sur une base régulière depuis les avis de nouvelle cotisation du 22 décembre 2014, et que le solde demeurait impayé, laissant les intérêts s’accumuler.

[15] Par ailleurs, elle a noté que l’avocat de M. Bertone avait mentionné que l’ARC ne pouvait pas le rendre responsable des fautes commises par sa représentante, en qui il avait confiance. À cet égard, elle a souligné que l’ARC n’avait pas tenu M. Bertone responsable des faux énoncés faits par Mme Pietrantonio dans ses déclarations de revenus pour les années 2007 à 2009, ce qui confirmait que l’ARC n’avait pas considéré ces situations comme étant un stratagème de détournement ou de fausse déclaration. Elle a ajouté que les paiements mal attribués mentionnés dans la deuxième demande avaient été transférés et appliqués, tel que M. Bertone l’avait demandé, et qu’il n’y avait pas eu d’erreur de la part de l’ARC dans son dossier.

IV. Question en litige et norme de contrôle

[16] La présente demande de contrôle judiciaire soulève une seule question : la décision de la représentante du ministre est-elle raisonnable? La norme de contrôle appropriée pour la révision d’une décision de la représentante du ministre est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16‑17 [Vavilov]). Le rôle de la Cour est d’examiner le raisonnement suivi par le décideur administratif et le résultat obtenu pour déterminer si la décision est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles » (Vavilov au para 85).

V. Analyse

[17] Les situations où les contribuables sont relevés des obligations fiscales découlant des erreurs commises par leur comptable sont très rares, comme le rappelait le juge Pentney dans la décision Neyedly c Canada (Procureur général), 2020 CF 678 :

[69] […] Le demandeur blâme ses conseillers pour le retard, mais la loi établit clairement que les erreurs attribuées à des tiers ne sont pas considérées comme des circonstances extraordinaires justifiant un allégement (Kotel c Canada (Procureur général), 2013 CF 1015, au par. 65; Tremblay c Canada (Procureur général), 2013 CF 1049, aux par. 12 et 13). Les Lignes directrices IC07 prévoient d’ailleurs, aux paragraphes 35 et 36, que les contribuables sont « généralement considérés comme responsables des erreurs commises ou des retards causés par des tiers qui agissent en leur nom pour leurs affaires fiscales ». Selon les lignes directrices IC07, il peut y avoir des situations exceptionnelles, mais rien dans la preuve au dossier ne permet de tirer une conclusion en ce sens.

[Je souligne.]

[18] Les éléments de la demande d’allègement de M. Bertone qui ont fait l’objet d’un refus de la part de la représentante du ministre sont les suivants : (1) les pénalités pour production tardive et production tardive répétée; (2) les intérêts sur acomptes provisionnels; et (3) les intérêts sur arriérés après la date du 22 décembre 2014.

[19] En ce qui concerne les deux premiers éléments, ils n’ont pas sérieusement fait l’objet d’observations devant moi, et je ne vois rien de déraisonnable dans la décision de la représentante du ministre. Même si j’accepte comme avérés le niveau de dépendance que M. Bertone prétend avoir eu à l’égard de sa comptable et l’étendue de la confiance qu’il lui accordait et reconnais la complexité de sa situation fiscale pour les années 2007 à 2009 et son illettrisme, il n’y a rien de complexe dans l’obligation de produire ses déclarations de revenus et de verser des acomptes provisionnels en temps opportun. Dans la présente affaire, des acomptes provisionnels étaient dus pour les années 2003 et 2005 à 2008. Néanmoins, le seul paiement effectué l’a été en 2003, tandis que les deux paiements effectués en 2007 et 2008 se sont avérés sans provision et, globalement, je n’ai pas été convaincu que la décision de l’ARC est déraisonnable à l’égard de ces questions.

[20] L’argument principal qu’a fait valoir M. Bertone devant moi portait sur la conclusion de la représentante du ministre concernant les intérêts sur arriérés accumulés sur le solde impayé de ses cotisations pour 2007 à 2009. Le solde des intérêts sur arriérés au moment de la réception de sa demande d’allègement par l’ARC le 30 mars 2021 s’élevait à 49 022,54 $, duquel 23 094,21 $ ont été déduits après le troisième examen de sa demande d’allègement.

[21] M. Bertone soutient s’être toujours fié au cabinet comptable qui s’est occupé de ses obligations fiscales pendant près d’un demi-siècle. Il note que la représentante du ministre a reconnu les circonstances exceptionnelles de son dossier, soit que son illettrisme l’avait empêché de reconnaître les erreurs et inexactitudes figurant dans ses déclarations de revenus de 2007 à 2009, et qu’il avait fait confiance à sa nouvelle représentante, mais que celle-ci n’avait pas agi avec la diligence requise. M. Bertone soutient que, malgré cette reconnaissance de sa situation exceptionnelle, la représentante du ministre a refusé d’y donner plein effet. Selon lui, la décision de la représentante du ministre est incohérente, puisqu’elle concède une partie seulement des intérêts sur arriérés sur la base de cette reconnaissance, alors que les effets de sa situation exceptionnelle se sont fait sentir bien au-delà du 22 décembre 2014.

[22] J’accepte que la comptable de M. Bertone ait pu commettre des erreurs lorsqu’elle a rempli ses déclarations de revenus. D’ailleurs, M. Bertone s’est opposé avec succès aux cotisations établies après une vérification datées du 19 décembre 2011 et, d’ailleurs, de nouveaux avis de cotisation ont été émis le 22 décembre 2014 pour les années 2008 et 2009. La représentante du ministre a accepté l’argument de M. Bertone selon lequel, parce qu’il se fiait à sa comptable pour la gestion de ses obligations fiscales, il était incapable de savoir les sommes qu’il devait à l’ARC en raison des erreurs de cette comptable. Cependant, cet argument ne pouvait raisonnablement s’appliquer au-delà du 22 décembre 2014 puisque, en l’absence de contestation de la décision de l’ARC, le solde dû par M. Bertone s’était alors cristallisé.

[23] À mon avis, M. Bertone a pris une décision stratégique : une fois les nouveaux avis de cotisation reçus, il a décidé de ne pas payer ses cotisations et, en juillet 2015, a plutôt fait une première demande d’allègement des pénalités et des intérêts. Il a partiellement réussi et une partie des intérêts a été annulée. Mais à ce moment, plutôt que de rembourser le solde dû, M. Bertone a engagé de nouveaux comptables et, en 2017, a entamé ce qui a été décrit devant moi comme un chantier gigantesque, soit « un travail colossal », pour reconstituer l’historique des paiements effectués aux deux autorités fiscales par ses comptables. M. Bertone fait valoir que la décision de la représentante du ministre d’annuler les intérêts sur arriérés seulement à partir du 22 décembre 2014 omet de considérer que le solde de la dette fiscale envers les deux autorités fiscales ne correspondait pas à la dette réelle, compte tenu des sommes qui leur avaient été payées au cours des années antérieures, et qu’il a d’ailleurs été découvert qu’un paiement fait par M. Bertone avait été attribué à un autre contribuable.

[24] À l’audience, le chantier colossal et interminable entrepris par les représentants de M. Bertone afin de reconstituer le travail de ses anciens comptables a fait l’objet de vives observations de la part de son avocat. À l’en croire, ce chantier serait à la fiscalité ce que les travaux de l’échangeur Turcot sont au réseau routier montréalais. Il est donc surprenant de constater que ce chantier ait été à peine mentionné, non pas dans l’affidavit de M. Bertone lui‑même, mais bien uniquement dans celui de sa fille, qui l’a assisté tout au long du processus de contestation des avis de cotisation. En fait, l’affidavit de M. Bertone ne contient aucune information à ce sujet, alors que celui de sa fille contient les allégations générales suivantes :

19. En effet, depuis 2017, et jusqu’à récemment, j’ai dû, avec le support de nos avocats actuels, effectuer un travail colossal qui nécessitait des recherches interminables pour reconstituer l’historique des paiements effectués aux deux autorités fiscales (pièces L-2, L-3 et L-4);

20. Ce travail n’aurait pas été aussi ardue [sic] si les paiements aux autorités fiscales n’avaient pas été autrefois sous le contrôle de madame Pietrantonio;

21. Nous constaterons, dans le cadre de ce qui a été un immense chantier, que madame Pietrantonio a failli à ses responsabilités relativement au respect des échéanciers de production des déclarations fiscales ainsi qu’à la préparation des chèques correspondants aux paiements des sommes dues aux autorités fiscales;

[…]

[25] Les pièces L-2 à L-4 auxquelles l’affidavit fait référence sont constituées essentiellement de photocopies de chèques envoyés par M. Bertone aux autorités fiscales et de quelques lettres entre ces dernières et les représentants de M. Bertone. Or, ni les observations écrites ni les observations orales dans le présent dossier ne permettent à la Cour de juger de la pertinence de ces informations. À titre d’exemple, je constate à première vue que les plus anciens chèques produits datent de 2012, alors même que la preuve au dossier indique que Mme Pietrantonio ne s’occupait plus des impôts de M. Bertone à cette époque, ce dernier ayant été représenté par d’autres comptables à partir du 28 novembre 2011. En somme, je suis d’avis que, malgré les efforts louables de l’avocat de M. Bertone à l’audience, le lien entre le travail colossal effectué, le détail des erreurs qui sont reprochées à Mme Pietrantonio et le droit qu’aurait M. Bertone de recevoir un allègement alors qu’il n’a pas payé ses cotisations n’a jamais été clairement établi.

[26] Il reste que, ayant laissé s’écouler le délai pour contester les nouveaux avis de cotisation émis le 22 décembre 2014, M. Bertone avait deux choix : il pouvait payer le solde dû, évitant ainsi de payer des intérêts le temps qu’il effectuerait les recherches lui permettant de reconstituer l’historique des paiements, ou il pouvait ne pas le payer et risquer ainsi de rester dans la ligne de mire de l’ARC. Il a fait le second choix et, conséquemment, les intérêts ont continué de s’accumuler.

[27] Je dois dire que, compte tenu de son passé d’homme d’affaires autodidacte, possédant sa propre entreprise et plusieurs immeubles locatifs, j’ai peine à accepter le portrait qui a été peint de M. Bertone à l’audience, soit celui d’un homme illettré aveuglément dépendant de sa comptable. À ce titre, l’avocat de M. Bertone a concédé qu’il n’y avait probablement pas suffisamment d’éléments de preuve devant moi pour étayer une telle allégation.

[28] Qui plus est, la preuve voulant que M. Bertone ait accordé une confiance inébranlable à sa comptable ne permet pas, à elle seule, de conclure qu’il a aveuglément laissé Mme Pietrantonio faire ce qu’elle voulait, surtout considérant l’accompagnement dont il a pu bénéficier de la part de sa fille dès le début de ses échanges avec l’ARC. Il n’est pas non plus question d’un comportement frauduleux ou négligent de la part de Mme Pietrantonio et, à ce compte, les allégations de M. Bertone concernant les chèques que Mme Pietrantonio aurait contrefaits ne trouvent pas appui dans la preuve telle qu’elle a été présentée devant moi. Finalement, le simple fait que les déclarations de revenus de M. Bertone aient été produites en retard ou le fait qu’une signature différente apparaisse sur certaines d’entre elles ne permet pas, en soi et sans autre preuve convaincante quant à l’historique et au contexte, de conclure de manière spéculative que Mme Pietrantonio a, frauduleusement et à l’insu de M. Bertone, apposé sa signature sur ses déclarations de revenus, ni qu’elle a intentionnellement déposé la déclaration de revenus de M. Bertone pour l’année 2007 avec plus d’un an de retard.

[29] En tout état de cause, il reste que M. Bertone a fait le choix de n’effectuer aucun paiement pour rembourser le solde dû à compter du moment où le montant de ses cotisations est devenu certain le 22 décembre 2014. Rien ne l’en empêchait, et il n’était donc pas déraisonnable pour la représentante du ministre de conclure que le défaut de M. Bertone de payer ses cotisations n’était pas dû à des circonstances hors de son contrôle, de telle sorte qu’un allègement des intérêts s’accumulant à partir de ce moment n’était pas justifié.

[30] Dans l’ensemble, je considère que la preuve produite par M. Bertone est insuffisante pour étayer ses arguments quant à la déraisonnabilité de la décision de la représentante du ministre. Ainsi, je n’ai pas été convaincu que l’une ou l’autre des conclusions de cette dernière était déraisonnable. Conséquemment, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée, avec dépens.

 


JUGEMENT au dossier T-1794-21

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Les dépens sont accordés en faveur du ministre.

« Peter G. Pamel »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1794-21

 

INTITULÉ :

MATTIO BERTONE c AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 janvier 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PAMEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 28 février 2023

 

COMPARUTIONS :

Me Yacine Agnaou

Pour le demandeur

Me Annie Laflamme

Pour lA défendeRESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dupuis Paquin, avocats et conseillers d’affaires inc.

Laval (Québec)

 

Pour le demandeur

Ministère de la Justice Canada

Bureau régional du Québec

Montréal (Québec)

 

Pour lA défendeRESSE

 

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