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Date : 20230210


Dossier : IMM-631-22

Référence : 2023 CF 202

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 10 février 2023

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

SURJIT KAUR

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Nature de l’affaire

[1] Surjit Kaur [la demanderesse] sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 7 janvier 2022 par laquelle un agent d’immigration [l’agent] a rejeté sa demande de résidence permanente présentée au titre de la catégorie des aides familiaux à domicile [la décision]. L’agent a conclu que la demanderesse ne satisfaisait pas aux conditions d’admissibilité à la résidence permanente puisqu’elle n’avait pas acquis au moins 24 mois d’expérience de travail à temps plein au Canada au cours des 36 mois précédant la date de sa demande.

[2] La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

II. Contexte

[3] Le 6 mars 2019, la demanderesse, une citoyenne de l’Inde, est arrivée au Canada munie d’un permis de travail de deux ans à titre d’aide familiale à domicile. La catégorie des aides familiaux à domicile fait partie du code 4412 de la Classification nationale des professions [le code CNP 4412].

[4] Entre le 9 mars 2019 et le 26 février 2021, la demanderesse a travaillé pour M. Rai. Le 26 février 2021, la demanderesse a présenté à la fois une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des aides familiaux à domicile en tant que demanderesse de catégorie B et une demande visant la prolongation de son permis de travail. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a informé la demanderesse que ses demandes avaient été reçues le 3 mars 2021.

III. Décision faisant l’objet du contrôle judiciaire

[5] L’agent a rejeté la demande de résidence permanente de la demanderesse. Selon les notes consignées par l’agent dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC], la demanderesse n’avait acquis que 23 mois et 20 jours d’expérience de travail admissible au Canada, au lieu des 24 mois requis au cours des 36 mois précédant la date de la demande.

[6] L’agent a déterminé que la période de 36 mois prévue pour l’acquisition d’expérience de travail admissible au Canada s’échelonnait du 3 mars 2018 au 3 mars 2021, date à laquelle la demande avait été reçue. Durant la période visée, la demanderesse a déclaré avoir travaillé pour un employeur à l’étranger du 14 septembre 2016 au 15 février 2019, puis pour son employeur canadien du 9 mars 2019 au 26 février 2021. L’agent n’a pas tenu compte de l’expérience de travail acquise à l’étranger dans le calcul de l’expérience de travail admissible.

IV. Questions en litige et norme de contrôle applicable

[7] La demanderesse soutient que les questions en litige sont les suivantes :

  1. Y a-t-il eu manquement à l’équité procédurale?

  2. La décision était-elle raisonnable?

[8] La norme de contrôle qui s’applique aux questions d’équité procédurale est essentiellement celle de la décision correcte (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée] aux para 49, 54; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43). L’examen des questions d’équité procédurale par la Cour ne suppose aucune marge d’appréciation ni déférence. Lorsqu’elle doit déterminer s’il y a eu manquement à l’équité procédurale, une cour de révision doit établir si la procédure suivie par le décideur était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée, au para 54; Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 RCS 817 aux pp 837-841).

[9] Les parties conviennent que la norme qui est présumée s’appliquer au contrôle de la décision sur le fond est la norme de la décision raisonnable. En l’espèce, la présomption n’est pas réfutée par la primauté du droit ou par une intention claire du législateur (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 16-17).

[10] Pour juger si une décision est raisonnable, la cour de révision doit « se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, au para 99). Une décision peut être déraisonnable si la logique globale du décideur comporte une faille décisive ou si elle ne peut être justifiée au regard du droit et des faits pertinents (Vavilov, aux para 102, 105). Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable (Vavilov, au para 100).

V. Analyse

A. L’agent a-t-il porté atteinte au droit à l’équité procédurale de la demanderesse?

(1) Position de la demanderesse

[11] L’agent aurait dû traiter la demande de prolongation du permis de travail avant la demande de résidence permanente. Cependant, il y a eu un retard injustifié de près de 11 mois dans le traitement de la demande de résidence permanente de la demanderesse. En outre, l’agent n’a pas justifié la décision ni offert à la demanderesse la possibilité d’être reçue en entrevue.

(2) Position du défendeur

[12] Il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale, car l’affaire se résumait à un simple calcul mathématique de l’expérience de travail admissible acquise par la demanderesse. Rien n’appuie l’observation de la demanderesse selon laquelle une demande de prolongation d’un permis de travail doit être traitée avant une demande de résidence permanente.

(3) Conclusion

[13] Je conclus que l’agent n’a pas porté atteinte au droit à l’équité procédurale de la demanderesse. Un demandeur peut établir qu’un retard est déraisonnable si les critères suivants sont remplis : 1) le retard en question a été plus long que ce que la nature du processus exige de façon prima facie; 2) le demandeur n’est pas responsable du retard; 3) l’autorité responsable du retard ne l’a pas justifié de façon satisfaisante (Thomas c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 164 au para 19, renvoyant à Conille c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1re inst), [1999] 2 CF 33 au para 23). Compte tenu du fait qu’il n’existe pas d’estimation du délai raisonnable de traitement d’une demande de résidence permanente présentée au titre de la catégorie des aides familiaux à domicile, la demanderesse n’a pas établi le caractère déraisonnable du délai de traitement de 11 mois.

[14] De plus, je ne suis pas d’accord avec la demanderesse pour dire que l’agent n’a pas fourni de motifs pour justifier la décision, comme en témoignent la lettre de décision et les notes consignées dans le SMGC. Toutes les questions soulevées à l’égard de la décision seront examinées ci-dessous selon la norme de la décision raisonnable.

[15] Je ne suis pas non plus d’accord pour dire que la demanderesse avait droit à une entrevue. La loi ne prévoit pas de droit à une entrevue dans le cadre d’une demande de résidence permanente, et aucune question n’avait été soulevée quant à l’authenticité des éléments de preuve présentés.

[16] Enfin, je souscris aux observations du défendeur selon lesquelles rien n’oblige un agent à traiter une demande de prolongation de permis de travail avant une demande de résidence permanente. Je reviens sur ce point ci-dessous.

B. La décision était-elle raisonnable?

(1) Position de la demanderesse

[17] L’agent a commis une erreur en évaluant l’expérience de travail admissible de la demanderesse. Cette dernière a continué à travailler comme aide familiale après qu’elle eut présenté sa demande de résidence permanente. Par conséquent, l’agent aurait dû tenir compte de l’expérience de travail acquise jusqu’à la date de la décision, soit le 7 janvier 2022, et non jusqu’à la date de la demande, soit le 26 février 2021.

[18] De plus, l’agent aurait dû examiner la demande de prolongation de permis de travail de la demanderesse avant d’examiner sa demande de résidence permanente.

(2) Position du défendeur

[19] L’agent a déterminé à juste titre que la demanderesse avait acquis une expérience de travail admissible durant 23 mois et 20 jours. Selon les instructions ministérielles, les demandeurs doivent avoir acquis au moins 24 mois d’expérience de travail admissible au Canada au cours des 36 mois précédant la date de la demande.

[20] De plus, selon les Instructions sur l’exécution des programmes concernant le traitement des demandes de permis de travail présentées au titre du code CNP 4412, la demande de permis de travail d’un demandeur ne peut être traitée tant qu’une décision favorable quant à l’admissibilité n’a pas été rendue à l’égard de sa demande de résidence permanente. La demanderesse n’a invoqué aucune source à l’appui de l’affirmation selon laquelle sa demande de prolongation de son permis de travail aurait dû être traitée avant sa demande de résidence permanente.

(3) Conclusion

[21] Je conclus que la décision est raisonnable. L’agent a fourni un raisonnement qui, bien qu’il soit bref, permet à la Cour de comprendre comment il est parvenu à sa conclusion (Vavilov, au para 84).

[22] Le défendeur fait remarquer, à juste titre, que les instructions ministérielles indiquent clairement que les 24 mois d’expérience de travail admissible doivent avoir été accumulés au cours des 36 mois précédant la date de la demande, et non la date de la décision (Instructions ministérielles concernant la catégorie « gardiens d’enfants en milieu familial », (2019) Gaz C I, 3174, art 2(4)).

[23] La seule expérience de travail canadienne admissible mentionnée par la demanderesse au cours de cette période de 36 mois était l’emploi qu’elle avait occupé auprès de M. Rai du 9 mars 2019 au 26 février 2021. L’autre expérience de travail de la demanderesse, du 14 septembre 2016 au 15 février 2019, avait été acquise à l’étranger, et l’agent a déterminé, à juste titre, que cette expérience ne pouvait pas être prise en compte dans le calcul des 24 mois d’expérience de travail admissible.

[24] Même si le manque à gagner quant à l’expérience de travail se résumait à quelques jours, l’agent était lié par les exigences législatives. J’estime que l’agent a raisonnablement conclu que la demanderesse ne satisfaisait pas aux critères d’admissibilité à la résidence permanente.

[25] Enfin, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que, selon les Instructions sur l’exécution des programmes, l’agent ne pouvait pas traiter la demande de prolongation du permis de travail de la demanderesse tant qu’une décision quant à l’admissibilité n’avait pas été rendue à l’égard de sa demande de résidence permanente. La demanderesse n’a invoqué aucune source à l’appui de son affirmation selon laquelle sa demande de prolongation de son permis de travail aurait dû être traitée avant sa demande de résidence permanente.

VI. Conclusion

[26] La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[27] Aucune des parties n’a proposé de question aux fins de certification, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-631-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Paul Favel »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-631-22

INTITULÉ :

SURJIT KAUR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 31 août 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FAVEL

DATE DES MOTIFS :

Le 10 février 2023

COMPARUTIONS :

Kanwardeep Sukhija

Pour la demanderesse

 

Courtenay Landsiedel

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kanwar Simran Lawyers LLP

Avocats

Surrey (Colombie-Britannique)

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

 

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