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Date : 20230208


Dossier : IMM-415-22

Référence : 2023 CF 186

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 8 février 2023

En présence de monsieur le juge Henry S. Brown

ENTRE :

OMONIYI ABDULFATAI YUSUF

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Nature de l’affaire

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision datée du 17 décembre 2021 par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de rejeter la demande d’asile du demandeur en raison de conclusions défavorables en matière de crédibilité et a conclu que le demandeur ne s’était pas acquitté de son fardeau de la preuve selon le dossier dont disposait les deux tribunaux administratifs.

II. Faits

[2] Le demandeur est un homme de 34 ans, de citoyenneté nigériane, qui affirme craindre d’être persécuté ou de subir des préjudices dans son pays d’origine en raison de son orientation sexuelle en tant qu’homme bisexuel. Son récit est le suivant.

[3] Le demandeur est né dans l’État de Kwara et a grandi sous la garde de ses grands-parents à Ilorin. Après avoir parlé de son orientation sexuelle à son grand-père, il a dû aller vivre chez sa mère. Il a cessé de parler de ce sujet à partir de ce moment-là.

[4] Le demandeur a eu sa première relation homosexuelle avec un homme nommé C, qu’il a rencontré lorsqu’ils jouaient tous les deux dans l’équipe de basketball de l’Université de Jos. Ils se sont fréquentés de 2008 à 2011, puis se sont perdus de vue. Le demandeur a rencontré son partenaire suivant, D, à une exposition d’art, et ils ont commencé à se fréquenter en 2013.

[5] Après avoir subi des pressions de la part de sa famille, le demandeur a contracté un mariage arrangé en 2016. Il a eu deux enfants avec son épouse. En 2019, il a tenté de se rendre à Vancouver avec D pour assister à une exposition d’art, mais il a appris plus tard que D avait été arrêté et détenu pour avoir vendu des œuvres d’art gaies à un agent de police infiltré. Par la suite, la police se serait présentée au domicile du demandeur pendant son absence et aurait interrogé sa femme de ménage.

[6] Le demandeur a donc décidé de déménager sa famille ailleurs au Nigéria. Malgré cela, il aurait commencé à recevoir des appels d’amis et de membres de sa famille, car des rumeurs commençaient à se répandre sur son orientation sexuelle. Selon un voisin, la police était également retournée pour fouiller le domicile du demandeur. Le demandeur a ensuite quitté le Nigéria pour se rendre au Canada en mai 2019 et a présenté une demande d’asile. Il a appris le décès de son père après son départ, et il craint que la découverte de son orientation sexuelle soit ce qui l’a tué.

[7] Sa demande d’asile a été rejetée par la SPR. Il a interjeté appel devant la SAR et il a réussi à faire admettre quelques nouveaux éléments de preuve.

III. Décision faisant l’objet du contrôle

[8] La SAR a rejeté l’appel du demandeur et a jugé que la SPR avait correctement conclu qu’il n’avait ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. Plus précisément, la SAR a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur dans l’appréciation de la crédibilité. Les conclusions de la SAR sont énoncées ci-après.

A. La SPR n’a pas commis d’erreur dans son évaluation des certificats de décès.

[9] Tout d’abord, la SAR a évalué la conclusion de la SPR selon laquelle les certificats de décès du père du demandeur et de D étaient frauduleux. Elle a relevé de nombreuses erreurs typographiques et grammaticales sur les certificats en les comparant à un spécimen de certificat de décès obtenu du Fonds des Nations Unies pour l’enfance et contenu dans le cartable national de documentation [le CND]. Le demandeur avait présenté des lettres rédigées par le directeur adjoint de l’état civil de la Commission nationale de la population pour expliquer les irrégularités. Il était indiqué dans les lettres que les irrégularités résultaient des modifications apportées aux lois sur l’enregistrement lors de la transition du régime militaire vers le régime civil. La SAR a conclu que cette explication ne justifiait pas les divergences, puisque le spécimen de certificat de décès contenait des renseignements à jour. Elle a tiré des conclusions semblables en ce qui concerne l’omission de certains mots dans les certificats.

[10] La SAR a également tiré des conclusions défavorables quant à la crédibilité en raison d’erreurs présumées dans la date d’enregistrement et les numéros de série et d’entrée figurant sur les certificats. Plus précisément, elle a noté que les certificats de décès indiquaient que le décès de D et celui du père du demandeur avaient été enregistrés le même jour, et qu’ils portaient des numéros de série et d’entrée séquentiels. La SAR a rejeté l’allégation du demandeur selon laquelle les certificats de décès avaient simplement été produits à intervalle très rapproché, mais les deux personnes étaient décédées à des occasions distinctes. Elle a jugé qu’il était plus probable que le contraire que les certificats de décès de deux personnes décédées à des mois d’intervalle ne soient pas enregistrés le même jour, plus d’un an plus tard, et ne portent pas des numéros de série et d’entrée séquentiels.

[11] Après avoir examiné ces questions de manière globale, la SAR n’a pas jugé que la SPR avait commis une erreur en concluant que les certificats de décès présentés n’étaient pas authentiques.

B. La SPR n’a pas demandé au demandeur de formuler des hypothèses.

[12] La SAR a également rejeté l’argument du demandeur selon lequel la SPR avait commis une erreur parce qu’il ne serait pas normalement raisonnable de s’attendre à ce que le demandeur soit au courant des « points » sur lesquels il a été invité à formuler des hypothèses au sujet des irrégularités relevées dans les certificats de décès. De l’avis de la SAR, la SPR n’a pas demandé au demandeur de formuler des hypothèses. La SPR n’a pas non plus tiré de conclusions défavorables quant à la crédibilité en fonction des réponses du demandeur. Selon la SAR, la SPR a plutôt tiré des conclusions défavorables quant à la crédibilité en raison des irrégularités relevées dans les certificats. La SAR a souligné que la Cour avait déclaré ce qui suit dans la décision Matharu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 19 [Matharu] :

[…] En l’espèce, je suis convaincu que les conclusions de la SSR [Section du statut de réfugié] sur deux éléments importants de la revendication du demandeur ont été tirées sans tenir compte des éléments dont celle-ci disposait. En ce qui concerne le bureau de PTP-TDS, la SSR a rejeté une théorie qui était fondée sur des hypothèses échafaudées par l’avocat du demandeur et qui n’avait pas été avancée par ce dernier. Pour ce qui est des démêlés du père du demandeur avec la police, la SSR ne pouvait pas inviter le demandeur à formuler des hypothèses au sujet des raisons pour lesquelles la police avait agi comme elle l’avait fait et rejeter ensuite sa réponse au motif qu’elle était fondée sur des hypothèses. Le demandeur a dit à la SSR de quoi lui et son père étaient soupçonnés. En l’absence de toute communication de la police, ces soupçons ne peuvent reposer que sur des hypothèses (au para 30).

[13] La SAR a conclu que l’affaire Matharu différait de l’appel du demandeur, puisque les certificats de décès avaient été présentés comme éléments de preuve et non à titre de théorie hypothétique, et que la SPR n’avait pas demandé au demandeur de formuler des hypothèses à la suite de ses explications au sujet des irrégularités. La SAR a fait observer que, lorsque la SPR a questionné le demandeur sur les irrégularités entre les certificats, ce dernier a répondu, mais que la SPR ne lui a pas demandé de formuler des hypothèses après chacune de ses réponses. La SPR n’a pas non plus tiré de conclusion défavorable quant à la crédibilité à la lumière des réponses du demandeur. De l’avis de la SAR, la SPR a conclu à juste titre que les réponses du demandeur n’étaient pas raisonnables et que, selon la prépondérance des probabilités, les certificats de décès étaient frauduleux.

[14] De plus, la SAR a rejeté l’argument du demandeur selon lequel la SPR avait procédé à une évaluation microscopique des certificats et n’avait pas fourni de motifs convaincants et justifiés pour expliquer sa décision. La SAR a conclu que la décision de la SPR n’était pas microscopique puisque les irrégularités figurant sur les certificats de décès étaient évidentes « à première vue », et que la SPR avait déclaré dans sa décision qu’elle avait conclu que les certificats de décès étaient frauduleux.

C. La SPR n’a pas commis d’erreur dans son évaluation de la relation du demandeur avec C et D.

[15] La SAR a rejeté l’argument du demandeur selon lequel la SPR avait commis une erreur en faisant preuve d’une vigilance extrême lorsqu’elle a examiné son témoignage au sujet de sa relation avec « C ». Étant donné que le demandeur connaissait « C » depuis trois ans, y compris l’année où ils étaient en relation, la SPR a conclu qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que le demandeur « donne des renseignements sur ce qu’il aimait au sujet de « C », à part ses habiletés je joueur de basketball ». La SAR n’a pas souscrit à l’argument du demandeur parce que son témoignage au sujet de C ne comportait pas les détails auxquels on se serait attendu, selon la prépondérance des probabilités, à la suite d’une amitié de deux ans qui s’est transformée en une relation d’un an. La SAR a finalement donné raison à la SPR et a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, les réponses du demandeur témoignaient d’une amitié plutôt que d’une relation. La SAR a également écarté les éléments de preuve concernant un autre partenaire de même sexe présumé, D.

D. La SPR n’a pas commis d’erreur dans son évaluation de la participation du demandeur à la communauté LGBTQ.

[16] La SAR a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur dans son évaluation de la participation du demandeur à la communauté LGBTQ. Elle a jugé que les lettres et les photos prises au défilé de la fierté étaient génériques et elle a rejeté l’affirmation du demandeur selon laquelle la SPR n’avait pas tenu compte de la preuve parce qu’elle n’avait pas jugé le demandeur digne de foi. S’appuyant sur la décision Lawani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 924, la SAR a conclu qu’il était loisible à la SPR de n’accorder aucune force probante à certains éléments de preuve fondés sur des éléments sous-jacents jugés non crédibles.

E. La SPR n’a pas commis d’erreur dans son application des Directives sur l’orientation et les caractères sexuels ainsi que l’identité et l’expression de genre [les Directives sur l’OCSIEG].

[17] La SAR a également conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur dans son application des Directives sur l’OCSIEG. Bien que la SPR n’ait pas expressément mentionné les Directives sur l’OCSIEG dans le corps de sa décision, la SAR n’a pas considéré qu’il s’agissait d’une erreur déterminante. Les Directives sur l’OCSIEG ne sont pas d’application obligatoire, mais on s’attend à ce que les décideurs les appliquent ou qu’ils justifient leur décision de s’en écarter. Après avoir écouté l’audience de la SPR, la SAR a conclu que les questions posées par la SPR étaient appropriées et que les omissions et les incohérences dans la preuve avaient été traitées avec respect. La SAR a estimé que la SPR avait donné au demandeur deux occasions d’expliquer les incohérences. Par conséquent, elle a conclu que la SPR n’avait pas fait fi des Directives sur l’OCSIEG.

F. La SPR n’a pas commis d’erreur quant au principe énoncé dans l’arrêt Maldonado.

[18] La SAR a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur dans son interprétation de l’arrêt Maldonado c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 CF 302 (CA) [Maldonado]. Selon cet arrêt, lorsqu’un demandeur jure que certaines allégations sont vraies, cela crée une présomption qu’elles le sont. Cette présomption est toutefois réfutable. La SAR était d’accord avec la SPR qu’il y avait des raisons de douter de la véracité des allégations du demandeur et que, par conséquent, la présomption avait été réfutée. En fin de compte, la SAR a convenu avec la SPR que, selon la prépondérance des probabilités, les allégations du demandeur n’étaient pas crédibles.

IV. Questions en litige

[19] La seule question à trancher est de savoir si la décision de la SAR est raisonnable.

V. Norme de contrôle applicable

[20] Les parties conviennent, et c’est aussi mon avis, que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Dans l’arrêt Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67, qui a été rendu en même temps que l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], le juge Rowe, s’exprimant au nom des juges majoritaires, explique les attributs que doit présenter une décision raisonnable et les exigences imposées à la cour de révision qui procède au contrôle de la décision selon la norme de la décision raisonnable :

[31] La décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, par. 85). Par conséquent, lorsqu’elle procède au contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, « une cour de révision doit d’abord examiner les motifs donnés avec “une attention respectueuse”, et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à [l]a conclusion » (Vavilov, par. 84, citant Dunsmuir, par. 48). Les motifs devraient être interprétés de façon globale et contextuelle afin de comprendre « le fondement sur lequel repose la décision » (Vavilov, par. 97, citant Newfoundland Nurses).

[32] La cour de révision devrait se demander si la décision dans son ensemble est raisonnable : « ... ce qui est raisonnable dans un cas donné dépend toujours des contraintes juridiques et factuelles propres au contexte de la décision particulière sous examen » (Vavilov, par. 90). Elle doit se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci » (Vavilov, par. 99, citant Dunsmuir, par. 47 et 74, et Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 R.C.S. 5, par. 13).

[33] Lors d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, « [i]l incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable » (Vavilov, par. 100). La partie qui conteste la décision doit convaincre la cour de justice que « la lacune ou la déficience [invoquée] [. . .] est suffisamment capitale ou importante pour rendre [la décision] déraisonnable » (Vavilov, par. 100).

[Non souligné dans l’original.]

[21] Cela dit, dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada mentionne clairement qu’à moins de « circonstances exceptionnelles », le rôle de la Cour n’est pas d’apprécier à nouveau la preuve. De telles circonstances n’existent pas en l’espèce. Les instructions de la Cour suprême du Canada sont les suivantes :

[125] Il est acquis que le décideur administratif peut apprécier et évaluer la preuve qui lui est soumise et qu’à moins de circonstances exceptionnelles, les cours de révision ne modifient pas ses conclusions de fait. Les cours de révision doivent également s’abstenir « d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur » : CCDP, par. 55; voir également Khosa, par. 64; Dr Q, par. 41‑42. D’ailleurs, bon nombre des mêmes raisons qui justifient la déférence d’une cour d’appel à l’égard des conclusions de fait tirées par une juridiction inférieure, dont la nécessité d’assurer l’efficacité judiciaire, l’importance de préserver la certitude et la confiance du public et la position avantageuse qu’occupe le décideur de première instance, s’appliquent également dans le contexte du contrôle judiciaire : voir Housen, par. 15-18; Dr Q, par. 38; Dunsmuir, par. 53.

[Non souligné dans l’original.]

[22] En outre, la Cour d’appel fédérale a récemment conclu, dans l’arrêt Doyle c Canada (Procureur général), 2021 CAF 237, que le rôle de notre Cour n’est pas d’apprécier à nouveau la preuve :

[3] La Cour fédérale avait tout à fait raison d’agir ainsi. Selon ce régime législatif, le décideur administratif, en l’espèce le directeur, examine seul les éléments de preuve, tranche les questions d’admissibilité et d’importance à accorder à la preuve, détermine si des inférences doivent en être tirées, et rend une décision. Lorsqu’elle effectue le contrôle judiciaire de la décision du directeur en appliquant la norme de la décision raisonnable, la cour de révision, en l’espèce la Cour fédérale, peut intervenir uniquement si le directeur a commis des erreurs fondamentales dans son examen des faits, qui minent l’acceptabilité de la décision. Soupeser à nouveau les éléments de preuve ou les remettre en question ne fait pas partie de son rôle. S’en tenant à son rôle, la Cour fédérale n’a relevé aucune erreur fondamentale.

[4] En appel, l’appelant nous invite essentiellement dans ses observations écrites et faites de vive voix à soupeser à nouveau les éléments de preuve et à les remettre en question. Nous déclinons cette invitation.

[Non souligné dans l’original.]

VI. Analyse

A. Contexte juridique

[23] Puisque la crédibilité est la question déterminante dans les décisions de la SPR et de la SAR, il convient de rappeler le droit à cet égard, tel qu’il est résumé dans la décision Khakimov c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 18 :

[23] [...] Pour commencer, la SPR a un vaste pouvoir discrétionnaire qui lui permet de retenir certains éléments de preuve plutôt que d’autres, et de déterminer le poids à accorder à ceux qu’elle retient : Medarovik c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 61 au paragraphe 16; Pushpanathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 867, au paragraphe 68. La Cour d’appel fédérale a statué que les conclusions de fait et les conclusions sur la crédibilité constituaient l’essentiel de l’expertise de la SPR : Giron c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 143 NR 238 (CAF). La SPR est reconnue en tant que tribunal spécialisé à l’égard des revendications du statut de réfugié et elle statutairement autorisée par la loi à appliquer sa spécialisation : Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 805 au paragraphe 10. Et dans l’arrêt Siad c Canada (Secrétaire d’État), [1997] 1 CF 608, au paragraphe 24 (CAF), la Cour d’appel fédérale a indiqué que la SPR :

[…] se trouve dans une situation unique pour apprécier la crédibilité d’un demandeur du statut de réfugié. Les décisions quant à la crédibilité, qui constituent « l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits » doivent recevoir une déférence considérable à l’occasion d’un contrôle judiciaire, et elles ne sauraient être infirmées à moins qu’elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve.

[24] La SPR peut tirer des conclusions sur la crédibilité fondées sur des invraisemblances, le bon sens et la raison, mais elle ne doit pas tirer de conclusions défavorables après avoir examiné « à la loupe » des éléments qui ne sont pas pertinents ou qui sont accessoires à la revendication du demandeur : Haramichael c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CF 1197, au paragraphe 15, citant Lubana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, aux paragraphes 10 et 11 [Lubana]; Attakora c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [1989] ACF no 444. La SPR peut rejeter des preuves non réfutées si celles-ci « ne sont pas compatibles avec les probabilités propres à l’affaire dans son ensemble, ou si elle relève des contradictions dans la preuve » : Lubana, précitée, au paragraphe 10. La SPR peut également conclure à bon droit que le demandeur n’est pas crédible « à cause d’invraisemblances contenues dans la preuve qu’il a présentée, dans la mesure où les inférences qui sont faites ne sont pas déraisonnables et que les motifs sont formulés “en termes clairs et explicites” » : Lubana, précitée, au paragraphe 9.

[24] La Cour d’appel fédérale a également reconnu et confirmé le rôle central que joue la SPR dans les décisions relatives à la crédibilité dans l’arrêt Huruglica c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 93, dans lequel elle aborde les rôles de la SAR et de la SPR :

[70] Ce texte reconnaît également l’avantage certain que peut avoir la SPR sur la SAR lorsque les conclusions de fait ou des conclusions mixtes de fait et de droit reposent sur l’appréciation de la crédibilité ou de la valeur des témoignages de vive voix. Il indique aussi que, étant entendu que la SAR doive parfois faire preuve d’une certaine retenue avant de rendre sa propre décision, la question de savoir si les circonstances commandent pareille retenue doit être appréciée au cas par cas. Dans chaque cas, la SAR doit rechercher si la SPR a joui d’un véritable avantage et si, le cas échéant, elle peut néanmoins rendre une décision définitive relativement à une demande d’asile.

[71] Il existe plusieurs cas de figure possibles. Ainsi, si la SPR a trouvé un témoin honnête et crédible, la question de la crédibilité ne se pose pas vraiment. Il en est de même si la SAR peut statuer sur la demande en se fiant aux conclusions de fait de la SPR quant à la valeur relative des témoignages et à leur crédibilité.

VII. Analyse

A. Certificats de décès, relations homosexuelles antérieures et Directives de l’OCSIEG

[25] Le demandeur soutient que la SAR a commis une erreur en ne tenant pas compte de la présomption de vérité lorsqu’elle a évalué la preuve documentaire. Il affirme qu’il existe une présomption de vérité lorsque des documents provenant d’une autorité étrangère sont en cause, à moins qu’il y ait un motif valable de s’y opposer. Le demandeur cite les paragraphes suivants de la décision Ramalingam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 10 (CF 1re inst) [Ramalingam] :

[5] L’avocat de l’intimé s’est opposé à l’admissibilité d’un tel document pour le motif qu’il n’a pas été produit à l’audience. À mon avis, comme la question concernant la validité du certificat de naissance du requérant n’a été soulevée par l’agent chargé de la revendication qu’après la fin de l’audience, il est juste et approprié que le requérant soit autorisé à y répondre en présentant d’autres éléments de preuve dans sa propre réponse. De plus, les pièces d’identité délivrées par un gouvernement étranger sont présumées valides à moins d’une preuve contraire : voir Gur, Jorge P. (1971), 1 I.A.C. 384 (C.A.I.)1. Dans cette décision de la Commission d’appel de l’immigration, le président a posé la question suivante, à la page 391 :

[TRADUCTION] "La question en l’espèce est la suivante : qui peut contester la validité d’un document émanant d’un État, à qui alors incombe la preuve de sa validité et quelle preuve est requise?"

Il a répondu correctement à la page 392 :

[TRADUCTION] "Bien qu’il n’existe presque pas de jurisprudence qui porte directement sur ce point, il faut considérer qu’un document émanant d’un État -- un passeport ou un certificat d’identité -- est présumé valide. La reconnaissance de la souveraineté d’un État étranger sur ses citoyens ou ses ressortissants et la courtoisie internationale rendent toute autre conclusion insoutenable. La maxime "omnia praesumuntur rite et solemniter esse acta" (toute chose est présumée être faite conformément à la règle) s’applique tout particulièrement en l’espèce en établissant une présomption réfutable de validité."

[6] En l’espèce, la Commission a contesté la validité du certificat de naissance sans produire d’autre élément de preuve à l’appui de sa prétention et, manifestement, la question des documents étrangers n’est pas un domaine que la Commission peut prétendre connaître tout particulièrement. À mon avis, cela constitue une erreur susceptible de révision de la part de la Commission.

[26] Bien que la SAR ait conclu que les lettres de l’état civil provenaient d’une source crédible, elle a rejeté l’explication contenue dans les lettres en raison des incohérences relevées. Le demandeur a mentionné que les lettres étaient rédigées sur du papier à en-tête officiel, qu’elles fournissaient des coordonnées et qu’elles étaient signées. Il a ensuite cité une partie du CND, selon laquelle les certificats de décès sont produits en plusieurs versions au Nigéria. Vu ce fait et les lettres, le demandeur fait valoir que la SAR a commis une erreur en tirant une conclusion défavorable quant à la crédibilité à cet égard.

[27] Se fondant sur la décision Valtchev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 776, le demandeur soutient que la SAR a également tiré de vagues conclusions d’invraisemblance concernant l’erreur d’impression alléguée dans les lettres d’enregistrement :

Un tribunal administratif peut tirer des conclusions défavorables au sujet de la vraisemblance de la version des faits relatée par le revendicateur, à condition que les inférences qu’il tire soient raisonnables. Le tribunal administratif ne peut cependant conclure à l’invraisemblance que dans les cas les plus évidents, c’est-à-dire que si les faits articulés débordent le cadre de ce à quoi on peut logiquement s’attendre ou si la preuve documentaire démontre que les événements ne pouvaient pas se produire comme le revendicateur le prétend. Le tribunal doit être prudent lorsqu’il fonde sa décision sur le manque de vraisemblance, car les revendicateurs proviennent de cultures diverses et que des actes qui semblent peu plausibles lorsqu’on les juge en fonction des normes canadiennes peuvent être plausibles lorsqu’on les considère en fonction du milieu dont provient le revendicateur. [voir L. Waldman, Immigration Law and Practice (Markham, ON, Butterworths, 1992) à la page 8.22].

[28] Le demandeur soutient que l’explication contenue dans les lettres, selon laquelle les divergences étaient attribuables à une erreur des imprimeurs, n’est [traduction] « pas tirée par les cheveux à un point tel qu’il soit justifié pour la SAR de conclure à une invraisemblance ».

[29] Le demandeur fait également valoir que la SAR a commis une erreur en tirant une conclusion défavorable quant à la crédibilité en se fondant sur la date d’enregistrement et les numéros de série et d’entrée des certificats de décès. Selon lui, les éléments de preuve contenus dans le CND démontrent que l’enregistrement d’un certificat de décès n’est pas aussi simple que le prétend la SAR dans sa décision. Il fait valoir que sa famille n’a probablement pas enregistré le décès de son père avant d’être tenue de le faire, puis qu’elle a enregistré les deux décès en même temps. S’appuyant sur la décision Lubana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, le demandeur soutient que la SAR a appliqué une [traduction] « logique nord‑américaine » à l’enregistrement des certificats de décès en supposant à tort que deux décès ne pouvaient pas être enregistrés 18 mois plus tard à la même date. En toute déférence, l’avocat demande essentiellement à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve à cet égard. Cette question est purement une question de fiabilité de la preuve documentaire. Un tel réexamen n’est pas autorisé dans le cadre d’un contrôle judiciaire, selon le paragraphe 125 de l’arrêt Vavilov et l’arrêt Doyle. Avec égards, la SAR a fourni[traduction] « des motifs clairs, convaincants et intelligibles pour justifier sa conclusion selon laquelle les certificats de décès n’étaient pas authentiques », notant, entre autres, que les certificats utilisaient le mot « loi » alors que le spécimen de certificat du CND utilisait le mot « décret »; que les certificats omettaient le mot « détails », qui était mentionné dans le spécimen du CND; que les numéros de série et d’entrée étaient séquentiels, malgré l’intervalle entre le décès de l’ancien partenaire du demandeur et celui de son père; et que les lettres laissaient entendre que le spécimen était erroné, même s’il était à jour.

[30] Le défendeur fait également remarquer, et je suis d’accord avec lui, que [traduction] « [m]algré les objections du demandeur, la présomption de vérité ne sert pas de panacée permettant de régler des préoccupations valides en matière de crédibilité [...] ». À mon humble avis, la SAR a raisonnablement conclu que la présomption de vérité était réfutée. La SAR n’a commis aucune erreur fondamentale ou fatale.

[31] Le demandeur soutient également que la SAR a commis une erreur dans son évaluation de la relation qu’il entretenait avec C, une relation homosexuelle au Nigéria. Il fait valoir que la SAR n’a pas tenu compte des Directives de l’OCSIEG et affirme qu’elle n’a pas [traduction] « examiné adéquatement s’il y avait des obstacles culturels, psychologiques ou d’autre nature susceptibles d’expliquer pourquoi le témoignage est vague ». Selon le demandeur, la SAR n’a pas tenu compte du contexte culturel, à savoir, du fait qu’il a grandi dans une culture ou un pays intrinsèquement homophobe où il a été forcé de cacher sa sexualité. Par conséquent, il est d’avis qu’il n’est pas surprenant qu’il [traduction] « ait eu peur de donner des détails sur sa sexualité à une personne en position d’autorité », notamment à un tribunal administratif comme la SPR.

[32] De plus, le demandeur fait remarquer que, selon les Directives sur l’OCSIEG, la SAR doit fournir des motifs précis à l’appui de sa conclusion selon laquelle le témoignage est insuffisant, ce qu’elle n’a pas fait. Il affirme également que la SAR n’a pas tenu compte de son témoignage à l’audience, notamment sur ce qu’il aimait de C, les activités qu’ils pratiquaient ensemble, le fait qu’il lui avait montré à peindre et que C le regardait peindre, et les nombreuses choses que le demandeur découvrait à propos de C. Il soutient que si la SAR avait d’autres questions, elle aurait dû les lui poser et lui permettre de fournir d’autres renseignements. En fin de compte, le demandeur affirme que [traduction] « les choses dont deux hommes devraient se parler et qu’ils devraient savoir l’un sur l’autre d’après le commissaire de la SPR ne sont pas nécessairement celles que se diraient deux hommes d’une culture différente ». Sur ce point, le demandeur soutient qu’il a fait plus qu’assez pour prouver sa relation avec C, et que ses réponses témoignent de plus qu’une simple amitié.

[33] Encore une fois, le demandeur invite la Cour à apprécier à nouveau la preuve concernant sa relation avec C. Or, ce n’est pas le rôle de la Cour. Quoi qu’il en soit, je ne suis pas convaincu que la décision de la SAR est déraisonnable compte tenu des motifs complets et détaillés qu’elle a fournis à cet égard. Ses commentaires s’appliquent à la relation entre le demandeur et C, et également, à mon avis, à la relation que le demandeur disait entretenir avec un autre homme au Nigéria, à savoir D.

B. Participation à la communauté LGBTQ

[34] Le demandeur soutient que la SAR a commis une erreur dans son évaluation de sa participation à la communauté LGBTQ. Selon lui, la SAR n’a pas effectué sa propre analyse des documents à l’appui qu’il avait fournis, à savoir les lettres de soutien, et s’est plutôt fondée sur des conclusions antérieures en matière de crédibilité pour [traduction] « enrichir son analyse de la preuve ». Le demandeur fait remarquer que, comme il n’est pas tenu de prouver qu’il a eu des contacts sexuels pour étayer sa demande, les lettres de soutien qu’il a déposées devraient suffire à démontrer sa participation à la communauté LGBTQ de Toronto.

[35] Le défendeur soutient que l’évaluation par la SAR de la participation du demandeur à la communauté LGBTQ était raisonnable. D’après les lettres d’appui des organismes (p. ex. la Coalition de personnes noires pour la prévention du sida [Black Cap], The 519, etc.), la SAR a conclu que l’adhésion ou la participation à ces groupes était généralement ouverte et volontaire, et que le demandeur avait fait une autodéclaration quant à son orientation sexuelle. Je ne suis pas convaincu que l’évaluation que la SAR a faite de la preuve à cet égard était déraisonnable. Je suis conscient que le demandeur vient d’un pays où le fait d’appartenir à la communauté LGBTQ est un crime grave et où une arrestation pour de tels motifs peut avoir des ramifications mettant sa vie en danger. Cependant, la question en l’espèce ne concerne pas les personnes LGBTQ au Nigéria en général, mais le risque personnel pour le demandeur au Nigéria.

[36] L’avocat du demandeur a notamment admis qu’il était [traduction] « facile » d’obtenir une lettre de l’un des organismes sur lesquels le demandeur s’est appuyé. À mon avis, la SAR a examiné en profondeur et rejeté les observations du demandeur, qu’il réitère devant la Cour. Les paragraphes qui suivent font partie des motifs de la SAR. Ils répondent pleinement aux observations du demandeur et, encore une fois, en toute déférence, je les trouve raisonnables :

[40] Le conseil soutient que la SPR a écarté [traduction] « des éléments de preuve importants démontrant » la [traduction] « participation de l’appelant à la communauté LGBTQ au Canada » parce que la SPR avait [traduction] « déjà conclu que l’appelant n’était pas digne de confiance ». Pour les motifs qui suivent, je ne souscris pas aux arguments du conseil concernant l’évaluation par la SPR des lettres d’adhésion pour le 519 (The 519) et la Coalition de personnes noires pour la prévention du sida (Black Cap) ainsi que des photos de l’appelant assistant au défilé de la fierté.

[41] La SPR a noté que l’appelant avait présenté une lettre d’adhésion générique provenant de The 519 laquelle précise que l’appelant s’est joint à l’organisme et a rempli une évaluation des besoins en septembre 2019. La SPR a déclaré que la lettre ne contenait pas de renseignements sur l’appelant ou sur son orientation sexuelle et que n’importe qui pouvait se joindre à The 519, y compris les personnes qui ne se définissent pas comme lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers et intersexes plus (LGBTQI+). La SPR a conclu ce qui suit :

[traduction] Compte tenu des préoccupations relatives à la crédibilité mentionnées précédemment, de la nature générale de la lettre, qui ne contient pas de renseignements sur l’orientation sexuelle du demandeur d’asile, le tribunal estime que la lettre ne permet pas, selon la prépondérance des probabilités, d’établir le bien-fondé des allégations du demandeur d’asile au sujet de son orientation sexuelle.48

[42] La SPR a tiré une conclusion semblable concernant la lettre de Black CAP :

[traduction] Même si le demandeur d’asile s’est joint à Black CAP et s’est présenté comme un homme bisexuel à son coordonnateur de l’établissement des réfugiés, le tribunal a déjà établi, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur d’asile n’avait pas été en mesure de démontrer l’existence des relations qu’il entretenait au Nigéria. Par conséquent, le fait que l’appelant ait invoqué ces relations pour se présenter comme un homme bisexuel à Black CAP ne permet pas, selon la prépondérance des probabilités, d’établir le bien-fondé de ses allégations.

[43] La SPR estime que les photos prises au défilé de la fierté n’ont pas non plus permis, selon la prépondérance des probabilités, d’établir que l’appelant est bisexuel :

[traduction] Le demandeur d’asile a présenté des photos de lui-même au défilé de la fierté. Le défilé de la fierté gaie est un événement ouvert qui célèbre les personnes LGBTQI+. Il s’agit d’un événement ouvert et inclusif pour tous. Une personne n’a pas besoin de faire partie de la communauté LGBTQI+ pour y participer. Par conséquent, le fait de participer au défilé de la fierté ne permet pas, selon la prépondérance des probabilités, d’établir que le demandeur d’asile est bisexuel.

[44] J’estime que la SPR n’a pas commis d’erreur. Des lettres montrant que l’appelant est membre d’un organisme ouvert aux membres de la communauté LGBTQI+ et aux gens qui les appuient et une autodéclaration à un coordonnateur, ainsi que des photos prises lors d’un événement ne permettent pas, selon la prépondérance des probabilités, d’établir le bien-fondé des allégations selon lesquelles l’appelant est un homme bisexuel. J’estime vexatoire l’argument selon lequel la SPR a écarté les éléments de preuve parce qu’elle avait jugé que l’appelant n’était pas digne de confiance. La SPR n’a pas jugé que l’appelant n’était pas digne de confiance, mais que les principales allégations de sa demande d’asile manquaient de crédibilité. Je ne vois aucune preuve de partialité et j’estime que la SPR n’a pas écarté les éléments de preuve, comme il est prétendu.

[37] Il était loisible à la SAR de tirer ces conclusions d’après le dossier dont elle disposait et celles-ci ne révèlent aucune erreur ou faille fondamentale. Il me semble que l’objection du demandeur n’est qu’un simple mécontentement à l’égard du résultat. Après avoir examiné l’affaire, je rejette la demande du demandeur visant à ce que j’apprécie à nouveau le dossier, cette fois en sa faveur.

C. Les Directives sur l’OCSIEG

[38] Dans le même ordre d’idées, le demandeur soutient que la SAR a commis une erreur dans son application et son évaluation des Directives sur l’OCSIEG. Il affirme que la SAR a d’abord commis une erreur en concluant que la déclaration générale faite par la SPR au début de la décision était suffisante pour conclure que les Directives sur l’OCSIEG avaient été suivies. Je suis tout à fait d’accord pour dire que de telles déclarations sont insuffisantes, qu’elles soient faites au début ou à la fin de la décision ou qu’elles soient mises entre crochets.

[39] Cependant, le dossier dont dispose la Cour dans le cadre du présent contrôle judiciaire contient beaucoup d’informations.

[40] La SAR a exposé et examiné les observations du demandeur de façon très détaillée. Elle a conclu qu’elles n’étaient pas fondées. En toute déférence, je ne suis pas convaincu que la SAR a commis une erreur susceptible de contrôle à cet égard. Dans son examen relativement long, la SAR a raisonnablement (à mon avis) conclu ce qui suit :

[46] [...] La SPR était consciente de la pertinence des Directives sur l’OCSIEG et elle a mentionné expressément au début de sa décision que les Directives sur l’OCSIEG seraient suivies au cours de l’audience et qu’elles seraient prises en compte dans la décision finale. De plus, j’ai écouté l’audience de la SPR et j’ai examiné la transcription, et je ne suis pas d’accord pour dire que la commissaire de la SPR n’a pas respecté les Directives sur l’OCSIEG. J’estime que les questions posées par la SPR sont appropriées et que les omissions et les incohérences dans la preuve ont été traitées avec respect. J’estime que la commissaire de la SPR a posé des questions appropriées à l’appelant, d’une manière qui était nécessaire pour l’obtention de renseignements, qu’elle a évité les erreurs courantes que les Directives sur l’OCSIEG cherchent à prévenir, et qu’elle a évalué les éléments de preuve d’une manière conforme aux Directives.

[41] Il est également courant de faire observer, comme le soutient le défendeur, que l’application appropriée des Directives sur l’OCSIEG n’empêche pas un tribunal administratif de tirer des inférences négatives. Les observations du demandeur ne reposent sur aucun autre fondement.

D. Analyse indépendante de la décision de la SPR

[42] Le demandeur soutient également que la SAR a commis une erreur en [traduction] « approuvant d’office la décision de la SPR sans effectuer sa propre analyse indépendante ». Il renvoie aux décisions Gomes c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 506, et Ajaj c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 928).

[43] En toute déférence, les arguments présentés au dossier en l’espèce sont dénués de fondement. Il me semble au contraire que la SAR, après avoir examiné le dossier, a tiré ses propres conclusions de fait indépendantes, a souscrit à l’opinion de la SPR selon laquelle le témoignage du demandeur n’était pas crédible et a jugé que sa preuve était déficiente. Le demandeur ne s’est acquitté du fardeau qui lui incombait ni devant la SPR, le décideur de première instance, ni devant la SAR dans le cadre de son appel. Un désaccord avec le résultat ne signifie pas qu’il y a une erreur susceptible de contrôle.

VIII. Conclusion

[44] En prenant du recul, la SAR a appliqué la jurisprudence contraignante et a examiné les conclusions de la SPR en fonction de la norme de la décision correcte, comme l’exige la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Huruglica c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 93. Je ne suis pas convaincu que la SAR a commis une erreur susceptible de contrôle. Par conséquent, la présente demande sera rejetée.

IX. Question à certifier

[45] Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale, et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-415-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant : le contrôle judiciaire est rejeté, aucune question de portée générale n’est certifiée et aucuns dépens ne sont adjugés.

« Henry S. Brown »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-415-22

 

INTITULÉ :

OMONIYI ABDULFATAI YUSUF c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 FÉVRIER 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

DATE DES MOTIFS :

LE 8 FÉVRIER 2023

COMPARUTIONS :

Ariel Hollander

POUR LE DEMANDEUR

Idorenyin Udoh-Orok

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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