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Date : 20221102

Dossier : IMM-4215-21

Référence : 2022 CF 1499

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 2 novembre 2022

En présence de monsieur le juge Andrew D. Little

ENTRE :

WEIJUN DING

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur a présenté à la Cour une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés (la SAR) datée du 26 mai 2021. Le demandeur prétend que la décision est déraisonnable selon les principes énoncés dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 RCS 653.

[2] Dans sa décision, la SAR a rejeté un appel interjeté à l’encontre de la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (la SPR). La SPR et la SAR ont toutes deux conclu que le demandeur n’avait donc pas la qualité de personne à protéger au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[3] Le demandeur est un citoyen chinois. Il était président, directeur général et actionnaire principal d’une entreprise ayant emprunté de l’argent à un taux d’intérêt élevé auprès de prêteurs privés. Lui et son ex-épouse étaient cosignataires des documents de prêt. L’entreprise n’a pas pu rembourser l’argent emprunté.

[4] La SAR a déclaré que le demandeur craint « de retourner en Chine, car il croit que les prêteurs auprès desquels il a un prêt à l’entreprise en retard se sont assuré le concours du Bureau de la sécurité publique (BSP) pour le persécuter conjointement ». La demande d’asile du demandeur était fondée sur son témoignage et des éléments de preuve documentaire, dont une citation à comparaître (ou sommation) du BSP datée du 17 septembre 2018.

[5] La SAR a conclu que, dans l’ensemble, la décision de la SPR était correcte. La SAR a d’abord examiné un certain nombre d’erreurs alléguées dans la décision de la SPR qui avaient été soulevées par le demandeur. Cependant, elle a conclu que la question déterminante en appel était l’argument du demandeur selon lequel « les liens du [BSP] avec les usuriers ainsi que le fait qu’il est poursuivi par le [BSP], comme en témoigne la citation à comparaître du 17 septembre 2018, appuient l’allégation centrale selon laquelle il est exposé au risque […] à son retour en Chine ».

[6] Dans son analyse, la SAR a conclu que, dans l’ensemble, le demandeur n’était pas crédible. Elle a convenu avec la SPR que le témoignage du demandeur au sujet de la délivrance et de la réception de la citation à comparaître « était vague, compte tenu de l’importance de ce document et de l’insinuation selon laquelle le [BSP] est toujours à sa poursuite ». La SAR a conclu que le témoignage du demandeur était vague, changeant et insuffisamment crédible pour ce qui est de la manière avec laquelle il avait obtenu la citation à comparaître, puisqu’il se trouvait déjà au Canada lorsque celle-ci avait été délivrée.

[7] La SAR a conclu que la citation à comparaître du BSP était frauduleuse compte tenu de nombreuses divergences, tant sur le plan de la forme que sur celui du contenu, entre celle-ci et les spécimens figurant dans le Cartable national de documentation sur la Chine. Dans la citation à comparaître, il était question de dispositions inapplicables de la législation chinoise. En outre, la citation à comparaître avait été délivrée le jour même où le demandeur devait comparaître; la SAR a jugé qu’il n’était pas crédible que le BSP l’ait déposée dans la boîte aux lettres des parents du demandeur plutôt que de la lui remettre en mains propres.

[8] L’implication du BSP étant « intimement liée » aux allégations du demandeur d’asile, la SAR a jugé que la SPR avait eu raison de conclure que le demandeur n’était pas crédible.

[9] La présentation d’un faux document a mené la SAR à conclure que la crédibilité des autres documents déposés à l’appui de son appel était compromise.

[10] La SAR a conclu que le demandeur n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour établir le bien-fondé de son appel. La SPR a conclu que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger aux termes de la LIPR.

[11] Dans le cadre de la présente demande, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable consiste en une évaluation empreinte de déférence et rigoureuse qui vise à établir si la décision de la SAR est transparente, intelligible et justifiée : Vavilov, aux para 12, 13 et 15. L’examen de la Cour doit porter à la fois sur le raisonnement suivi et l’issue de la décision : Vavilov, aux para 83 et 86. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, en particulier aux para 85, 99, 101, 105-106 et 194.

[12] Pour contester le caractère raisonnable de la décision de la SAR, le demandeur a soulevé deux questions principales (et liées).

[13] Premièrement, le demandeur a soutenu que la décision de la SAR était déraisonnable, parce qu’elle ne tenait compte que de la menace du BSP et qu’elle avait été tirée sans égard à la menace distincte que posaient les prêteurs ainsi que les truands qui agissaient en tant qu’hommes de main de ces derniers. Le demandeur a fait valoir qu’il craignait les menaces des deux agents de persécution et que la SAR avait fait abstraction de l’une d’entre elles. Le demandeur a présenté des éléments de preuve concernant le harcèlement et les menaces à son encontre et à l’encontre de sa famille de la part des prêteurs et des truands, lesquels étaient, selon lui, suffisants pour justifier une décision favorable quant à sa demande d’asile.

[14] Lors de l’audience devant la Cour, le demandeur a fait référence à des passages de son témoignage portant sur des menaces proférées par des truands qui n’impliquaient pas le BSP, ainsi qu’à l’observation qu’il avait formulée devant la SPR à l’égard du fait qu’il craignait les menaces de la part de criminels et du BSP. Selon cet argument, la SAR a commis une erreur en concluant que les menaces étaient inextricablement liées. En ignorant la preuve par ailleurs crédible relative à la menace que posaient les truands et en se concentrant uniquement sur la citation à comparaître du BSP, la SAR a failli au devoir qui lui incombait d’examiner et d’évaluer le bien-fondé de la persécution que le demandeur craignait subir aux mains des truands. Le demandeur s’est appuyé sur le passage suivant tiré de la décision Zoja c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1079, au para 19 :

À mon avis, la Commission a porté son attention uniquement sur la partie de la demande relative à un conflit de longue date avec une autre famille. À cet égard, la Commission était en droit de conclure que la preuve des demandeurs à ce sujet n’était pas crédible. Toutefois, elle avait également le devoir de considérer les autres motifs présentés par les demandeurs et d’examiner leur bien‑fondé. L’absence de force probante de la preuve des demandeurs relative au conflit n’était pas digne de foi n’autorisait pas la Commission à ne pas considérer les autres motifs. Comme je l’ai exposé dans Joseph c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 548, au par. 11 :

Le Tribunal doit se garder de rejeter une demande d’asile parce qu’il ne croit pas certaines parties du témoignage du demandeur ou des éléments de preuve qui ne touchent pas l’essentiel de la demande. Parfois, le demandeur peut embellir son récit ou oublier certains détails secondaires. Il est déraisonnable pour le Tribunal de rejeter une demande seulement parce qu’il estime que des preuves en marge de l’affaire ne sont pas crédibles ou fiables. Même si le Tribunal conclut que certains éléments de preuve ne sont pas crédibles, il doit poursuivre son analyse pour déterminer s’il subsiste des éléments de preuve crédibles étayant le bien‑fondé d’une crainte de persécution.

[15] La deuxième observation du demandeur se rapporte au raisonnement de la SAR ayant mené au rejet de tous ses éléments de preuve. Peu après l’audience de la SPR, le demandeur a présenté des éléments de preuve supplémentaires, notamment une lettre de son ex-épouse en Chine. Le demandeur a affirmé qu’elle était également recherchée en raison de la dette. Ils ont divorcé pour tenter de la protéger des menaces qui pesaient sur eux. La lettre contenait des renseignements qui étayaient sa position et qui fournissaient une description de certains événements ayant eu lieu après que le demandeur eut quitté la Chine pour le Canada, notamment des menaces à l’encontre de l’épouse du demandeur et de leur fille.

[16] La position du demandeur devant la SAR était que la SPR avait commis une erreur parce qu’elle n’avait pas admis la lettre comme preuve tout en se fondant sur celle-ci pour mettre en doute sa crédibilité. Dans sa décision, la SAR a conclu que la lettre, « qu’elle [ait été] acceptée ou non », n’était pas déterminante et que toute erreur de la SPR n’avait aucun effet sur l’issue de l’appel.

[17] Devant la Cour, le demandeur a soutenu que la SAR avait commis une erreur en ne formulant aucune conclusion explicite quant à l’admissibilité de la lettre. Selon le demandeur, la SAR a également commis une erreur en jugeant que ses deux conclusions, à savoir que la lettre n’était pas déterminante tandis que la citation à comparaître ainsi que la poursuite par le BSP l’étaient, lui permettaient de rejeter tous les éléments de preuve qu’il avait présentés. Le demandeur a fait valoir qu’il y avait des éléments de preuve crédibles qui n’étaient pas liés à la citation à comparaître du BSP et qui étayaient la menace posée par les truands à son égard; selon le demandeur, ces éléments de preuve auraient dû être examinés, mais ne l’ont pas été. Le demandeur a fait référence aux messages texte menaçants qu’il avait reçus juste avant son départ pour le Canada et juste après son arrivée au pays.

[18] Le défendeur a souligné les nombreux motifs soulevés par la SAR pour conclure que la citation à comparaître du BSP était frauduleuse. Le défendeur a relevé la conclusion de la SAR selon laquelle la citation à comparaître frauduleuse avait mené à la formulation de conclusions générales quant à l’absence de crédibilité du demandeur et de ses documents, et la conclusion générale de la SAR selon laquelle le demandeur n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour établir le bien-fondé de son appel.

[19] Le défendeur a soutenu qu’il existait des éléments de preuve liant les prêteurs et ses truands au BSP; il a relevé que, lors de l’audience de la SPR, le demandeur avait déclaré que les agents du BSP faisaient [traduction] « partie des truands » et étaient impliqués dans la protection des prêteurs.

[20] Pour les motifs qui suivent, je juge que la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[21] Premièrement, les conclusions générales de la SAR concernaient la crédibilité du demandeur. La SAR a pris en compte le témoignage du demandeur devant la SPR qui visait à étayer sa demande d’asile présentée au titre de la LIPR. La SAR a convenu avec la SPR que le témoignage du demandeur était « vague » en ce qui concerne la délivrance et la réception de la citation à comparaître du BSP et que le demandeur avait « modifié » son témoignage pour ce qui est de la façon dont il l’avait obtenue pendant qu’il était au Canada. Ces conclusions ont amené la SAR à conclure que le témoignage du demandeur n’était « pas suffisamment crédible ». Les observations que le demandeur a présentées devant la Cour n’ont pas permis de remettre en cause ce raisonnement.

[22] La SAR a analysé la forme et le contenu de la prétendue citation à comparaître du BSP et elle a conclu qu’elle était frauduleuse. Le demandeur n’a pas contesté la conclusion de la SAR sur ce point.

[23] La SAR a conclu que la citation à comparaître frauduleuse minait la crédibilité des autres documents sur lesquels le demandeur s’est fondé à l’appui de son appel. La SAR a déclaré que la présentation, par le demandeur, d’un document faux ou comportant des irrégularités peut avoir une incidence sur le poids accordé aux autres documents qu’il produit, en particulier lorsqu’il s’agit de documents interreliés (citant Uddin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 451 au para 10). Le demandeur n’a pas fait valoir que la SAR avait commis une erreur de droit par cette déclaration. Celle-ci reflétait la jurisprudence récente : Jiang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 572, au para 40.

[24] La SAR a conclu que la preuve produite par le demandeur n’était pas suffisamment crédible pour que son appel soit accueilli. Le demandeur n’a pas démontré l’existence d’une erreur susceptible de contrôle qui se rapporte à ces aspects du raisonnement de la SAR.

[25] Deuxièmement, je ne suis pas d’avis que la SAR ait fait preuve d’un zèle excessif ou qu’elle ait été exagérément minutieuse dans son examen de la preuve et de la crédibilité du demandeur. L’accent mis sur la citation à comparaître du BSP n’était pas sans pertinence, périphérique ou de nature marginale dans le cadre de la demande d’asile présentée par le demandeur. L’approche de la SAR ne portait pas atteinte aux principes établis dans des décisions telles que Lubana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116 au para 11 et Jamil c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 792 au para 24 (citées par le demandeur). Voir également la décision Sellathambi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1227 et la jurisprudence citée dans la décision Shi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 196 au para 53.

[26] Troisièmement, j’estime que je ne dispose pas d’une preuve suffisante pour intervenir au motif que la SAR aurait dû prendre en considération la crainte du demandeur d’être persécuté ou maltraité par les prêteurs ou les truands, indépendamment de toute menace émanant du BSP. Pour que l’argument du demandeur soit accueilli, il aurait fallu que la SAR se soit livrée à une mauvaise interprétation de la nature de sa demande d’asile ou à une mauvaise appréciation des éléments de preuve dont elle disposait. Les observations du demandeur ne m’ont pas convaincu que la SAR a commis une telle erreur, compte tenu de la manière dont le demandeur a qualifié sa demande, du contenu de l’exposé circonstancié de son formulaire Fondement de la demande d’asile ainsi que de son témoignage devant la SPR, de même que de ses positions devant la SPR et la SAR. Dans l’ensemble et à la lumière des conclusions mentionnées ci-dessus qui ne sont pas contestées ou qui s’avèrent raisonnables, je ne suis pas convaincu que la preuve et la position du demandeur faisaient en sorte que la SAR était dans l’obligation d’examiner s’il subsistait des éléments de preuve fiables quant à l’existence d’une menace de la part des prêteurs et des truands, au sens de la décision Zoja.

[27] En substance, la demande d’asile présentée par le demandeur au titre de la LIPR avait trait à des menaces émanant de prêteurs, de truands et du BSP en Chine. Au cours de l’audience devant la Cour, les deux parties ont fait référence à des parties bien précises de la transcription de l’audience devant la SPR pour soutenir leurs positions respectives sur l’inclusion, ou l’absence d’inclusion, des menaces que le demandeur affirmait craindre.

[28] Lors de l’audience de la SPR, on a demandé au demandeur pourquoi il craignait de retourner en Chine. Le demandeur a déclaré ce qui suit : [traduction] Il y a le BSP et une pègre semblable à celle du crime organisé qui m’ont recherché et qui sont associés à l’affaire des prêts d’argent de personne à personne ». Lorsqu’on lui a aussitôt demandé si le BSP était à sa recherche, il a répondu : « Oui ». Il a confirmé qu’une citation à comparaître lui avait été délivrée après son départ de la Chine.

[29] L’exposé circonstancié du formulaire Fondement de la demande d’asile du demandeur fait état de deux prêts; il fournit une description des tentatives faites en juillet et août 2018 par le premier prêteur et deux truands pour obtenir le remboursement du premier prêt ainsi que par les actionnaires du second prêteur et le BSP pour obtenir le remboursement de l’autre prêt. En ce qui concerne le premier prêt, l’exposé circonstancié du demandeur indique que deux truands sont venus le voir en juillet 2018 pour exiger le remboursement d’un prêt et que ces derniers l’ont ensuite surveillé jour et nuit. Le demandeur a commencé à dormir ailleurs qu’à son domicile pour protéger sa famille. En ce qui concerne le deuxième prêt, deux actionnaires du prêteur et un fonctionnaire du BSP se sont présentés à son bureau au début du mois d’août pour exiger un remboursement, et le fonctionnaire du BSP a menacé de porter des accusations de fraude contre lui s’il ne procédait pas au remboursement.

[30] L’exposé circonstancié du demandeur indique qu’à la mi-août, les deux truands (soit ceux liés au premier prêt) se sont rendus sur le lieu de travail de son épouse pour lui demander ses papiers. Lors de l’audience de la SPR, le demandeur a déclaré que les truands avaient menacé son épouse et tenté de la forcer à rembourser le prêt avec son propre argent, et qu’ils avaient continué à la poursuivre (ainsi que leur fille) de la sorte, y compris jusqu’à la tenue de l’audience. Il a indiqué qu’ils ne pouvaient pas vivre avec les parents de son épouse, puisque les truands pouvaient repérer l’emplacement de la maison en raison de la présence de membres du BSP en leur sein. (Au cours de son témoignage devant la SPR, le demandeur a utilisé le terme « truands » de manière interchangeable pour désigner les membres du crime organisé associés aux prêteurs.)

[31] Lorsqu’on lui a demandé si les agents du BSP figuraient parmi les truands, le demandeur a répondu : [TRADUCTION] « Certainement… certainement oui ». Il a déclaré que les prêteurs se mêlaient aux activités de la pègre et que la police (c’est-à-dire le BSP) intervenait pour protéger les prêteurs (qui accordaient des prêts à des taux d’intérêt très élevés).

[32] Lors de l’audience de la SPR, on a également demandé au demandeur pourquoi un agent du BSP s’était rendu à son bureau accompagné de deux prêteurs également actionnaires au début du mois d’août 2018. Il a donné plusieurs réponses. Il a d’abord indiqué qu’une section ou un bureau du BSP était responsable de maintenir l’ordre social, mais a renchéri en affirmant ceci : [traduction] « Cependant, certains de ces agents du BSP qui sont associés aux prêts de personne-à-personne ou aux truands sont toujours très activement impliqués dans la présente affaire ». Le demandeur a ensuite indiqué que [traduction] « cet agent du BSP était en fait un actionnaire » du prêteur ayant accordé le second prêt et qu’il était un membre de l’entreprise, ce qui expliquait pourquoi il s’était présenté à son bureau à ce moment-là. Le commissaire de la SPR a demandé pourquoi le BSP s’impliquerait dans une affaire (soit le remboursement du deuxième prêt) et pas dans une autre (pour lui venir en aide lorsque les truands lui ont rendu visite en juillet 2018). Le demandeur a répondu que le BSP était intervenu parce qu’il y avait des troubles sociaux dans la ville où se trouvait cet agent du BSP en raison des prêts de personne-à-personne, de la faillite des emprunteurs et de l’incapacité des emprunteurs à rembourser l’argent emprunté.

[33] Il est vrai que la demande d’asile du demandeur comportait des éléments de preuve concernant deux prêts et que le ou les agents du BSP semblent avoir été davantage impliqués dans la tentative de recouvrement du second prêt que du premier. Cependant, selon le témoignage du demandeur, ce dernier craignait le BSP, les prêteurs d’argent criminels, leurs hommes de main et les agents du BSP impliqués dans les activités des prêteurs et des truands. Au cours de l’audience, le demandeur a déclaré que les agents du BSP faisaient [traduction] « partie des truands »; le demandeur a fait cette déclaration lors d’une discussion portant sur les truands liés au premier prêt qui tentaient de localiser son épouse et sa fille (ou peut-être sur les truands qui les recherchaient relativement aux deux prêts en général).

[34] Je relève également que le demandeur n'a pas demandé, que ce soit dans ses observations à la SPR ou la SAR, que les menaces soient examinées séparément ou qu’une distinction manifeste ne soit établie entre ces menaces. Les observations que le demandeur a présentées après l’audience de la SPR faisaient état des faits contenus dans l’exposé circonstancié de son formulaire Fondement de la demande d’asile qui se rapportaient principalement aux prêteurs et aux truands, mais elles ne comportaient pas de précisions sur le témoignage supplémentaire qu’il avait fourni lors de l’audience. Les observations présentées à la SPR faisaient référence au risque que représentaient pour le demandeur [traduction] « non seulement les criminels, mais aussi le BSP », ce qui ne permet pas de trancher la question en l’espèce. Dans ses observations présentées à la SAR, le demandeur a déclaré que le fait d’être [traduction] « cité à comparaître par le BSP signifie, de toute évidence, qu’on est recherché par le BSP », ce qui constituait une [traduction] « preuve solide » qu’il était exposé à un risque au sens de la LIPR.

[35] Compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire, je conclus que le demandeur n’a pas démontré que la SAR a commis une erreur susceptible de contrôle en n’examinant pas la preuve qui se rapporte aux menaces formulées par les prêteurs et les truands séparément de la preuve qui se rapporte aux menaces formulées par le BSP. Ainsi, la SAR n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle en n’appliquant pas le passage tiré de la décision Zoja, cité ci-dessus, à la présente affaire.

[36] Enfin, la SAR a conclu que la preuve additionnelle qui avait été soumise après l’audience de la SPR (la lettre de l’épouse du demandeur) n’était pas déterminante quant à l’issue de l’appel, tandis que l’existence de la citation à comparaître frauduleuse du BSP que le demandeur avait produite à l’appui de sa demande d’asile était un élément de preuve déterminant. Compte tenu de l’analyse ci-dessus, la SAR pouvait raisonnablement tirer ces deux conclusions.

[37] Par conséquent, la demande sera rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier en vue d’un appel, et aucune question ne sera énoncée.

JUGEMENT dans le dossier IMM-4215-21

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel aux termes de l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

vide

« Andrew D. Little »

vide

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4215-21

 

INTITULÉ :

WEIJUN DING c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 MARS 2022

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE A.D. LITTLE

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 2 NOVEMBRE 2022

 

COMPARUTIONS :

Jack Martin

POUR LE DEMANDEUR

 

Aleksandra Lipska

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

D. Clifford Luyt

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

David Joseph

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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