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Date : 20230119


Dossier : IMM-7188-21

Référence : 2023 CF 82

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 19 janvier 2023

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

ALDO GARCIA FLORES

MARGARITA SARAHI LUNA SALAZAR

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] M. Aldo Garcia Flores (le demandeur principal) et son épouse Margarita Sarahi Luna Salazar (collectivement, les demandeurs) sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission). Dans cette décision, la SAR les a déboutés de leur appel de la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de rejeter la demande d’asile qu’ils avaient présentée au Canada en tant que réfugiés au sens de la Convention ou en tant que personnes à protéger au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi).

[2] Les demandeurs sont des citoyens du Mexique et résident à Guadalajara. Le demandeur principal a présenté une demande d’asile sur la base de la crainte d’être persécuté par le cartel de Jalisco Nouvelle Génération (le CJNG). Il a soutenu que ce groupe avait assassiné son père, qui était avocat, et d’autres membres de son cabinet juridique en 2008. Il a déclaré qu’en 2014, lorsque son frère et lui ont cherché à obtenir des renseignements sur les meurtres de 2008, son frère et son oncle ont été assassinés.

[3] En 2015, le demandeur principal a abandonné ses études en droit et a suivi une formation de pilote.

[4] En 2017 et 2018, le demandeur principal a visité le Canada. Il n’a pas demandé l’asile à ce moment-là. Il est retourné au Mexique.

[5] Les demandeurs se sont mariés le 31 août 2019 au Mexique. Le lendemain du mariage, une tête de cochon et une couronne mortuaire adressées au demandeur principal ont été livrées au domicile de son épouse.

[6] Le demandeur principal a rapporté ces incidents à la police, qui lui a conseillé de quitter le pays. Les demandeurs ont quitté le Mexique et sont arrivés au Canada en septembre 2019. Ils ont déposé leur demande d’asile le 14 novembre 2019.

[7] La SPR a rejeté la demande d’asile au motif que les demandeurs avaient une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Campeche et à Mérida, au Mexique. La SAR a confirmé cette conclusion après avoir examiné le dossier de la SPR et refusé d’admettre des documents présentés par les demandeurs en tant que nouveaux éléments de preuve.

[8] Les demandeurs prétendent maintenant que la SAR a refusé de façon déraisonnable d’admettre de nouveaux éléments de preuve et a déraisonnablement conclu qu’ils disposaient d’une PRI à Campeche et à Mérida.

[9] Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) fait valoir que la décision de la SAR était raisonnable, tant en ce qui concerne le refus d’admettre de nouveaux éléments de preuve que sur le fond de la demande d’asile des demandeurs.

[10] La décision de la SAR est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, suivant l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, [2019] 4 RCS 653.

[11] Dans l’examen du caractère raisonnable, la Cour doit se demander si la décision faisant l’objet du contrôle « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci » : voir Vavilov, précité, au para 99.

[12] À mon avis, la question déterminante dans la présente demande de contrôle judiciaire est la conclusion de la SAR au sujet de la PRI.

[13] Selon la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706, aux pages 710 et 711, le critère servant à établir l’existence d’une PRI comporte les deux volets suivants :

  • Premièrement, la Commission doit être convaincue qu’il n’y a pas de possibilité sérieuse que le demandeur d’asile soit persécuté dans la PRI envisagée;
  • Deuxièmement, il doit être objectivement raisonnable de s’attendre à ce que le demandeur d’asile cherche refuge dans une autre partie du pays avant de demander l’asile au Canada.

[14] Afin d’établir qu’une PRI est déraisonnable, le demandeur doit démontrer que la situation à l’endroit proposé comme PRI est telle que le fait de se rendre à cet endroit ou de s’y installer pourrait mettre en péril sa vie et sa sécurité : voir Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 aux p 596-598 (CA).

[15] L’argument des demandeurs selon lequel la SAR a commis une erreur dans la conclusion qu’elle a tirée à l’égard du premier volet du critère de la PRI est convaincant.

[16] La SAR a conclu que le CJNG n’avait ni les moyens ni la motivation de retrouver les demandeurs étant donné qu’il n’avait pas cherché à attaquer la mère du demandeur principal. Cette conclusion est déraisonnable, car, à mon avis, la preuve ne l’étaye pas.

[17] Il n’est pas nécessaire que je traite la conclusion tirée par la SAR à l’égard du second volet. De plus, il n’est pas nécessaire que je traite les arguments concernant le refus de la SAR d’admettre de nouveaux éléments de preuve.

[18] À mon avis, la conclusion de la SAR en ce qui a trait au premier volet du critère de la PRI est déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision de la SAR sera annulée et l’affaire sera renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision. Il n’y a aucune question à certifier.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-7188-21

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Section d’appel des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié est annulée, et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision. Il n’y a aucune question à certifier.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7188-21

INTITULÉ :

ALDO GARCIA FLORES ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 NOVEMBRE 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :

LE 19 JANVIER 2023

COMPARUTIONS :

Elisabeth Arcila

POUR LES DEMANDEURS

Aleksandra Lipska

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Arcila Immigration Law

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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